Mehlang Chang : Un hoax criant de vérité

Lorsque la désinformation nous éclaire sur notre état…

Dans la galaxie des bobards internet, je viens de tomber sur un hoax qui a la particularité d’être criant de vérité et c’est pourquoi, alors que je passe une partie de mon temps à me battre contre la rumeur sur internet, je relaie celui-ci.
Mes concitoyens, il est plus que temps de réagir pour que ce film ne devienne pas une réalité !

Qu’est-ce qu’être « de gauche » ? Mélenchon, Royal et DSK

Pour essayer de contrer l’attente qui monte des Français depuis plusieurs mois déjà, ses adversaires politiques de gauche pensent avoir l’argument imparable qui tue : DSK ne serait pas de gauche (sous-entendu, donc la gauche ne peut pas le choisir et voter pour lui).
Il semble que deux groupes en particulier se soient appropriés cet argument : la gauche que j’appelle radicale dont Jean-Luc Mélenchon semble devoir devenir le héraut, et certains royalistes semblant ne pas accepter la décision de Ségolène Royal de ne pas se présenter contre Dominique Strauss-Kahn en 2012.

Au-delà du positionnement tactique de chacun, il est intéressant de se demander ce qu’est être de gauche avant de jeter l’anathème sur tel ou telle.

Adoptant la méthodologie d’un bon étudiant à l’esprit ouvert, je me suis d’abord intéressé à ce que les autres répondaient à cette épineuse question.

Une étude TNS Sofres de 2005 en France posant à 1000 personnes la question « Pour vous, être de gauche, aujourd’hui, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce cela veut dire ? » a montré que :
– 27% des gens de gauche ont répondu : « Le social : “faire du social”, “faire plus de social” »
– 17% des gens de gauche ont répondu : « Le dialogue, l’ouverture, l’écoute : “être à l’écoute des citoyens, des hommes, des individus”, “c’est prévoir, c’est le dialogue” »
– 12% des gens de gauche ont répondu : « L’aide aux plus fragiles : “aider les plus démunis”, “aider le peuple”, “aider les pauvres” »

→ social, dialogue, écoute, prévoir, aider

Du point de vue économique

Être de gauche, c’est être anti-libéral, notion très vague finalement dans l’esprit des gens, mais qui peut se résumer à un refus de la liberté totale du marché, voire pour certains secteurs refuser la marchandisation. Suivant les tendances, cela signifiera refuser une quelconque liberté du marché (gauche révolutionnaire) avec des nuances qui aboutiront à l’autre bout du spectre, à une régulation du marché, régulation déterminée par l’intérêt général (position social-démocrate). Naturellement, pour la gauche révolutionnaire, la social-démocratie sera considérée être à droite (et affublée du doux nom de social-libéralisme).

En ayant une considération particulière vis à vis des plus faibles, la gauche se veut plus morale que la droite dont la finalité économique est d’abord de permettre à l’individu de réussir même si cela signifie que les plus faibles perdent. La révolte contre l’injustice est une attitude classique, la volonté de réforme en est une conséquence. À la notion de justice sociale, la droite répondra plutôt par la notion de charité, acte individuel là encore.

→ agir sur le marché dans le sens de l’intérêt collectif, réformer

Être de droite en matière économique c’est d’abord n’entraver en rien le marché, ni par la réglementation, ni par l’impôt. Le marché doit être « pur », il existe une justice immanente (« la main invisible du marché »).

→ liberté absolue, laisser-faire le marché

Du point de vue « référentiel mental »

A gauche on se réfère à la famille en tant que groupe, au cadre social, à la société citoyenne, l’individu est largement contraint par son environnement. L’individu est d’abord un citoyen qui a des droits et des devoirs vis à vis du groupe.
L’homme de gauche veut agir avec force sur son environnement pour le changer et améliorer le sort de chacun, en particulier des plus faibles.

Du point de vue individuel, le combat de gauche est d’abord celui de l’émancipation et la construction de la possibilité d’un choix libre et éclairé : c’est en ce sens que l’éducation a un sens très important pour l’idéologie de gauche. L’émancipation permet également à l’homme de gauche d’être et d’agir potentiellement en dehors de la décision d’un pouvoir politique.
Cette émancipation permet également à l’homme de gauche de ne pas être contraint par sa naissance. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon «On a connu de grands bourgeois de gauche et des prolétaires d’extrême droite. Bien sûr, la condition sociale joue un grand rôle dans la perception de l’existence, mais on ne peut pas réduire un homme à cela. »

→ l’individu se définit par rapport au groupe, émancipation, agir et réformer le groupe

À droite on se réfère à l’individu qui est seul arbitre de ses choix, et au chef (ce qui est un peu paradoxal). Le chef est le représentant de l’ordre : l’ordre, la justice, l’intégration par l’uniformisation des comportements depuis le jeune âge (voir les mouvements scouts par exemple) sont les outils de structuration de la société de droite. L’individu en toute occasion dispose de son libre-arbitre (héritage chrétien), libre arbitre cependant contraint par l’ordre rigide et omniprésent de la société.

→ Le triptyque travail (individu libre de son sort et donc de construire son avenir), famille, patrie (chef, autorité) est un bon résumé du référentiel mental de la droite. Au nom de l’ordre établi, l’homme de droite est plutôt conservateur.

Alors, sont-ils de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon Ségolène Royal Dominique Strauss-Kahn
social Élément important du discours Élément important du discours Élément important du discours
Dialogue, écoute Vision musclée du dialogue Vision ambiguë du dialogue Dialogue et contrat sont les outils classiques des sociaux-démocrates
Prévoir La planification était l’outil classique de la gauche « radicale », est-ce toujours le cas ? ? DSK essaye d’introduire un système d’assurance pour gérer les risques de la finance mondiale
Aider / solidarité Élément important du discours Élément important du discours Élément important du discours
agir sur le marché dans le sens de l’intérêt collectif Oui, adepte de l’autorité de l’État Idéologie peu claire : entre blairisme et social-démocratie de l’Europe du Nord Oui, adepte de la régulation qui structure et oriente le marché.
agir et réformer le groupe L’État fort pour réformer la société
Conservateur en matière d’évolution idéologique.
Vision d’un État fort mais décentralisé ?
Conservateur dans certains de ses choix (système présidentiel par exemple).
Prendre les problèmes à l’origine pour changer la donne : politique de la petite enfance. Doctrine du réformisme radical.
l’individu se définit par rapport au groupe oui Confus : DA est un organisme de promotion du chef. oui
émancipation ? Confus : référence à des outils de droite (encadrement militaire) Oui
liberté absolue Refus Refus Refus
laisser-faire le marché Refus Refus Refus
travail Valeur non marquante dans le discours Valeur non marquante dans le discours Valeur non marquante dans le discours
Famille ? Exemple personnel donnant une vision déstructurée de sa conception de la famille. A fini par prendre position pour une évolution du mariage homosexuel. Attaché à la famille et à son évolution (mariage homosexuel)
Ordre / Autorité non Ordre « juste », tribunaux citoyens, autorité du chef non
Le chef vs le groupe Le groupe Le chef Le groupe

Même si mon tableau peut être sujet à caution (nulle doute qu’il sera contesté), on voit tout de même sans ambiguïté que DSK n’a pas grand-chose d’un « homme de droite ».
En fait cette étiquette lui vient très probablement de sa formation d’économiste, d’ex-ministre au Minefi et naturellement directeur du FMI : toutes ces « boîtes » sont étiquetées à droite dans l’imaginaire collectif et finalement, Marx le grand bourgeois théoricien de l’économie pourrait sans doute être taxé d’homme de droite lui aussi…

Sur le fond, le réformisme radical, le contrat négocié, l’attachement au groupe plus qu’à l’individu, l’importance du social dans la vision de l’économie et de la société font de Dominique Strauss-Kahn un homme qui appartient idéologiquement à la gauche, mais à une gauche en évolution, pas à une gauche crispée sur des outils du siècle dernier. Sur les points particuliers de l’ordre (élément principal pour Bourdieu) ou de la vision globale du général à l’individu (élément principal pour Deleuze), DSK apparaît là aussi comme un homme de gauche, largement plus en particulier que Ségolène Royal qui a fait de l’ordre juste son crédo.

Bourdieu : Royal est de droite Deleuze : etre de gauche

Après ce petit comparatif à partir de critères et non d’anathèmes, chacun pourra regarder les campagnes de communication des comités en gauchitude à leur juste valeur. Mais sur le fond, on ne juge pas un homme politique à l’étiquette qu’on lui colle, mais à son parcours, à ses connaissances et compétences avérées, à sa capacité démontrée à avoir amélioré le sort de chacun, à sa bonne volonté, à l’équipe qui l’entoure et enfin à la promesse d’avenir qu’il porte.

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sources :
Terre Politique
Médiapart
Nouvel Obs
Vidéo de Gilles Deleuze
Débat Moscovici/Mélenchon
Bourdieu

DSK, une bière et deux barjots

DSK Moscovici Melenchon

L’express vient de publier une interview-débat entre Pierre Moscovici et Jean-Luc Mélenchon, débat faisant suite à la diatribe de Mélenchon au sujet de Dominique Strauss-Kahn, envolée dont je m’étais fait l’écho il y a quelques temps.

Je trouve pour ma part l’échange excellent. Mélenchon est souvent excessif mais il sait débattre sur le fond et évite la mousse des idées faciles comme on peut le constater avec sa réplique sur le salaire de DSK. Il sait aussi acter des succès comme les batailles menées avec brio par DSK sous le gouvernement Jospin. Nous sommes loin des réactions de certains militants qui sautent sur n’importe quel argument du moment que cela a une chance, même illusoire, de ternir l’adversaire.

Sur le fond, j’en reste à une de mes anciennes idées : l’alliage entre social-démocratie et gauche « radicale » est très complexe à réaliser, mais il est possible et si nous le réussissons alors nous serons invincibles. Je me suis retrouvé quelques fois à ferrailler avec eux contre nos adversaires pour nos valeurs (j’ai en particulier le souvenir de l’histoire de la Shoah au CM2 que Nicolas Sarkozy voulait imposer suite à je ne sais quelle évaporation de tout jugement moral) et à chaque fois je me suis retrouvé avec des militants en qui je pouvais avoir confiance dans la bataille.

Camarades de la gauche radicale vous m’exaspérez sans doute autant que nous vous exaspérons mais nos valeurs profondes sont les mêmes et c’est ensemble que nous pourrons les défendre et progresser. Alors continuons sans doute de nous engueuler autour d’un verre, mais allons ensemble au combat.

Vive les barjots !

DSK au FMImelenchon
Ah mon Méluche adoré, en réponse à ta diatribe, j’aimerais écrire ici deux ou trois éléments histoire de voir si ce serait si “barjot” que cela de nommer DSK candidat en 2012 :

  1. Le FMI sous la direction de DSK, après avoir augmenté les ressources prêtables de 260 à 850 milliards de dollars (pas mal pour serrer le kiki de l’économie mondiale… ) a dégagé 17 milliards de dollars en faveur… des pays pauvres, notamment africains.
  2. Lorsqu’’il prête à la Grèce à un taux de 3,5%, les marchés le font à 18 % et la France de Nicolas Sarkozy associée à l’Allemagne d’Angéla Merkel le font à 5%.
  3. Faut-il vraiment être cinglé pour avoir apuré la dette d’un des pays les plus pauvres au monde (Le Libéria) ou osé faire des prêts à 0% à ces pays que la finance écrase d’habitude de son mépris.
  4. Et qui est ce malade qui a souhaité donner plus de droits au sein du FMI à ces “pays de peu” qui semblent t’être si chers dans tes discours Jean-Luc?
  5. Était-ce l’œuvre d’un barjot lorsque Dominique Strauss-Kahn , en pleine crise financière, se lançait dans une charge vigoureuse contre le retour des gros bonus chez les financiers et dénonçait l’approche immorale et la cupidité de quelques dirigeants de la finance internationale ?
  6. Sans doute fallait-il être barjot pour dénoncer les personnes qui, je cite, “vampirisent littéralement des ressources financières qui seraient infiniment mieux utilisées pour alimenter l’économie qu’ils ont mise en vrac” et de dénoncer ces gens en utilisant les mots d’imprévoyance, d’aveuglement, de cupidité et de cynisme ?
  7. Et qu’avait-il bien pu fumer lorsqu’il a annoncé vouloir créer un “Fonds vert” capable de mobiliser pas moins de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 afin que les pays en développement puissent investir dans des technologies économes en gaz à effet de serre.

Alors oui, tu as raison mon ex-camarade, il faut vraiment être barjot pour faire tout cela, comme il faut être barjot pour vouloir changer le monde dans le but d’atteindre un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, dans le but de vouloir émanciper les individus, les éclairer, dans le but de changer la société pour que chacun ait droit au bonheur.

Dommage que tu sembles y avoir renoncé en quittant le PS, en tout cas, moi c’est bien pour cela que je milite !

DSK, le sionisme, Israel et la horde des basses âmes égarées

Il y a plusieurs années déjà (en 2006 à l’occasion des primaires du PS), je m’étais fendu d’un billet démontant un hoax sur Dominique Strauss-Kahn décrit en substance comme un “agent malveillant du sionisme”. Cela s’appelait “Juif ? Salomon, vous êtes juif ?” (réplique inénarrable de Rabbi Jacob alors que le bon monsieur Pivert apprend que son chauffeur fait le chabbat).
DSK n’ayant pas été choisi aux primaires, ce hoax est alors entré en hibernation jusqu’à ces derniers temps où telle l’épidémie de peste il a largement refleuri çà et là, parfois sous une forme améliorée (naturellement, seuls les esprits chagrins feront un lien entre des événements purement internes au PS et ces basses pratiques largement teintées d’antisémitisme…).

Du coup, j’en profite pour reposter mon billet et le mettre au goût du jour.


dsk sionismeCalomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose…

Juif ? Salomon, vous êtes juif ? (Rabbi Jacob)
Un vieux hoax datant de presque 15 ans est en train de ressortir en ce moment. Ne le répétez à personne, mais il paraît que DSK ne pense qu’au sionisme en se rasant le matin.
Le message diffusé sous diverses formes ressemble grosso modo à cela :

“Je considère que tout Juif dans la diaspora, et donc c’est vrai en France, doit partout où il le peut apporter son aide à Israël. C’est pour ça d’ailleurs qu’il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. Tout le monde ne pense pas la même chose dans la Communauté juive, mais je crois que c’est nécessaire. Car, on ne peut pas à la fois se plaindre qu’un pays comme la France, par exemple, ait dans le passé et peut-être encore aujourd’hui, une politique par trop pro-arabe et ne pas essayer de l’infléchir par des individus qui pensent différemment en leur permettant de prendre le plus grand nombre de responsabilités. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au travers de l’ensemble de mes actions, j’essaie de faire en sorte que ma modeste pierre soit apportée à la construction de la terre d’Israël.”

A l’origine, les propos auraient été tenus dans un journal appelé Passages, mais comme personne n’est en mesure de présenter le journal en question et que ce journal est quasi inconnu, les propos ont migré vers “La vie”, et comme faire du sionisme chez les catholiques n’est pas très crédible, on peut aussi trouver des références à “France Inter” ou “Le Monde”, sans compter tous les blogs où ce hoax circule.

Qu’en est-il vraiment ? La réponse de l’équipe DSK est claire et sans appel :
DSK a déjà démenti publiquement avoir prononcé ce genre de propos. Personne n’a d’ailleurs ressorti cette soit disant interview.”

Zut alors, mais peut-être est-ce un coup du complot judéo-maçonnique qui contrôle la presse. En tout cas chers lecteurs, sachez que moi je suis “blanc, très blanc, un peu pâle, français et catholique comme tout le monde”…


Voilà donc pour le billet de l’époque. Quoi de neuf depuis ?
Toujours pas le début d’un paragraphe authentique de l’article supposé de Passage mais de nombreuses tentatives pour nous en parler avec autant de ferveur que d’indignation. La tentative la plus originale est sans doute ce petit film qui nous présente une jolie manip laissant à croire de prime abord qu’on tient, enfin, la preuve du crime dont toutes les bonnes âmes parlent mais que personne manifestement ne possède.
L’idée est simple, comme les auteurs n’ont pas leur article, ils font un film d’un site qui relate “l’histoire de celui qui connaît celui qui à vu le loup, ou plutôt le fumeux article”. Film pas mal fait du point de vue bobardesque puisqu’il répond à de bons critères de base :

dsk sionisme

  • impression de mauvaise qualité (c’est bien, cela a l’air plus vrai ainsi),
  • création d’une ambiance un tant soit peu anxiogène (ici en n’utilisant pas de son, bien vu !) et sombre,
  • création d’une ambiguïté (visionne-t-on un extrait du mythique article que personne ne montre ?)
  • et surtout un titre accrocheur qui décape “DSK Conseille aux Juifs de Prendre du Pouvoir pour Aider Israël”.

Charmant. Mais maintenant, quelques questions élémentaires pour que chacun se fasse son opinion :

  1. DSK a exercé de hautes fonctions dans notre République et en exerce toujours au niveau mondial. Quelles mesures concrètes, quelles positions publiques a-t-il prises qui justifierait un tant soit peu ces accusations ?
  2. En remarquant que ces rumeurs de traitrise sionisme (on ne dit pas antisémite mais le fond y est bien) ré-apparaissent lorsque DSK est en mesure de prendre le leadership à gauche et en y ajoutant le fait que la droite ne peut utiliser le judaïsme sans mettre Nicolas Sarkozy en porte-à-faux, à qui cela profite-t-il sinon à une certaine gauche en déshérence idéologique et, hélas, de valeurs ?

Et le plus ironique de l’histoire c’est que même si Dominique avait effectivement sorti ces âneries, cela aurait mérité une engueulade mais certes pas que des âmes perdues se vautrent dans la fange des noirceurs méprisables. La haine du juif a décidément encore un bel avenir et nous encore bien du travail !

Vide de sens

J’ai lu à de maintes reprises sur des blogs politiques des commentaires du genre : “les programmes politiques ne servent à rien”, “il faut être naïf pour croire aux idées en politique”, “la vision politique cela n’existe pas”. Il est étrange de constater que ces commentaires définitifs font écho à ceux d’il y a quelques mois qui disaient eux, “la gauche et la droite c’est pareil”, “non à la pensée unique”, “ils gouvernent au jour le jour”. J’ai beaucoup de mal à comprendre comment on peut à la fois être aussi inconstant et incohérent.

Est-ce la faute à une offre insuffisante ? Je ne le crois pas car des hommes politiques tels que F. Bayrou ou D. Strauss-Kahn (pour ne citer qu’un exemple droite / gauche) montrent qu’ils ont des convictions appuyées par une analyse transfomée en vision politique. Tout citoyen pourrait donc juger en fonction de ses convictions et aspirations lequel est le plus porteur de ses espoirs, lequel répond le mieux aux critiques qu’il formulait il y a quelques mois. Mais cela ne se passe pas ainsi. De tels candidats bénéficient généralement d’un certain respect (chose rare en politique), mais le citoyen du café du commerce semble basculer dans un état second stimulé par l’agitation médiatique. On commente la sortie du bain de mer de celui-ci, la couleur du maillot de bain de celle-la, du coup de pagaie de tel autre, du passage chez le disquaire de ce dernier, et l’on s’entredéchire allègrement à coup d’arguments vaporeux sur son président idéal, icône merveilleuse chargée de terrasser les faux dieux représentés par les “autres”. Le plus petit incident, aussi banal soit-il, devient alors la source d’un débat enflammé ou peu de citoyens reculent devant un argument qui en d’autres circonstances serait l’objet d’un éclat de rire salvateur. La bataille devient à la fois crutiale et menée sur du vent.

Bouffonnerie

Fin juin, la candidate à la présidentielle Marie-Ségolène Royal s’est faite entartée (avec un fraisier). D’abord, je dois bien avouer avoir mesquinement souri en regardant les images de l’épique escarmouche rochelaise ; le spectateur se laisse facilement aller à rire de ces gamineries surtout lorsqu’elles touchent une icône, qui plus est, politique. Pour justifier son geste (non prémédité selon son auteur Jonathan Joly), ce dernier a déclaré :

Complexée, sourde, hypocrite et démagogue dans sa globalité, la gauche plurielle est portée par un électorat qui tend à sombrer dans la déprime et la désillusion . Et je suis de cet électorat désabusé qui prend aux mots le slogan de “démocratie participative”.
L’entartage est à ce titre une opération qui demande des comptes à la caste politicienne et la désacralise ou s’efforce d’être perçu comme tel.

Marie-Segolène Royal entartée

Passé l’instant de rigolade facile, je me suis fait la réflexion que sans le oueb (je suis tombé par hasard sur la vidéo), je n’aurais peut-être jamais eu vent de l’histoire. Qui plus est, j’ai appris au passage que le ministre de l’intérieur avait subi également le même sort auparavant.

Non seulement ces deux icônes de la politique ont une énorme capacité à occuper le terrain médiatique, mais en plus, elles réussissent manifestement bien à censurer ce qui peut nuire à leur image. Ceci en dit définitivement long sur l’objectivité journalistique (alors que je me souviens avoir vu les entartages de BHL ou de Bill Gates à la télé…). Mais passons sur le triste théatre médiatico-politique.
Le plus important, c’est le fond, du fraisier, de l’affaire et du gouffre. Comment en est-on arrivé à ce point de délabrement pour que la politique ne soit plus qu’une bouffonnerie ? Comment des hommes et des femmes politiques peuvent-ils continuer à croire que faire de la politique c’est faire du marketing vide de contenu, c’est surfer sur l’air du temps sans porter de message, d’idée, de vision ? N’avoir à la télévision qu’une posture, une gestuelle, une image ? Que faut-il encore de plus pour que cela cesse ? Cet épisode a priori si anecdotique (sauf pour les intéressés), en ajout de toutes les dégradations de nos institutions, de notre respectabilité internationale, nous mène au pire des chaos, celui généré par le ridicule, la perte de considération pour notre propre identité. Imaginez-vous un président ou une présidente accueilli(e) à un sommet international et raillé(e) comme un tartuffe entartée ! On nous regardait comme malhonnêtes, incohérents, nous voici maintenant risibles et pathétiques.

A ma liste de critère pour l’élection de 2007, je vais ajouter que le président devra posséder une aura naturelle de respectabilité et d’autorité.

Masochisme politique

Chers concitoyens, j’ai du mal à comprendre comment vous fonctionnez quand il s’agit de voter.

Lorsque je vais au café du commerce entre deux élections, tout le monde semble d’accord sur le fait que le niveau de nos politiques n’est pas à la hauteur de la tâche à accomplir, qu’ils n’en font qu’à leur tête sans jamais écouter le bon peuple, et la lamentable histoire du CPE qui vient de s’achever est un excellent exemple d’autisme entre petits marquis. Que n’a-t-on pas entendu sur la pensée unique, sur l’isolement de ceux qui décident, sur ces aristocrates qui nous gouvernent ? Dont acte.

Le problème est que, lorsque je retourne à ce même café du commerce à l’approche des élections, non seulement le débat se résume à une guerre de positions sur des poncifs aussi vieux que la république, mais les débateurs acharnés se précipitent pour choisir un candidat, naguère médiocre et redevenu flamboyant par la magie d’une aliénation du jugement critique, et deviennent à leur tour autistes, incapables de disséquer rationnellement les propos et qualités des uns et des autres.

Il n’est plus question d’idées (aux moins celles compréhensibles par un cerveau normalement constitué), plus question de projets à construire (des routes, des centrales, des hôpitaux ou des vaisseaux intergalactiques), plus question de compétences (aura-t-on besoin d’un gestionnaire, d’un économiste, d’un sociologue, d’un capitaine affrontant la tempête), plus question de vertu (tous pourris paraît-il donc pourquoi en chercher un de vertueux ?), plus question de l’avenir de nos enfants, non, rien de tout cela. Tout un chacun se prépare à reconduire le même raisonnement que la fois précédente, à reconduire le même système de pensée qui fabrique les clones de la Vème république.
Les spots, les paillettes et les couvertures des magazines people prennent largement le dessus sur tout autre aspect, quitte à dégénérer en échanges d’invectives comme on a pu le voir avec nos cousins italiens ; se présente à l’agora médiatique, un défilé de bonimenteurs dont certains seront adoubés par le vote du public à condition d’avoir l’air sympa, l’air conquérant, l’air rassurant, l’air proche de vous… ou tous les airs à la fois. Profil type de l’escroc : séduire en flattant le gogo avant de partir avec ses économies et ses illusions.

Gogo, mon frère du café du commerce, il est plus que temps d’être pour une fois rationnel et raisonnable, de se choisir un président qui a une chance de savoir gérer les catastrophes économiques à venir, de comprendre à temps l’impact des bouleversements climatiques et écologiques, d’avoir l’attention indispensable pour construire le monde des générations les plus jeunes et à venir.
Imaginez-vous dans un navire en perdition alors que se présente un canot de sauveteurs : un seul pourra monter sur votre bateau, les autres devront repartir. C’est à vous de choisir qui montera ; il serait bon de se souvenir que si les réussites ne sont jamais obtenues a priori, les incompétents ne font jamais illusion dans la tempête. Dommage, nous sommes sur le bateau en perdition…