Auto-entreprise approximative

jean-marc-ayraultJ’aurais bien aimé finir cette belle période d’été sans être chatouillé par des annonces dont on ne sait pas très bien si elles tiennent du ballon d’essai ou du coup de soleil.

Toujours est-il qu’au lieu de se prendre ses 15 jours réglementaires de repos il semble que des petites mains ministérielles se soient agitées ces derniers temps (et au passage je trouve pour ma part totalement idiote l’idée qui veut qu’en travaillant non-stop un ministre est plus efficace que s’il prend un repos plus que nécessaire).

Un projet de loi touchant les auto-entrepreneurs vient en effet de sortir :

Dans cette histoire d’auto-entrepreneur, ce qui m’agace suprêmement c’est qu’une logique d’influence d’intérêts semble devoir prendre le dessus sur les principes républicains & économiques et que le tout soit noyé dans un galimatias d’ignorance sur la nature de ce que sont les PME en général et les TPE en particulier.

En matière d’entreprises, nos grandes écoles semblent être en mesure de former correctement les cadres de grandes entreprises (et des institutions publiques, même moule !) mais incapables de faire comprendre qu’une petite entreprise ne fonctionne pas comme une multinationale, qu’il n’y a pas un joli découpage finance, commercial, logistique, etc… plus un service dédié à la gestion des contraintes administratives & fiscales.

Pour en revenir aux TPE et aux auto-entrepreneurs, il faut clairement en finir avec les statuts d’exception. Cela amuse sans doute les assistants des ministres en leur donnant du travail, mais c’est un non-sens.

Non-sens par rapport à l’égalité. Pour quelle raison, une personne qui crée une activité se voit appliquer des régimes légaux différents en fonction du statut d’entreprise choisi : ce que vous vendez est déconnecté de la nature juridique de votre entreprise, que ce soit une auto-entreprise, une SARL, une SASU, une SAS, une SCOP, etc (j’ai recensé 29 statuts différents et je ne suis pas sûr d’avoir tout !). Si encore ces statuts étaient légalement gravés dans le marbre, cela pourrait à la rigueur se concevoir pour gérer des situations particulières. Mais ce n’est pas le cas. Prendre une rédaction des statuts d’une SAS type pour l’adapter à un fonctionnement de SCOP ne me semble pas infaisable (je ne suis cependant pas juriste pour le garantir). C’est un problème de règles de gouvernance entre actionnaires.

Toujours est-il que si notre gouvernement veut faire une vraie réforme de simplification, je lui conseille de supprimer l’intégralité des statuts existants pour n’en garder qu’un et de fixer un cadre pour que chaque entrepreneur puisse l’adapter au fonctionnement futur de l’entreprise qu’il veut créer.

Non-sens par rapport à l’impôt. Pour quelle raison un artisan en SARL doit-il facturer avec un taux de TVA à 19,6% et qu’un auto-entrepeneur qui fait la même facture ne doit aucune TVA ? Je peux comprendre que l’état veuille aider les TPE, c’est même souhaitable, mais dans ce cas qu’il les aide toutes de la même façon, et qu’on choisisse une manière intelligente de le faire. Si, par exemple, on veut les aider dans le but de les faire grossir pour qu’elles embauchent, alors remplaçons la suppression de la TVA par une suppression des cotisations sociales patronales, de la CFE ou de l’impôt sur les sociétés par exemple, avec une limite de chiffre d’affaires. Avec ce mécanisme il n’y aurait pas de distorsion de concurrence et l’argent qui ne part pas en impôts pourrait servir à se développer et à embaucher (les premières embauches sont particulièrement difficiles pour les TPE).

Non-sens social enfin. L’auto-entreprise est un excellent moyen pour une grosse entreprise (tient les revoilà) pour se débarrasser d’un coûteux salarié et de le remplacer pour un ou plusieurs auto-entrepreneurs forcément précaires et payés au lance-pierre. Quel beau statut : il y a pléthore d’auto-entrepreneurs (pas loin de 900 000) dont la moitié environ exerce une réelle activité, ce qui fait autant de salariés de moins à employer et autant de pression supplémentaire sur les sociétés sous-traitantes. L’auto-entrepreneur se contentant de peu (il n’a pas le choix !), c’est tout bénéfice pour les grosses entreprises (on vous l’avait dit) et une perte lamentable pour tous les autres, État compris.

Conclusion

Il faut en finir avec les statuts d’exception. Il faut un statut de base qui puisse être adapté au fonctionnement souhaité de l’entreprise et de ses relations avec les administrations fiscales, sociales, éventuellement l’autorité de régulation des marchés, etc.

Je soutiendrai sans réserve toute mesure qui ira dans le sens d’une aide au développement et à la croissance des TPE. On pourrait se fixer par exemple l’objectif d’aider les TPE a atteindre un chiffre d’affaires suffisant pour employer 5 salariés. En 2012, il y avait plus de 2 millions d’entreprises « sans » salarié. En les aidant à embaucher ne serait-ce qu’une personne de plus, on solderait le problème du chômage, excusez du peu !

Alors arrêtons de perdre du temps pour savoir s’il faut oui ou non plafonner les revenus des auto-entreprises, arrêtons d’inventer des pseudo-aides qui ne profitent qu’à ceux qui ont les moyens de gérer la paperasse, faisons simple et efficace !

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PS : et pendant que j’y suis, si quelqu’un peu m’expliquer pourquoi un dirigeant salarié ne peut pas bénéficier d’éventuelles allocations chômages (et en conséquence ne paie pas de cotisations chômages), qu’il n’hésite pas à l’écrire. Cette mesure est totalement idiote.

 

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