J’ai pris le temps de la réflexion avant de commenter le texte présenté par Benoît Hamon sur l’égalité réelle.
Les textes précédents n’étaient certes pas parfaits, mais ils m’ont moins navrés que celui-ci, et je ne pense pas être le seul dans ce cas.
En quoi ce texte est-il particulier ?
Tout d’abord, pour le social-démocrate que je suis, le concept d’égalité réelle recouvre quelque chose de sans doute plus sensible que pour un militant d’un autre courant puisque c’est quelque chose que nous portons depuis plusieurs années (voir ici le texte écrit par Dominique Strauss-Kahn pour la fondation Jaurès en 2004) et c’est quelque chose que nous aurions aimé voir défendu en 2007. Ce ne fut pas le cas et si nous sommes plutôt heureux que ce thème soit repris aujourd’hui, c’est parce que nous en attendons beaucoup de choses nouvelles, originales, puissantes, capables de mobiliser les Français et de les sortir de leur abattement. Et force est de constater qu’avec le texte présenté par Benoît Hamon, nous sommes plutôt dans l’accumulation brouillonne, la collection et non dans l’ambition à l’assaut des montagnes.
Qu’est-ce que l’égalité réelle ? C’est le constat que l’égalité que nous considérons comme un de nos plus importants idéaux ne réussit pas finalement à être au niveau attendu, malgré tous nos efforts. Une des explications est qu’un certain nombre d’éléments structurels conditionnent nos destins, conditionnent les échecs des populations les plus défavorisées en particulier. Or, donner au départ les mêmes éléments à tous (égalité) ne permet pas de corriger ces biais structurels, ce qui fait qu’à l’arrivée l’égalité ne peut jamais être atteinte. Il y a derrière cela aussi l’idée que l’égalité de tous doit être mise en rapport avec l’équité de chacun, ou de façon concrète qu’il faut donner plus à ceux qui ont moins pour espérer arriver au même point (égalité réelle).
Je n’aime d’ailleurs pas trop l’expression “d’égalité réelle” parce qu’elle a quelque chose de bizarre (c’est un peu comme en amour, aimer plus ou bien, c’est moins qu’aimer) et parce que cela recouvre des choses trop complexes pour être correctement exprimées dans la communication politique qui est la nôtre, mais je suis convaincu de l’importance du concept et de la réalité que cela recouvre.
Et que lit-on dans le texte d’Hamon ? Une introduction mal écrite qui surfe sur des poncifs suivie par une collection d’éléments, dont certains sont importants et pertinents, mais je le répète, sans force directrice, sans innovation. Autant j’étais heureux de voir l’idée d’égalité réelle retravaillée pour le PS par son aile gauche (n’est-ce pas là où l’on est censé trouver la révolte, l’impertinence, le mouvement, la contestation ?), autant on se retrouve à l’arrivée avec une sauce plate, qui plus est polluée de vieilleries avec une pointe de mauvaises habitudes.
Je comprends mieux pourquoi ce texte a reçu si peu de soutiens jusqu’ici.
Pour ma part, je ne me vois pas voter pour lui, ce texte est trop décevant alors que l’enjeu est si grand. Par contre, je n’ai pas encore décidé si j’allais m’abstenir ou voter contre.
M’abstenir c’est envoyer un signal d’avertissement sans pour autant que cela soit repris de façon politicienne pour remettre le bazar au PS, mais c’est un peu lâche et tiède, ce que je reproche justement à ce texte.
Voter contre serait exprimer mon impatience d’une révolte constructive de l’intelligence au sein du PS, la volonté de sortir des vieilleries et des poncifs, et aussi de demander à ce que les militants et sympathisants soient plus et mieux associés à la réflexion de ces textes, et pas simplement appelés à les enregistrer. La refondation en passe aussi par là.
Je vais donc échanger avec mes camarades (Pierre Moscovici a d’ailleurs déjà présenté des contre-propositions) avant de me décider. Ce qui est sûr, c’est que pour l’heure je ne suis pas content de l’image et du contenu de ce texte. Il est plus que temps pour tous les dormeurs de se réveiller. Il est plus que temps de sortir de la contestation conservatrice pour passer à la refondation créatrice.
Les Français n’attendent pas un catalogue de mesures, même si certaines sont plus que largement souhaitables, ils n’attendent pas une soupe tiède sortie du vieux chaudron socialiste, ils attendent des réponses à des défis gigantesques, ils attendent l’architecture d’une nouvelle société capable d’enfin atteindre nos idéaux, à commencer comme ici par l’égalité réelle entre tous les citoyens.
Nous n’avons pas le droit d’être médiocre, ou même simplement vaguement bon. L’histoire de la France est exceptionnelle, notre destin ne peut pas être tiède.
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Références :
* “Pour l’égalité réelle Éléments pour un réformisme radical“
* “Refondations, PS, Socialisme et Social-démocratie, Le dormeur doit se réveiller“
* “Refondations, PS, Socialisme et Social-Démocratie Les Défis“