Cracher sur le Lama

Le Dalaï-lama rend visite à la France cette semaine. Enfin, plutôt aux français parce que la présidence de la République (à l’exception des sénateurs) a décidé de le snober.

Cette soudaine affirmation de la laïcité élyséenne ne manquera pas de surprendre ceux qui ont pu suivre les aventures sms du chanoine de Latran, mais elle est surtout hypocrite et destinée à justifier une position acrobatique de la diplomatie élyséenne suite à des maladresses successives concernant le voyage express de Nicolas Sarkozy à Pékin.

Après tout, que ce dernier ait décidé de passer quelques heures en Chine pour assister à l’ouverture des JO est à l’origine anodin et sans grande impacte : sa présence aurait pu simplement être présentée comme un hommage à l’olympisme et à l’amitié entre les peuples et l’affaire aurait été pliée. Mais non, il a fallu qu’il se mette lui-même la pression en liant l’affaire à des gestes immédiats entre chinois et tibétains, ce qu’il ne pouvait obtenir et ce qui pour cet événement précis aurait dû  concerner en premier chef le CIO, le Tibet et la Chine. Et si la résolution immédiate du problème lui avait été à ce point primordiale pour l’Elysée, nous aurions pu également ne pas aller à Pékin et nous contenter de déléguer un ministre, sans tambour ni trompette.

Enfermé dans ce non sens, nous nous sommes donc retrouvé à Pékin en dépit du préalable que nous avions nous-mêmes fixé et en donnant l’impression de céder aux injonctions de l’ambassadeur de Chine à Paris.

Nous aurions pu nous contenter d’être ridicule et faible, mais avec la visite du Dalaï Lama, les conseillers de l’Elysée nous encouragent à boire le calice jusqu’à la lie. Cette fois, on nous explique qu’il n’y aura pas de rencontre entre Sarkozy est lui puisqu’il n’est pas un chef d’état, mais un chef religieux.

Excuse en forme de tautologie ! Le chef spirituel bouddhiste n’a jamais revendiqué un quelconque statut de chef d’Etat et s’il se bat pour le Tibet, c’est pour éviter la sinisation forcée des tibétains et la destruction de leur culture. Pourquoi sortir un tel argument si ce n’est pour cacher par une absurdité une autre absurdité ?

Même si cet argument devait être retenu, cela signifie-t-il qu’à partir de maintenant la France ne rencontrera plus aucun représentant de religions ou de groupes spirituels et philosophiques. Cela s’appelle de l’ostracisme pour le moins…

Sur le fond, ce qui m’attriste le plus c’est que la France, avec son passé et ses idéaux, n’est plus capable de respecter un prix Nobel de la paix qui au fond vient lui rendre hommage. Osera-t-on aussi prétexter une clause religieuse si Desmond Tutu nous honorait de sa présence ? Que trouvera-t-on à opposer à Nelson Mandela ? Shimon Peres ne serait-il pas par hasard représentant d’un état où la religion occupe trop de place ? Et en creusant un peu, ne devrait-on pas déclarer Al Gore persona non gratta pour ne pas fâcher l’administration républicaine américaine ? Ne risquerait-on pas de s’attirer les foudres de la finance internationale si on accueillait Muhammad Yunus ?

Que la liste est longue des hommes et femmes de bonnes volonté dont l’action a changé positivement le monde et qui risquent maintenant d’être traitées avec mépris par ce gouvernement, juste pour justifier son amateurisme ou sa lâcheté. Comme notre pays a changé, lui qui naguère se voulait être la lumière illuminant le monde, et qui n’est plus qu’un hôtel pour dictateurs en mal de shopping de luxe.

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