Certains aiment à raconter qu’ils brisent les tabous, je me contenterai ici de défoncer une porte ouverte : le socialisme français est mort. Après l’heure de gloire de la conquête du pouvoir, après un certain nombre de réformes fondamentales dont la plus emblématique est sans doute l’abolition de la peine de mort, il n’a pas réussi à se renouveler même si l’expérience Jospin a montré que nous en avions très largement la capacité. De non-réformes internes en objectifs purement tactiques, d’erreurs d’égo en naufrage népotique, nous n’avons pas réussi à ouvrir la voie de la refondation, les résultats des votes des militants au congrès en sont le dernier exemple éclatant (résultats provisoires publiés sur le site du PS vendredi 7 novembre) : Royal (et alliés) aux environs de 29%, Delanoë (et alliés) autour de 25%, Aubry (et alliés) autour de 25%, Hamon autour de 19% (en légère baisse par rapport au score du NPS au congrès du Mans), Utopia autour de 2%, Écologistes autour de 1,5%, pour 55% de participation.
Prenons un peu de recul et de hauteur. D’abord le chiffre de la participation ne veut pas dire grand chose tant la gestion des listes des militants du PS tient de l’exercice fantaisiste. Pour ne citer que deux exemples de ma toute petite section, je n’avais pas le droit de voter parce qu’après mon déménagement, les informations nécessaires n’étaient pas arrivées à ma secsec, et une autre militante n’a pas eu le droit de voter parce qu’inscrite à Brest, elle ne payait pas sa cotisation et ne militait pas à Brest mais ailleurs. Sur une petite trentaine d’inscrits, sur la grosse dizaine de militants qui effectivement étaient actifs, presque 10% n’étaient pas en mesure technique de voter…
Autre élément : le bourrage de mou marketing a fonctionné à plein durant ces deux derniers jours. Les résultats n’étaient pas encore diffusés officiellement que la presse annonçait déjà le grand succès de la motion E. Le « grand succès » s’exprime dans les faits comme une perte de 50% des voix royalistes en deux ans (depuis la primaire), et comme une avance de 4 points environ sur les deux suivants et de 10 sur le quatrième. L’objectivité aurait dû amener les commentateurs à parler de résultats groupés avec une avance de la motion E…
Mais fi des commentaires, l’important est que le PS n’a pas dégagé de majorité solide, et que seules les motions Delanoë et Aubry réunies peuvent décrocher une (très faible) majorité à peu près cohérente (social-démocrate). C’est possible, mais on ne refonde pas un parti avec 50% de voix.
Deux solutions : soit nous restons dans le déni et cherchons à recoller des morceaux sans but politique, et dans ce cas mieux vaut garder François Hollande c’est le seul à pouvoir réaliser un tel alliage, soit nous affrontons clairement le problème de nos divergeances, en commençant par arrêter de dire que nous sommes tous pareil !
J’affirme clairement ne plus être socialiste ou social-démocrate, mais bel est bien quelque chose de nouveau, héritier du socialisme et de la social-démocratie. J’affirme que mes valeurs, mes outils, mes idéaux sont ceux du manifeste socialisme et démocratie mais qu’ils doivent être librement développés. Je comprends le combat de la majorité de mes camarades du PS, mais en l’absence d’une affirmation claire de ce qu’ils sont eux-aussi, je ne suis pas en mesure de dire si je peux rester avec eux dans le même parti ou si tout simplement nous devons nous contenter d’une confédération, d’un nouveau programme commun de conquête électorale entre partis distincts, voire carrément diverger. Chacun doit clairement dire qui il est, qui se reconnait dans la gauche radicale et ce qu’est cette gauche radicale, qui se reconnait dans une gauche sociale-libérale et ce qu’est cette gauche sociale-libérale, qui se reconnait dans une gauche catholique et ce qu’est cette gauche catholique, qui se reconnait dans autre chose et ce qu’est cette autre chose. Arrêtons d’avancer masquer, de ne pas paraitre ce que nous sommes.
Nous devons présenter aux français notre vrai visage et un programme en phase avec ce que nous sommes, c’est la seule façon raisonnable de sortir de cette interminable crise.
Comment faire puisqu’aucune majorité puissante ne semble pouvoir se dégager ?
Une façon simple est de trancher dès à présent dans le vif et de découper le PS à Reims. 19%, 25%, 25%, 29%, on vend les meubles et la marque et chacun fait ce qu’il veut de son côté avec son bout de PS. C’est simple et radical, mais c’est hautement traumatisant, plus qu’hasardeux et cela aura un impact certain sur la vie personnelle de nos élus aux prochaines européennes et surtout régionales. On peut aussi parier qu’après la crise venant la croissance, nous serons prêts, forts et cohérents pour la prochaine présidentielle.
Il est aussi possible de passer un contrat de changement entre les quatre courants actuels du PS : donnons-nous une direction provisoire qui aura pour objectif de restructurer l’administration et le fonctionnement du parti, de faciliter l’affirmation des identités des courants et de préparer un congrès exceptionnel dans un an, congrès de la dernière chance qui cette fois aurait clairement pour but soit de désigner une direction cohérente, soit de permettre une scission saine du parti. Parallèlement, organisons les assises nécessaires à la clarification idéologique : quel nouveau contrat social, intergénérationel, multiculturel et entre les sexes proposons-nous ? Quel nouveau contrat républicain proposons-nous ? Quel nouveau contrat socio-économique proposons-nous ? Quel contrat socio-écologique proposons-nous ?
C’est la première fois que mon statut de militant simple citoyen me gène car il s’agit maintenant de faire un choix crucial dont les conséquences impacterons beaucoup de gens. Et dans un tel cas il est peu moral d’être conseilleur et pas payeur. Mais c’est ainsi, et j’espère que ce post permettra au moins aux cadres du PS de prendre un peu de recul, dans l’intérêt collectif, quelque soit le choix final. L’important est que ce soit justement un choix
Ce post sera diffusé dans la mesure du possible sur les sites des responsables des quatre motions ainsi que sur les sites de J-J. Urvoas et P. Moscovici.