Septembre 2008. J’étais hier soir à un débat départemental destiné à présenter les différentes contributions générales en vue du congrès de Reims. Petite explication organico-lexicale pour les non-initiés à la démocratie socialo.
Le but du congrès de Reims est en gros de choisir une ligne politique, de dégager une majorité sur cette ligne puis d’en déduire un exécutif, premier secrétaire en tête. La ligne politique sera celle décrite dans la motion majoritaire, cette motion étant elle-même construite à partir de contributions. Pour l’instant, nous en sommes au stade où l’on regarde quelles contributions peuvent se rejoindre dans des textes qui seront les futures motions. Cela peut paraître un peu lourdingue au citoyen qui ne s’intéresse à la politique que de façon épisodique, mais c’est tout à fait représentatif du PS, un parti qui se veut démocratique (d’où les débats et les engueulades), réformistes (d’où les textes à la pelle dont certains valent leur pesant de cacahuètes) et qui a des difficultés à dégager un chef (les socialistes aiment tellement les chefs qu’ils ont inventé les courants pour en avoir plein). Hier soir, une réunion était donc organisée au niveau du département pour présenter 14 de ces motions, donc a priori 14 courants de pensée du PS (comme quoi, nos journalistes apparaissent comme des Jiravos lorsqu’il réduisent le PS à un combat entre quelques têtes médiatisées) ; 14 contributions défendues avec en particulier deux orateurs de poids, Alain Bergougnioux et Pierre Moscovici. Voilà qui avait motivé les foules, il a fallu rajouter des chaises et faire de la place aux caméras. Au-delà du contenu politique inégal des contributions présentées, qu’en dire ? Côté contribution Hollande, il se dégage une forte expression d’injustice, voire de ressentiment, qui à mes yeux n’est d’ailleurs pas tout à fait infondée. De fait, l’ère Hollande s’est soldée sur un échec, électoral et idéologique. Le reproche principal qui lui est fait est de n’avoir pas réussi à faire entrer le parti dans la réalité de ce siècle : reproche justifié, au détail près qu’il avait surtout mandat d’arrondir les angles et pas de révolutionner le PS. Hollande a échoué parce qu’il a très bien fait ce qui était attendu de lui. Côté contribution Delanoë, le message n’invite pas au décoiffage général. Présentation présidentialiste mais ouverte à des primaires qui désigneront le candidat en 2011, rejet d’un exécutif mou, explications défensives sur le reproche de n’avoir pas été assez travailleur et imaginatif ces dernières années, puis intervention ultérieure de Catherine Tasca dans une recherche finalement assez maternelle visant à rassembler les militants sous la bannière du tous socialistes. Je respecte beaucoup Catherine et Alain, mais je vois ici l’expression parfaite du déni de changement : le PS d’après Reims ne sera plus jamais celui d’Epinay, et non, tous les socialistes d’aujourd’hui ne sont pas tous pareils et ne ressemblent pas non plus à ceux d’après Reims. Contribution Aubry. Manifestement, l’expression est un peu gênée aux entournures et le message est plus technique que militant, ce qui n’était pas de nature à faire chavirer un auditoire peu favorable à Martine Aubry ou Laurent Fabius (la fédération était encore royaliste il n’y a pas si longtemps). Nous restons là dans une logique d’alliance de courants, sans dynamique politique apparente. Contribution Fabius justement. L’exposé donne une impression de retrait sur les fondamentaux, l’Etat républicain, laïc, fort, comme une sorte de ligne Maginot à ne pas franchir si on veut éviter les hostilités ouvertes. Je ne perçois pas de volonté de changer ou de s’opposer au changement du PS, juste une sorte de « nous sommes là et nous comptons ». La blessure infligée au parti lors du TCE est toujours palpable dans la salle. Côté orientation politique, je ne suis pas fichu de dire si les fabiusiens de Reims sont toujours à gauche-gauche ou s’ils sont revenus au centre du terrain de jeu. Mystérieuses brumes en Fabiusie… Contribution Royal : sentiment d’étrange décalage entre un discours bien rodé et séduisant, ouvert, et les pratiques plus rugueuses constatées sur internet ou dans les médias, courant peu perméable à la critique et adepte de mesures dirigistes qui sont régulièrement avancées. En tout cas, l’exposé n’a pas versé dans l’affectif ou la complainte, ce qui aurait tendance à confirmer l’impression de La Rochelle : ce courant ne se voyant plus majoritaire semble prêt à composer pour exister de façon minoritaire. Le spectre de l’explosion s’éloigne un peu. Contribution Ayrault : plus légitimiste que moi tu meurs, le parti est le projet, un parti en ordre de marche sert la France. Au moins c’est simple. Reste juste à refonder le parti. Contribution Moscovici. Je savais Pierre bon orateur (et la contribution top…), mais après l’épisode de La Rochelle, je ne m’attendais pas à ce que la salle lui fasse un si bon accueil. La dynamique qui s’exprime avec Montebourg, Collomb, Guérini se retrouve effectivement au sein des militants, et dépasse les clivages habituels. Je pronostique même un rapprochement avec la contribution de Larrouturou. Mosco a de plus en plus la tête d’un 1er secrétaire… Les contributions de la gauche du PS : la gauche radicale est à la fois la plus claire, la plus combative et la plus déphasée, celle qui aura le plus de mal à changer. Les démonstrations sont construites sur un ensemble de faits, de statistiques, de propositions ponctuelles, mais l’on cherche la refondation, utopique ou pas, l’idéal qui pourra remplacer papy Marx, le grand mouvement d’ensemble. Nous avons là la gauche qui conteste et se révolte, mais difficile finalement d’y voir un projet capable d’entraîner une adhésion qui aille au-delà des petits jeunes tout feu tout flamme. Cela ne semble cependant pas non plus être l’improbable gauche-Besancenot, celle des « antis » peu aimables. Leur trouver une place cohérente et constructive dans le futur PS ne sera pas facile. Leur enthousiasme sincère le mérite pourtant. J’ai finalement trouvé dans cette réunion, les ingrédients que j’ai pu décrire ces derniers temps : résistance au changement différente en fonction des courants, le PS des courants et des présidentiables mais aussi celui des militants qui n’ont pas l’intention d’être de simples spectateurs. La conscience de la nature particulière de Reims est également très grande. Le parti socialiste va mourir à Reims, la question est de savoir s’il renaîtra. Finalement, cette réunion me laisse assez optimiste.