Août 2009.
J’aime bien la maxime suivante, quand il ne reste plus rien, il reste le courage et les convictions.
En cette période de rentrée politique, il me semble qu’elle est un excellent point de départ pour nos travaux de refondation et qu’elle pourrait servir de phare pour éclairer le port de l’université d’été de La Rochelle. Contrairement aux années précédentes, je crois que l’idée de changement n’est plus le mot que l’on utilise pour dire aux autres combien ils sont has been, mais bien celui que la majorité des militants est prête à s’appliquer à elle-même. Que le chemin fut long pour en arriver là, et comme le parti a résisté, jusqu’au psychodrame de Reims, pour ne pas voir la réalité en face, pour dépasser les mots, pour aller plus loin que “oui mais pas cela”, “oui chez vous mais pas chez moi”.
Changer n’est jamais facile, alors que dire lorsqu’il faut abandonner un paquebot naguère conquérant et confortable pour s’attaquer à la construction d’un navire résolument nouveau, nécessairement innovant, où rien de tangible n’est encore visible, où seuls prévaudront les talents des architectes, l’habilité des constructeurs, et un jour prochain, le panache du capitaine.
Mais le chemin de la refondation sera long, et s’il y aura urgence à répondre à la convocation des Français, il n’y en a aucune à créer un grand n’importe quoi mal ficelé. Ce chemin commence par sortir de l’émotion immédiate qui nous a jeté dans la recherche illusoire du sauveur. Oh certes, il aurait été divinement agréable de trouver maman ou papa pour régler tous les problèmes, mais dans ce monde réel, nous sommes adultes, responsables et, en qualité de socialistes, nous savons depuis longtemps que les chances de survie et de succès sont bien plus élevées par l’union, l’addition des talents, que par l’arrivée deus ex machina du sauveur. Alors oui, nous avons de nombreux talents, mais tous ces talents doivent contribuer au succès, collectivement et quitter le costume mal taillé de Zorro se transformant en Cosette une semaine sur deux.
L’union n’est pas le seul pré-requis à notre renaissance. Il nous faudra questionner profondément nos convictions, comprendre pourquoi elles ont échoué à nous faire gagner, comprendre pourquoi elles ne sont pas devenues une évidence pour tous, comprendre pourquoi certains d’entre nous se sont accommodés d’arrangement avec elles.
La démocratie est notre idéal. L’avons-nous si bien appliquée ? L’avons-nous si bien défendue ? N’a-t-on pas renoncé à essayer d’aller au-delà ?
La République est notre référence ? Mais n’est-elle pas morte cette République ? Ne l’avons-nous pas laissée lentement dériver vers d’étranges pratiques ? Comment la faire renaître elle aussi ?
Avons-nous réussi à concilier liberté individuelle et égalité collective ? N’avons-nous pas doublement échoué à combattre l’individualisme et à empêcher le naufrage individualiste de nos sociétés ? Avons-nous dépassé l’échec de l’égalité collectiviste qui a abouti à l’oppression sans nom des peuples ? Quel point d’équilibre entre individu et société proposons-nous ?
L’idée social-démocrate de la régulation économique ne s’est-elle pas imposée sans nous ? Avons-nous vraiment admis qu’il faut être là où se décident les choses (FMI, OMC, BCE, …) pour être en capacité d’agir ? Notre vision de l’économie, bien que plébiscitée par les faits, n’est-elle pas en fait déjà dépassée ? Qu’est-ce que le capital dans un monde qui se dématérialise à grande vitesse ? Comment créer de la richesse avec les mécanismes de l’économie de la gratuité ?
Ne devons-nous pas également faire table rase de nos réflexes sociaux pour reconstruire un équilibre plus juste, plus pérenne, qui ne réduise pas nos vies en trois phases, apprentissage, production, retraite, mais qui considère un tout fait de continuité dans l’alternance, de changement continu normal et maîtrisé, un équilibre où les services publics sont des relais, des secours, des accélérateurs, des réparateurs, le liant d’un projet commun cohérent et identifié ?
Enfin, nous avons découvert que nos sociétés étaient contraintes par un monde fini, vivant, plus fragile que nous le pensions. Mais ne serions-nous pas en train de tomber dans la vision simpliste de l’écologie du rayon bricolage ? Les questions se résument-elles à la production de carbone, à quelques éoliennes et une citerne pour récupérer l’eau ? Qu’est-ce que la propriété d’un écosystème ? Quelle est la limite de transformation de ces écosystèmes ? Devons-nous nous limiter à subir le destin imposé par la déesse nature ou doit-on défendre, là aussi, l’émancipation des sociétés dans le respect des équilibres certes, mais en gardant notre volonté et notre liberté d’action.
J’ai trop peu de réponses à donner à toutes ces questions, et c’est tant mieux car pas plus que les autres, je ne peux écrire à moi seul le nouveau volume qui éclairera le chemin des années à venir. Mais je ne doute pas que nous soyons maintenant prêts à l’écrire, ensemble, parce que nous saurons questionner nos convictions et que nous avons le courage de construire un monde meilleur pour nos enfants.