Des nuages sur la République

J’ai comme le sentiment d’être en apesanteur ce matin : aurais-je halluciné ? En quelques jours, nous avons eu des dérapages non contrôlés sur la laïcité, la shoah et les sectes, pour passer samedi à un merde au conseil constitutionnel et finir en apothéose dimanche par un “casse toi pauvre con” envoyé à un citoyen qui fait partie des 2/3 des français qui ne font pas à Sarkozy l’honneur de l’apprécier.

Pierre Moscovici avait parlé de vulgarité, je crois qu’il faut y ajouter un étage supplémentaire, totalement politique : le non-respect de l’esprit de la constitution et la contestation de la lettre. D’où ma crainte, en prolongeant un peu la tendance : on peut imaginer sans trop de difficultés que Sarkozy s’engage dans une logique de coup d’état.

Si on garde cette hypothèse, que peut-il se passer ?

1) L’UMP prend ses responsabilités et s’appuie sur la popularité de Fillon pour mettre Sarkozy en quarantaine. En respectant à la lettre la constitution, le 1er ministre a les pouvoirs nécessaires pour reprendre en main la conduite de la politique du pays et ne laisser à Sarkozy que les “honneurs” de la présidence. Ce serait la sortie de crise la moins cataclysmique mais cela demande un minimum de courage à droite et une conduite exemplaire à gauche. La seule riposte possible pour Sarkozy serait de dissoudre l’assemblée. Dans un tel scénario, il faut remarquer qu’en l’absence de congrès et de choix clair, le PS est toujours out…

2) La fronde des élus de gauche et du centre. Je ne sais pas trop quelle forme cela pourrait prendre mais la crise liée à un individu s’essuyant les pieds sur une constitution moribonde aboutirait ici à une crise dont la solution passerait par une nouvelle République accouchée par une insurrection constitutionnelle des élus locaux et régionaux contre le pouvoir central. Possible, cela dépendrait cette fois du courage de la gauche, du centre et d’une partie de la droite.

3) L’acceptation du coup d’état de Sarkozy devant des élus médusés. Possible que l’improbable réussisse parce que personne n’y croit. Mais je ne pense pas que cela tiendrait longtemps à cause de l’impopularité de Sarkozy autant que la conjoncture économique.

4) Autre scénario sombre, une épidémie de suicides à l’Elysée. Solution qui trahirait une noirceur insupportable de la République, mais qui a des précédents.

5) Enfin dernier scénario que je vois, même si je le tiens pour peu probable, un putsch militaro-industriel mettant fin à la République.

Voila, ce n’est qu’un sentiment, une projection sans valeur de prédiction, mais le seul fait que de tels scénarios soient un tant soi peu plausibles est inquiétant.

On sait que la République va mal, mais à quel point ?

Cruauté mentale

Je suis absolument révolté contre les propos de Nicolas Sarkozy voulant faire porter aux enfants du CM2 le poids du souvenir de crimes commis il y a plus de cinquante ans.

Jamais je ne pourrai accepter que mes filles aient à assumer la charge psychologique destructrice que serait une identification à une petite victime des crimes nazis.

Un tel cours ne serait ni enseigner l’histoire, ses faits, son contexte, ses conséquences, ni répondre dignement au devoir de mémoire. Il ne ferait que revenir sur un deuil douloureux et long et le prolonger ad vitam eternam à travers des enfants dont la plupart risquent d’être profondément bouleversés voire perturbés par le récit d’enfants arrachés à leur petit monde, entassés dans des camps, rationnés en nourriture et en soin, enfournés dans des bétaillères, glacés par le froid, séparés de leur famille, assistant parfois aux exécutions des fuyards, terrorisés par les chiens et les gardes, écœurés par l’odeur des camps, agonisant dans les vapeurs de ziclon B.

Propos excessifs ? Non, propos d’un père qui a compris la charge émotionnelle d’une simple chanson comme celle de Goldman (Comme toi) ou d’un film comme le Choix de Sophie. En tant qu’adulte et citoyen, je peux faire façe à cette charge émotionnelle et la prendre à mon compte pour me souvenir de ne jamais faillir devant la barbarie et le fascisme, en tant que père, je sais les dégâts que pourrait faire cette même charge émotionnelle sur de jeunes enfants ; et les propos que j’ai lu ou entendu aujourd’hui venant de pédopsychiatres me confortent dans mon devoir de protection de mes enfants, de tous les enfants.

Si cette décision devait être prise, elle ne serait purement et simplement qu’un acte de cruauté mentale envers ces enfants, acte perpétré au nom même de tous ceux dont on prétend honorer la mémoire. Ce serait une infamie, un crime.

Un président made in China

Il y a quelques semaines, en passant dans les rayons du supermaché, la plus grande de mes filles a aperçu une 2CV parmi les petites voitures du rayon jouet. L’objet du désir ne coûtant que deux euros, Chloé est ressortie du magasin avec le superbe engin. Hélas, mille fois hélas, le bolide était passé au travers des crash-tests de l’Euro N Cap et voici tout ce qu’il reste d’une voiture qui fut en son temps la référence :

Non au made in China

Il est à noter que ceci n’est pas le résultat de plusieurs heures de sévices d’un ado turbulent, ma fille a trois ans et la voiture s’est retrouvée dans cet état en moins de 2mn ! Résultat, le pas cher “made in China” a fini a la poubelle et le joli rêve de Chloé s’est terminée en larmes, sans compter le fait que toutes les petites pièces présentent un réel danger. Cette voiture n’aurait tout simplement jamais due être vendue. Et dire que ce genre de pratiques commerciales exécrables ont réussi à couler la majeure partie de l’industrie du jouet français. Tout cela pour cela, c’est promis, la prochaine fois je paie le prix et quant à faire, j’achète européen !

Collisions d’éléments qui n’ont rien à voir entre eux, notre président s’est livré en ce début d’année à une conférence de presse disons, décallée. Là aussi nous avions acheté du clinquant en rayon et après des offres promotionnelles ciblées (défiscalisation en été, promesse de pouvoir d’achat contre heures supplémentaires ou rachat de RTT, PIB à 3% et plein d’autres douceurs), nous avons eu droit à un étonnant “le pouvoir d’achat c’est pas moi”, faisons marche arrière et marchons en crabe on verra où cela nous mènera. Si l’électorat de gauche ne doit pas être franchement surpris, à droite on doit être pris d’un certain malaise devant un président qui se veut sur tous les fronts, n’assume pas ses premières décisions et va à contre-courant de ce qu’il a décidé en annonçant la fin des RTT par exemple (et nouvelle collision, monster.fr vient de publier un sondage montrant que les français prenaient moins de congés maladies que leurs homologues européens et que ceci n’est pas sans lien avec les RTT justement…).

Quelle est la morale de ces histoires ? Qu’il faut savoir payer le prix des choses et que la qualité n’a pas grand choses avec le marketing. Alors je ne sais pas ce que nous aurons dans les rayons aux prochaines présidentielles, mais en ce qui concerne les jouets je m’en tiendrai aux jouets en bois bien de chez nous (petite pub gratuite…).

Strabisme divergent

Depuis la dernier interview de notre président, je ne peux m’empêcher de penser à l’écart, voire au gouffre, qui sépare le pouvoir du commun des citoyens. L’exemple du paiement des RTT est flagrant. Du point de vue Elyséen, la rhétorique est simple : transformons le temps attribué jusque là à la réduction du temps de travail et transformons-le en revenus sonnants et trébuchants. D’un point de vue comptable, cela se défend. Hélas, la comptabilité et les humains, cela fait deux.

Si j’en juge par mon cas personnel professionnel (cadre, instruit, profession intellectuelle correctement rémunérée) et familial (marié, deux enfants, parisien des banlieues), cette rhétorique est un non-sens absolu : gagner plus ne me permettra jamais de soigner mon stress des transports et du travail, de l’agitation parisienne, il ne me permettra pas plus de passer quelques minutes de plus avec mes enfants ou de vivre le mariage comme autre chose qu’une équipe qui gère en flux tendu les problèmes d’une vie complètement déphasée. Monsieur le président, le travail pour gagner plus, je m’en tape, j’aimerais dejà vivre, un peu… Mais peut-être ne suis-je qu’un cas particulier.

Ce week-end, j’ai fait un petit tour dans ma famille (milieu ouvrier – Peugeot dans la région de Montbéliard). Là-bas, on n’a pas attendu un discours élyséen pour savoir ce que travailler plus veut dire, et que ce soit en horaires décalés (3 huit ou tournées) ou le week-end, on sait ce que se lever tôt et travailler dur veut dire. Mais le sujet de discussion du moment, c’est la mise en parallèle du paiement des heures de RTT et des enquêtes de stress suite à l’épidémie de suicides dans les usines. Bien sûr que le besoin d’argent est là, mais à quoi bon si c’est pour se payer un plus joli cercueil ?!

Alors impossible de ne pas être abasourdi par ce strabisme qui focalise l’attention sur des slogans et ignore la réalité de la douleur de nos concitoyens, douleur qui s’exprime d’une façon incroyablement violente comme on me l’a raconté ce week-end avec l’histoire de ce sous-directeur de la grande distribution qui s’est tranché la gorge avec un cutter sur son lieu de travail. Suicide d’une incroyable violence qui mérite bien mieux que de la rhétorique.