Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, le parlement allemand a été dévoré par un incendie.
On n’a jamais vraiment su s’il s’agissait de l’œuvre d’un abruti ou une manipulation des nazis, mais toujours est-il qu’ils ont exploité ce crime avec brio : cette nuit là, non seulement les flammes ont détruit l’outil de la démocratie, mais cela a permis à la propagande nazie de tourner à plein régime et d’assassiner la démocratie allemande elle-même. Doit-on oser faire un parallèle avec la situation d’aujourd’hui au parti socialiste ?
Lionel Jospin l’a fait à demi-mot il y a quelques jours, l’enchainement des évènements m’amène à le faire à voix haute, en mots clairs aujourd’hui.
L’histoire a commencé il y a déjà bien longtemps au PS, après que François Mitterrand n’ait laissé en héritage au PS quelques heures de gloire mais aussi un malaise créé par un épuisement idéologique et le sentiment que la morale n’avait pas toujours été le moteur de la pratique du pouvoir.Depuis les années 90, le PS ne s’est jamais vraiment remis de ce malaise et même s’il a largement prouvé ses capacités de gouvernement, la pertinence de ses choix et sa générosité pendant les années Jospin, ses indéniables succès politiques, économiques et sociaux ne lui ont jamais permis d’enterrer proprement le passé et de renaître.
Reims aurait pu être une occasion de renaissance. Les sociaux-démocrates étaient idéologiquement prêts à refonder le PS, en acceptant l’héritage socialiste et social-démocrate mais en créant quelque chose de nouveau.
De leur côté, les royalistes voulaient créer un parti césariste, c’est à dire dévoué à une seule personne dans l’unique but d’accéder à la magistrature suprême, alpha et oméga selon eux de la politique.
A la rigueur, le choix politique aurait pu se faire démocratiquement. Mais voilà, la nature hégémonique du césarisme s’accommode fort mal de la démocratie. Autant pour les sociaux-démocrates, il est normal de discuter et de décider de façon collégial, autant pour les césaristes c’est un non-sens puisque quoi qu’il arrive tout est défini par et pour le chef, la victoire ne peut être que totale et lorsqu’elle est impossible, le combat va jusqu’à la destruction.
Ceci est illustré par ce qui se déroule devant nos yeux du côté de Solférino. D’un côté, des sociaux-démocrates comme Moscovici proposent une direction collégiale regroupant paritairement les représentants des quatre motions (qui ont regroupé chacune peu ou prou un quart de l’électorat, un peu moins pour la gauche radicale, un peu plus pour les royalistes). Solution socdem pur sucre, équilibrée, raisonnable en fonction des circonstances. Solution rejetée par le camp d’en face qui envisage soit de revoter jusqu’à avoir la fameuse majorité qui légitime le chef, soit de faire appel à la justice pour faire condamner des irrégularités dont tout le monde connait l’existence et dont tout le monde sait qu’elles sont largement partagées de façon très égalitaires pour une fois. En complément, nous assistons à un déferlement de déclarations qui tiennent plus de la propagande qu’autre chose et une tentative de pression physique est envisagée par une manifestation devant Solférino. Irrégularités, menaces, manipulations, pressions, propagande, tout y est, nous sommes bien dans les années 30.
A ce stade où la mèche n’a pas encore trouvé l’abruti qui allumera l’allumette, nous avons déjà perdu la démocratie ; le vote n’a plus de sens, quoi qu’il arrive il n’en sortira pas de gagnant légitime.
Le débat démocratique survit-il encore ? J’espère que la commission de récolement va le ranimer mais il est aussi possible que les pressions physiques qu’elle subit avec une manifestation d’annoncée à Solférino et les menaces juridiques avec lesquelles on veut la tuer auront finalement raison d’elle.
Alors oui, tout est mûr pour le pire. Je serais de la préfecture de police, je me préparerais à mobiliser pompiers, ambulances et gardes mobiles. Triste, triste vraiment de devoir en passer par là pour faire renaître la gauche