Difficile de ne pas avoir été saisi d’une intense émotion en écoutant cette version de Quand on n’a que l’amour.
Difficile de ne pas trouver dans son entourage plus ou moins proche le nom d’une des 130 victimes du 13 novembre.
Dans de telles circonstances, on aurait pu trouver légitime, normal, compréhensible, un profond sentiment de colère, de vengeance et même, pourquoi pas, de haine.
Mais voilà, nous sommes le peuple d’un très vieux pays, un peuple qui a porté très haut la dignité de l’Homme, qui a porté très loin des valeurs qu’il veut défendre comme universelles, qui a défendu jadis contre le fascisme et la barbarie, comme il le défendra demain, ses idéaux de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.
Et quand la Liberté fait à ce point partie de chacun d’entre nous, aucun fusil ne contient assez de balles pour faire taire ce peuple.
Et quand la Fraternité, que parfois on peut croire bien faible, est à ce point ancrée dans nos relations à l’autre, aucun bruit d’explosion ne couvrira les voix, même fragiles, même douces, même retenues de cette France qui s’appelle ici Nolwenn, Camelia, Yaël.
À la destruction nihiliste, notre pays a su répondre avec la force de son armée certes, mais aussi avec la force profonde de ses idéaux. L’armée est la réponse indispensable pour ne pas être vaincus, mais la puissance de l’Idéal est ce qui permettra de vaincre.
À travers nos larmes, nous avons vu le monde se colorer en bleu, blanc, rouge.
Derrière nos sanglots, nous avons entendu des Marseillaise s’élever partout dans le monde. Qui aurait pu croire qu’un jour le stade de Wembley serait un bout de France ?
Je ne crois pas qu’un autre peuple aurait pu avoir un tel hommage.
Pourtant, au-delà de l’émotion du moment, au-delà du solide rappel de ce qui fait de nous la France, je ne cesse de m’interroger sur les raisons qui font que nous avons une si mauvaise image de nous même, un tel goût pour l’auto-flagellation voire l’auto-mutilation.
Je n’arrive pas à comprendre comment une émotion et une fusion puissantes nous saisissent en écoutant Quand on n’a que l’amour et dans le même mouvement schizophrène, comment nous pouvons rejeter l’émigré qui l’a écrit et les jeunes femmes qui la chantent parce que leur identité française est remise en question par certains.
Je ne peux pas accepter que le monde nous apporte son soutien pour la fierté légitime que nous avons d’être Français et que nous soyons dans le même temps prêts à étouffer cette fierté avec la boue idéologique de gens qui ont toujours été historiquement dans les rangs du mal et de l’oppression.
Je n’ai aucun doute sur le fait que l’État Français a pris la mesure du danger et qu’il met en œuvre ce qui est nécessaire pour le combattre et l’annihiler. Mais j’ai un doute sur le fait que certains Français soient eux bien prêts à défendre, dans les faits autant que dans les mots, ce qui constitue réellement notre identité. Si demain je devais tomber sous les balles pour avoir défendu mes idées, pour avoir eu le plaisir de boire une bière à la terrasse d’un café ou celui d’aller à un concert, je ne voudrais pas que des gens aux haines recuites et idées moisies en prennent prétexte pour confisquer à mes filles leur idéal de liberté, leur ambition de construire un monde égalitaire, leur insolente prétention fraternelle à aimer l’autre. Je veux que tout l’amour de notre belle France leur soit transmis et qu’elles le partagent, encore et toujours.