Arrêt de l’aventure

Rien n’y a fait, le marketing a été plus fort que la réflexion et la conviction, cette fois encore. Les militants socialistes ont choisi le changement dans la continuité : une candidate énarque qui succède à un candidat énarque pour éventuellement être présidente à la place d’un président énarque. Changement dans la continuité de l’organisation du PS aussi puisque presque tous les barons du socialisme et l’appareil s’étaient rangés derrière “la favorite des sondages”. Changement dans la continuité enfin, par la faiblesse d’un programme qui se résume à prendre ses distances avec le “livre rose du PS” et à compiler les doléances en affirmant sans rire qu’il s’agit d’écouter le peuple où chaque citoyen est expert.

Où cela mènera-t-il ? On le verra bien dans les prochains mois. En attendant, les candidats de droite ne cachent pas leur satisfaction de voir la plus à droite des candidates de gauche être désignée, et les potentiels alliés de gauche se montrent quant à eux fort prudents, sinon circonspects. Un résultat cependant est acquis après cette désignation : l’espoir d’autres débats contradictoires sur les idées s’est envolé. Effort inutile lorsque le résultat peut aussi bien être fixé par sondage, sondages qui ont finalement bien mesuré les résultats de la campagne marketing, tout en l’amplifiant puisque ce marketing se nourrissait lui-même des sondages. Une sorte de machine infernale auto-alimentée en quelque sorte. Les directeurs de campagne sont désormais prévenus : l’acte de mesurer par le sondage influe directement, et principalement, sur les résultats ultérieurs. C’est presque de la politique quantique !

En attendant, la république va toujours aussi mal, la bascule démographique s’accélère, les cours de l’énergie subissent de fortes variations, et le climat exprime sa colère par des tempêtes et des innondations. Je me demande si nous avons déjà eu dans notre histoire des époques aussi peu spirituelles et autant attachées au conservatisme ?

Bilan avant l'élan

A quelques jours du vote des militants au 1er tour des primaires du PS, on peut déjà tirer certaines conclusions.

Malgré quelques lamentables essais de torpillage de ces primaires, en dépit des sondages plus ou moins orientés et des manipulations marketings, ces débats ont eu lieu, ils ont été d’une bonne tenue et ils ont effectivement fait apparaître les différences entre les candidats, tant sur le style, la méthode et la vision de ce que doit être la France.
Bilan des débats non télévisés : égalité au nombre de gagnants, ce qui est normal vu que chaque débat non télévisé l’a été dans des conditions qui ont alternativement avantagé chacun des candidats. MSR a cependant été plus souvent “perdante”.
Bilan des débats télés : deux débats en faveur de DSK, un légèrement pour LF.

Le vrai résultat est finalement illustré par les débats télés et deux alternatives politiques se sont faites jour : soit on garde les idées socialistes “classiques”, soit on innove et on s’adapte à la nouvelle ère en inventant avec volonté et enthousiasme un avenir social démocrate. La troisième candidature apparaissant définitivement comme celle de l’émotion et du refus, avec des points étrangement communs au TCE : la raison sait que ce n’est pas la meilleure solution, si ce n’est la pire (d’où les étonnants appels à la rescousse d’un DSK premier ministre), mais l’émotion et le déni du changement ouvrent une fois encore la voie de la tentation destructrice.
Les commentateurs politiques nous annoncent que, finalement, ces débats n’ont pas beaucoup fait “bouger les lignes”. Ont-ils raison ou pas ? Doit-on attendre le résultat du vote pour le savoir ? En fait, il existe pas mal d’éléments qui semblent indiquer que ces “lignes” ont profondément évolué.

D’abord des éléments indirects comme le fait qu’aujourd’hui, la perspective d’un second tour est envisagée par tous, alors qu’il y a encore un mois, ce n’était qu’une hypothèse technique. Il y a ensuite les fameux sondages. J’ai largement combattu les conclusions de ces sondages et les manipulations qui y étaient généralement attachées : trop d’incertitudes méthodologiques, des extrapolations très hasardeuses à partir des résultats. Les sondages mesurent objectivement la notoriété (le buzz) et de façon indicative une tendance : ces deux aspects sont des éléments acceptables de réflexion. En aucun cas, ces sondages ne sont en mesure de prédire à eux seuls le résultat des primaires.
Et aujourd’hui, où en est-on ?
Laurent Fabius a une notoriété inférieure à ce que représentait son courant au dernier congrès mais il est en légère progression.
Dominique Strauss-Kahn a vu sa notoriété se rapprocher sensiblement de celle de MSR, sur un rythme rapide et continu, au point de la rejoindre pour certains sondages et de la dépasser largement sur internet.
Enfin, Marie-Ségolène Royal, elle, est en chute importante sur ces dernières semaines.
Faible dynamique positive pour LF, bonne dynamique positive pour DSK, forte dynamique négative pour MSR.

Si ces tendances sont exactes, les primaires devraient donner un second tour, et il n’est pas sûr que MSR arrive devant DSK au premier tour. Par ailleurs, si les sondages avaient été entachés d’un trop fort niveau d’erreur (impossible de sonder les militants et pas de référence pour faire des ajustements), il est même possible que Laurent Fabius soit au-delà de ce qui est mesuré et passe lui aussi devant MSR. Ce dernier point est cependant très spéculatif.
Dernier élément de tendance : je mesure depuis des mois la notoriété des candidats sur internet et dans les articles de presse. Or, sur google, on constate un effondrement de la notoriété de Royal ces dernières semaines. Et chose étonnante, cet effondrement est parallèle à l’effondrement de la notoriété de… Nicolas Sarkozy.

Popularite de DSK

Déni soit qui mal y pense…

L’élection 2007 sera sur bien des points profondément différente des trois précédentes, au minimum.

Différente parce qu’à l’exception de Jean Le Pen (c’est son vrai nom) et à moins d’une improbable résurrection de J. Chirac, nous en aurons fini avec la classe politique qui s’agrippait au pupitre depuis 40 ans. On peut parier sans grand risque que le futur président sera cinquantenaire, ce qui est aujourd’hui synonyme de jeunot…

Différente surtout parce que pour la première fois depuis plus de trente ans, nous n’avons pas le choix de l’immobilisme.
J’ai déjà exposé à plusieurs reprises les bouleversements structurels qui, quoi qu’il arrive et quel que soit le président de 2007, feront entrer la France dans le XXIème siècle avec force, sinon fracas. Fracas du choc énergétique induit par la fin, non pas des réserves de pétrole, mais d’un marché un minimum gérable (plus qu’une hausse continue, il faut s’attendre à des pics spéculatifs suivis d’effondrements puis de remontées tout aussi imprévisibles et spectaculaires, de plus en plus fortes, de plus en plus rapides). Et à la différence des précédents chocs, celui-ci aura un caractère définitif. Tout programme politique ignorant ou faisant mine d’ignorer ce problème pourra sans aucun doute être identifié comme inique ou mensonger.

La première rupture énergétique (1973) avait eu pour conséquence de nous plonger dans plusieurs décennies de chômage massif. Aujourd’hui, la nature de notre dépendance énergétique a profondément changé et la technologie est à même de pallier beaucoup des inconvénients d’un pétrole cher ; la France s’est dotée d’une énorme capacité d’énergie non pétrolière, les TIC permettent si nécessaire de s’affranchir des besoins de transport et les énergies palliatives ne demandent qu’à trouver une ouverture pour prendre le relais.
Mais si une rupture énergétique bien gérée ne devrait normalement pas induire de violentes conséquences sociales, la démographie, elle, s’en charge. La génération des papy boomers avait revendiqué avec force sa volonté de prendre à leur compte la France de leur parent pour la “libéraliser”.

L’heure de la retraite annonçant celle de l’inventaire, ils sont hélas face à un triste bilan. La France de leur jeunesse revendicative était celle des trente glorieuses, faite d’une prospérité et d’un bonheur conformiste certes, mais prospérité tout de même. La France qu’ils laissent est celle d’une prospérité menacée à la fois par les dettes sur laquelle elle a été bâtie, mais aussi par la destruction du contrat intergénérationnel. Leurs petits enfants acceptent de moins en moins ce que leurs enfants ont accepté, et on ne peut que les comprendre.
Ce changement est lui aussi inévitable : un des plus puissants verrous social va sauter, quoi qu’il arrive, mais il me semble probable qu’une source de déni du changement soit là.

Ce basculement inévitable entraîne fatalement la prise de conscience d’un bilan peu flatteur et il est psychologiquement facile alors de dire que l’on désire ce changement et de le refuser en choisissant un conservateur ou une conservatrice : le changement oui, mais pas “comme cela”, pas “pour nous”. Les institutions sont à l’agonie, mais elles sont garantes de notre système social. La France est endettée mais les retraites non financées ont été gagées sur une dette supplémentaire à venir. L’ère du pétrole s’achève mais rares sont ceux qui acceptent dès aujourd’hui de rouler avec des performances et un confort moindre.
Face à ces contradictions, nombreux sont les candidats du dénis : quoi de mieux qu’un énarque pour être sur de prolonger l’agonie de la Vème république ? Quoi de mieux que de dénoncer des éléments extérieurs tels la mondialisation pour faire l’impasse sur des problèmes qui ne concernent que nous (les retraites et la dette) ? Quoi de plus efficace pour affronter une nouvelle que le recours aux vieilles recettes ou à l’opposé à des galimatias débridés picorés çà et là dans la littérature et enrobsé par une bouffée d’émotions d’autant plus vive qu’on sait parfaitement que cela ne tient pas la route.

Et la raison, que dit-elle ? Si nous continuons à accumuler des dettes, nous prendrons le même chemin que l’Argentine il y a quelques années.
Si nous n’anticipons pas la fin du pétrole, beaucoup d’entre nous irons à pied.
Si nous ne restaurons pas des institutions saines, nous basculerons dans l’anarchie puis la dictature. Et si nous n’anticipons pas rapidement la rupture climatique, c’en sera fini d’une nation plus que millénaire. Oui, une élection bien différente en vérité. Heureusement, je suis d’une nature optimiste.

Tripode

Les primaires du PS se révèlent finalement surprenantes. Parties sur un très mauvais parfum de manipulations médiatiques (matraquage journalistique, sondages aux questions orientées de façon à donner le sens du vent, fausses pudeurs et vrai opportunisme), on arrive après 9 mois d’une course qui se voyait solitaire et un petit mois d’agitation collective frénétique, à accoucher de trois candidatures campées sur des axes marqués et bien différents. La cacophonie avait été promise, des cris et des déchirements annoncés ; au final nous voyons se profiler un débat policé avec des candidatures claires.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

La première candidate à s’être lancée s’est depuis longtemps placée sur le registre de l’émotion, voire de l’affect populiste. Partie après les fureur des émeutes des banlieues et ayant profité de la stupeur politique qui s’en est suivie, elle s’est construite une image de proximité rassurante (rêvez et désirez un avenir sur fond de ciel bleu chers électeurs), ce qui est une belle ironie vu que la dame cultive la distance en pure énarque qui a bien du mal à se débarrasser de ses attitudes d’institutrice bourgeoise et autoritaire. Cette attitude est tout à fait en phase avec un modèle d’ordre très militaire profondément ancré dans son référentiel mental. Il est par ailleurs faux de dire que la dame n’a pas d’idées ; ses idées conservatrices (focalisées sur l’ordre, le travail, la famille, l’autorité) sont simplement en déphasage avec les idéaux du PS (la réforme, le dialogue social, les actions pour améliorer l’homme et la société, la rendre plus juste et plus égale). Ce positionnement affectif politico-médiatique est en ligne avec le nombre incroyable de votes sanctions qui ont eu lieu depuis 2002 et avec les peurs conservatrices des français.
Représentatif certes, mais il n’apparaît pas bon de l’entretenir et force est de constater qu’aucun de ces votes sanctions n’a abouti à une quelconque amélioration (ce qui est assez logique : voter “contre” ne veut pas dire voter pour un candidat de changement, et ces candidats sont persuadés que les français ne veulent rien changer, donc on ne bouge pas. CQFD). Pire, le plus sévère des votes sanctions, le non au TCE, a abouti à l’arrivée de l’archétype
de l’énarque stérilisateur au poste de premier ministre en la personne de Dominique Gallouzeau de Villepin, accessoirement camarade de promotion de la dame à l’ENA. Cette candidature est dans la stricte continuité de l’énarcratie que nous subissons depuis des années.

Le deuxième candidat est lui représentatif de la gauche conservatrice. Deuxième ironie, ce courant fut un temps suspecté de dérives économiques droitières et son repositionnement à la gauche du PS en laisse plus d’un perplexe. Mais là aussi, cet axe politique est assez représentatif d’une volonté de repli vers les bases idéologiques anciennes pour bon nombre de militants déboussolés par les expériences passées et surtout par un avenir dont on ne sait rien, sauf qu’il promet d’être totalement différent du monde d’aujourd’hui (fin du pétrole, bascule démographique, rupture climatique). Dans ce contexte et dans une France politique qui a perdu ses repères, la gauche de la gauche hésite entre des références pures et dures au marxisme (difficile vu que l’image du barbu allemand a été largement dégradée par celle du petit père des peuples), un conservatisme réactionnaire tourné vers des racines “terriennes” (soyons alter-mondialiste et mangeons bio), ou un communisme à la française en panne de perspectives et de renouvellement (le tee-shirt Che Guevara est toujours plus accrocheur que le “marcel” Marchais relooké en facteur).

Enfin, dernier candidat en lice, Dominique Strauss-Kahn est lui représentatif d’une gauche réformiste sociale démocrate. Troisième ironie de l’affaire, de Delors à Jospin en passant par Rocard, la sociale démocratie largement représentée en Europe et même présentée en modèle (dans les pays scandinaves en particulier), a toujours été en France un objet de curiosité plutôt que la mise en œuvre d’un projet de gouvernement ; il a fallu à Jospin l’incroyable épisode de la dissolution (fruit d’un explosif brain-storming Chirac-D2V) pour arriver par “hasard” à Matignon. Or là aussi, cet axe politique est totalement en phase avec les besoins profonds (sinon impérieux) de réformes et DSK a l’avantage d’offrir la seule candidature fondamentalement réformiste pour ces primaires PS.

Le choix au PS est donc devenu très simple et il est en phase avec trois types d’aspirations : conservatisme populiste, conservatisme historique, réforme sociale démocrate. Et dire qu’on nous a expliqué pendant 10 mois que tout était plié, qu’il n’y avait qu’un seul choix, que le débat, les idées et les projets ne servaient à rien ; dernière ironie de l’ouverture de ces primaires…

Au fait, le tripode est la structure politique la plus instable qui soit…

DSK, un choix citoyen pour 2007

A 38 ans j’ai décidé pour la première fois d’adhérer à un parti politique.
Difficile de dire s’il s’agissait d’une plus grande conscience citoyenne après la naissance de mes filles ou d’une plus grande facilité à sauter le pas grâce au web, toujours est-il que j’ai décidé de passer du statut de râleur au café du commerce à celui de citoyen engagé.

Engagé certes, mais certainement pas entraîné dans un culte de la personnalité ou une illusion collective sans lendemain. La citoyenneté exige la raison, elle implique la critique, aussi bien de ceux qui concourent à une élection, que de soi-même vis à vis de ses choix lors des élections précédentes. Nous avons les élus que nous méritons puisque nous les élisons !

Les choix passés, ce sont ces élections sanctions qui ont à répétition dit non à une classe politique composée d’aristocrates républicains, l’énarcratie, mais qui n’ont abouti qu’à remplacer un de ces aristocrates par d’autres grâce aux manipulations marketing et à la peur du changement, puissant levier aussi vieux que la politique…

Mon choix pour l’élection à venir n’a finalement pas été très difficile. Combien ont clairement désigné le système de pensée de l’ENA comme la cause des maux de notre république déliquescente ? Combien ont gardé une aura de leur passage à un ministère ? Combien ont un bagage intellectuel suffisant pour parler avec les plus grands esprits de ce monde ? Combien ont un engagement militant ayant prouvé leur attachement à une société plus juste ? Combien ont prouvé leur volonté de réforme au lieu de renoncer encore et toujours ? Combien sont capables de diriger le bateau France qui devra fatalement affronter des tempêtes et des cyclones qui s’appellent bascule démographique aves ses impacts sociaux, rupture énergétique avec ses impacts économiques mondiaux, rupture climatique avec ses impacts sur notre survie même ?

J’ai trouvé un nom, un programme, une vision. Ils peuvent être résumés en trois lettres : DSK. Alors voilà, pour que mes filles ne vivent pas, dans quelques années, dans un monde en guerre inter-générationnelle, pour qu’elles aient encore la possibilité de voyager et d’aller voir leurs grand-mères en Bretagne ou Franche-Comté, pour qu’elles n’assistent pas à la fin d’une nation anéantie par un bouleversement climatique non anticipé, j’ai décidé de faire confiance à Dominique Strauss-Kahn.

Journée de Solidarité avec les Enfants Expulsés

Début juillet, Dominique Strauss-Kahn et le réseau RESF lançaient l’appel suivant :

Cher(e)s ami(e)s,

Nous ne pouvons accepter que des enfants, aujourd’hui scolarisés chez nous, soient dans quelques jours, au petit matin, emportés, transportés, déplacés.

Je sais que beaucoup d’entre vous êtes en vacances, mais cette cause est essentielle. Je compte sur vous pour ces quelques heures de solidarité au cour de l’été.

Depuis plus de 10 jours que cet appel a été lancé, j’ai pu lire dans divers blogs un tas d’âneries et de mesquineries, qui hélas ne diffèrent guère du fond de commerce habituel : immigration massive cachée, hordes de familles polygames avec 15 mômes, racisme ordinaire mais aussi récupération médiatique et autres basses attaques venant hélas aussi de la gauche.

Moi qui ait l’esprit simple, sinon simplet, je n’y vois qu’une chose : des enfants a qui toute société se doit de faire ce qu’il faut pour leur donner un avenir. Alors peu importe que ces vilains petits canards soient majoritairement bronzés ou bridés, peut importe que leurs parents aient passé la frontière sans papier ou sous une bâche, peut importe d’ailleurs qui sont leurs parents.
Cet appel est un appel entre ces gosses et nous, nation orgueilleuse et cultivée qui prétend éclairer le monde. Si nous ne sommes pas capables de recueillir et de donner une éducation à des enfants, quels qu’ils soient, alors nous ne vallons rien parce que c’est la honte que nous verrons dans les yeux de nos propres enfants.

Il y a un peu plus d’un an j’étais un citoyen râleur comme les autres, mais un citoyen qui attendait sa deuxième fille. Et j’ai alors décidé d’essayer de faire un peu plus que de râler comme les autres, parce que je ne voulais pas laisser à mes filles ce pays dans l’état où il est actuellement. Il y a sans doute mille façons de soutenir cette action, en y participant physiquement, en en parlant sur internet ou autour de vous ou de la façon qu’il vous plaira, aujourd’hui, demain certes, mais tous les jours d’après également.

Que chacun fasse ce qu’il peut, comme il le sent, mais faites quelque chose. C’est une histoire entre vous et ces enfants, à vous de voir.

Le mariage pris aux mots

Signe des temps, après la fête de la musique et celle du cinéma, notre société s’est créée un rendez-vous annuel de plus : une journée identitaire homosexuelle, ou plus précisément pour une certaine variété sexuelle.

Peut-être cette journée serait-elle restée anecdotique si elle n’impliquait pas une évolution des lois, ou plus exactement, une évolution des repères de la société. Et du coup, tout homme ou femme politique s’est senti le devoir d’affirmer sa position, soit ancrée de longue date, soit mue par le besoin d’afficher un visage ouvert à un électorat non négligeable, quitte à faire quelques cabrioles avec la cohérence de ses idées.

Mais au-delà du yaourt politique, quel est le fond de cette évolution ?

D’abord, je crois que l’orientation sexuelle a gagné son droit à l’indifférence, ou est en voie de la gagner. Non pas que les discriminations ou vexations aient disparues, mais simplement qu’elles tendent à être du même (bas) niveau que celui du rejet “ordinaire”, racial, religieux ou ethnique. Stupidité primaire de ceux qui ne supportent pas leurs voisins et trouvent le
premier argument débile pour exprimer leurs frustrations. Passons.

Ce qui est recherché aujourd’hui, c’est une nouvelle reconnaissance sociale du foyer, quel qu’il soit. Et c’est là que les choses deviennent plus compliquées, et intéressantes.

Le PACS avait pour objectif de redéfinir administrativement ce que l’état reconnaissait comme foyer ; la demande est aujourd’hui la reconnaissance sociale de ce même foyer : son fondement, sa symbolique et ses implications.

  • Le fondement, tel qu’il apparaît revendiqué par la communauté homosexuelle et au-delà, est l’amour entre deux être, sans considération du sexe. Il faut être deux, s’aimer de façon stable et vivre ensemble pour être accepté comme uni. Il faut remarquer au passage que loin d’être progressiste, c’est une conception conservatrice, très romantique XIXème siècle et que le débat évite soigneusement la question de la polygamie ou la polyandrie qui ne sont pourtant pas que des sujets de vaudeville et dont la reconnaissance bouleverserait la société bien au-delà du fait homosexuel…
  • La symbolique est celle de la cérémonie de mariage. Une candidate à la présidentielle s’est étonnée que ce symbole “bourgeois” soit revendiqué comme un signe de progrès social : pourquoi ne pas s’en tenir au PACS ?
    Simple preuve de son incompréhension de la société dans laquelle nous vivons. Le
    PACS, avec son côté exclusivement contractuel et administratif, se rapproche encore plus de l’union bourgeoise (faite pour préserver le capital familial) que le mariage avec son romantisme, sa symbolique amoureuse, sa symbolique républicaine avec la déclaration solennelle du maire en salle des mariages, et ses codes du bonheur (la robe, le bouquet, la fête, etc…).
    Même si tous ces symboles ne peuvent être systématiquement repris pour les unions LGBT, ils sont présents dans les esprits. Aspirer à cela n’a donc rien d’étonnant !

Si l’on s’en tenait là, les choses pourraient être réglées assez facilement. Mais voilà, en commençant mon post, j’ai parlé de foyer, en passant à la symbolique, j’ai écrit mariage. Et si le mariage paraît quelque chose de simple à définir, on s’aperçoit assez vite en confrontant les points de vue, qu’il recouvre des éléments totalement différents selon les personnes : union, patrimoine, sexualité, patronyme, symbole, religion, citoyenneté, loi, enfant, … Et l’élément le plus déterminant est probablement l’enfant car c’est celui qui a le plus d’implications sociales.

L’argument utilisé pour décorréler mariage et enfant est qu’une bonne proportion d’enfants naissent hors mariage ; à partir de là, il en découlerait que l’enfant n’est plus un élément discriminant et que l’on peut utiliser ce mot mariage comme terme générique fondateur du nouveau foyer. Or, même si je n’ai aucune difficulté à donner un droit et une reconnaissance symbolique sociale aux unions LGBT, je refuse que l’on m’ôte ce symbole à moi et à tous ceux pour qui l’enfant est un des piliers de leur union (ce qui au passage n’exclus pas les mariages lesbiens, la dissymétrie est complexe en la matière).

Pour se sortir de cette situation, je crois que retenir les termes d’union civile ou républicaine pour la reconnaissance sociale des unions, quelles qu’elles soient, est un bon compromis, et que le statut des couples “féconds” soit reconnu à travers le mariage comme un élément supplémentaire, souhaité et favorisé par la république car indispensable à la nation. Là serait sans doute l’évolution profonde et sereine.

Finalement, ce problème de société en cache bien deux, biologiquement corrélés : l’union et l’enfant. La société peut évoluer sans problème sur le premier, mais doit protéger le statut du second, aussi bien sur la loi qu’au niveau de la symbolique sociale.

Bouffonnerie

Fin juin, la candidate à la présidentielle Marie-Ségolène Royal s’est faite entartée (avec un fraisier). D’abord, je dois bien avouer avoir mesquinement souri en regardant les images de l’épique escarmouche rochelaise ; le spectateur se laisse facilement aller à rire de ces gamineries surtout lorsqu’elles touchent une icône, qui plus est, politique. Pour justifier son geste (non prémédité selon son auteur Jonathan Joly), ce dernier a déclaré :

Complexée, sourde, hypocrite et démagogue dans sa globalité, la gauche plurielle est portée par un électorat qui tend à sombrer dans la déprime et la désillusion . Et je suis de cet électorat désabusé qui prend aux mots le slogan de “démocratie participative”.
L’entartage est à ce titre une opération qui demande des comptes à la caste politicienne et la désacralise ou s’efforce d’être perçu comme tel.

Marie-Segolène Royal entartée

Passé l’instant de rigolade facile, je me suis fait la réflexion que sans le oueb (je suis tombé par hasard sur la vidéo), je n’aurais peut-être jamais eu vent de l’histoire. Qui plus est, j’ai appris au passage que le ministre de l’intérieur avait subi également le même sort auparavant.

Non seulement ces deux icônes de la politique ont une énorme capacité à occuper le terrain médiatique, mais en plus, elles réussissent manifestement bien à censurer ce qui peut nuire à leur image. Ceci en dit définitivement long sur l’objectivité journalistique (alors que je me souviens avoir vu les entartages de BHL ou de Bill Gates à la télé…). Mais passons sur le triste théatre médiatico-politique.
Le plus important, c’est le fond, du fraisier, de l’affaire et du gouffre. Comment en est-on arrivé à ce point de délabrement pour que la politique ne soit plus qu’une bouffonnerie ? Comment des hommes et des femmes politiques peuvent-ils continuer à croire que faire de la politique c’est faire du marketing vide de contenu, c’est surfer sur l’air du temps sans porter de message, d’idée, de vision ? N’avoir à la télévision qu’une posture, une gestuelle, une image ? Que faut-il encore de plus pour que cela cesse ? Cet épisode a priori si anecdotique (sauf pour les intéressés), en ajout de toutes les dégradations de nos institutions, de notre respectabilité internationale, nous mène au pire des chaos, celui généré par le ridicule, la perte de considération pour notre propre identité. Imaginez-vous un président ou une présidente accueilli(e) à un sommet international et raillé(e) comme un tartuffe entartée ! On nous regardait comme malhonnêtes, incohérents, nous voici maintenant risibles et pathétiques.

A ma liste de critère pour l’élection de 2007, je vais ajouter que le président devra posséder une aura naturelle de respectabilité et d’autorité.

Média, réaction en chaîne et syndrome chinois.

Connaissez-vous cette théorie qui prédit qu’en cas d’emballement, un réacteur nucléaire pourrait arriver à détruire le terrain sous lui et traverser la planète ?
Et bien il semble qu’il en existe une équivalence sur un domaine très peu scientifique et qui s’appelle politique. Le principe en est le suivant :
– un réacteur, appelé homme ou femme politique, est l’élément de base
– ce réacteur génère habituellement une forme d’énergie qui s’appelle idée, avec des variantes isotopiques appelées projet, vision, discours, meeting
– ce réacteur, moyennement actif en phase normale, peut être catalysé par une famille d’éléments appelés media, dont le plus redoutable s’appelle micro.

Ceci étant posé, il existe des cas particuliers où réacteur et catalyseur se lient par une force irrépressible, devenant “addicts” l’un de l’autre, s’auto-alimentant en amplifiant progressivement et irrésistiblement leur interaction.
Hélas, les isotopes produits par le réacteur (projet, idée, vision, discours, meeting) deviennent alors très souvent de plus en plus anormaux et finissent par quitter l’univers rationnel pour basculer dans une sorte d’univers quantique où toute valeur de départ perd son sens et où tout devient possible, en apparence.
Tout, et surtout le n’importe quoi.

Nous avions eu déjà un tel exemple en fin d’année dernière, lorsque le ministre de l’intérieur, dans sa course contre lui-même, s’était lancé dans une escalade médiatique qui l’avait obligé à hypertrophier son discours par une suite de déclarations à la presse à chaque fois plus retentissantes que la précédente.
Réacteur et catalyseur s’étaient tellement auto-intoxités qu’ils n’avaient pas vu venir les émeutes qu’ils avaient fini par préparer, le monde réel ne supportant plus d’entendre ce qu’il considérait comme des provocations à répétition qui s’ajoutaient à une situation déjà bien trop compliquée.
Ce réacteur là n’est pas arrivé au syndrome chinois, mais a généré pas mal de dégâts collatéraux lors de son explosion.

Or, une autre réaction en chaîne semble être en train de se développer. Le catalyseur n’a pas changé, mais le réacteur appartient au camp d’en face cette fois.
La réaction en chaîne semble être partie d’une anodine phase d’apathie politico-médiatique, suite justement aux émeutes, le monde politique étant sérieusement sonné par cet épisode lui apparaissant incompréhensible.
Puis, passé l’effet de remplissage stérile pendant quelques mois, ce réacteur a dû commencer à trouver des arguments originaux, différents, pour continuer à intéresser le catalyseur média.
L’originalité ne s’est pas faite sur la nouveauté, mais sur le décalage entre le positionnement politique attendu et celui présenté. Le réacteur a donc commencé à générer des isotopes appartenant au camp d’en face, ce qui ne suffit qu’un temps, et, le temps passant, l’union infernale réacteur / catalyseur est obligée de générer de plus en plus de particules appartenant de moins en moins au monde de la raison.

Ce réacteur là finira-t-il en syndrome chinois ? Ira-t-il au delà de tout contrôle, de toute raison? J’espère que non, mais une chose me navre : le spectacle plaît. Nous semblons avoir en ce moment une fascination passive pour l’autodestruction, un besoin morbide de trouver ce qui réussira à tout faire exploser.
En tout cas, en ce qui me concerne, je continuerai à défendre la raison, le débat raisonné et guidé par les principes et le respect de tous.

Democratie PS

Quand je serai président : analyse

M’étant réuni avec moi-même, j’ai décidé d’être candidat à la candidature. Mais n’étant pas acoquiné avec des journalistes, j’en suis réduit aux analyses et à la proposition d’idées. Donc, concitoyen mon futur électeur, commençons par quelques analyses.

Choisir sa société.

Il est faux de dire que la France est un pays d’hyper protection (chaque hiver, elle laisse mourir des gens qu’elle peut facilement sauver) aussi bien que c’est un pays d’archaïsme économique (nos entreprises sont de grands prédateurs sur la scène économique mondiale). Par contre, la France manque d’une vision claire et volontaire de ce qu’elle met en œuvre pour ses protections sociales en particulier et ses grands choix stratégiques en général, et a surtout perdu la dynamique offerte par une vision, un objectif commun. Les choix de société ont été effectués par empilement de strates, souvent par la force du combat (reconstruction après guerre autant que luttes syndicales). Or par conservatisme, aucune de ces strates ne peut être remise en cause, ce qui complique de plus en plus chaque avancée.

Toutes nos avancées sociales n’ont pas permis à l’état de garantir a minima des éléments de survie aussi basiques qu’une ration alimentaire minimale, un abris ou l’accès à un niveau minimal d’énergie. Toutes ces avancées ne réussissent pas à annihiler le fatalisme générationnels des familles condamnées à vivre en marge d’une société opulente. L’espoir d’une croissance économique permettant de gommer tous les problèmes est un leurre autant qu’un aveu d’impuissance : certains meurent en France à cause de nos choix tacites et non assumés, aucunement parce que l’économie va plus ou moins mal. L’économie est un outil permettant de dégager des moyens, rien d’autre.

Parce que, crispés sur nos verrous, nous refusons de négocier des renoncements contre des avancées, parce que nous nous focalisons sur l’outils et non le but, nous les condamnons à mort.

Mouvement et Verrous

Le mouvement : la réforme se fait difficilement à petits pas et par demi-mesures, et encore moins en France qui ne connaît par grand chose entre le conservatisme (avec sa variante “l’évolution oui mais pas ça et pour les autres”) et les évolutions par rupture violente. Or quoi qu’il arrive, moins on change et plus il est nécessaire de changer à cause de l’écart croissant avec un point de stabilité (nos sociétés ne sont pas des isolats adiabatiques). Mais rien ne changera si les français ne participent pas à un fort mouvement collectif ou si un accident externe ne détruit pas de facto les verrous.

Les verrous structurels

En plus d’une classique résistance psychologique au changement, la France s’est dotée d’institutions qui verrouillent intellectuellement les possibilités de changement (contrairement à d’autres sociétés qui ont des institutions laissant la place à l’interprétation, donc à l’évolution de la pensée institutionnelle). Nos administrations ont été conçues pour être stables (ce qui est raisonnable) et les élites formées pour les conduire ont été éduquées et sont mises dans des situations personnelles qui les obligent à toujours orienter leurs choix vers la stabilité, ou au mieux une évolution cosmétique (ce qui ne permet pas une analyse objective et détachée, mais génère une aristocratie adhérent à la fameuse “pensée unique”). Cette déformation de l’esprit a également été étendue au secteur privé pour ce qui est des grandes entreprises ou des média, Sciences Po plus encore que l’ENA semble en être la source. A un niveau moindre, l’école de la république a rendu “évidente” la nécessité de stabilité en toute circonstance. Intellectuellement, le français est formaté pour être stable, alors qu’émotionnellement il est plutôt “soupe au lait”. Enfin, dernière composante, le monde universitaire normalement vivier de l’hétérodoxie potentielle est lui aussi verrouillé soit par les grandes administrations de recherche, soit par le schéma de carrière proposé aux éléments prometteurs.

Au final, la stabilité souhaitable pour un état, aboutit à un questionnement quasi permanent (le français conteste “par nature”), rejeté jusqu’à l’instant de la prochaine rupture. La France ne connaît ni mouvement long et soutenu d’évolution structurelle, ni stabilité, juste des crises de rupture.

La menace des ruptures subies

Beaucoup plus que les guerres ouvertes ou larvées (terrorisme), ce qui nous menace aujourd’hui (dans le sens : ce qui peut nous faire basculer définitivement et de façon non voulue vers “autre chose”) ce sont

1) la rupture énergétique (fin de l’ère du pétrole) et

2) une rupture climatique.

1) La rupture énergétique est la plus facile à négocier car anticipable et pouvant être progressivement résolue à moyen terme (moins de 10 ans probablement) par des sources palliatives et une baisse des besoins énergétiques. Le plus grand danger est de ne pas anticiper à temps à cause d’une trop grande confiance en soi ou pire, dans les données fournies par les états ou les sociétés pétrolières. En la matière, il faut adopter un raisonnement probabiliste : tous les acteurs pétroliers ont intérêt à gonfler les chiffres de leur stock et tous les consommateurs ont psychologiquement intérêt à se rassurer. Il est prudent et logique de croire dans ce contexte à la fin rapide de l’ère pétrolière. En l’absence d’une solution de remplacement, notre société changerait fortement d’aspect, principalement par “l’allongement” considérable des distances de transport des biens et des personnes.

2) La rupture climatique (modification profonde des saisons, disparition des écosystèmes, augmentation du nombre et de l’intensité des événements météorologiques catastrophiques, …) elle, ne peut être qu’atténuée dans ses effets sur notre société (nous ne pourrions lutter contre des “moussons cévenoles” qui transformeraient le Languedoc Roussillon en marais ni contre un plongeons précoce du Gulf Stream, ni contre une hausse forte et rapide du niveau des océans) mais nous pouvons apporter des mesures de protection préalables aux populations et industries concernées. Une rupture climatique non anticipée aboutirait probablement à des mouvements migratoires et des désordres sociaux catastrophiques. Cette fois, c’est l’identité même de la société française qui serait impactée.

Je promets de publier quelques pistes de solutions avant mon deuxième mandat…