Pour la campagne des primaires de 2006, j’avais mis en avant trois défis majeurs : la rupture climatique, la rupture énergétique et la bascule démographique. A l’époque, le changement climatique était plus un sujet de contestation qu’un élément profond de réforme politique, les effets de la bascule démographique n’étaient envisagés qu’à travers le déni de l’urgence du financement des retraites, quant à l’énergie, le débat politique se focalisait sur une opposition peu utile pro-nucléaire contre écolos. Militant pour une refondation politique à gauche, je n’ai guère eu de sujets de satisfaction pendant ces longues années d’errements sarkozystes.
Depuis nous avons dû cheminer en affrontant une crise économique majeure et ces thèmes sont devenus une évidence au point d’être le point de départ du projet socialiste pour 2012. Bien qu’il manque à mon sens un quatrième défi (la numérisation de la société), le débat national a progressé, en particulier grâce aux socialistes. Mais au niveau local, qu’est-ce que cela donne concrètement ? Comment cela impacte-t-il et impactera-t-il nos vies ? Comment les députés qui seront élus après la présidentielle pourront-ils agir ? Comment le « métier » de député doit-il évoluer pour aider à résoudre nationalement et localement ces défis.
Dans la 3ème circonscription du Finistère, ma députée est UMP (pas de chance pour elle, elle devra assumer 10 années de gestion catastrophique du pays l’année prochaine…). Élue depuis 2002, c’est une politique plutôt de la vieille droite, c’est-à-dire quelqu’un qui est plus assidue aux inaugurations locales et petits fours qu’active au micro de l’assemblée ou au stylo des commissions. Le classement 2010 des députés l’a d’ailleurs classée 319ème sur 575 (le classement a « oublié » 2 députés) avec 39 interventions au total dont 14 en séance et 25 en commission, 3 rapports et avis, pas de loi. Si cette approche a un évident intérêt électoraliste, elle est surtout préjudiciable à l’évolution de l’économie locale (ici en Iroise), car elle ne porte en elle aucun dynamisme de développement pouvant être relayé à Paris.
Un exemple simple peut illustrer cela.
Brest pourrait devenir un pôle énergétique majeur à travers le déploiement en mer d’un projet ambitieux d’éoliennes et d’hydroliennes. Voilà un projet industriel qui représente à mes yeux une fantastique opportunité économique pour le Finistère nord où les acteurs de la mer ont plus l’habitude de se battre contre la peste des algues vertes ou la survie du métier de pêcheur face à la Politique Commune de la Pêche. La « politique du petit four » permet certes de compatir au malheur des pêcheurs en leur servant de jolis discours et de prendre des positions défensives, mais rien de plus. Seule une vision plus large, seule une action au plus haut niveau de l’État relayée efficacement sur le terrain est en mesure de mettre en place une politique globale, cohérente et conquérante de la mer (en nord Finistère comme sur toutes les côtes françaises d’ailleurs). Pour reprendre l’exemple des pêcheurs, nous avons affaire à des professionnels qui certes défendent une vision de leur métier, mais sont aussi tout à fait capable de comprendre les problèmes, de saisir des opportunités et d’évoluer du moment que l’on est en mesure de leur proposer quelque chose de solide. Ce n’est pas à coup de taxe poisson accordée un jour de colère et abandonnée quelques années plus tard pour cause de stupidité contre-productrice que l’on résout un problème structurel. L’outil de travail doit évoluer, le stock halieutique n’est pas infini, Bruxelles légifère : voilà les menaces. Une nouvelle industrie d’énergie maritime est en train de se construire : voilà une opportunité. Il me semble que le rôle du législateur, surtout si c’est le député local, est de proposer et de favoriser un cadre général pour qu’une industrie en difficulté comme la pêche puisse tirer parti d’une industrie naissance comme celle de l’énergie. Et au-delà, c’est tout le bassin de Brest qui doit pouvoir en bénéficier ! Pour cela il faut peser sur les lois, pour cela il faut s’appuyer sur le relais efficace des élus locaux dont c’est le métier d’être tous les jours sur le port, pour cela il faut aider les entrepreneurs à faire évoluer leur modèle d’affaires, pour cela il faut mettre en place des canaux de communication plus souples et efficaces, sortir des interminables réunions et passer à des groupes de travail utilisant les outils numériques modernes par exemple. Pour cela, peut-être aussi faut-il plaider pour une nouvelle vision de l’exécutif et défendre l’idée d’un vrai ministère de la mer.
Les défis qui s’opposent à nous nous imposent de repenser notre tissu économique et social, nous imposent d’innover et de saisir les opportunités, mais nous imposent également de changer notre façon de faire de la politique, de changer les métiers de la politique et en particulier celui très important de député qui ne peut plus se contenter de faire un peu de présence à Paris et beaucoup dans les soirées festives en ville. L’évolution technologique permet d’avoir des liens journaliers directs (voir le blog de Jean-Jacques Urvoas ou Pierre Moscovici par exemple) entre les citoyens et leur député. Mais au-delà, ils permettent aussi de travailler sur des problèmes à distance et de façon efficace. Il est nécessaire d’évoluer dans ce sens, tout en s’appuyant fortement sur les élus locaux, maires, conseillers cantonaux ou régionaux, ainsi la chaîne démocratique reprend tout son sens au service du citoyen.
En 2012 nous élirons un nouveau président, élisons également une nouvelle façon de servir la démocratie et de faire de la politique !