Refondation ou rénovation ?

L’été a mieux fini qu’il n’a commencé si l’on en juge par l’université d’été de La Rochelle. Alors qu’il avait débuté sur un concert de snipers tirant sur la taulière, il s’est termine sur une agréable brise marine en Charente Maritime. Martine Aubry est légitimée et à défaut d’avoir des débats enfin sereins, nous sommes arrivés à discuter un peu plus de choses sérieuses et pérennes, et en particulier de l’idée de primaires plus satisfaisantes, démocratiques et ouvertes que celles de 2006. Ouf !

Maintenant, essayons de passer, avec conviction et cohérence, à un vrai débat effectivement clivant au sein du PS. Les socialistes, et ceux qui se reconnaissent de ses valeurs, doivent-il se contenter de repeindre la maison et changer la tuyauterie (travaux de rénovation) ou doivent-ils aller bien au-delà et rebâtir intégralement l’édifice en n’ayant pour seul guide de départ que nos valeurs communes, et encore en en faisant l’inventaire critique (travaux de refondation) ?

Rénover est une tâche relativement simple dont la nature peut être illustrée par les débats sur les primaires ouvertes qui finalement est un débat technique prenant comme point de départ une volonté de mettre en place un mécanisme démocratique et représentatif de désignation au sein d’un des deux grands partis de gouvernement français. Mais malgré les apparences, cela n’a rien de trivial : l’UMP ne pratique absolument pas une approche démocratique de désignation, quant au PS, jusqu’ici même s’il en avait envie, il ne l’a pas fait de façon très orthodoxe.

Je suis profondément refondateur mais cette étape de rénovation ne me choque pas, à condition qu’elle soit bien une étape et que l’on ne s’arrête pas là car je pense que le problème n’est pas seulement un besoin ponctuel lié à notre capacité de gagner des élections, mais bien un enjeux déterminant pour l’avenir même du PS, de la République et de notre société. Nous retrouvons ici tous le sens profond et noble de l’action politique : nous ne parlons pas de plan de carrière mais de la façon de guider la collectivité dans les années à venir.

La refondation est d’abord un questionnement profond de nos valeurs : nous sommes démocrates, bien évidemment, mais les chemins de traverses que nous avons acceptés de prendre au sein de notre parti ne nous empêchent-ils pas de vraiment nous indigner lorsque d’autres s’arrangent avec les règles démocratiques de la République. Et si nous arrivons finalement si mal à propager universellement ces mêmes valeurs, n’est-ce pas parce qu’avec une trop faible exemplarité nous perdons une partie de notre crédibilité ? Être démocrate c’est aussi bien être exemplaire dans l’action politique que conscient de l’extrême péril représenté par des adversaires qui utilisent des armes moins respectueuse de l’avis des autres, voire de la majorité. L’exemplarité et la morale sont des armes puissantes si l’adversaire ne peut s’en revendiquer.

Et encore, cet exemple ne concerne-t-il que notre parti, mais notre incapacité à donner de la crédibilité à l’idée d’une VIème République, de lui donner du corps, n’est-il pas le reflet d’un formatage des esprits, ou encore d’un agréable pantouflage dans les meubles de la vieille Vème ? Quel est le sens de l’attachement à cette République pourtant dépouillée de nombre de ses principes fondateurs et victime de pratiques détestables (qu’elle est loin l’égalité des citoyens depuis que le Président a rejoint la caste des intouchables, qu’elle est devenue source de moquerie la séparation des pouvoirs en ces temps où la justice finit d’être mise au pas, où un président devenu omnipotent décide et dirige – sans toute fois assumer – la politique de l’État) ? Pantouflage que l’on retrouve encore lorsqu’il s’agit de cumul de mandats (la République est bonne mère) ou que l’on contemple médusé le mode de scrutin foncièrement anti-démocratique du sénat.

Ce sens de cet attachement, c’est tout simplement le conservatisme, ou au minimum un réformisme beaucoup trop timoré, trop convenu, qui ose si souvent se travestir derrière un « réformons oui, mais pas comme cela » sans que le « comme cela » soit un jour exposé de façon crédible. Ce conservatisme qui emprunte tous les mots de la réforme, ment de façon éhontée s’il le faut, mais ne change jamais rien. Et quel merveilleux exemple que celui de la taxe carbone. Regardez-les tous ces conservateurs au verbe vertueusement écologique et Grenellehulot compatible : « il faut changer, il faut faire bouger les choses, l’avenir de la planète est en je(u) ». Quelle lamentable comédie en vérité lorsqu’à l’annonce d’une taxe pourtant peu révolutionnaire (et dont le mécanisme pollueur/payeur a montré combien il était efficace par exemple avec la politique des bassins fluviaux), on les voit se précipiter pour nous trouver mille et une raisons, la main sur le cœur et la générosité chevillée à l’âme ou au porte-monnaie selon les cas, mille et une raisons pour ne rien faire, une fois encore : « oui, mais pas une taxe ». Comment alors ? Bien sûr qu’il faut veiller à ce que cette taxe s’applique équitablement à tous, particuliers riches ou pauvres, entreprises publiques ou privées. Et sans doute cette taxe de consommation devra-t-elle être réutilisée en l’injectant dans le système pour favoriser les investissements vertueux (n’était-ce d’ailleurs pas le sens de la taxe/bonus CO2 en place pour soutenir l’activité automobile ?) et bien évidemment financer la recherche. Enfin pour en finir avec cette taxe, il est clair que ce n’est qu’un outil d’actualité : sur le fond, notre politique écologique ne doit pas seulement être défensive (luttons contre) mais belle est bien la source d’un nouvel alliage écologie-social-économie-modèle de développement.

Par le passé, j’ai déjà exprimé ma différence avec les écologistes sur les motivations différentes qu’il existe en eux et nous. Mais sur la mise en place rapide d’un mécanisme qui réoriente avec force le trajet d’une société qui va droit à sa perte, alors je suis en total accord avec eux. Et si l’on doit combattre ici pour plus de justice, c’est pour veiller à ce que les mesures prises pèsent sur chacun à hauteur de ses moyens, et en aucun pas pour trouver une façon cynique de trouver un moyen de détruire un mécanisme permettant (peut-être) de nous en sortir. Et si vous doutez de l’urgence, si vous doutez de l’incroyable irresponsabilité des vieux conservateurs de la Vème République, je vous invite à visionner ce petit reportage de France 3 sur le retour de Tara après sa mission au pôle. Selon les scénarios les plus pessimistes évoqués nous n’aurions même pas quatre ans pour constater la bascule climatique de façon spectaculaire au pôle nord.

Le prochain président que nous élirons sera celui qui combattra en notre nom l’une des pires menaces que nos sociétés aient eu à affronter : il se doit d’être réformateur, profondément et radicalement réformateur. Alors le moment est venu de se demander s’il faut appeler le peintre pour ravaler la façade ou si nous devons nous lancer dans un programme de refondation à la hauteur de l’enjeu : la survie de notre société. A défaut, le liquidateur actuel de l’Elysée sera parfait dans le rôle de fossoyeur.

NB : ce texte a été soumis à discussion avant publication.

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