La démocratie est une drôle de chose. Les peuples sont prêts à verser leur sang pour l’obtenir, mais une fois que cela est fait, ces mêmes peuples se comportent avec une indifférence voire un dédain certain vis-à-vis d’elle.
Il y a quelques mois encore, la moitié de Brest était dans la rue pour crier son attachement à l’une des valeurs de cette démocratie, la liberté d’expression et peut-être aussi là la liberté elle-même. Et aujourd’hui, à la veille du scrutin des départementales, cette même liberté se transforme en liberté de ne pas avoir envie, en liberté de prendre part au vague brouhaha d’une fausse contestation bien consensuelle où les participants se renvoient jusqu’à plus soif les mêmes poncifs, tout en prenant l’air sérieux du révolutionnaire fier de son courage effronté. Ne pas choisir n’est ni sérieux, ni un principe politique viable.
Après la révolution Tunisienne, lors d’un échange avec un internaute, j’avais écrit que la démocratie c’était d’abord le respect du choix de l’autre, y compris le respect du droit de se tromper, de faire le mauvais choix. Ce point de vue était fort puisqu’en l’occurrence le choix de se tromper c’était celui de mettre les islamistes au pouvoir après une liberté démocratique chèrement payée.
Je n’ai as changé d’avis aujourd’hui.
Le choix de se tromper peut parfaitement être celui de ne pas aller voter et faire croire à une décision protestataire. Mécaniquement, l’abstention profitera à l’extrême droite dont finalement de moins en moins de gens comprennent la noirceur destructrice de leur pensée politique. Si vous faites partie de ces gens, voire de ceux qui s’imaginent bien sous un mandat d’extrême droite, alors je respecterai votre choix de faire le mauvais choix même si comme en Tunisie, revenir en arrière aurait un coût substantiel et douloureux.
Le choix de se tromper peut aussi parfaitement être celui de systématiquement inverser son vote d’une élection à l’autre sous le prétexte que puisqu’ils sont « tous pareils » mais qu’il faut voter, alors autant que l’élection soit une punition. Le vote systématiquement contre est aussi un mauvais choix car il ne construit rien, mais en bon démocrate je le respecterai.
Pour ma part, peut-être me tromperai-je, mais je ne ferai ni un choix passif d’abstention, ni un choix punition, ni un choix masochiste.
Non, d’autant plus qu’il est facile de savoir pourquoi on vote sur cette élection précise. Je voterai parce que la garderie de ma commune fonctionne bien. Je voterai parce que tous les matins de la semaine j’emprunte une route bien entretenue avec un nouveau rond-point qui me facilite la vie. Je voterai parce que le 3ème âge est quelque chose qui ne m’est pas indifférent et que je sais combien les maisons de retraite ont besoin de soutien. Je voterai parce que ma fille ira au collège l’année prochaine et qu’il y en a plusieurs autour de ma commune, dont bientôt un nouveau. Je voterai car je trouve agréable d’avoir un bateau navette pour aller sur les îles toutes proches. Je voterai car j’aime bien l’idée de développer le co-voiturage. Finalement, je voterai car tout cela touche ma vie quotidienne et que si une majorité de gens se trompent, ce qui fonctionne bien aujourd’hui risque fort de ne pas fonctionner correctement demain, voire pas du tout.
Sur mon canton, l’extrême droite n’a pas fait campagne, ils sont juste là pour faire un holdup électoral au cas où la porte du coffre resterait sans surveillance. La liste debout la France n’est là que pour se faire un nom, quant à la liste de droite classique, après avoir acté du bon bilan de la majorité sortante, elle n’a pas été en mesure de proposer un programme qui sorte des généralités que personne ne renierait.
La majorité sortante ayant fait le job, même si comme chacun d’entre nous j’en aurais le droit, je ne vois pas de raison de faire le mauvais choix et de ne pas voter pour reconduire la majorité sortante de gauche.