“La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on peut saisir l’impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité.”
Cette phrase n’est pas un extrait d’un texte de Dominique Strauss-Kahn à l’époque où il écrivait “365 jours” et que son leitmotiv était “lutter contre le renoncement”, il ne s’agit pas non plus d’un romantique texte sur la quête de l’impossible, non, il s’agit d’un appel à la révolte de neuf de nos concitoyens antillais.
Et pour quoi se révoltent-ils ? La gloire et la richesse ? Non, juste pour le nécessaire : avoir les moyens de subvenir à leurs besoins de base autant qu’avoir les moyens de s’émanciper de sa condition d’individu et prendre toute sa place, sociale, intellectuelle, spirituelle dans le concert des citoyens.
Que de fois j’ai défendu une telle position ici ! Comme cette phrase “Il est donc urgent d’escorter les « produits de premières nécessités », d’une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d’une « haute nécessité »” fait écho à celles sur les services publics garantissant gratuitement un niveau minimum des besoins vitaux des citoyens (”protectionnisme et agitationnisme“, “vive le protectionnisme“, ou même le déjà ancien “O.U.I à la social-démocratie française : outils, utopie, idéologie“).
“Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l’imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l’esprit. (…). Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « Marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l’instrumentalisant de la manière la plus étroite.”
Comme j’aimerais entendre ces mêmes paroles venant d’un cadre de Solférino. Nous avons oublié que le verbe du poète a une portée autrement plus grande et profonde que celle du spécialiste. Nous devons retrouver la formule de l’alliage de ce verbe poétique et de l’équation de l’ingénieur.
Cet appel n’est pas qu’un exotique épiphénomène se limitant à la situation des îles d’outre-mer. Certes les auteurs de ce texte l’ont conçu dans un contexte mélant créolité, société post-esclavagiste, isolement économique. Mais au-delà de ce contexte, comme ils ont tord de ne pas s’élever au-dessus des certitudes de la pensée métropolitaine ! Leur combat pour les besoins vitaux des citoyens est aussi le notre ! Leur combat pour une société économiquement responsable et équitable, écologiquement refondée est aussi le notre !
Descendants des esclaves des îles lointaines, les métropolitains ont besoin de vous pour se libérer de leurs propres chaînes faites de conformisme, de peur, de paresse, de lassitude et oui, de renoncements. Vos békés ont un visage, les nôtres n’ont qu’une ombre que nous refusons d’éclairer.
“Alors voici notre vision : Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d’être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s’inscrit dans l’horizontale plénitude du vivant“.
Cette vision, je la veux mienne. Amis de France, les fils des esclaves montrent le chemin aux fils des lumières.