Déni soit qui mal y pense…

L’élection 2007 sera sur bien des points profondément différente des trois précédentes, au minimum.

Différente parce qu’à l’exception de Jean Le Pen (c’est son vrai nom) et à moins d’une improbable résurrection de J. Chirac, nous en aurons fini avec la classe politique qui s’agrippait au pupitre depuis 40 ans. On peut parier sans grand risque que le futur président sera cinquantenaire, ce qui est aujourd’hui synonyme de jeunot…

Différente surtout parce que pour la première fois depuis plus de trente ans, nous n’avons pas le choix de l’immobilisme.
J’ai déjà exposé à plusieurs reprises les bouleversements structurels qui, quoi qu’il arrive et quel que soit le président de 2007, feront entrer la France dans le XXIème siècle avec force, sinon fracas. Fracas du choc énergétique induit par la fin, non pas des réserves de pétrole, mais d’un marché un minimum gérable (plus qu’une hausse continue, il faut s’attendre à des pics spéculatifs suivis d’effondrements puis de remontées tout aussi imprévisibles et spectaculaires, de plus en plus fortes, de plus en plus rapides). Et à la différence des précédents chocs, celui-ci aura un caractère définitif. Tout programme politique ignorant ou faisant mine d’ignorer ce problème pourra sans aucun doute être identifié comme inique ou mensonger.

La première rupture énergétique (1973) avait eu pour conséquence de nous plonger dans plusieurs décennies de chômage massif. Aujourd’hui, la nature de notre dépendance énergétique a profondément changé et la technologie est à même de pallier beaucoup des inconvénients d’un pétrole cher ; la France s’est dotée d’une énorme capacité d’énergie non pétrolière, les TIC permettent si nécessaire de s’affranchir des besoins de transport et les énergies palliatives ne demandent qu’à trouver une ouverture pour prendre le relais.
Mais si une rupture énergétique bien gérée ne devrait normalement pas induire de violentes conséquences sociales, la démographie, elle, s’en charge. La génération des papy boomers avait revendiqué avec force sa volonté de prendre à leur compte la France de leur parent pour la “libéraliser”.

L’heure de la retraite annonçant celle de l’inventaire, ils sont hélas face à un triste bilan. La France de leur jeunesse revendicative était celle des trente glorieuses, faite d’une prospérité et d’un bonheur conformiste certes, mais prospérité tout de même. La France qu’ils laissent est celle d’une prospérité menacée à la fois par les dettes sur laquelle elle a été bâtie, mais aussi par la destruction du contrat intergénérationnel. Leurs petits enfants acceptent de moins en moins ce que leurs enfants ont accepté, et on ne peut que les comprendre.
Ce changement est lui aussi inévitable : un des plus puissants verrous social va sauter, quoi qu’il arrive, mais il me semble probable qu’une source de déni du changement soit là.

Ce basculement inévitable entraîne fatalement la prise de conscience d’un bilan peu flatteur et il est psychologiquement facile alors de dire que l’on désire ce changement et de le refuser en choisissant un conservateur ou une conservatrice : le changement oui, mais pas “comme cela”, pas “pour nous”. Les institutions sont à l’agonie, mais elles sont garantes de notre système social. La France est endettée mais les retraites non financées ont été gagées sur une dette supplémentaire à venir. L’ère du pétrole s’achève mais rares sont ceux qui acceptent dès aujourd’hui de rouler avec des performances et un confort moindre.
Face à ces contradictions, nombreux sont les candidats du dénis : quoi de mieux qu’un énarque pour être sur de prolonger l’agonie de la Vème république ? Quoi de mieux que de dénoncer des éléments extérieurs tels la mondialisation pour faire l’impasse sur des problèmes qui ne concernent que nous (les retraites et la dette) ? Quoi de plus efficace pour affronter une nouvelle que le recours aux vieilles recettes ou à l’opposé à des galimatias débridés picorés çà et là dans la littérature et enrobsé par une bouffée d’émotions d’autant plus vive qu’on sait parfaitement que cela ne tient pas la route.

Et la raison, que dit-elle ? Si nous continuons à accumuler des dettes, nous prendrons le même chemin que l’Argentine il y a quelques années.
Si nous n’anticipons pas la fin du pétrole, beaucoup d’entre nous irons à pied.
Si nous ne restaurons pas des institutions saines, nous basculerons dans l’anarchie puis la dictature. Et si nous n’anticipons pas rapidement la rupture climatique, c’en sera fini d’une nation plus que millénaire. Oui, une élection bien différente en vérité. Heureusement, je suis d’une nature optimiste.

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