Les droits de l’homme et du dictateur

Tous les hommes naissent libres et égaux mais il semble que nous ne sachions guère comment guider les dictateurs vers cet horizon de liberté et d’égalité. J’ai pris le temps de la réflexion pour considérer la révolution tunisienne (et j’espère qu’elle aboutira effectivement à mettre en place les conditions de la liberté et de l’égalité) et je ne voudrais pas m’arrêter à la condamnation trop rapide, définitive et hypocrite de Ben Ali.

Il est certes aisé de condamner l’homme et son régime après coup mais il me semble plus difficile, et pourtant plus utile, de nous interroger, non pas sur ce que nous n’avons pas fait, mais bien sur ce que nous allons faire dès à présent. Nous (les socialistes mais aussi j’ose l’espérer l’immense majorité des Français) déclamons à qui veut l’entendre notre attachement à nos idéaux. Hélas, nous n’avons pas une vision très claire de la conduite à adopter lorsque nous n’avons pas en face de nous une dictature à la noirceur absolue, une dictature avec qui nous ne partageons rien.

Dans la zone grise des dictatures présentables à nos consciences, il semble qu’il nous soit tout aussi bien impossible d’avoir une position intransigeante sur les principes (parce que tout simplement cela n’a aucun effet sur la dictature) qu’une position franchement amorale parée de la vertu d’une real politik économique nécessaire. Ni anges ni francs salauds, nous nous contentons au final d’une médiocrité de petites âmes aussi promptes à offrir son savoir-faire en matière de répression qu’à bloquer cette répression à la douane lorsque la mauvaise conscience frappe à la porte.
Dans une France attachée à ses valeurs et ses racines, Michèle Alliot-Marie aurait dû non seulement (être) démissionner après son odieuse offre de service mais également être définitivement mise en marge de tout mouvement républicain. Or dans un gouvernement où celui qui a été le plus réaliste sur la Tunisie (Eric Besson) est un traitre à ses premiers engagements politiques, il apparaît normal de ne voir ici qu’un écart mineur devant être traité sur le plan de la politique à court terme et non sur celui de l’honneur d’un pays. Et gageons que cela n’ira pas plus loin.

Mais même si nous n’avons pas été aussi odieux qu’Alliot-Marie, les socialistes n’ont pas été dans le passé très brillants, ni dans le présent comme on peut en juger avec l’histoire de l’internationale socialiste. Cela ne me gène pas en soit d’avoir un Ben Ali à cette internationale, à condition que sa place ne soit pas à l’égale des démocrates, à condition que sa présence s’accompagne d’une action en profondeur pour le mener vers un horizon plus juste, libre, égalitaire pour son peuple.
Refuser le contact des dictateurs est une position de « pureté » trop facile, se compromettre avec eux en cédant sur tout et n’avançant sur rien est une infamie.
Il n’y a pas de compromis à avoir sur le but à atteindre, mais l’on doit se mettre en position d’être assez fort pour tracer un chemin, pour s’impliquer de façon commune sur ce chemin, pour dessiner et atteindre des étapes intermédiaires.

Il faut en finir avec les discours schizophrènes où la forme dit « j’exige liberté et égalité » et où le fond dit « j’accepte le compromis en contre-partie de ceci ou cela » car on perd alors sur les deux tableaux. Nous gagnons le mépris (justifié) de l’autre et n’avons que des miettes du marché que nous passons.

Alors soyons clairs camarades socialistes, qu’allons-nous proposer à Mohamed VI pour l’aider à progresser vers cet horizon que nous déclarons universel, qu’allons-nous proposer à Israël et aux palestiniens pour gagner cette terre de liberté, serons-nous assez forts pour proposer aux chinois un partenariat économique et de citoyenneté, serons-nous assez intègres pour juger inacceptable tout gouvernement salissant l’honneur, l’histoire et la grandeur des idéaux de la France ?

2 réflexions sur « Les droits de l’homme et du dictateur »

  1. «  » »comment guider les dictateurs vers cet horizon de liberté et d’égalité. » » » »

    Tu devrais breveter cette phrase.. Grâce à toi, J’ai bien ri d’un sujet pas vraiment comique

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *