Refondations : PS, Socialisme et Social-Démocratie – I) Les Défis Internes – deuxième partie

Marianne

Démocratie et parti politique

Le PS admet la démocratie comme un grand bien, une valeur fondatrice. Nous avons voulu croire qu’il allait de soi d’appliquer cette valeur à notre propre fonctionnement (dans sa forme de démocratie représentative où l’on délègue son « bout » de pouvoir à des représentants élus), ignorant avec une belle candeur que cela n’a jamais été le cas, pas plus à Reims qu’en 2006 ou pour les choix précédents. La démocratie au PS s’exerce tant bien que mal au niveau des sections, pour la discussion des contributions et le vote des motions, mais elle s’arrête là et ce n’est pas nouveau ! Il existe des exceptions locales, mais ces exceptions sont loin d’être la règle, tautologie que nous souhaiterions oublier… Implicitement, nous pratiquions une démocratie fondée sur une forme de légitimité donnée par le poids des motions, et pas une démocratie représentative directement issue des urnes : là est tout le malheur du congrès de Reims où il n’y avait pas de majorité légitime avant l’élection finale !

Est-ce un mal ? Est-ce une perversion de notre combat ? Un reniement ? Sincèrement et objectivement je ne le crois pas à condition que les choses soient claires et acceptées en toute connaissance de cause, et même si les sociaux-démocrates en ont fait les frais en 2006, et même si un autre choix nous aurait évité le naufrage qui a suivi, un parti politique est autant un groupe de débat d’idées que de combat. Si la démocratie est une chose nécessaire et souhaitable pour le débat d’idées, sur le champ de bataille il en est tout autrement. Il me paraît donc acceptable de distinguer une phase démocratique de discussion et une phase d’action où la démocratie est remplacée par la confiance envers l’équipe dirigeante. Confiance qui reste à restaurer.

Mais pour que cela soit possible, il faut sortir de l’ambiguïté détestable qui infantilise et instrumentalise les jeunes militants et transforme les anciens en militants cyniques.
Remplacer la démocratie par la confiance envers une équipe dirigeante pour des raisons objectives d’efficacité, en sachant que c’est un renoncement temporaire librement consenti au nom de l’efficacité du combat, n’est pas un reniement de ses valeurs mais bien une preuve de responsabilité et de maturité face aux enjeux collectifs.
Énonçons clairement les règles et les limites de la démocratie militante du PS et nous sortirons enfin de ce piège qui nous oblige à accepter le non-dit, parfois l’injustice, à accumuler la rancœur par faute, finalement, de maturité démocratique justement.

Il est plus que temps pour le PS de passer à l’âge adulte : les militants pas plus que les citoyens ne sont des « cons » qu’il faut savoir faire voter.

Question du choix

Il n’a échappé à personne qu’en plus des choix idéologiques, nous avions également un problème de choix de leader pour conduire les batailles dans leur dernière ligne droite. Le système est ainsi fait que si une campagne peut, et doit, être portée par des idées défendues pied à pied par tous les militants, pour être couronnée de succès cette campagne doit in fine s’identifier à un nom, un visage, une personnalité à l’instant du vote.
En 2006, nous avions inventé des primaires, quelques peu exotiques au regard des faibles possibilités d’échanges directs et contradictoires, mais expérience intéressante tout de même. J’ai à l’époque défendu le principe même de ces primaires, et pour 2011 j’ai même renouvelé l’attachement à un grand processus qui élargirait la base des militants à un électorat dépassant plusieurs centaines de milliers sympathisants (à moins, cela pose des problèmes de manipulations statistiques).
Aujourd’hui, je suis plus que circonspect vis-à-vis du principe des primaires, pour une raison technique : dans un tel scrutin il est impossible de garantir l’équité de la campagne, comment alors donner une légitimité au vote si ce n’est l’acceptation mathématique d’un vote structurellement biaisé ?

Et pourquoi ne peut-on garantir l’équité du scrutin ? Il suffit de retourner à 2006 pour avoir une illustration du problème et le comprendre.

À l’époque, la candidate qui fut finalement désignée bénéficiait du soutien de l’équipe dirigeante du PS ce qui fut très probablement déterminant au regard du fonctionnement du PS. Pour préserver l’équité, il aurait fallu qu’elle se dé-solidarise (réellement) de cette équipe et que cette équipe adopte une position de neutralité absolue. Et comment aurait-on pu lui demander de renoncer à ce soutien ? Cela n’a pas de sens, et encore moins en 2006 où les liens familiaux rendaient la situation encore plus inextricable. Parallèlement, le contre-pouvoir de la presse s’est exercé d’une façon peu satisfaisante et elle n’a pu ramener le débat à un niveau de rationalité et d’objectivité suffisant pour rectifier les biais de la situation.

Au-delà de ce cas, comment demander à un candidat bénéficiant d’une position avantageuse particulière d’y renoncer au profit de l’équité de la campagne ? Nous ne sommes pas dans une campagne qui est régie par la loi et les avantages dont bénéficient les candidats sont une part des motivations qui les poussent à être candidat.

Dit autrement, à moins d’une situation exceptionnelle où l’équité est là d’elle-même, il n’est pas possible de l’établir et de ce fait, la campagne sera toujours entachée de biais qui fausseront forcément le débat donc le résultat.

Par ailleurs, en l’état actuel des réflexions sur les primaires, un système de parrainage semble prévu pour éviter les candidatures « exotiques » ou carrément néfastes au processus lui-même. Certes, mais quel est le juge de paix ? Il y a peu d’espace à franchir entre la sélection raisonnée et la cooptation intéressée. Si je peux facilement donner des critères concernant les candidatures néfastes (idéologie incompatible avec nos valeurs, comportements excessifs, pas de capacités ou de qualités identifiables compatibles avec l’exercice du pouvoir, …) comment définir une candidature « exotique » ? Serions-nous capable de donner une liste rationnelle d’éléments objectifs pour choisir nos postulants ? Et ne pas le faire n’est-il pas l’expression d’un conservatisme, voire d’une peur et d’un manque notable de confiance envers nous-même ?

J’aimerais que ces primaires soit possibles et équitables. Nous saurons que le jour sera venu lorsqu’un militant anonyme du PS pourra, par ses seules valeurs intrinsèques, postuler à la candidature, et y accéder. Cela voudra dire que le « recrutement » de nos candidats se fera sur des qualités intrinsèques et ne sera plus perturbées par des qualités de circonstance, dont la plus encombrante est sans doute l’ambiance sondagière.

MarianneEn attendant, il faudra s’accommoder du système le moins mauvais possible en faisant le ménage dans les pratiques les plus détestables telle l’intimidation en section ou la cooptation par une élite. En l’état actuel, la primaire est un espace de débat mais dans le cas général, ce ne peut pas être un espace de choix démocratique où l’égalité de traitement est garantie. Le choix ne devrait pas à mon sens faire partie de la phase de confiance, mais belle et bien cette de la phase de démocratie : résoudre cette quadrature du cercle est un défi majeur.

Alors des primaires pour le débat et l’expression des idées oui, mais en l’état, il ne faut pas en espérer plus.

Une réflexion sur « Refondations : PS, Socialisme et Social-Démocratie – I) Les Défis Internes – deuxième partie »

  1. 1.

    […] Pour le PS, cela simplifierait un de ses problèmes techniques qui est celui de l’organisation d’une primaire qui comme je l’ai montré, souffre d’un vice intrinsèque qui est celui de l’impossiblité de garantir l’équité des candidatures. Lâche soulagement… […]

    Pingback by Bloggy Bag » Dissolution, Démission, Elections anticipées — 7 July 2010 @ 9:18 am
    2.

    […] Il y a 6 mois déjà, j’écrivais « Aujourd’hui, je suis plus que circonspect vis-à-vis du principe des primaires, pour une raison technique : dans un tel scrutin il est impossible de garantir l’équité de la campagne, comment alors donner une légitimité au vote si ce n’est l’acceptation mathématique d’un vote structurellement biaisé ? ». Bartolone actualise cette réflexion avec un biais particulier : parmi les candidats susceptibles de l’emporter, un seul se présentera par accord tacite ou explicite avec les autres. […]

    Pingback by Bloggy Bag » Primaires de Confirmation ou Etats Généraux de refondation ? — 29 September 2010 @ 4:43 pm

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