Quelques jours ont coulé sur l’affaire Cahuzac et l’offshore leaks ce qui permet de passer de la légitime émotion à la nécessaire réflexion.
Sur Cahuzac, tout n’a pas été nécessairement dit ou découvert mais l’essentiel est connu : un homme non intègre a été nommé à une fonction qu’il a sali en même temps qu’il se déshonorait en méprisant de plus tous ceux qui subissent aujourd’hui une effroyable crise économique. Il reste tout de même à savoir comment nous avons pu nous faire « refiler » un homme avec ce profil et si certains architectes de la fraude fiscale n’y ont pas contribué.
L’offshore leaks est encore trop flou pour en tirer des conclusions. Je me méfie pour ma part du côté un peu trop orchestré voire teasing des révélations. Commencer les révélations en mettant en avant un proche de la présidence pour s’apercevoir ensuite que les choses ne semblent pas illégales en ce qui le concerne tient plus des procédures accrocheuses que de la méthodologie journalistique rigoureuse. Distiller ensuite, jour après jour des noms de sociétés ou de personnes tient plus du feuilleton que du journalisme. On attend des faits mis en perspectives par des analyses, pas des effets de manche. On attends aussi des informations sur les sources. Et on se pose également légitimement quelques questions :
- pourquoi quelques établissements des îles Caïmans et pas ailleurs ?
- quelle part relève de la fraude fiscale, quelle part relève du blanchiment mafieux ?
- si le magot représente 1250 milliards d’euro sur ce seul scandale, à combien peut-on estimer l’ensemble de la fraude fiscale mondiale ? 600 Md€ en France semble un montant un peu faible si 50Md€ sont identifiés aux seules îles Caïmans. Puisque les Français qui paient honnêtement leurs impôts sont au maximum des efforts qu’ils peuvent consentir, je pense qu’il y a là plus qu’une piste de solution à nos problèmes financiers.
Je vois aussi dans l’offshore leaks un autre élément radicalement nouveau lié à la numérisation du monde. D’abord, sans un travail initial de numérisation (fait par qui ?) il n’aurait probablement pas été possible de transmettre une information qui, si elle avait été envoyée sur un support papier, aurait nécessité plusieurs camion(s). Ensuite, un autre point remarquable est la révélation mondiale du scandale, là aussi rendue possible par l’hyper-connectivité numérique. Dans ce nouveau monde qui se construit, il est beaucoup plus facile de capter l’information privée voire secrète et de la diffuser à une échelle maximale avec des moyens même réduits. Les sphères privées, professionnelles ou personnelles, se réduisent à très grande vitesse sans qu’il soit réellement possible de le contrôler. Ceux qui n’ont rien à se reprocher ne pourront que le regretter pour leur pudeur, mais ceux qui sont sortis des clous doivent maintenant savoir qu’ils ont du souci à se faire. Il ne reste plus dans leur cas qu’à passer des révélations aux condamnations.
Reste enfin à réfléchir sur ce que le Parti Socialiste doit faire dans cette affaire. S’indigner, oui évidemment. Mais aussi aller au bout de l’indignation en agissant, et partout où c’est possible, en devançant l’évolution de la loi. Je pense en particulier aux procédures qui plus que jamais doivent permettre aux citoyens de contrôler que les candidats qui se présentent devant eux sont effectivement intègres, sont ceux qu’ils prétendent être. Nous n’attendons pas des saints pour diriger nos villes, pour participer aux assemblées locales ou nationales, mais si quelqu’un se présente en prétendant être ce qu’il n’est pas, alors cela doit pouvoir être connu.
J’appelle mon parti à s’engager sur cette démarche sans attendre qu’une loi soit votée. Et je les mets en garde sur la tentation d’essayer d’y échapper : le monde qui se construit ne laissera à terme aucun autre choix que celui de l’exposition publique totale des acteurs politiques. Vouloir y échapper revient à se condamner à court ou moyen terme. J’appelle également mon parti à prolonger le travail de rencontre avec les Français (les ateliers du changement) avec une thématique sur les outils pratiques à mettre en œuvre pour contrôler la probité des acteurs politiques. Nous n’avons pas seulement besoin de leur vote une fois de temps en temps, nous avons besoin de leur soutien et surtout sur les changements à apporter, de leur aide. C’est parce qu’ils reconstruirons avec nous de nouveaux outils et une nouvelle façon de faire de la politique, que la politique retrouvera l’éclat qui éclaire et construit l’avenir.