Le socle du programme socialiste


Depuis des mois, deux visions s’affrontaient au sein du PS pour le déroulement de l’avant-campagne des primaires.

La première, s’appuyant sur le fonctionnement de la Vème République, avançait qu’il était nécessaire de désigner un chef rapidement, et que sous la direction de ce chef, le parti devait mettre au point un programme.La seconde, largement défendue par les sociaux-démocrates, défendait au contraire l’idée qu’il fallait d’abord améliorer le fonctionnement du parti, puis travailler sur des propositions pour enfin trouver un chef qui pourrait reprendre ce texte, l’incarner, le développer avec ses qualités et sa vision.

Les tenants de la première solution sont partis très tôt (en décembre) ou un peu plus récemment, mais avant que le socle du programme PS soit connu. Force est de constater que ceux qui sont partis en décembre n’ont pas percé et ne pèsent pas sur le débat, quant à Hollande parti en dernier pour ce premier groupe, un peu plus d’une semaine après le souffle commence déjà à manquer.
La ligne défendue par les sociaux-démocrates semblait donc être la bonne. Mieux que cela, un récent sondage montre que les Français ont accueilli très favorablement ce socle de programme : ils l’approuvent à 70% ce qui tient carrément du plébiscite !

Voilà donc un motif de satisfaction qui nous conforte dans notre vision de cette future présidentielle.

Mais revenons rapidement sur les points de ce programme.

D’abord, j’ai lu les commentaires UMP avec un certain amusement. Ils ont essayé de jouer sur tous les clichés sans se rendre compte à quel point certains arguments tenaient du comique vu la situation. Essayer de faire croire que les socialistes ne savent pas gérer le pays tient de la farce tant la comparaison avec la période 1997-2002 (et surtout 1997-99) avec la période UMP depuis 2002 tient de la gifle cinglante.

Sur le contenu lui-même de ce programme, je dois avouer mon ravissement lorsque j’ai lu le premier chapitre et le tire du premier paragraphe « Le changement climatique, l’explosion démographique et la fièvre énergétique mettent en jeu l’avenir de la planète » : voilà qui nous renvoie directement à 3 des 4 thématiques que j’avais abordées il y a quelques mois dans le texte du dormeur,  texte qui lui-même était l’évolution d’un texte de… 2006. Voilà qui montre au moins que le PS est bien une communauté d’idées et que le débat n’est pas un vain mot. Il ne manque donc à ces 3 thématiques (climat, énergie, démographie) que le 4ème sur la dématérialisation, bouleversement sans doute encore trop récent pour être clairement compris. J’espère pouvoir à l’avenir apporter ma petite pierre à l’édifice sur ce sujet plus que perturbant pour nos identités. Mais revenons aux temps présents.

J’ai déjà donné ces derniers jours, indirectement, mon avis sur le point 26 du programme qui concerne l’évolution de la définition du mariage aux yeux de la République. La notion de mariage sous toutes ses formes (mariage républicain, pacs, …) doit évoluer dans le sens d’une reconnaissance moins discriminatoire de la cellule familiale et, point qui m’est sans doute plus personnel, centré autour d’un couple ayant un projet d’enfants. C’est cela qui aux yeux de la République justifie que l’on s’oblige à légiférer sur cette sphère privée. Quelle que soit la nature du couple, quelle que soit la nature du projet d’enfants, si les deux sont réunis alors l’État doit protéger ce couple et ce projet dans un intérêt mutuel et bien compris.

Quoi d’autres ? Je ne m’appesantirai pas sur les évolutions fiscales, domaine très technique mais elles sont à l’évidence plus que nécessaires. Je me contenterai juste, par prudence, de suggérer une manière de faire pour éviter le travail de sape des lobbyistes. Dès le premier mois de la législature, faisons passer une loi qui annule dans leur intégralité l’ensemble des niches fiscales à la date du 30 septembre 2013 : il restera alors un peu plus d’un an pour rebâtir le système fiscal et au lieu de devoir résister à ceux qui veulent empêcher le changement, nous pourrons travailler avec eux sereinement sur des lois qui quoi qu’il arrive seront forcément nouvelles… Et oui au point 8, utilisons des mécanismes de TVA modulables pour orienter la consommation dans le sens voulu (et revoyons cette modulation chaque année pour éviter le problème de l’éco-taxe des voitures qui n’est pas budgétairement neutre).

Point 4 sur les emplois aidés. Très bien mais là aussi soyons malins. Certaines de nos administrations sont obsolètes dans leur fonctionnement autant que dans leurs objectifs de services publics. Servons-nous de ces emplois jeunes pour construire les nouveaux services administratifs de zéro, nouveaux services qui remplaceront au fur et à mesure du temps d’autres devenus sans objet.

Oui au point 10 sur une sortie raisonnée du nucléaire. A nouveau je vous renvoie à un texte de 2006 qui décrivait un mécanisme lent mais réaliste. Si l’on doit construire de nouvelles centrales nucléaires, arrêtons-en plus qu’on n’en construit.

Ravissement à nouveau lorsque je vois repris l’idée de l’encadrement de l’écart des rémunérations (j’ai bien écrit rémunération et pas salaire !). L’idée est très ancienne (certains l’attribuent à  Henri Ford) mais nous l’avons débattue il y a déjà pas mal de temps. Voilà une mesure qui n’empêche en rien de donner les rémunérations que l’on veut au sein d’une entreprise mais qui évite les dérives qui tiennent parfois plus du détournement de fond ou d’abus de bien sociaux qu’autre chose. J’affirme haut et fort que personne au sein d’une même entreprise en vaut 10000 fois plus que le salarié en CDI le moins rémunéré ! L’écart est sans doute négociable, mais quoi qu’il en soit, il doit être débattu au sein des entreprises !

Le point 12 sur les loyers ne me semble pas être la bonne approche. Oui, les loyers (parisiens surtout) sont à un niveau qui ne correspond pas aux possibilités des foyers. Mais le problème est d’abord un problème de pénurie. Il faut déployer une politique plus qu’ambitieuse de reconstruction, et coupler cette politique avec la résolution des problèmes écologiques et sociaux. Il faut créer ex-nihilo des quartiers, des villages, des petites villes, en associant à la constructions les futurs habitants et les futurs acteurs économiques pour ne pas refaire les erreurs des méga-projets de villes nouvelles. C’est là aussi l’objet d’une déjà vieille réflexion.

Point 16 sur les retraites : pour moi c’est un point foireux car on laisse croire aux Français que l’on discute d’une retraite pleine et entière, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, c’est le système lui-même qui doit être repensé. Je plaide pour un âge de retraite pleine et entière fixé par rapport à l’espérance de vie en bonne santé (un peu plus de 63 ans actuellement). Si quelqu’un veut et peut partir avant, tant mieux, qu’on l’y autorise avec la décote avenante (et mettons-la à 50 ans si on le veut). Mais soyons honnêtes et clairs sur le sujet.

Le chapitre sur l’égalité réelle défendue depuis très longtemps par les sociaux-démocrates est important, mais il appartiendra au futur candidat du PS de prendre à bras le corps ce difficile chantier. Il faudra innover et dépasser le possible pour que cela dépasse les déclarations d’intentions et les approches habituelles qui n’ont pas réussi à résoudre les problèmes de déclassement sociaux.

En conclusion, je trouve que ce socle de programme est une bonne chose et que sa publication renforce l’approche du PS pour la future présidentielle et invalide la position caricaturale de la droite en pleine déconfiture organisationnelle et idéologique. Nous devons continuer sereinement sur cette voie et choisir d’ici quelques mois le candidat qui nous représentera. Le candidat pressenti pour les sociaux-démocrate reste Dominique Strauss-Kahn, mais qu’il ne précipite pas son entrée dans la campagne. Qu’il finisse son travail gigantesque au FMI, en attendant nous continuerons notre travail de militant, travail que manifestement, anonymes ou élus, nous n’avons pas trop mal mené.