Egalité hommes – femmes et anthropologie politique

Même si c’est du grand n’importe quoi, j’aime bien cette époque car c’est une époque de changement !

Les affaires politiques qui font l’actualité en ce moment et celles qui ne le font pas (encore) devraient nous inciter à réfléchir au-delà de l’indignation bien-pensante (quand elle n’est pas jouissivement fallacieuse), à la projection à bon compte de fantasmes plus ou moins avoués sur ceux qui se sont fait prendre, ou encore à la récupération pure et simple du moment que cela permet de monter à la tribune.

Alors amis internautes, relisons un peu les choses au-delà des maux que l’on nous donne à voir.

Justice

Tout d’abord, George Tron et Dominique Strauss-Kahn nous permettent, avec bien moins de talent que Tocqueville, de nous pencher sur la démocratie américaine et de la comparer à la nôtre, du point de vue judiciaire tout au moins.

Même type d’affaire, mais quelle différence à l’arrivée.

Les États-Unis c’est le pays où sur la base d’un seul témoignage et d’une journée d’enquête faite dans le bruit médiatique d’affirmations non-fondées suivi de rétropédalages, n’importe qui est coupable quoi qu’il arrive en attendant que la justice statue effectivement sur les faits. C’est le pays où la justice et la police sont intimement liés au pouvoir politique exercé non par l’exécutif, mais par la pression des citoyens, ce qui serait parfait si le citoyen en question pouvait agir rationnellement à partir d’une réflexion étayée par les faits, ce qui à l’évidence n’est pas le cas.
A contrario, la France est un pays où le témoignage (ici double) amène plus lentement aux premières décisions de procédure judiciaire, parce que l’image de l’accusé est protégée, parce que l’instruction cherche aussi bien à prouver la culpabilité que l’innocence, parce que la justice a forcément besoin de temps.
Le système français est de fait plus lent, plus soumis aux aléas du pouvoir politique (sous la pression de l’exécutif et non des citoyens) mais il apparaît plus serein et préserve incontestablement mieux monsieur Tout-le-monde d’un éventuel broyage et d’une erreur judiciaire.
Alors nulle doute que notre système est perfectible, mais à l’évidence ce cas permet de montrer à quel point la volonté du pouvoir sarkozyste de se rapprocher du système américain est une hérésie.

Société

Au-delà de la justice, ces affaires sont également un enseignement sur notre époque. A première vue, nous avons sous les yeux le résultat d’une société où la conquête du pouvoir n’est que la bataille entre mâles dominants, conquête qui une fois réussie permettrait à ces derniers d’en « consommer » tous les fruits. Il est fort probable que notre système sociétal (politique, professionnel ou privé) n’ait pas assez traité des dérives sexuelles rendues possibles par l’accès aux responsabilités, par contre je conteste que cela se résume à un problème des hommes à l’encontre des femmes.

Pourquoi ?

D’abord parce qu’il me semble que si ces affaires mettent en cause d’abord des hommes, c’est pour un ensemble de raisons qui font que les hommes ont plus l’occasion d’être mis en accusation ; en particulier :

* la probabilité : les postes de pouvoir sont majoritairement attribués à des hommes parce que structurellement le système privilégie un type de conquête qui leur est favorable : d’un point de vue probabiliste, les abus seront donc majoritairement masculins
* la culture : même si des progrès ont été fait, le schéma cognitif de l’homme prédateur et de la femme proie reste bien établi ce qui facilite l’adoption d’un tel schéma et son acceptation (pour s’en convaincre, il n’y a qu’à relire les commentaires sexistes dont certains d’ailleurs prétendent dénoncer les affaires en cours)
* le tabou : parce que si la dénonciation de tels faits est psychologiquement difficile pour ces femmes, pour des hommes victimes elle apparaît carrément impossible, ce qui est aussi le cas dans le cas de harcèlement ou de viol homosexuel homme ou femme.

Au-delà de l’actualité, je crois que ce serait une grande erreur de ramener un problème structurel d’organisation de notre société à un problème d’homme prédateur vs femme proie. Il faut dépasser l’heuristique de disponibilité affichée par les médias et les groupes de pression. Inversez le rapport homme / femme aux postes de pouvoir et vous ne changerez rien aux dérives. A l’inverse, travaillez à « dé-sexualiser » le rapport de pouvoir et vous aurez plus de chance d’arriver à une situation normale.

Le combat contre ces abus est un combat de tous les hommes et de toutes les femmes, pas des uns contre les autres. Ne pas l’aborder ainsi revient à renforcer le problème, éventuellement en inversant le sens, mais surement pas à le résoudre.

Conclusion

Loin de poser clairement un débat sociétal, le traitement actuel de ces affaires renforce des schémas de domination homme / femme, avec pour seul vrai enjeu de savoir qui a le droit de dominer qui. C’est l’expression d’un fantasme, au mieux d’une erreur d’analyse, ce n’est pas le sens d’un combat de gauche, du mien en tout cas. Nous devons travailler à établir des relations interpersonnelles apaisées, égalitaires d’un point de vue général et équitables et respectueuses au sein de nos organisations humaines.
Nous devons également regarder sexuellement les hommes pour ce qu’ils sont aujourd’hui et non pas pour l’image distordue que nous en avons. Sur ce dernier point je vous renvoie à une chronique de Boris Cyrulnik sur France Info (« hommes, sexe et amour« ), c’est très étonnant.

Malgré ses défauts, la justice française vaut mille fois mieux que la justice américaine. Quant aux relations hommes / femmes au sein de notre société, il faut travailler pour qu’elles valent mille fois mieux que ce qu’elles sont aujourd’hui.