Que dire qui n’ait pas été déjà dit sur cette affaire consternante ?
Chaque jour voit apparaître une nouvelle page à ce feuilleton, mais finalement, on ne sait pas grand chose de plus que ce que nous savions au tout début ; il existe une formidable machine de blanchiment d’argent qui ne semble pas devoir être inquiétée par quiconque et, les élections présidentielles approchant, cela est devenu une merveilleuse opportunité de générer une affaire de manipulation politique contre les prétendants gênants.
Difficile de savoir qui manipule qui d’ailleurs, et je me contenterai de constater que certains en tirent ou pensent en tirer profit, alors que d’autres ne peuvent que se demander ce qu’il font dans cette galère. Mon mépris ira aux premiers et, au nom d’une certaine idée de la probité, mon soutiens aux seconds car je refuse l’idée détestable du “de toute façon ils sont tous pourris et il n’y a pas de fumée sans feu”.
Je ne suis pas naïf, mais je veux croire à la justice et à la probité en politique aussi.
Mais au-delà de l’actualité plus ou moins immédiate, j’y vois, une fois de plus, le symptôme d’un dysfonctionnement structurel de la république et du système d’équilibrage des pouvoirs. Encore une fois, nous pataugeons dans la mélasse de l’énarquie (au gouvernent certes, mais aussi du côté industriel et très probablement des réseaux d’influence).
L’ENA, en tant qu’école de pensée, était censée alimenter le personnel chargé de l’entretien et du fonctionnement des rouages de l’état, ce qui est logique et bon. Par un péché originel (M-F Garaud situe cela en 1974 avec l’arrivée de V. Giscard d’Estaing), ces personnes sont sorties de leur condition “d’honnêtes et médiocres serviteurs de l’état” pour accéder au monde grisant du pouvoir et des projecteurs. Et ceci s’est fait de façon hégémonique, sans contre-pouvoir ou garde-fou. Aujourd’hui, formant l’aristocratie républicaine, cette école de pensée contrôle l’état, le pouvoir exécutif (qui lui-même a phagocyté le judiciaire et “godillotisé” le législatif), les médias (par son antichambre qu’est sciences-po), et s’est étendue au gouvernement des grandes sociétés françaises.
Ceci aurait pu être bénéfique si les hommes et les femmes de cette castes étaient restés d’humbles serviteurs de la nation et si nous n’avions eu besoin que de gérer ou d’optimiser l’existant, mais cette lamentable affaire ClearStream illustre avec fracas l’impossibilité de ne pas péter les plombs lorsque l’on dispose de tous les pouvoirs et qu’aucun censeur n’est là pour vous rappeler à l’ordre, voire vous mettre sur la touche. Qui plus est, la situation générale du pays exige la mise en œuvre de mutations structurelles très importantes : gérer l’existant et totalement insuffisant.
On sortira sans doute de l’opacité politique autour de ClearStream, mais j’ai peu d’espoir pour le volet financier. Quant au fonctionnement de l’état et des grandes sociétés françaises, j’ai beaucoup de mal à croire à la possibilité de réformes structurelles et encore plus à leur efficacité. Louis XVI était très probablement un type honnête et instruit, mais il a été indispensable de le raccourcir pour faire comprendre à l’aristocratie de l’époque que les choses ne pouvaient pas continuer en l’état.
Si quelqu’un connaît une façon moins radicale de procéder, il serait bon qu’il s’exprime avant que le bon peuple ne s’amuse plus de la situation.