Refondations, PS, Socialisme et Social-démocratie
Le dormeur doit se réveiller
Introduction
Les défis démographique, climatique, énergétique, la dématérialisation contraignent notre société en profondeur et nous obligent à faire évoluer notre vision de la société, nos priorités, nos choix.
La société d’après-guerre a été construite sur une volonté farouche de protection en réaction à la guerre, protection qui impliquait collectivement les citoyens dans leur effort et promettait en retour les bienfaits d’un état voulu comme providentiel.
La démographie, la psychologie, le sens de l’histoire, le dynamisme de la reconquête économique permettaient de mettre en œuvre cet élan collectif coordonné.
D’abord questionné par les soubresauts de notre histoire contemporaine, les années que nous venons de passer ont fini d’achever ce modèle : privilégiant l’individu, renonçant à toute vision collective de l’avenir, renonçant à agir sur le marché et le destin commun au nom de la société tout entière, ces années ont fait exploser le risque et augmenté le niveau d’irresponsabilité jusqu’à l’accident de 2008 qui n’est que le résultat d’une accumulation de défaillances d’un modèle de société qui n’avait guère évolué sinon par son affaiblissement progressif.
La défaillance des outils et les errements qui en découlent ne marquent cependant pas la défaillance des idéaux proclamés par le Conseil National de la Résistance qui avaient pour ambition (extraits) :
Assurer :
- l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel
la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
le respect de la personne humaine ;
l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;
Promouvoir les réformes indispensables :
a) Sur le plan économique :
- l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
b) Sur le plan social :
- le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
la garantie du pouvoir d’achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ; l
la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance conte les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
c) Sur le plan éducatif :
- La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
On le voit à la relecture de cette liste d’objectifs, nombre d’entre eux ont été atteints avec succès, mais certains sont marqués du sceau de l’échec, échec en partie dû à l’évolution historique de notre société. L’État providence semble bien mort, la justice immanente de la main invisible du marché a failli, il faut trouver un autre paradigme, un nouveau modèle de société qui tire les leçons des succès et échecs passés.
La certitude et le risque : utopie sociale
Nous sommes passés d’un modèle de certitudes (l’État sera là pour vous) à un modèle de dénuement devant le risque (l’État ne peut pas tout et les moyens laissés à l’individualisme menacent les fondements même de la société).
Notre société qui voulait pallier tous les risques a abouti à les rendre absolument incontrôlables. L’État qui décide, contrôle et met en œuvre doit se muer en État qui calcule les risques, les prévoit, les prévient, les encadre, et répare en dernier ressort.
L’État « assureur »
Au nom de l’intérêt commun des citoyens, l’État doit mettre en œuvre des éléments destinés à
analyser les risques vitaux
- supprimer autant que faire se peut tous les risques vitaux pour le citoyen et la société
décourager autant que faire se peut tous les risques excessifs pour le citoyen et la société
décourager autant que faire se peut toute absence de prise de risque raisonnable de chaque citoyen
encourager autant que faire se peut toute prise de risque raisonnable dans le sens du progrès des citoyens et de la société.
Les risques vitaux citoyens sont entre autres :
- ne pouvoir subvenir à ses besoins alimentaires
ne pouvoir être en mesure de se soigner correctement
ne pouvoir se protéger ou être protégé des agressions
ne pouvoir se loger
ne pouvoir accéder à un minima énergétique
ne pouvoir fonder et faire prospérer une famille
ne pouvoir accéder à l’information
ne pouvoir recevoir une instruction nécessaire pour gagner sa vie (tout au long de sa vie) ou participer à la vie sociale
ne pouvoir s’exprimer ou être entendu pour tous les choix concernant la société
Par risque raisonnable, nous entendons les risques qui permettent d’améliorer sa condition et la condition de ceux dont on est responsable sans ce cela entraîne des conséquences majeures et irréversibles sur d’autres en cas d’échec.
Ce paradigme de l’État assureur évite à la fois la lâcheté ou le mysticisme qui consiste à laisser le destin de la société aux mains du seul marché et l’illusion qui consiste à croire que l’État est en mesure de prendre les meilleures décisions sur tout et partout.
Le système d’assurance, déjà présent dans les outils sociaux (assurance chômage, maladie, …) induit une solidarité de tous envers chacun, et laisse à chacun la possibilité de prendre les risques qu’il juge bons à l’intérieur d’un cadre général. Il s’agit donc de faire évoluer l’idée qui sous-tend ces outils et d’aboutir à un système plus efficace est surtout pérenne.
L’État « assurance vie »
Dans notre quotidien, travailler c’est à la fois gagner sa vie et « être socialement reconnu ». Ceci explique que lorsque l’on n’a plus de travail, être indemnisé ne suffit pas ou que certains acceptent parfois volontairement de travailler même en dessous d’une rémunération équitable.
Cette double identité du travail induit un certain nombre de choses.
Elle divise notre vie en quatre phases (« je me prépare à travailler », « je travaille », « je suis en retraite » plus une phase accidentelle qui est celle de l’invalidité). Le problème posé ici est que ce découpage n’est financé que par la deuxième phase et que dans la situation démographique et sociale actuelle, il n’est plus finançable sans induire des tensions sociales insoutenables (il faut aller prendre l’argent chez « l’autre », qui forcément ne sera pas moi). Il n’est pas pérenne.
La situation actuelle est dramatique dans toutes les phases de la vie :
« je me prépare à travailler » mais je sais que mes chances de le faire dans des conditions acceptables sont faibles
« je travaille » mais le sens de mon travail est de plus en plus faible et mon salaire insuffisant pour progresser et pour financer la solidarité
« je suis en retraite » ou « au chômage » ou en « invalidité » mais ceci est financé en partie par l’impôt (service public) ou l’emprunt (secteur privé) et n’est pas viable.
Le travail ne pouvant financer de façon pérenne le système, on peut toujours songer à aller ponctionner le capital, mais dans un monde globalisé où nous n’avons qu’un faible pouvoir, voire dans un monde où le capital nécessaire aux moyens de production est en train de diminuer rapidement face à une économie émergente de services, cela a encore moins de chances d’aboutir que dans les différentes expériences menées pendant le XXème siècle.
Il faut donc trouver autre chose. Or la richesse, immense, atteinte par notre société nous permet de déconnecter la nécessité de satisfaire nos besoins élémentaires de la nécessité de travailler. Il est envisageable de refondre notre système d’aides ciblées devenu inefficient à force de complexité et de contestation, par un système unique dont l’objectif est de subvenir universellement aux besoins élémentaires de chaque citoyen. Nous proposons de travailler sur l’introduction progressive d’une Allocation Citoyenne Universelle (ACU) qui est un contrat entre l’État et le citoyen et garantit à tout âge, qu’aucun citoyen ne se retrouvera dans une situation d’indigence, indigne de son humanité et de sa citoyenneté. Cette allocation en partie en nature, varie en fonction de l’âge, de la pédiatrie à la gérontologie, de l’école primaire à la formation continue, du transport gratuit à une aide financière lorsqu’un bien ou un service ne peut être délivré, elle a pour objet de répondre aux besoins et non plus de fournir en numéraire les moyens palliatifs du manque.
Quoi qu’il arrive, l’État garantit à chacun qu’il ne descendra pas au-dessous d’un seuil de niveau de vie critique. Une telle mesure, outre le progrès de civilisation qu’elle introduit, se veut aussi une formidable source de confiance, la possibilité de prendre des risques raisonnables, d’entreprendre, de se développer personnellement.
Ce faisant, les besoins satisfaits par l’ACU n’ont plus à être financés par les seuls revenus du travail, les caisses chômage, invalidité ou de retraite. Ils ne proviennent plus des salaires, mais
des économies réalisées en remplaçant le système complexe actuel d’aides par un système universel plus simple et plus efficient,
par une fiscalité réformée en profondeur
et enfin par un système type assurance vie générant un rendement (plutôt que de financer a posteriori par l’impôt ou l’emprunt, on finance a priori par une collecte dégageant des profits).
Enfin, l’ACU pourra lui-même être facilité par une évolution profonde des infrastructures, en particulier celles liées à l’urbanisme.
L’ACU est un horizon utopique qui doit guider les réformes sociales de notre société.
(à suivre)