Strabisme divergent

Depuis la dernier interview de notre président, je ne peux m’empêcher de penser à l’écart, voire au gouffre, qui sépare le pouvoir du commun des citoyens. L’exemple du paiement des RTT est flagrant. Du point de vue Elyséen, la rhétorique est simple : transformons le temps attribué jusque là à la réduction du temps de travail et transformons-le en revenus sonnants et trébuchants. D’un point de vue comptable, cela se défend. Hélas, la comptabilité et les humains, cela fait deux.

Si j’en juge par mon cas personnel professionnel (cadre, instruit, profession intellectuelle correctement rémunérée) et familial (marié, deux enfants, parisien des banlieues), cette rhétorique est un non-sens absolu : gagner plus ne me permettra jamais de soigner mon stress des transports et du travail, de l’agitation parisienne, il ne me permettra pas plus de passer quelques minutes de plus avec mes enfants ou de vivre le mariage comme autre chose qu’une équipe qui gère en flux tendu les problèmes d’une vie complètement déphasée. Monsieur le président, le travail pour gagner plus, je m’en tape, j’aimerais dejà vivre, un peu… Mais peut-être ne suis-je qu’un cas particulier.

Ce week-end, j’ai fait un petit tour dans ma famille (milieu ouvrier – Peugeot dans la région de Montbéliard). Là-bas, on n’a pas attendu un discours élyséen pour savoir ce que travailler plus veut dire, et que ce soit en horaires décalés (3 huit ou tournées) ou le week-end, on sait ce que se lever tôt et travailler dur veut dire. Mais le sujet de discussion du moment, c’est la mise en parallèle du paiement des heures de RTT et des enquêtes de stress suite à l’épidémie de suicides dans les usines. Bien sûr que le besoin d’argent est là, mais à quoi bon si c’est pour se payer un plus joli cercueil ?!

Alors impossible de ne pas être abasourdi par ce strabisme qui focalise l’attention sur des slogans et ignore la réalité de la douleur de nos concitoyens, douleur qui s’exprime d’une façon incroyablement violente comme on me l’a raconté ce week-end avec l’histoire de ce sous-directeur de la grande distribution qui s’est tranché la gorge avec un cutter sur son lieu de travail. Suicide d’une incroyable violence qui mérite bien mieux que de la rhétorique.

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