Le temps de l’e-militant

L’ifop a publié il y a quelques temps une étude sur la campagne électoral sur le net pour la présidentielle 2007 (échantillon de 1004 internautes représentatifs, enquête réalisée entre le 23 et le 26 octobre 2006).

Les résultats

Deux tiers des internautes se disent intéressés par l’e-campagne, mais près de la moitié s’en disent non satisfaits (46% contre 27% de satisfaits). Cette (in)satisfaction est très inégale en fonction des préférences politiques. Les internautes socialistes s’estimant eux satisfaits à 46%.
On peut tenter ici une analyse. L’approche UMP de l’e-campagne a été plutôt encadrée (kit internet de campagne, portails, … par exemple) alors que l’approche au PS (hors Désir d’avenir peut-être) a été beaucoup plus autonome et permettant des créations spontanées pour un événement (DSK à la Rochelle) ou originales ( Vlog politique, la web TV de DSK).
Une première hypothèse pourrait être de dire que les internautes acteurs ressentent une plus grande satisfaction que les internautes colleurs d’affiche, voir trolls.

Ph. RIS

Aller sur le site d’un parti n’intéresse jamais 64% des internautes, visionner une interview politique jamais à 70%, visiter un blog politique encore moins à 72%. Quand aux argumentaires et autres tracts, 78% n’en veulent vraiment pas !
De façon lapidaire, on peut constater que sur le web, on aime discuter politique mais pas dans un cadre politique avec des politiques ! La liberté de ton est recherchée sur les blogs politiques (56%) ainsi que les infos inédites (42%).

40% des internautes utilisent le web comme source d’information politique, mais vont chercher cette info principalement sur les sites institutionnels de la presse écrite ou radio. Internet semble donc réaliser une synthèse entre facilité d’accès, disponibilité lorsque le besoin se fait ressentir et pérennité (mémoire).

La confiance dans ce qui est diffusé par le web semble faible 21%, la télévision étant privilégiée. Ce résultat me semble surprenant et à contre-courant du fantasme très répandu “on nous ment, la vérité est ailleurs”. A voir…

Le web semble un moyen de se réapproprier sa citoyenneté : 46% des internautes disent avoir une activité politique par ce moyen, mais ce citoyen est plutôt un homme qui a passé la trentaine, éduqué (61% ont au minimum le bac), et plutôt à gauche.

Conclusion

Internet élargit l’agora politique et comble une partie du fossé entre l’élu et l’électeur, probablement parce que le citoyen peut se réapproprier une partie du débat politique en se transformant en militant. Une partie de ces e-militants se sont effectivement mués en militants au sein des grands partis, mais il n’est pas sûr que les deux populations se fondent totalement l’une dans l’autre.
– pour des raisons de temps : une simple réunion dans le monde « solide » nécessite des heures alors qu’un échange sur internet touche beaucoup plus de monde en beaucoup moins de temps
– pour des raisons de psychologie : tous les citoyens ne sont pas des orateurs d’exception, des extravertis prêts à sillonner tous les marchés de France
– pour des raisons de liberté : il y a un gouffre entre la formation et l’encadrement militant au sein d’un parti et la liberté quasi totale de l’internaute.

Enfin, si le web donne un nouveau souffle à l’expression citoyenne, elle ne permet pas encore de guérir les maux de notre démocratie, et elle n’est pas majoritaire, c’est à dire capable à lui seul de faire basculer une élection (par contre, internet a sans doute joué un grand rôle pour l’organisation et le déroulement des primaires PS) :
– les classes habituellement défavorisées restent pour l’instant coincées sur le login d’accès à l’agora
– on voit déjà poindre des possibilités de manipulation hoax, marketing viral politique, invasion de trolls, spam, …)
– le web n’a pas encore assez de force pour contrecarrer fortement les manipulations classiques, mais il a un incontestable rôle d’éducation et de vigilence.

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