Le courage et les convictions

Août 2009.

Bloggy bag

J’aime bien la maxime suivante, quand il ne reste plus rien, il reste le courage et les convictions.

En cette période de rentrée politique, il me semble qu’elle est un excellent point de départ pour nos travaux de refondation et qu’elle pourrait servir de phare pour éclairer le port de l’université d’été de La Rochelle. Contrairement aux années précédentes, je crois que l’idée de changement n’est plus le mot que l’on utilise pour dire aux autres combien ils sont has been, mais bien celui que la majorité des militants est prête à s’appliquer à elle-même. Que le chemin fut long pour en arriver là, et comme le parti a résisté, jusqu’au psychodrame de Reims, pour ne pas voir la réalité en face, pour dépasser les mots, pour aller plus loin que “oui mais pas cela”, “oui chez vous mais pas chez moi”.

Changer n’est jamais facile, alors que dire lorsqu’il faut abandonner un paquebot naguère conquérant et confortable pour s’attaquer à la construction d’un navire résolument nouveau, nécessairement innovant, où rien de tangible n’est encore visible, où seuls prévaudront les talents des architectes, l’habilité des constructeurs, et un jour prochain, le panache du capitaine.

Mais le chemin de la refondation sera long, et s’il y aura urgence à répondre à la convocation des Français, il n’y en a aucune à créer un grand n’importe quoi mal ficelé. Ce chemin commence par sortir de l’émotion immédiate qui nous a jeté dans la recherche illusoire du sauveur. Oh certes, il aurait été divinement agréable de trouver maman ou papa pour régler tous les problèmes, mais dans ce monde réel, nous sommes adultes, responsables et, en qualité de socialistes, nous savons depuis longtemps que les chances de survie et de succès sont bien plus élevées par l’union, l’addition des talents, que par l’arrivée deus ex machina du sauveur. Alors oui, nous avons de nombreux talents, mais tous ces talents doivent contribuer au succès, collectivement et quitter le costume mal taillé de Zorro se transformant en Cosette une semaine sur deux.

L’union n’est pas le seul pré-requis à notre renaissance. Il nous faudra questionner profondément nos convictions, comprendre pourquoi elles ont échoué à nous faire gagner, comprendre pourquoi elles ne sont pas devenues une évidence pour tous, comprendre pourquoi certains d’entre nous se sont accommodés d’arrangement avec elles.

La démocratie est notre idéal. L’avons-nous si bien appliquée ? L’avons-nous si bien défendue ? N’a-t-on pas renoncé à essayer d’aller au-delà ?

La République est notre référence ? Mais n’est-elle pas morte cette République ? Ne l’avons-nous pas laissée lentement dériver vers d’étranges pratiques ? Comment la faire renaître elle aussi ?
Avons-nous réussi à concilier liberté individuelle et égalité collective ? N’avons-nous pas doublement échoué à combattre l’individualisme et à empêcher le naufrage individualiste de nos sociétés ? Avons-nous dépassé l’échec de l’égalité collectiviste qui a abouti à l’oppression sans nom des peuples ? Quel point d’équilibre entre individu et société proposons-nous ?

L’idée social-démocrate de la régulation économique ne s’est-elle pas imposée sans nous ? Avons-nous vraiment admis qu’il faut être là où se décident les choses (FMI, OMC, BCE, …) pour être en capacité d’agir ? Notre vision de l’économie, bien que plébiscitée par les faits, n’est-elle pas en fait déjà dépassée ? Qu’est-ce que le capital dans un monde qui se dématérialise à grande vitesse ? Comment créer de la richesse avec les mécanismes de l’économie de la gratuité ?

Ne devons-nous pas également faire table rase de nos réflexes sociaux pour reconstruire un équilibre plus juste, plus pérenne, qui ne réduise pas nos vies en trois phases, apprentissage, production, retraite, mais qui considère un tout fait de continuité dans l’alternance, de changement continu normal et maîtrisé, un équilibre où les services publics sont des relais, des secours, des accélérateurs, des réparateurs, le liant d’un projet commun cohérent et identifié ?

Enfin, nous avons découvert que nos sociétés étaient contraintes par un monde fini, vivant, plus fragile que nous le pensions. Mais ne serions-nous pas en train de tomber dans la vision simpliste de l’écologie du rayon bricolage ? Les questions se résument-elles à la production de carbone, à quelques éoliennes et une citerne pour récupérer l’eau ? Qu’est-ce que la propriété d’un écosystème ? Quelle est la limite de transformation de ces écosystèmes ? Devons-nous nous limiter à subir le destin imposé par la déesse nature ou doit-on défendre, là aussi, l’émancipation des sociétés dans le respect des équilibres certes, mais en gardant notre volonté et notre liberté d’action.

J’ai trop peu de réponses à donner à toutes ces questions, et c’est tant mieux car pas plus que les autres, je ne peux écrire à moi seul le nouveau volume qui éclairera le chemin des années à venir. Mais je ne doute pas que nous soyons maintenant prêts à l’écrire, ensemble, parce que nous saurons questionner nos convictions et que nous avons le courage de construire un monde meilleur pour nos enfants.

Dany, cet ami nous veut-il du bien ?

Daniel Cohn Bendit

Cher Dany, désolé de te casser les pieds, mais il faut que je fasse un peu le point avec mes camarades socialos sur le sujet de l’écologie.

Le sujet n’est pas nouveau pour nous, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons jamais très bien communiqué sur le sujet. Du coup, pour rattraper le coup, certains d’entre nous ont semble-t-il l’idée de se lancer dans le plus écolo que moi tu meurs en se disant que l’année prochaine, les régionales se joueront en bonne partie à gauche sur ce sujet qui touche chacun dans son quotidien. Et figure toi qu’il ne nous a pas échappé que ce serait une excellente affaire, non pour le PS, mais bien pour les listes écologistes, tant il vrai qu’en matière de mangeons bio, récupérons l’eau et posons notre panneau photovoltaïque, les listes estampillées écolo-inside seront imbattables. Bien oui, ce n’est pas nouveau, en politique l’original est toujours préféré à la copie et vouloir te courir après serait surtout te pousser à la tête de nos belles régions. Vois-tu, nous avons beau être dans le brouillard en ce moment, nous n’en avons pas pour autant perdu notre lucidité et notre capacité d’analyse…

Alors, puisque tu es un ami et donc que tu ne peux que nous vouloir du bien, peut-être doit-on envisager de dissoudre le PS pour te rejoindre. Rejoindre qui pour quoi au fait ? Question importante parce que côté visibilité, finalement les écolos n’ont jamais franchement été plus clairs que le PS, même aujourd’hui.

Devrions-nous rejoindre l’écologie version paysan moustachu ? Franchement mon Dany, le côté conservateur réac à la sauce néo-jacquerie me rebute. Si être écolo c’est être anti-tout et retour à un monde paysan idéalisé reloocké à coup de toilettes sèches et de vieilles fermes mal chauffées, très peu pour moi, je laisse cela à quelques idéalistes sympathiques, mais prosaïquement entre allergie au lait, au gluten et rhume des foins, ma petite famille n’a aucune chance de survivre dans un monde pareil !

Devrions-nous rejoindre l’écologie version soixante-huitard qui a réalisé que le confort bourgeois avait son charme ? Où cela nous mènerait-il ? A vrai dire, je n’arrive pas très bien à décrypter ton message. Le coup de la décroissance comme mode de gestion des problèmes écologiques me paraît être être une ânerie pour madoffiser des gens qui n’ont pas eu la chance de recevoir assez d’éducation économique pour comprendre combien c’est absurde. Va expliquer au coiffeur ou à la femme de ménage qu’ils doivent moins travailler pour gagner moins (on dirait la politique de Sarko) dans le but de créer de la décroissance, seule façon pour eux de le faire puisqu’ils ne produisent que du service ! La situation économique actuelle est le parfait exemple de ce qui se passe lorsque l’on est en décroissance. Certes, je suis bien d’accord avec toi pour dire qu’il faut consommer moins d’énergie et moins gaspiller, mais il s’agit de gain de productivité, non de décroissance ! Je donne souvent une image pour illustrer ce qu’est l’économie : l’économie c’est l’énergie de la transformation. Plus il y a de croissance, et plus on a les moyens de transformer le monde, la vraie question est alors de le changer en mieux, avec la plus grande efficacité. Mais il nous faut le maximum d’énergie (de croissance) pour le faire, c’est à dire aujourd’hui à l’heure des ruptures climatique et énergétique, le maximum de croissance utilisée avec la plus grande intelligence possible pour sauver notre civilisation. Et ceci ne peut se faire que par un projet commun mené au sein d’une société réformatrice et solidaire, ce qui est presque la définition de la gauche n’est-ce pas ?
Alors non, Dany, je ne te rejoindrai pas, et je vais même te dire maintenant en quoi la refondation social-démocrate que nous sommes en train de mener, à besoin de gauche mais aussi dans tous les courants socialistes qui finiront bien par se retrouver, est fondamentalement différente de ta vision écolo.

Nous refusons de nous soumettre à une vision idéalisée de la nature, mère nourricière et protectrice parce que nous n’avons pas oublié qu’un individu soumis à la loi naturelle ne vit pas très longtemps : la déesse nature tue l’homme hors de la société, que ce soit à coup de paludisme ou de tsunami.

Nous avons compris combien il était important d’arrêter le désastre en marche, mais nous voulons chercher à équilibrer au juste niveau la pression de nos sociétés sur les écosystèmes et en aucun cas renoncer à construire une société protectrice au profit d’une mystique née d’un replis malthusien, d’une peur de l’avenir, d’une perte en l’espoir du progrès.  Alors oui, nous allons tout faire pour retrouver cet équilibre, mais la société que nous allons construire ira bien au-delà d’une taxe carbone, de légumes bios et d’une définition morale mais peu fondée de ce qui est du ressort du développement durable et de ce qui ne l’est pas.

Notre idéal reste de construire une société meilleure, plus juste, et oui, plus respectueuse des écosystèmes, mais l’homme reste au centre de notre idéologie, et l’écologie n’est qu’un élément de plus que nous ajoutons à ceux d’humanisme, d’émancipation, de liberté, d’égalité, d’universalité. Je veux que mes camarades socialistes reprennent pied sur la tribune pour, à nouveau, être fiers de présenter aux Français un projet de progrès social où chaque citoyen vivra en harmonie avec les autres et son environnement, ou chacun d’entre nous retrouvera le chemin qui guidera ses enfants vers un monde plus juste, plus sain, plus serein.

Alors Dany, certes les écologistes ont pendant des années sonné un tocsin que nous aurions dû écouter plus tôt, mais en aucun cas vous n’êtes porteur d’un projet de société, car votre projet est celui de la peur et de la domination de la nature, non de la confiance dans le progrès et le génie des hommes. La prise en compte des écosystèmes dans notre idéologie va générer des révolutions, comme celle de la notion de propriété, dont nous ne faisons qu’entre-apercevoir les lignes, mais ce sont les héritiers du socialisme et de la social-démocratie qui porteront ce projet, car nous seuls avons un héritage compatible avec la définition et les objectifs de ce projet.

Jack a dit et autres jacasseries

Les socialistes se préparaient au congrès de Reims et c’est celui de Versailles qui fait l’actualité, renvoyant au second plan la victoire à la Pyrrhus de la majorité.
Deux choses sont à prendre en compte dans cet événement : les conséquences de la réforme qui est passée, la nature très particulière des événements liés au vote.

Sur les conséquences de la réforme, objectivement la gauche n’a pas perdu grand-chose, si ce n’est l’occasion manquée de participer à une réforme qui aurait dû être consensuelle. Mais voilà, pour que consensus il y ait, il faut d’une part que les deux camps le veuillent bien, et sur ce point les velléités ont été modérées,  et d’autre part que ces deux camps soient solides sur leurs bases pour faire le tri entre le fondamental et le négociable. Si à droite la chose était moyennement claire, à gauche, dans l’attente d’une refondation, aucune base constitutionnelle ne pouvait être franchement dégagée. Le PS était structurellement en état de faiblesse, il le restera jusqu’à Reims. Au final, on verra comment sera effectivement appliquée cette réforme, ce qui a relevé de l’intox et ce qui pourra être finalement arraché à la monocratie pour être transféré à la démocratie. Je serais assez content de voir proposer un referendum sur la refonte du collège électoral du Sénat dans quelques mois. Mais cela nécessite 4 millions de pétitionnaires en plus des 184 députés, et encore, cela peut être retoqué ou transformé en eau de boudin. Mais bon, donnons une chance à cet élément de réforme.

Côté circonstances du vote, c’est assez croquignolesque. Ce vote à l’arraché a été singulièrement obtenu en mettant deux votes en exergue : celui du président Accoyer et celui de Jack Lang. Je me suis laissé dire que l’usage aurait voulu qu’Accoyer s’abstienne et Lang s’est retrouvé à voter pour des raisons légitimes d’attachement à un texte qu’il avait contribué à créer, mais contre des raisons tout aussi légitimes d’attachement à la vie et aux décisions de son parti. Si le vote avait été plus large, cela n’aurait pas eu beaucoup d’importance, mais la vie politique a été très facétieuse en permettant de faire passer une réforme (que les socialistes ne désapprouvaient pas fondamentalement) grâce à la voix d’un homme qui est le symbole de ce que l’UMP rejette : ancien ministre mitterrandien, socialiste historique, symbole d’une gauche qualifiée de caviar. Qui plus est, si les circonstances s’y prêtent, un tel texte pourrait bien précipiter la chute d’un gouvernement, voire d’un président, dont la politique a largement échoué depuis un an et demi.

Maintenant, que faut-il faire du cas Jack Lang. Surement pas le virer comme un mal-propre. D’abord parce que même si faute politique il y a, c’est une faute due aux circonstances, pas une volonté délibérée d’être à ce point la vedette de Versailles. Ensuite parce qu’on ne se débarrasse pas ainsi d’un homme qui, pour aussi singulier soit-il, a participé largement à de grandes heures du PS et de la France. Il est par contre clair que Jack Lang ne peut plus exercer de hautes fonctions en tant que leader de gauche. Une sortie honorable doit lui être proposée et il est regrettable qu’il n’ait pas de lui-même préparé sa sortie comme l’a par exemple fait Pierre Mauroy.

On retrouve dans cette crise beaucoup de symboles : errements politiques tant à gauche qu’à droite, confusion des rôles amenant une confusion des messages, des convictions et des majorités. Tout ceci ne prépare-t-il pas à un passage de relais et à une refondation politique. Plus que jamais, le vrai congrès sera celui de Reims, puisse-t-il donner des résultats plus satisfaisants.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XVIII

Le Parti socialiste est un parti européen qui agit dans l’Union européenne qu’il a non seulement voulue, mais en partie, conçue et fondée. Il revendique le choix historique de l’Union européenne et de la construction d’une Europe politique. Pour les socialistes, celle-ci doit avoir pour mission, par ses politiques communes, d’assurer la paix sur le continent et d’y contribuer dans le monde, de favoriser une croissance forte et durable et le progrès social, de promouvoir la créativité et la diversité culturelle, d’aider à relever les défis planétaires par l’exemple d’association qu’elle offre. Membre du Parti socialiste européen, le Parti socialiste entend tout mettre en oeuvre pour le renforcer afin que soit porté un message socialiste en Europe.

Ceci rejoint l’analyse des articles 14, 15 et 17 en mettant l’accent sur l’Europe en bouclant sur les aspects économiques, écologiques et sociétaux à un niveau supra-national. Cet article ne montre peut-être pas assez que l’élargissement vers l’Europe se fait de concert avec la décentralisation vers les régions. Il s’agit d’un tout cohérent qui lie les trois poupées région / etat central / Europe. Une Europe sans le contre-poids régional est une Europe bureaucratique. Une régionalisation sans l’élan européen, est un découpage mutilant de la France. Quant à l’état central, il doit avoir pour mission de maintenir la cohérence politique et démocratique de l’ensemble.

N’est-ce pas là l’essence de la future constitution ?

Déclaration de principes du PS : analyse critique des articles XV et XVII

Article 15

Le Parti socialiste est un parti décentralisateur. Il met le respect de la diversité, des territoires, au coeur de ses valeurs. Il veut allier la présence d’un Etat régulateur et garant de l’équilibre –y compris financier- entre les territoires, à une démocratie locale vivante et innovante.

Il est plus que temps de préciser les concours de cet équilibre institutionnel et de s’engager vers une constitution qui redéfinisse la répartition des compétences entre régions, état central et Europe, qui éclaircisse les frontières de la séparation des pouvoirs. De l’audace ! De la clarté !

Article 17

Le Parti socialiste met la culture au centre de ses valeurs. Celle-ci permet, à la fois, de rassembler et de libérer. Face au danger d’une civilisation par trop uniformisée et marchandisée, la culture, avec l’apport irremplaçable des artistes, contribue à construire un monde fondé sur la diversité, le dialogue, l’ouverture. L’accès à la culture pour tous et la démocratisation des pratiques culturelles sont notre objectif.

Oui, bien évidemment la culture est identitaire autant qu’émancipatrice et nous avons le devoir de la développer. Cependant, toutes les cultures n’entrent pas a priori dans ce cadre. Si l’on reprend l’image des poupes russes pour décrire les niveaux de groupes sociétaux, chaque poupée est liée à une culture particulière propre. Les cultures que nous devons défendre et favoriser sont celles qui sont inclusives (accueillantes à l’autre), solidaires et communicantes (celles qui vont chercher à se faire connaître des autres cultures, à créer des liens pour créer une « poupée russe de niveau supérieure ». Nous devons combattre sans réserve toute culture isolationniste, nationaliste, xénophobe ou destructrice.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XIV

Le Parti socialiste est féministe et agit en faveur de l’émancipation des femmes. Il oeuvre pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la mixité de la société. Il garantit aux femmes, l’accès aux droits fondamentaux (santé, éducation, contraception, IVG), et condamne la marchandisation du corps humain. Il combat les atteintes à l’intégrité et à la dignité humaines en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle.

Cet article 14 me gène terriblement tant il semble daté et porteur des contradictions du PS (et de la société française) en matière d’égalité hommes / femmes. Pourquoi en partant de l’article I « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète » a-t-on besoin d’en remettre une couche avec le féminisme ? Une femme n’est-elle pas une « personne humaine » comme une autre ? Si oui, alors cet article 14 est en contradiction avec l’article I, si non alors nous devons admettre l’échec d’années de combat pour l’émancipation des femmes, ce qui ne me semble pas le cas. Bien sûr qu’il y a en la matière encore bien des choses à faire, mais les femmes ne sont plus ces adultes sous tutelle masculine qu’elles ont longtemps été dans une société française verrouillée. Oui, comme à tout citoyen, nous devons garantir l’accès aux droits fondamentaux que sont la santé, l’éducation, mais aussi la nourriture, le logement, l’aide à la petite enfance et dans un horizon proche, j’ose espérer à l’énergie et aux télécommunication. Oui le droit de la vie (maîtrise de la fertilité, IVG, GPA, …) sont des droits fondamentaux qui touchent particulièrement les femmes, mais dont les hommes ne doivent pas être exclus, sous peine de faire perdurer un antagonisme inutile autant que regrettable. La lutte pour l’égalité homme / femme ne doit plus être une lutte des femmes contre les hommes, mais une lutte des hommes et des femmes pour un meilleur avenir commun guidé par l’objectif de nos finalités fondamentales.

Effectivement, le corps humain n’est pas une marchandise, mais cela rejoint le principe de non-brevabilité du vivant mentionné lors de l’analyse critique de l’article IV, avec un niveau supplémentaire concernant spécifiquement le corps humain.
Enfin, oui, le citoyen ne se définit pas en fonction de ses caractères génétiques ou de ses choix purement personnels et ne concernant pas la société. Pour reprendre une formule déjà utilisée ailleurs, les citoyens, comme les anges, n’ont pas de sexe.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article IV

Article 4

Le progrès, synonyme d’amélioration de la vie humaine, est une valeur fondamentale pour les socialistes. Ils pensent que l’exercice de la raison doit être accessible à tous, acceptable par tous, applicable à tout. Ils promeuvent la connaissance, l’éducation, la recherche, la culture. Ils veulent mettre les avancées scientifiques et technologiques au service des hommes et de la planète. L’expansion technologique, le développement des nano et biotechnologies, l’ingénierie génétique posent des questions essentielles pour l’avenir de l’humanité. Le mérite du principe de précaution est de permettre de faire des choix collectifs, à travers l’arbitrage des choix politiques, qui subordonnent l’acceptabilité des risques, inséparables du développement de la science, à l’utilité des innovations et à la légitimité de leur utilisation. Le progrès économique et social ne peut plus être apprécié à l’aune de la seule croissance de la production marchande, mais doit l’être à l’aide des indicateurs reflétant la qualité effective des conditions d’existence et de travail des individus.

Article délicat car faisant référence à des bases scientifiques non stabilisées. On notera d’abord la difficulté qui se cache derrière la distinction entre technologie et biotechnologie. C’est à la fois la même chose (de « l’ingénierie ») et c’est très différent (monde du vivant et du non-vivant). Posent-elles les mêmes problèmes ? Difficile de répondre formellement, mais on pourra noter que, par exemple, si les brevets technologiques ne posent pas de problèmes particuliers, il n’en va pas de même pour la brevabilité du vivant. A titre personnel, je suis opposé à la brevabilité du vivant (ADN, ARN en attendant de mieux pouvoir définir ce que sont les briques de base du vivant).
Je réaffirme par ailleurs mon opposition au « principe de précaution » qui est un non-sens autant qu’une lâcheté politique. Du moment où le « non-faire » n’existe pas dans un système tel que nos sociétés et les écosystèmes, se retrancher derrière un « je ne fait rien au non du principe de précaution » est absurde. Face à un choix aux conséquences incertaines, le politique a le devoir de « faire » et d’assumer d’éventuelles erreurs. Son choix sera justifié par les connaissances scientifiques autant que l’éthique et la morale. Plutôt que de principe de précaution, je parlerais de responsabilité devant l’avenir.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article II

Article 2

L’égalité est au cœur de notre idéal. Cette quête n’a de sens que par et pour les libertés. Egalité et liberté sont indissociables. Aux injustices et aux violences du monde, l’idée socialiste oppose un engagement pour une humanité libre, juste, solidaire et respectueuse
de la nature. Elle porte un message universel, dès lors qu’il s’agit de défendre les droits fondamentaux de chacun et de tous. Pour les socialistes, ces objectifs ne peuvent être atteints à partir du fonctionnement spontané de l’économie et de la société.
La redistribution permanente des ressources et des richesses est nécessaire pour donner une réalité à l’égalité des droits, offrir à chacun les chances de conduire sa vie, et réduire les écarts de conditions.

L’idéal égalitaire est un objectif qui n’a pas varié et qui est réaffirmé. L’article 2 rappelle également la dichotomie entre égalité (idéal pour toute la société) et liberté (idéal pour l’individu/citoyen). La difficulté de conciliation des deux objectifs peut être éclairée par l’échelle à laquelle chacun des deux objectifs s’applique : les objectifs et les lois de la société peuvent ponctuellement aller à l’encontre des objectifs particuliers. Une société est viable lorsque les deux sont conciliables sur le moyen ou long terme. Dans le cas contraire, les conflits entre individus/citoyens et société vont aller en augmentant au fil du temps et la société finira par subir une ou plusieurs crises majeures, voire mortelles. Il est donc nécessaire de bien prendre en compte cet aspect et, lorsque les lois de la société contraignent les personnes, faire qu’a minima, le traitement soit équitable (on notera par ailleurs qu’un traitement purement égalitaire peut s’avérer inéquitable ce qui a été l’un des vices des pays communistes).
A nouveau, le lien avec les écosystèmes est fait dans cet article, sous une forme à nouveau un peu trop « romantique » à mon goût. Ce lien est par ailleurs fait dans un sens (poids de la société sur les écosystèmes) ; en cas de crise écologique majeure, il faut s’attendre à ce que ce lien se fasse dans l’autre sens. En effet, un dérèglement climatique important pourrait nous amener par exemple à s’engager vers des décisions plus directives que nous le souhaiterions du point de vue démocratique, pour des raisons d’urgence ou de survie. C’est un point extrêmement délicat sur lequel nous devons réfléchir a priori pour ne pas tomber dans une dictature qui naîtrait d’une pression subite et forte du changement d’environnement. Les liens entre sociétés et écosystèmes ne se font pas dans un seul sens.
Cet article introduit également le volontarisme économique de l’état. En fait, en prenant un peu de recul sur les articles 1 et 2, le nouveau socialisme est une doctrine qui veut intervenir et sur les sociétés (les citoyens, les lois, les échanges économiques) et sur les écosystèmes, en fonction d’objectifs et dans le respect de principe. Nous réfutons le « laisser-faire (ultra)-libéral », aussi bien en matière sociale, économique, écologique. Cependant, intervenir ne veut pas dire contraindre, être dirigiste, être violent : une telle conception serait un retour à l’échec des sociétés communistes du XXème siècle. L’intervention se fait dans le respect de l’égalité et de la liberté introduit au début de cet article ; c’est un équilibre à trouver : agir où il faut, quand il faut, comme il faut, sur la base d’un contrat commun.
Enfin, la volonté affichée de réduire les écarts (de richesse, de traitement, de condition, …) va dans le sens de la recherche d’un état systémique stabilisé (autant que possible) : un système (une société) dont les éléments échangeraient des choses avec une très grande variabilité d’intensité, aurait beaucoup de mal à être durable. Le « court-circuit », la crise est plus que probable. Du point de vue des individus/citoyens, le rééquilibrage (la redistribution) se traduit par un gage de survie du système tout entier, il peut se faire par l’argent mais aussi (surtout) par l’apport de ce qu’il manque d’essentiel.

Un beur et un aristo font du foin dans l’Etaples

Ces derniers temps, les médias et internet (pour une fois en phase, 67200 liens rien que pour google sur la recherche “PS Etaples”) relaient une histoire d’investiture du PS intéressante. En substance, l’histoire raconte que les instances nationales du PS ont investi un candidat énarque et qui plus est à particule contre la décision de la section locale d’Etaples qui avait elle choisi un candidat du quartier et qui plus est, à consonance exotique. D’où moult commentaires sur un PS autoritaire bafouant ses engagements envers la classe ouvrière, les faibles, les minorités “visibles”. Bel exemple permettant de déclamer à qui veut l’entendre tout le catéchisme d’une gauche historique et quelque part perdue.

Comment ne pas se révolter en effet devant une telle injustice. Comme je suis curieux et que l’expérience m’a appris depuis longtemps à me méfier des révoltes journalistiquement boostée, j’ai essayé d’en apprendre un peu plus sur le sujet. Après quelques échanges, l’histoire telle qu’elle est vraiment se révelle assez différente et finalement très instructive.

En fait, notre particulier formé à l’ENA, Antoine de Rocquigny, n’est pas exactement un parachuté parisien puisque sa famille est depuis longtemps implantée à Etaples et s’est déjà illustrée au service de la ville. Notable incontestablement, mais parachuté parisien certes pas. En terme de légitimité locale, il n’est donc pas en reste face à son concurrent Bagdad Ghezal.

L’autre élément intéressant est apporté par les analyses pré-électorales. Depuis la regrettable aventure présidentielle de 2007, les socialistes ont largement appris à se méfier des projections de votes mais on ne peut totalement les ignorer sous peine de continuer la même erreur, en l’inversant cette fois. Que disent ces projections ? Elles disent que la ville pourrait être gagnable pour la gauche si l’ami Antoine se présente alors que pour l’instant, la tendance serait fortement défavorable si c’est l’ami Bagdad. Ce n’est qu’une projection, mais cela fait cependant un second point fort pour conforter la décision de présenter Antoine de Rocquigny. Si on en juge par les éléments factuels, la décision est cohérente. Alors qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?

Eh bien, derrière ce battage de bons sentiments, on retrouve finalement tout le malaise du PS et son problème pour se remettre en phase avec la réalité.

– Une partie du PS se veut encore un parti de classe, un parti ouvrier, un parti des petits en lutte contre les gros. La réalité est que la notion de classe tient plus de la rhétorique que d’une réalité économique ou sociale, que le parti ouvrier manque d’ouvriers et qu’il devrait plutôt se référer aux salariés, gros et petits, largement plus en phase avec la réalité, utile et cohérent. Du coup, investir un aristocrate a autant de sens qu’investir un travailleur social du moment que son engagement militant est sincère, utile et cohérent. C’est l’engagement qui doit définir le sens militant moderne au PS, pas l’origine sociale. Sur ce point, les deux militants apparaissent irréprochables et il est d’autant plus regrettable que cette histoire les oppose alors que leur combat est commun.
– Autre aspect qui cette fois est lié au combat pour l’intégration. Finalement, c’est le vrai argument pour choisir Bagdad plutôt qu’Antoine : montrer que politiquement, le PS fait de réels efforts pour promouvoir des militants dont le travail est par ailleurs exemplaire. Certes, mais d’une part cela est un combat national et d’autre part cela ne semble pas passer localement. A quoi cela servirait-t-il d’avoir une tête de liste symbolique mais perdante. Sans cette mousse médiatique, il est plus que probable qu’Etaples aurait été perdue dans l’anonymat le plus complet. Doit-on reprocher au PS de se remettre en phase avec l’électorat local qui semble préférer une famille aristocratique locale reconnue à un descendant d’une immigration qui n’est toujours pas digérée après 40 ans ? Le café du commerce ne plébiscite pas les beurs (rien que le nom est d’ailleurs discriminatoire), c’est plus que regrettable, il faut travailler encore et toujours pour l’intégration, mais ce n’est pas en perdant une élection que l’on a une chance d’y arriver. Le PS doit mettre ses ambitions en phase avec la réalité française et gagner intelligemment pour changer les choses.

Au final, le réalisme social et politique impliquent de choisir Antoine de Rocquigny, mais il serait au combien nécessaire que Bagdad Ghezal soit à ses côtés, en première ligne. Je déteste l’idée de la discrimination positive : c’est un passage en force, non négocié, qui se fait forcément au détriment d’autres personnes quelles que soient leurs qualité. En ce sens, les quotas électoraux sont a minima un renoncement. Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler encore et toujours sur l’inclusion de tous, à tous les niveaux, mais l’inclusion par l’acceptation naturelle, pas par des assauts à la hussarde, à rebrousse-poil du sentiment populaire.

C’est le sens du combat social-démocrate : négocier, sur la durée, par le contrat, pas à pas, échelon par échelon, pour changer la société, l’améliorer.