Manager le changement au PS

La Rochelle a été orageuse, riche en images relayées avec gourmandise, mais politiquement peu significative. Reprenons les choses en essayant de les décrypter autrement que par l’image.

J’avais proposé dans ce post une grille de lecture en trois blocs politiques : la gauche du PS, les lambeaux de la présidentielle, la social-démocratie.
Une autre grille de lecture, cette fois centrée sur les contributions, faisait apparaître trois futurs possibles pour le PS, présidentialiste, parti de courants, parti de contributions militantes.

Que dire de La Rochelle si l’on reprend ces grilles ?

Les lambeaux de la présidentielle (Royal d’un côté, Hollande de l’autre) et l’aspiration à une présidentialisation du PS (on ajoute Delanoë) se retrouvent en retrait prudent, peut-être tactique ; il apparaît acté que le choix de la présidentialisation du parti n’est pas l’avenir le plus probable du PS alors même que c’est celui qui est porté par les médias avec le fameux duel Royal / Delanoë. Tout peut être résumé dans l’attitude de Royal, pour une fois élégante et finalement subtile, qui après avoir lancé son «aimez-vous les uns les autres ou disparaissez » s’est éclipsée de La Rochelle. La relative discrétion de Delanoë peut également s’expliquer ainsi. Ceci dit, même en retrait, ces deux là ne sont pas hors jeux et leur retour est toujours possible dans le cas où le PS serait menacé d’une explosion totale : la situation serait alors en phase avec la nature césariste de la présidentialisation du parti. Le PS aurait recourt au mythe du sauveur.

Mais La Rochelle, cela a surtout été la mise en image de l’opposition entre les courants (rapprochement Aubry / Fabius sous la houlette de Cambadélis) et d’un PS, plus exotique et fragile mais sans doute plus prometteur, pour le coup incarné par un homme seul à la terrasse d’un café : Moscovici, l’individu incarnant le collectif se heurtant aux courants. Symbole paradoxal intéressant… mais probablement excessif.

Relisons maintenant ceci avec les yeux du manager qui doit gérer un changement fondamental dans une organisation. Nous sommes tous réfractaires au changement, peu ou prou, et quand c’est un changement majeur comme celui que doit affronter le PS, c’est de toute façon une crise majeure. Dans un tel cas, un manager doit s’attendre à passer un certain nombre d’étapes : le déni, le deuil et l’abattement, puis le processus de reconquête. Il était illusoire d’espérer que la mutation du PS en fasse l’économie.

On trouve les symptômes du déni les plus nets à la fois chez les Royalistes (souvenez-vous de l’image « triomphale » de Royal à la fenêtre de Solférino au soir de la défaite) mais aussi au sein des cadres les plus impliqués dans la technostructure (Hollande en est le paradigme même s’il a plus avancé que les autres parce qu’il sait que son départ est inéluctable).
La recherche d’alliances de courants me semble également symptomatique d’un déni : les courants sont le fonctionnement « normal et historique » du PS ; pourtant ils sont presque unanimement rejetés au point même de faire apparaître la sondocratie comme une solution préférable !
Ce qui s’est passé à La Rochelle apparaît donc tout à fait normal et même, du point de vue management du changement, positif :

– En se mettant quelque peu en retrait, Royal, Delanoë et Hollande sont en position de dépasser la phase de déni.
– En affichant clairement leur position, les tenants des courants du PS se voient renvoyer l’image très négative qu’ils inspirent à l’extérieur et je sais qu’ils sont suffisamment intelligents pour comprendre qu’ils doivent évoluer, d’une façon ou d’une autre.
Dans un changement d’ampleur, on ne peut jamais faire l’économie d’une crise majeure. Jamais.
Autre point positif de cette crise, Moscovici qui joue en fait le rôle « du porteur d’eau du changement », peut maintenant plus librement servir de catalyseur du changement, mais doit veiller à ne pas couper à ce stade le fil du dialogue. Il est possible, voire probable, qu’une partie des militants socialistes actuels ne restera pas dans le futur PS, mais la séparation, si elle doit avoir lieu, doit se faire naturellement lors du processus de reconquête, chacun choisissant alors son nouveau destin. Si les étapes ne sont pas respectées, si les choses vont trop vite, si la crise ne peut être exprimée, il y aura une scission irréparable entre ceux qui resteront scotchés sur le déni, ceux qui ne pourront pas se remettre de la perte de l’ancien PS et ceux qui galoperont avec enthousiasme vers de nouveaux horizons.

Si tout va bien, La Rochelle aura été la crise du déni, le deuil aura lieu entre maintenant et Reims et le congrès lancera le processus de reconquête pour un PS cohérent, uni et heureux de l’être.

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