Les primaires du PS se révèlent finalement surprenantes. Parties sur un très mauvais parfum de manipulations médiatiques (matraquage journalistique, sondages aux questions orientées de façon à donner le sens du vent, fausses pudeurs et vrai opportunisme), on arrive après 9 mois d’une course qui se voyait solitaire et un petit mois d’agitation collective frénétique, à accoucher de trois candidatures campées sur des axes marqués et bien différents. La cacophonie avait été promise, des cris et des déchirements annoncés ; au final nous voyons se profiler un débat policé avec des candidatures claires.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
La première candidate à s’être lancée s’est depuis longtemps placée sur le registre de l’émotion, voire de l’affect populiste. Partie après les fureur des émeutes des banlieues et ayant profité de la stupeur politique qui s’en est suivie, elle s’est construite une image de proximité rassurante (rêvez et désirez un avenir sur fond de ciel bleu chers électeurs), ce qui est une belle ironie vu que la dame cultive la distance en pure énarque qui a bien du mal à se débarrasser de ses attitudes d’institutrice bourgeoise et autoritaire. Cette attitude est tout à fait en phase avec un modèle d’ordre très militaire profondément ancré dans son référentiel mental. Il est par ailleurs faux de dire que la dame n’a pas d’idées ; ses idées conservatrices (focalisées sur l’ordre, le travail, la famille, l’autorité) sont simplement en déphasage avec les idéaux du PS (la réforme, le dialogue social, les actions pour améliorer l’homme et la société, la rendre plus juste et plus égale). Ce positionnement affectif politico-médiatique est en ligne avec le nombre incroyable de votes sanctions qui ont eu lieu depuis 2002 et avec les peurs conservatrices des français.
Représentatif certes, mais il n’apparaît pas bon de l’entretenir et force est de constater qu’aucun de ces votes sanctions n’a abouti à une quelconque amélioration (ce qui est assez logique : voter “contre” ne veut pas dire voter pour un candidat de changement, et ces candidats sont persuadés que les français ne veulent rien changer, donc on ne bouge pas. CQFD). Pire, le plus sévère des votes sanctions, le non au TCE, a abouti à l’arrivée de l’archétype
de l’énarque stérilisateur au poste de premier ministre en la personne de Dominique Gallouzeau de Villepin, accessoirement camarade de promotion de la dame à l’ENA. Cette candidature est dans la stricte continuité de l’énarcratie que nous subissons depuis des années.
Le deuxième candidat est lui représentatif de la gauche conservatrice. Deuxième ironie, ce courant fut un temps suspecté de dérives économiques droitières et son repositionnement à la gauche du PS en laisse plus d’un perplexe. Mais là aussi, cet axe politique est assez représentatif d’une volonté de repli vers les bases idéologiques anciennes pour bon nombre de militants déboussolés par les expériences passées et surtout par un avenir dont on ne sait rien, sauf qu’il promet d’être totalement différent du monde d’aujourd’hui (fin du pétrole, bascule démographique, rupture climatique). Dans ce contexte et dans une France politique qui a perdu ses repères, la gauche de la gauche hésite entre des références pures et dures au marxisme (difficile vu que l’image du barbu allemand a été largement dégradée par celle du petit père des peuples), un conservatisme réactionnaire tourné vers des racines “terriennes” (soyons alter-mondialiste et mangeons bio), ou un communisme à la française en panne de perspectives et de renouvellement (le tee-shirt Che Guevara est toujours plus accrocheur que le “marcel” Marchais relooké en facteur).
Enfin, dernier candidat en lice, Dominique Strauss-Kahn est lui représentatif d’une gauche réformiste sociale démocrate. Troisième ironie de l’affaire, de Delors à Jospin en passant par Rocard, la sociale démocratie largement représentée en Europe et même présentée en modèle (dans les pays scandinaves en particulier), a toujours été en France un objet de curiosité plutôt que la mise en œuvre d’un projet de gouvernement ; il a fallu à Jospin l’incroyable épisode de la dissolution (fruit d’un explosif brain-storming Chirac-D2V) pour arriver par “hasard” à Matignon. Or là aussi, cet axe politique est totalement en phase avec les besoins profonds (sinon impérieux) de réformes et DSK a l’avantage d’offrir la seule candidature fondamentalement réformiste pour ces primaires PS.
Le choix au PS est donc devenu très simple et il est en phase avec trois types d’aspirations : conservatisme populiste, conservatisme historique, réforme sociale démocrate. Et dire qu’on nous a expliqué pendant 10 mois que tout était plié, qu’il n’y avait qu’un seul choix, que le débat, les idées et les projets ne servaient à rien ; dernière ironie de l’ouverture de ces primaires…
Au fait, le tripode est la structure politique la plus instable qui soit…