Courage et tenacité !

marianneJe ressens comme un gros flottement au sein de la classe politique et médiatique française en ce moment, et ceci ne se limite pas au seul parti socialiste en charge de la conduite du bateau.

On s’était presque habitué à l’idée qu’un ex-président de la République puisse être suspecté d’avoir dépassé le cadre de la loi dans l’exercice de ses fonctions, ceci au nom de la zone grise de l’exercice du pouvoir. Si Sartre devait aujourd’hui récrire Les main sales, nulle doute que le fond changerait peu mais que le ressort idéologique serait plus faible, remplacé par une vision un peu vaine du pouvoir.

On s’était presque habitué à l’idée qu’une personnalité politique, ministre ou simple élu moins sous les feux de la rampe, puisse être suspectée d’avoir utilisé sa fonction pour son intérêt très personnel, tissant par la même occasion un réseau de compromissions mutuelles autour d’une bourgeoisie de l’ordinaire corruption, de la richesse d’abord mais surtout des idéaux. Le plus surprenant finalement dans des affaires comme celles de Cahuzac aujourd’hui ou de Woerth hier, n’est pas tant l’idée que ces hommes aient pu choir (ce ne sont que des hommes ! ), mais plutôt qu’ils trouvent presque normal leur comportement et qu’au lieu d’aller se cacher, amplis de honte, au fin fond du monde, ils prétendent à mener la vie qu’ils avaient avant le scandale, comme si de rien n’était.

Ce qui transparait à travers l’affaire Cahuzac, c’est qu’un homme se réclamant des valeurs de gauche est allé chercher un prête-nom du côté du FN (Philippe Peninque) et qu’en conséquence, si le gouvernement PS n’a été que tardivement informé des dessous de l’affaire Cahuzac, le parti d’extrême droite lui l’était dès le début. Quant à la droite, vu qu’elle a disposé pendant 10 ans des moyens d’investigation des services du renseignement intérieur, et surtout qu’elle avait en sa possession le rocambolesque enregistrement à l’origine de l’affaire, on peut avoir un doute légitime sur son niveau d’ignorance sur ce cas. In fine, la question inévitable qui me vient à l’esprit est de savoir si ce n’est pas l’UMP en sous-main qui a « nommé » Cahuzac aux finances après en avoir fait de même à la présidence de la commission des finances, dans le but d’avoir un moyen de contrôle sur les conséquences possibles de potentiels problèmes.

Du coup, dans ce théâtre d’ombres où tout le monde essaie de contrôler tout le monde, on s’était presque habitué à l’idée que le fameux 4ème pouvoir ne fasse des révélations que tout le monde connait déjà et limite son indignation aux indignes déjà condamnés par la vindicte populaire. Médiapart a pu nous en faire douter mais Le Monde cette semaine semble nous avoir « rassuré » avec Offshore Leaks. Ce scandale ayant été révélé au niveau mondial, il était difficile de n’en pas parler. Mais ce qui s’est passé cette semaine est particulièrement édifiant. Alors que les médias suisses, luxembourgeois et surtout belges s’emparaient assez largement de l’affaire, Le Monde s’est contenté de nous livrer le nom d’un proche de la présidence (dont le cas ne semble pas d’ailleurs être frauduleux), d’un mort qui sent bon la finance (Rothschild)  et du patron d’une PME de mode (on se demande bien pour le coup ce qu’il a dû faire pour déplaire…). Pour le reste, on attend toujours et on espère…

Mais le plus grave dans cet autisme moral ambiant, c’est qu’alors que l’État demandait au Monde de fournir des informations, ce dernier s’est drapé dans sa dignité pour refuser au nom de la protection des sources. Sans blague ! Il me semble que dans cet énorme masse de documents, un certain nombre pouvaient sans problème être communiqués sans compromettre les sources. Il me semble aussi que dans une situation où la dette accumulée devient insoutenable et que le montant de la fraude fiscale annuelle est de l’ordre de la moitié du déficit public, la question de sauvegarder (voire de restaurer !) la souveraineté de la République face aux marchés, la question de redonner un sens moral au comportement de chacun face à l’argent, devraient peser un peu plus dans la balance. Or dans l’histoire, j’ai beaucoup de mal à croire à la protection des sources et je suis par contre très tenté de croire à la protection des cibles de ce scandale. J’espère me tromper, les jours à venir nous le diront.

La capacité à supporter l’insupportable a des limites et avec la misère générée par la crise actuelle, ces limites sont atteintes. Ceci est d’autant plus vrai que cette crise a été directement déclenchée par des comportements liés à la cupidité et à une corruption de l’intégrité morale en matière d’argent. Il faut en sortir.

Si les médias historiques ne sont pas en mesure de remplir leur mission de contre-pouvoir, alors les citoyens doivent prendre le relais. La numérisation du monde le permet et l’exemple de wikileaks nous a montré qu’en matière d’information, même les chasses-gardées comme la diplomatie pouvaient faire l’objet de puissantes remise en questions. On peut discuter du bien-fondé de la chose, mais dans le cas qui nous occupe nous sommes arrivé à un tel niveau de dysfonctionnement que l’objection de principe devient secondaire.

Quant à la classe politique, il est illusoire de croire qu’elle s’auto-réformera car aucun système clos n’est en mesure de le faire. Ne militant  pas pour une révolution toujours hasardeuse et douloureuse, je pense qu’un large renouvellement et des réformes structurelles fortes sont des solutions raisonnables et pertinentes. Les pistes sont déjà nombreuses : non cumul des mandats, parité, interdiction effective des conflits d’intérêts, transparence du patrimoine, examen des parcours professionnels, pluralité des profils du personnel politique, retrait provisoire en cas de mise en examen et définitif en cas de condamnation pour délit volontaire ou crime, limitation dans le temps de l’exercice d’un même pouvoir, …

Le gouvernement Ayrault a commencé à travailler sur le sujet. C’est bien mais nous devons le pousser à aller beaucoup plus loin et plus vite. En matière morale, le changement c’est maintenant pour les intentions, mais cela doit être surtout opérationnel dès les prochaines élections en 2014.

2 réflexions sur « Courage et tenacité ! »

  1. j’avais ce même sentiment et entamé un texte dans le même sens.
    Philippe a dit beaucoup plus que moi mais comme je ne veux pas avoir écrit pour rien je vous le communique.
    TRANSPARENCE
    « On a tout avec de l’argent hormis des mœurs et des citoyens »

    écrivait Jean-Jacques ROUSSEAU dans son Discours sur les Sciences et sur les Arts.

    Et aujourd’hui nous en sommes encore à vouloir de la transparence dans le domaine politique en demandant aux élus d’étaler leurs richesses et leur patrimoine ?

    Sans vouloir citer ROUSSEAU en permanence il suffit de se souvenir qu’il écrivait aussi

    « La nature a fait l’homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable »

    Alors ne nous étonnons pas que dans ce monde ultra libéral où l’argent se veut « roi » il existe des responsables politiques, avides de pouvoir, qui profitent de leur argent pour s’emparer des rênes tout en voulant le cacher !
    Mais ça n’est pas parce qu’un fruit est pourri qu’il faut jeter la totalité du cageot !
    Et ça n’est pas parce que l’ancien ministre socialiste du budget, d’ailleurs mis en place à la tête de la commission des finances de l’assemblée nationale par la majorité précédente, que tous les élus de droite comme de gauche sont à suspecter de malhonnêteté, de malversations ou de magouilles !
    Ce que souhaitent les citoyens, soucieux de la qualité de vie de leurs proches et d’une manière générale de la société, c’est de la transparence dans l’utilisation des finances publiques, un traitement égalitaire face à l’impôt mais aussi dans le domaine social et surtout l’absence de mensonges et de dissimulation par les élus dans l’exercice de leurs fonctions.
    Peu devrait leur importer ce que possède tel député ou sénateur à condition que l’argent ne soit pas la raison, voire le moyen, de son élection, comme cela est malheureusement, parfois encore, le cas.
    Ça n’est pas la richesse ni le patrimoine qui doivent faire la valeur de l’élu mais sa façon de gérer le bien public dans l’intérêt général, sans se servir au passage.
    Trop d’élus, du plus petit au plus gros sont issus de ce qu’il est permis d’appeler les notables locaux, eux-mêmes issus de la lignée des bourgeois aisés qui impressionnaient par leur argent et donnaient l’impression de savoir et de pouvoir parce qu’ils étaient riches.
    Nous ne devons plus dépendre de cette caste, de ces familles, de ces parvenus parce que les « parents étaient nés avant eux » comme on dit.
    Il n’ ya aucune raison non plus pour que les enfants des parlementaires soient plus aptes à faire de la politique que ceux de l’ouvrier de chez Arcelor-Mital ou de l’ouvrier du port comme on dit à Brest!
    Si nous voulons une véritable démocratie il faut supprimer tous les avantages liés aux fonctions d’élus et les traiter comme des salariés de l’Etat en leur garantissant, à travers un statut particulier, un retour à leur activité d’origine dans des conditions normales à l’issue de leurs mandats.
    Là aussi il faut supprimer le cumul des mandats dans le nombre, dans le temps et dans les indemnités ! Il est tout à fait normal qu’un parlementaire soit rémunéré décemment et que l’Etat prenne en charge ses frais de déplacements et de représentation ainsi que de fonctionnement pour lui permettre de faire son travail.
    Mais supprimons la fameuse réserve parlementaire, contrôlons ses dépenses sur le compte de l’Etat et vérifions qu’il ne s’enrichisse pas indûment sur le dos du contribuable !
    Concernant la permanence parlementaire pourquoi ne pas faire acheter par l’Etat un local situé au mieux placé dans la circonscription et qui pourrait servir au député de quelque bord qu’il soit?
    Il y a là des économies à faire en évitant à l’élu de se servir.
    Tout cela peut paraître du simple bon sens mais ne se fait pas, ou alors très peu et souvent mal, actuellement.
    Une justice indépendante avec des commissions de contrôle indépendantes et des services publics efficaces et eux-mêmes contrôlés ; voila ce que nous devons mettre en œuvre pour améliorer la vie démocratique.
    Ce n’est sans doute qu’une partie de ce qu’il faut mettre en œuvre pour que les citoyens retrouvent confiance dans les femmes et les hommes qui décident un jour de se mettre au service des autres avec cet esprit de respect des électeurs la volonté de mener à bien leurs engagements.
    Les français, à plus de 70%, ne sont pas jaloux des richesses et des patrimoines de leurs élus à condition que ces derniers ne profitent pas de leur situation pour s’enrichir de façon malhonnête.
    Faisons confiance à François Hollande qui a été élu sur ces bases et laissons-lui le temps.

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