La fixette qui nous perdra

Hoover DamLe bon sens semble être une chose aussi rare que les prêts bancaires en ce moment.

Le gouvernement vient de nous annoncer son plan aux mille projets telles mille fleurs plantées dans le jardin de France. Qu’en dire ? Si l’époque le permettait, je dirai avec humour qu’il s’agit là d’une vieille recette parmi les vieilles recettes si facilement méprisées lorsqu’elles viennent d’en face. Oui, bien sûr, travailler sur les infrastructures est un investissement intelligent, s’il est cohérent.

L’est-il ? A court terme, cela va maintenir des emplois et peut-être en créer quelques uns. Mais cela va-t-il à moyen terme nous permettre d’être plus compétitif grâce à de meilleures infrastructures ? Cela va-t-il nous permettre de résoudre le problème de la rupture énergétique ? Cela va-t-il nous permettre de prendre le virage de la rupture climatique ? Lorsque l’on voit que ce sont les infrastructures routières qui se taillent la part du lion, on peut en douter. Où sont les investissements dans les technologies pour demain (matin !) ? Où sont les synergies qui consolideront le tissu industriel ? Où sont les sources de développement des nouveaux services ? Où sont les amortisseurs qui empêcheront les faillites par effet de dominos ?
Cela résoudra-t-il la crise profonde du logement (trop mauvaise adéquation entre offre et demande, trop peu de nouvelles constructions, en particulier HLM) ? Là, c’est plus que douteux : le plan aide les promoteurs sans s’attaquer au fond de la crise immobilière.
Cela est-il suffisant en nombre ? Bien sûr que non, 1000 projets sont totalement insuffisants par rapport aux besoins. On peut espérer que tout cela ait un effet positif, mais nous avons des raisons de craindre une profonde erreur sur l’estimation des besoins. Ce gouvernement a compris trop tard la réalité et les implications de la crise financière (alors que les signes étaient déjà là au printemps 2007, il a fallu attendre l’hiver 2007 pour avoir une prise en compte claire et 2008 fut une course avec systématiquement plusieurs temps de retard sur la crise devenue économique). Le gouvernement n’est toujours pas en phase avec la réalité : Patrick Devedjian n’annonce-t-il pas une croissance positive alors que le FMI envisage une tendance vers -2% et que l’Allemagne donne des estimations entre -3% et -5% ? Sur ces dernières années, ce gouvernement a eu systématiquement tord par rapport aux prévisions du FMI. Aveuglement et imprévoyance inacceptables !
Est-ce suffisant en terme de champ d’application ? Sur ce point, le gouvernement Sarkozy tient un cap erroné de façon totalement psychorigide. Il est évident pour tout le monde, sauf eux, que la crise financière a déclenché un profond déséquilibre économique entre offre et demande. La capacité de production des différentes économies est maintenant largement au-dessus de la demande, et ceci va en s’accentuant au fur et à mesure où les gens perdent leur emploi ou ont peur de le perdre. Par ailleurs l’argument des echecs passés ne tient pas plus : nous ne sommes plus à l’époque où les importations menacaient les filatures Boussac et que le franc était attaqué ! Par ailleurs, aujourd’hui la faible demande est motivée à la fois par la peur de la crise et par un pouvoir d’achat qui ne permet pas d’être optimiste. Cette crise de la demande résulte au minimum de la conjonction d’éléments objectifs de crainte et du sentiment d’avoir été trahi (”travailler plus pour gagner plus” nous promettait-on). L’activisme affiché de Nicolas Sarkozy s’est transformé en mouvement brownien anxiogène.

En plus de la relance de la consommation, que pourrait-on faire ? Revenir aux fondamentaux du contrat républicain et le moderniser. Les services publiques doivent avoir pour but de subvenir aux besoins élémentaires des citoyens. Aujourd’hui, à force de casse et de raccommodage, leur objectif est devenu nébuleux, leur efficacité en baisse, leur coût en hausse. Par ailleurs, la nature profondément redistributive et palliative des aides est complètement obsolète à une époque où la diversité de situation est la règle, où le salarié et souvent aussi un micro-capitaliste ou un micro-entrepreneur, où le retraité ne l’est plus forcément totalement, où le travailleur même régulier n’a plus forcément un salaire suffisant pour vivre. J’aimerais me tromper, mais le RSA actuellement mis en avant ne résoudra pas le problème de fond de l’inefficacité de la redistribution.

Il faut passer à autre chose, passer à la gratuité partielle ou totale de la satisfaction des besoins fondamentaux fournis par les services publics ou leurs délégations (eau, énergie, nourriture, logement, soin, transport, information). Des ambryons mis en place par la gauche (CMU par exemple) ou les régions (gratuité partielle des transports) ont ouvert la voie et montré la faisabilité : allons au bout de la démarche. Là est le vrai investissement pérenne, là est l’investissement d’infrastructure et de services qui fournit un avantage concurrentiel, là est l’amortisseur de la crise pour tout un chacun, là est l’avenir des citoyens et de notre République.

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