Primaires 2011 : Portraits croisés

Sans surprise, François Hollande s’est lancé dans la campagne d’investiture du Parti Socialiste.

Cette déclaration de candidature me semble d’une nature un peu différente de celles d’Arnaud Montebourg, Emannuel Valls ou Ségolène Royal dans le sens où même si elle intervient bien trop tôt par rapport à un calendrier « raisonnable », Hollande se déclare plusieurs mois après le trio et surtout, il dispose d’un certain nombre d’atouts qui pourraient effectivement faire de lui un compétiteur de Dominique Strauss-Kahn. Voici qui me donne donc l’occasion de faire des portraits croisés.

Les hommes.

François Hollande c’est le quinqua de service, fils de bonne famille de province, avec un parcours de bon élève qui l’amènera à sortir 7ème de la célèbre promotion Voltaire de l’ENA (où l’on trouve en autres Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Jouyet, Ségolène Royal, Michel Sapin, Dominique de Villepin). Son engagement Mitterrandien précoce lui permet d’entamer une carrière professionnelle politique on ne peut plus classique en France : c’est un pur produit de l’énarquie ; en dehors de la politique il a exercé quelques temps dans le cabinet d’avocats de son ami Jean-Pierre Mignard et a été professeur d’économie pendant 3 ans à l’IEP. François Hollande n’est à ce jour pas marié même s’il a eu quatre enfants.

Dominique Strauss-Kahn, de cinq an son aîné, a des origines plus mélangées. Fils d’un conseiller juridique militant socialiste et d’une journaliste russo-tunisienne, son enfance a été celle des Français d’Afrique du Nord (Maroc) jusqu’au tremblement de terre d’Agadir de 1960 qui obligea la famille à revenir en France après un passage à Monaco. Son doctorat d’économie fait de lui un personnage atypique au sein de la classe politique française, ce qui pourrait d’ailleurs bien expliquer l’origine de certaines frictions. Marié en 3ème noce à Anne Sinclair, il a quatre enfants.

On ne manquera pas de remarquer que le parcours des deux hommes est très différents. Plutôt marqué France classique et bourgeoise pour FH et plus France active et nomade pour DSK. A contrario, si les deux hommes semblent assez attachés à la famille pour avoir eu quatre enfants, c’est Dominique Strauss-Kahn qui montre un attachement à l’institution du mariage alors que François Hollande n’a manifestement jamais réussi à s’y résoudre.

La carrière

La carrière professionnelle de François Hollande c’est surtout et d’abord le PS. Actuellement conseiller général et député, il n’a jamais exercé de charges ministérielles, ce qui ressemble à un drôle de pied de nez de l’histoire. Sous Mitterrand, il n’accède qu’à des postes de directeur de cabinet, son parcours électoral et sa jeunesse l’empêchant sans doute de prétendre à mieux à l’époque. Occasion manquée. Premier secrétaire du PS à la fin des années 90, il n’a pas participé au gouvernement Jospin. Occasion manquée. Enfin, lorsqu’en 2006 il se sent prêt à se lancer dans la présidentielle, Ségolène Royal lui grille la politesse, leurs relations complexes l’empêchant de concourir contre elle. Occasion manquée. Hollande n’appartient pas vraiment à un courant du PS, il fait plutôt partie de ce que j’appelle les « légitimistes » du PS, plutôt « trans-courant », ceux pour qui l’histoire, la culture et la structure du parti représentent un ensemble suffisant pour définir une politique basée sur le consensus, fut-il « mou ». Il a été 1er secrétaire du PS de 1997 à 2008.

Le parcours politique de Dominique Strauss-Kahn est à l’image du bonhomme : vif, plutôt inédit, fait de catastrophes et de rebonds brillants. Professeur d’économie (HEC, ENA, Standford, …), avocat d’affaires, ministre, et bien sûr actuel directeur du FMI, ce parcours a de quoi désorienter plus d’un conservateur. Fondateur du courant socialisme & démocratie, animateur de plusieurs groupes de réflexion politique, il incarne la vision d’une gauche qui rompt définitivement avec le marxisme tout en introduisant avec force les impératifs sociaux dans une économie de marché régulée. Alors que ses détracteurs français font de lui un social-traitre il est cocasse de se souvenir que ses détracteurs américains qui voulaient l’empêcher de prendre la présidence du FMI faisaient de lui « a socialist » (ce qui dans la pensée néo-libérale américaine se traduit par « sale gauchiste »). En 1999, victime d’une plainte très politique, il démissionne pour protéger le gouvernement Jospin. La justice l’innocentera quelques années plus tard, relevant même le vide du dossier de l’accusation.

Il existe donc une assez nette différence entre la carrière des deux hommes, plus « classique fleuve tranquille » chez Hollande, plus « torrent tumultueux et flamboyant » chez Strauss-Kahn.

Le bilan

Étant toujours passé à côté des postes ministériels, il est bien difficile de tirer un bilan d’actions menées par François Hollande au niveau national pour la France. On ne peut donc que se limiter à ses actions politiques pour le PS où il a tout de même exercé la plus haute charge, en « cohabitant » d’abord avec Lionel Jospin jusqu’en 2002, et totalement libre de ses choix de 2002 au congrès de Reims. On ne peut que constater l’absence de rénovation ou de refondation des idées socialistes après la mort de François Mitterrand (Hollande n’a pas su mener le PS au-delà du droit d’inventaire de Jospin). On ne peut que constater deux défaites cinglantes et à contre-courant aux présidentielles de 2002 et 2007. Et surtout, on ne peut que constater une défaite très personnelle dont il n’a pas souhaité tirer les conséquences, celle du référendum européen. Une bataille dans laquelle il s’est engagé et mis en avant sans pouvoir assoir son autorité de Premier secrétaire, et surtout bataille qui a laissé des traces très profondes de division au sein du PS, sensibles encore aujourd’hui et dont une partie fut la cause de l’échec du congrès de Reims, congrès raté de sa succession.  François Hollande a à son actif un certain nombre d’élections locales (en particulier les régionales 2004) largement gagnées par la gauche.

Le bilan de Dominique Strauss-Kahn est d’abord économique. Sa vision hétérodoxe par rapport à la vision classique du PS a permis d’obtenir de 1997 à 1999 des résultats plus que bons : déficits en baisse, pouvoir d’achat en hausse, chômage en baisse et nouveaux temps libre avec les 35h. L’entière gloire ne revient pas qu’à lui, mais ses qualités de manager d’équipe, ses connaissances, son intelligence et son dynamisme ont largement contribué aux succès de l’équipe Jospin. Son départ du gouvernement a d’ailleurs marqué une forte rupture pour les années qui ont suivi. En qualité de directeur du FMI, il a tout simplement réussi à réformer voire sauver une institution totalement discréditée à son arrivée. Réformes managériales internes, réorientation des choix stratégiques, ré-appropriation de l’institution par tous les pays, y compris et surtout les plus défavorisés, incontestablement, il restera un des grands directeurs de cette institution, ce qui lui donne aujourd’hui une reconnaissance internationale sans équivalent en France, y compris comparée à celle de Nicolas Sarkozy qui a tant abîmé l’image de notre pays.

Incontestablement, en ce début de campagne, François Hollande va devoir expliquer et défendre un bilan qui n’est guère flatteur. Quant à Dominique Strauss-Kahn dans quelques temps, sa tâche sera plutôt d’expliquer la cohérence de ses succès remis dans la perspective de sa politique future.

Conclusion

Il manque à ces portraits la définition des idées défendues pour 2012, la vision d’avenir, le programme. C’est normal, cela viendra lorsque la bataille sera vraiment engagée. Pour l’heure, il était important de mieux connaître les hommes et leur parcours.

2 réflexions sur « Primaires 2011 : Portraits croisés »

  1. Un tout petit détail, Hollande a été Premier secrétaire de 1997 à 2008 et non 2004. Du reste, il est celui qui a occupé ce poste le plus longtemps.

  2. interessant ces portraits croisés 😉

    pour ce qui est de votre conclusion, Hollande c’est vrai qu’on sait pas très bien pour l’instant, il pourrait juste porter le projet sans plus.
    quant à DSK on on déjà un petit idée de ce qu’il propose, meme s’il ne parle pas de la France explicitement, mais ses discours en tant que directeur du FMI sont une très bonne indication

    😉

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