Chers concitoyens, j’ai du mal à comprendre comment vous fonctionnez quand il s’agit de voter.
Lorsque je vais au café du commerce entre deux élections, tout le monde semble d’accord sur le fait que le niveau de nos politiques n’est pas à la hauteur de la tâche à accomplir, qu’ils n’en font qu’à leur tête sans jamais écouter le bon peuple, et la lamentable histoire du CPE qui vient de s’achever est un excellent exemple d’autisme entre petits marquis. Que n’a-t-on pas entendu sur la pensée unique, sur l’isolement de ceux qui décident, sur ces aristocrates qui nous gouvernent ? Dont acte.
Le problème est que, lorsque je retourne à ce même café du commerce à l’approche des élections, non seulement le débat se résume à une guerre de positions sur des poncifs aussi vieux que la république, mais les débateurs acharnés se précipitent pour choisir un candidat, naguère médiocre et redevenu flamboyant par la magie d’une aliénation du jugement critique, et deviennent à leur tour autistes, incapables de disséquer rationnellement les propos et qualités des uns et des autres.
Il n’est plus question d’idées (aux moins celles compréhensibles par un cerveau normalement constitué), plus question de projets à construire (des routes, des centrales, des hôpitaux ou des vaisseaux intergalactiques), plus question de compétences (aura-t-on besoin d’un gestionnaire, d’un économiste, d’un sociologue, d’un capitaine affrontant la tempête), plus question de vertu (tous pourris paraît-il donc pourquoi en chercher un de vertueux ?), plus question de l’avenir de nos enfants, non, rien de tout cela. Tout un chacun se prépare à reconduire le même raisonnement que la fois précédente, à reconduire le même système de pensée qui fabrique les clones de la Vème république.
Les spots, les paillettes et les couvertures des magazines people prennent largement le dessus sur tout autre aspect, quitte à dégénérer en échanges d’invectives comme on a pu le voir avec nos cousins italiens ; se présente à l’agora médiatique, un défilé de bonimenteurs dont certains seront adoubés par le vote du public à condition d’avoir l’air sympa, l’air conquérant, l’air rassurant, l’air proche de vous… ou tous les airs à la fois. Profil type de l’escroc : séduire en flattant le gogo avant de partir avec ses économies et ses illusions.
Gogo, mon frère du café du commerce, il est plus que temps d’être pour une fois rationnel et raisonnable, de se choisir un président qui a une chance de savoir gérer les catastrophes économiques à venir, de comprendre à temps l’impact des bouleversements climatiques et écologiques, d’avoir l’attention indispensable pour construire le monde des générations les plus jeunes et à venir.
Imaginez-vous dans un navire en perdition alors que se présente un canot de sauveteurs : un seul pourra monter sur votre bateau, les autres devront repartir. C’est à vous de choisir qui montera ; il serait bon de se souvenir que si les réussites ne sont jamais obtenues a priori, les incompétents ne font jamais illusion dans la tempête. Dommage, nous sommes sur le bateau en perdition…