L’envers de la vision future du passé

Connaissez-vous les aymara ? Ce peuple d’Amérique du Sud, outre son goût particulier pour les chapeaux, possède une particularité psycho-linguistique unique :
il rattache le passé à ce qui est vu et le place donc naturellement devant eux, alors que le futur est pour eux situé derrière eux car demeurant invisible.

Evidemment, avec une telle spatialisation du temps, difficile de leur faire croire qu’aller de l’avant est source de progrès et qu’il faille tourner le dos à ses erreurs pour ne plus les commettre.

Et connaissez-vous les français ? Ce peuple d’Europe de l’ouest, outre son goût particulier pour la linguistique,
semble également affecté d’un problème de spatialisation de son destin.
En effet, depuis quelques dizaines d’années, il semble avoir une vision circulaire du passé et de l’avenir.
Analysant leurs problèmes, chacun des français se déclare prêt à aller de l’avant, décidé à quitter leur état, mais, devant passer à l’action, ils en viennent invariablement à réutiliser les mêmes rhétoriques, à voter dans le sens d’un faux changement qui reconduit les mêmes modèles, à voter pour une alternance mais en choisissant ceux qui ne changent rien, ceux qui reconduisent le système et la stagnation qui va avec.

Entre la peur de changer et l’impérative urgence du changement, ce peuple semble pris d’une frénésie d’oscillations qui annule toute possibilité d’avancement.

Changer c’est certes pas aisé, mais une fois reconnue l’impossibilité de ne pas le faire, le mieux est de se décider pour quelqu’un donnant le maximum de garanties pour conduire ce changement. Lorsque l’on ne prend pas le chemin du changement maîtrisé, on se dirige à coup sur vers la rupture subie.

Mais est-ce une question de mauvais choix ou d’absence de choix ?

Si l’on s’en tient à l’offre politique en tant que partis, on peut se dire qu’il s’agit d’une absence de choix puisque cette offre est figée depuis l’alternance miterrandienne, avec un bloc à droite (allié ou pas en fonction des rapports de force) et un bloc à gauche (qui se présente plus systématiquement comme allié mais avec une cohérence peu évidente en général).

Si l’on regarde l’offre en tant que candidats, là on constate que, bien que souvent peut différenciée, nous avons vu passer des candidats “plausibles” avec un bagage intellectuel “différent”. Un choix raisonnable différent nous a été présenté presque à chaque présidentielle. Hélas, ces choix différents n’ont jamais été plébiscités par les français, qu’ils se soient appelés Barre, Rocard ou maintenant Strauss-Kahn. Etrange ce phénomène qui fait que des hommes
indiscutablement reconnus comme compétents et rigoureux n’arrivent pas à briser notre vision circulaire du destin. Etrange cette façon que nous avons d’apprécier le yaourt politique à la place d’une vision constructive de demain. Etrange cette paralysie de l’intelligence et de l’instinct de survie dès que nous nous retrouvons dans un isoloir…

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