Déclaration de principes du PS : analyse critique des articles XV et XVII

Article 15

Le Parti socialiste est un parti décentralisateur. Il met le respect de la diversité, des territoires, au coeur de ses valeurs. Il veut allier la présence d’un Etat régulateur et garant de l’équilibre –y compris financier- entre les territoires, à une démocratie locale vivante et innovante.

Il est plus que temps de préciser les concours de cet équilibre institutionnel et de s’engager vers une constitution qui redéfinisse la répartition des compétences entre régions, état central et Europe, qui éclaircisse les frontières de la séparation des pouvoirs. De l’audace ! De la clarté !

Article 17

Le Parti socialiste met la culture au centre de ses valeurs. Celle-ci permet, à la fois, de rassembler et de libérer. Face au danger d’une civilisation par trop uniformisée et marchandisée, la culture, avec l’apport irremplaçable des artistes, contribue à construire un monde fondé sur la diversité, le dialogue, l’ouverture. L’accès à la culture pour tous et la démocratisation des pratiques culturelles sont notre objectif.

Oui, bien évidemment la culture est identitaire autant qu’émancipatrice et nous avons le devoir de la développer. Cependant, toutes les cultures n’entrent pas a priori dans ce cadre. Si l’on reprend l’image des poupes russes pour décrire les niveaux de groupes sociétaux, chaque poupée est liée à une culture particulière propre. Les cultures que nous devons défendre et favoriser sont celles qui sont inclusives (accueillantes à l’autre), solidaires et communicantes (celles qui vont chercher à se faire connaître des autres cultures, à créer des liens pour créer une « poupée russe de niveau supérieure ». Nous devons combattre sans réserve toute culture isolationniste, nationaliste, xénophobe ou destructrice.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XIV

Le Parti socialiste est féministe et agit en faveur de l’émancipation des femmes. Il oeuvre pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la mixité de la société. Il garantit aux femmes, l’accès aux droits fondamentaux (santé, éducation, contraception, IVG), et condamne la marchandisation du corps humain. Il combat les atteintes à l’intégrité et à la dignité humaines en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle.

Cet article 14 me gène terriblement tant il semble daté et porteur des contradictions du PS (et de la société française) en matière d’égalité hommes / femmes. Pourquoi en partant de l’article I « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète » a-t-on besoin d’en remettre une couche avec le féminisme ? Une femme n’est-elle pas une « personne humaine » comme une autre ? Si oui, alors cet article 14 est en contradiction avec l’article I, si non alors nous devons admettre l’échec d’années de combat pour l’émancipation des femmes, ce qui ne me semble pas le cas. Bien sûr qu’il y a en la matière encore bien des choses à faire, mais les femmes ne sont plus ces adultes sous tutelle masculine qu’elles ont longtemps été dans une société française verrouillée. Oui, comme à tout citoyen, nous devons garantir l’accès aux droits fondamentaux que sont la santé, l’éducation, mais aussi la nourriture, le logement, l’aide à la petite enfance et dans un horizon proche, j’ose espérer à l’énergie et aux télécommunication. Oui le droit de la vie (maîtrise de la fertilité, IVG, GPA, …) sont des droits fondamentaux qui touchent particulièrement les femmes, mais dont les hommes ne doivent pas être exclus, sous peine de faire perdurer un antagonisme inutile autant que regrettable. La lutte pour l’égalité homme / femme ne doit plus être une lutte des femmes contre les hommes, mais une lutte des hommes et des femmes pour un meilleur avenir commun guidé par l’objectif de nos finalités fondamentales.

Effectivement, le corps humain n’est pas une marchandise, mais cela rejoint le principe de non-brevabilité du vivant mentionné lors de l’analyse critique de l’article IV, avec un niveau supplémentaire concernant spécifiquement le corps humain.
Enfin, oui, le citoyen ne se définit pas en fonction de ses caractères génétiques ou de ses choix purement personnels et ne concernant pas la société. Pour reprendre une formule déjà utilisée ailleurs, les citoyens, comme les anges, n’ont pas de sexe.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article IV

Article 4

Le progrès, synonyme d’amélioration de la vie humaine, est une valeur fondamentale pour les socialistes. Ils pensent que l’exercice de la raison doit être accessible à tous, acceptable par tous, applicable à tout. Ils promeuvent la connaissance, l’éducation, la recherche, la culture. Ils veulent mettre les avancées scientifiques et technologiques au service des hommes et de la planète. L’expansion technologique, le développement des nano et biotechnologies, l’ingénierie génétique posent des questions essentielles pour l’avenir de l’humanité. Le mérite du principe de précaution est de permettre de faire des choix collectifs, à travers l’arbitrage des choix politiques, qui subordonnent l’acceptabilité des risques, inséparables du développement de la science, à l’utilité des innovations et à la légitimité de leur utilisation. Le progrès économique et social ne peut plus être apprécié à l’aune de la seule croissance de la production marchande, mais doit l’être à l’aide des indicateurs reflétant la qualité effective des conditions d’existence et de travail des individus.

Article délicat car faisant référence à des bases scientifiques non stabilisées. On notera d’abord la difficulté qui se cache derrière la distinction entre technologie et biotechnologie. C’est à la fois la même chose (de « l’ingénierie ») et c’est très différent (monde du vivant et du non-vivant). Posent-elles les mêmes problèmes ? Difficile de répondre formellement, mais on pourra noter que, par exemple, si les brevets technologiques ne posent pas de problèmes particuliers, il n’en va pas de même pour la brevabilité du vivant. A titre personnel, je suis opposé à la brevabilité du vivant (ADN, ARN en attendant de mieux pouvoir définir ce que sont les briques de base du vivant).
Je réaffirme par ailleurs mon opposition au « principe de précaution » qui est un non-sens autant qu’une lâcheté politique. Du moment où le « non-faire » n’existe pas dans un système tel que nos sociétés et les écosystèmes, se retrancher derrière un « je ne fait rien au non du principe de précaution » est absurde. Face à un choix aux conséquences incertaines, le politique a le devoir de « faire » et d’assumer d’éventuelles erreurs. Son choix sera justifié par les connaissances scientifiques autant que l’éthique et la morale. Plutôt que de principe de précaution, je parlerais de responsabilité devant l’avenir.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article II

Article 2

L’égalité est au cœur de notre idéal. Cette quête n’a de sens que par et pour les libertés. Egalité et liberté sont indissociables. Aux injustices et aux violences du monde, l’idée socialiste oppose un engagement pour une humanité libre, juste, solidaire et respectueuse
de la nature. Elle porte un message universel, dès lors qu’il s’agit de défendre les droits fondamentaux de chacun et de tous. Pour les socialistes, ces objectifs ne peuvent être atteints à partir du fonctionnement spontané de l’économie et de la société.
La redistribution permanente des ressources et des richesses est nécessaire pour donner une réalité à l’égalité des droits, offrir à chacun les chances de conduire sa vie, et réduire les écarts de conditions.

L’idéal égalitaire est un objectif qui n’a pas varié et qui est réaffirmé. L’article 2 rappelle également la dichotomie entre égalité (idéal pour toute la société) et liberté (idéal pour l’individu/citoyen). La difficulté de conciliation des deux objectifs peut être éclairée par l’échelle à laquelle chacun des deux objectifs s’applique : les objectifs et les lois de la société peuvent ponctuellement aller à l’encontre des objectifs particuliers. Une société est viable lorsque les deux sont conciliables sur le moyen ou long terme. Dans le cas contraire, les conflits entre individus/citoyens et société vont aller en augmentant au fil du temps et la société finira par subir une ou plusieurs crises majeures, voire mortelles. Il est donc nécessaire de bien prendre en compte cet aspect et, lorsque les lois de la société contraignent les personnes, faire qu’a minima, le traitement soit équitable (on notera par ailleurs qu’un traitement purement égalitaire peut s’avérer inéquitable ce qui a été l’un des vices des pays communistes).
A nouveau, le lien avec les écosystèmes est fait dans cet article, sous une forme à nouveau un peu trop « romantique » à mon goût. Ce lien est par ailleurs fait dans un sens (poids de la société sur les écosystèmes) ; en cas de crise écologique majeure, il faut s’attendre à ce que ce lien se fasse dans l’autre sens. En effet, un dérèglement climatique important pourrait nous amener par exemple à s’engager vers des décisions plus directives que nous le souhaiterions du point de vue démocratique, pour des raisons d’urgence ou de survie. C’est un point extrêmement délicat sur lequel nous devons réfléchir a priori pour ne pas tomber dans une dictature qui naîtrait d’une pression subite et forte du changement d’environnement. Les liens entre sociétés et écosystèmes ne se font pas dans un seul sens.
Cet article introduit également le volontarisme économique de l’état. En fait, en prenant un peu de recul sur les articles 1 et 2, le nouveau socialisme est une doctrine qui veut intervenir et sur les sociétés (les citoyens, les lois, les échanges économiques) et sur les écosystèmes, en fonction d’objectifs et dans le respect de principe. Nous réfutons le « laisser-faire (ultra)-libéral », aussi bien en matière sociale, économique, écologique. Cependant, intervenir ne veut pas dire contraindre, être dirigiste, être violent : une telle conception serait un retour à l’échec des sociétés communistes du XXème siècle. L’intervention se fait dans le respect de l’égalité et de la liberté introduit au début de cet article ; c’est un équilibre à trouver : agir où il faut, quand il faut, comme il faut, sur la base d’un contrat commun.
Enfin, la volonté affichée de réduire les écarts (de richesse, de traitement, de condition, …) va dans le sens de la recherche d’un état systémique stabilisé (autant que possible) : un système (une société) dont les éléments échangeraient des choses avec une très grande variabilité d’intensité, aurait beaucoup de mal à être durable. Le « court-circuit », la crise est plus que probable. Du point de vue des individus/citoyens, le rééquilibrage (la redistribution) se traduit par un gage de survie du système tout entier, il peut se faire par l’argent mais aussi (surtout) par l’apport de ce qu’il manque d’essentiel.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article I

Cette série de posts continue une petite parenthèse personnelle à la réflexion collective qui est la marque de fabrique de la pensée social-démocrate. Ceci est dû à des impératifs de temps et de disponibilité ; cependant, cette parenthèse s’insère entre les travaux pour le manifeste social-démocrate, la déclaration de l’université d’été de La Rochelle, la déclaration de principes elle-même et donnera si l’analyse est un tant soit peu pertinente, une base de questionnement sur des points délicats ou à approfondir. Cette réflexion ne conteste bien sûr pas le travail remarquable qui a été jusqu’ici mené pour la refondation de l’idéologie socialiste, ni bien évidemment la qualité des hommes et femmes remarquables comme Alain Bergougnioux qui y ont participé.

Article 1

Être socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est. L’idée socialiste relève, à la fois, d’une révolte contre les injustices et de l’espérance pour une vie meilleure. Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète.

Voici en peu de mots tout à la fois l’affirmation d’une vision optimiste, positive et volontaire de la société, et mine de rien, une rupture intellectuelle majeure. Oui, nous sommes fondamentalement et radicalement réformateur, oui nous travaillons pour un idéal décliné, ici, en deux parties : émancipation de l’individu et sauvegarde de la planète.

Je comprends et adhère au sens cette phrase, mais pourtant, je conteste radicalement la formulation de « sauvegarde de la planète » qui relève d’une vision sentimentalisme qui n’est pas la réalité, qui est source de confusion, voire de détournement. Incidemment, cette phrase introduit sans le dire une rupture avec la pensée marxiste, ou plus exactement celle du XIXème siècle.

D’abord, pourquoi réfuter la notion de « sauvegarde de la planète ». Tout simplement parce qu’à ce jour, nous n’avons heureusement pas la capacité de détruire la vie sur terre (même s’il n’est pas exclus que cela arrive un jour !). En synthèse, l’action de nos sociétés modifie l’environnement, la chimie de l’atmosphère, des eaux et des sols. Ceci a un impact puissant sur les écosystèmes et sur leurs équilibres actuels. Mais si les écosystèmes sont globalement et temporairement « stables » (homéostatiques), sur la durée, ils sont en constante évolution. Notre action ne fait que les orienter vers une évolution qu’ils n’auraient peut-être pas suivi en notre absence. Et c’est cette évolution non voulue (par nous) et non maîtrisée qui est problématique, car si la planète s’en accommodera, l’histoire a montré qu’une telle évolution pouvait détruire des sociétés mais aussi des espèces, dont nous faisons partie. Aussi notre combat ne doit pas tant être de chercher à préserver un hypothétique état stable idéal des écosystèmes, mais bien de ne pas les modifier de façon irréfléchie, incontrôlée, non pérenne. Les écosystèmes, comme la société que nous voulons construire, sont des entités qui se « réforment » naturellement, constamment, pour s’améliorer c’est à dire trouver un état optimal de garantie de survie.
Le parallèle n’est pas ailleurs pas gratuit. Société et écosystèmes relèvent du même modèle comportemental, modèle qui induit la rupture avec la pensée newtonnienne qui eut son apogée au XIXème siècle ; nous ne pouvons plus comprendre le monde en ne portant notre attention que sur des éléments isolés sur le mode action / réaction. Une telle approche est impuissante à décrire l’avenir d’un système de plus de 2 entités, et encore à conditions de connaitre parfaitement toutes les données de départ avec une précision infinie. La compréhension d’un monde purement déterministe a échoué, nous devons nous tourner vers une approche systémique (beaucoup d’échanges rétroactifs entre beaucoup d’éléments), structurelle (un tout avec ses lois), probabiliste (pas de résultats isolés certains).
Pour la société, il y a au départ l’individu, « bon sauvage » libre de toute contrainte et libre de choisir son avenir (monde totalement « libéral », ceci est «une société sans société»). En liant des relations avec ses semblables, cet individu passe au stade de « citoyen », c’est à dire qu’il se met à avoir des liens de rétroaction avec les autres citoyens (droits et devoirs). Ces liens vont constituer un tissu, stable à court terme mais en évolution sur la durée, qui va donner une identité à la société de citoyens (en fonction de conventions, d’héritage de coutumes, d’éthique commune, etc…). On notera au passage, que ces liens s’exercent à des échelles différentes : famille, groupes amicaux, associations en tous genres (sportives, culturelles, travail, …), que des micro-sociétés se forment avec leur identité et se mettent à échanger entre sociétés de même niveau (cultures régionales, professionnelles, nationales, continentales). La citoyenneté est un système identitaire d’échanges (boucles de rétroactions multiples qui créent une identité culturelle) qui s’expriment à des échelles différentes ; la citoyenneté est à l’image d’une poupée russe. Une telle vision permet également d’éclairer les rapports entre individu et destin collectif, d’améliorer la compréhension des raisons du clivage entre une droite libérale individualiste et une gauche socialiste solidaire, d’éclairer les raisons des approches conservatrices ou réformistes.
Maintenant, quel est le lien avec les écosystèmes ? Il est double : analogie et interaction. Si l’individu n’a pas d’impact à long terme sur l’écosystème, une société en a, et c’est bien notre problème : toute société d’importance est en interaction avec son ou ses écosystèmes, elle consomme des éléments et en produit, elle échange avec ses écosystèmes. Par ailleurs, un écosystème est également un ensemble complexe d’entités qui trouve son équilibre par ces échanges (production primaire, prédation, maintient d’un équilibre chimique, …).

Si l’on se donne un modèle des écosystèmes et des sociétés, on pourra les décrire de façon analogue, avec un point de vue systémique, cybernétique, sociologique, d’automate mathématique ou toute autre variation du même genre.
Enfin, il faut également bien comprendre que la « non-action » n’existe pas dans un système où tous les éléments interagissent entre eux. Ne pas faire quelque chose (pour « sauvegarder la planète ») revient à faire laisser-faire, c’est à dire à ne pas chercher à empêcher ou amortir des changements que l’on évalue comme néfastes. Nous reviendrons sur ce point lors de l’analyse de l’article introduisant l’illusoire principe de précaution.
Au final, ce premier article déclare notre ferme et optimiste volonté de progrès vers un idéal de justice. Il introduit la question écologique au plus haut niveau de nos ambitions politiques, et incidemment, introduit une nouvelle façon de penser notre monde et notre société, non plus d’une façon simple, causale, mécanique et déterministe, mais d’une façon globale imbriquant profondément les choses, structurelle et probabiliste.

Littérature : “Le liquidateur” par P. Moscovici

Peu de temps à consacrer au blog ces temps-ci ; il y aurait pourtant tellement à dire.

e-politis : Pierre Moscovici

Je me limiterai donc à signaler la sortie du livre de Pierre Moscovici (”Le liquidateur” pour ceux qui ne sont pas encore au courant). En cliquant sur le lien ci-dessous, vous pourrez également voir les autres livres de Pierre (et les acheter !).

Petit lendemain d’élections

Après ce premier tour d’élections municipales et cantonales, la gauche peut être satisfaite d’une bonne victoire d’étape, mais ne peut pas se glorifier d’un élan irrésistible et encore moins se réclamer d’une large sanction assénée au gouvernement, les élections au premier tour de certains ministres ou secrétaires d’état en étant la meilleure preuve. En gros, si la droite médiatique a été sanctionnée (et le silence sarkozien est éloquent), le vote des municipales a quand même gardé son caractère de proximité (les cantonales elles, moins compréhensibles pour le quidam, ont eut un caractère plus national et amplifient le bon résultat de la gauche).

Est-ce surprenant ? Non, je ne le crois pas. Depuis la primaire socialiste, on sait que le pays aspire à être gouverné à gauche, mais depuis cette même primaire, on sait que le PS n’a ni leader incontesté, ni même une direction porteuse d’un projet, d’un espoir, d’une dynamique en phase avec l’attente des français. La gauche a les jambes et les bras pour aller à la bataille et les gagner, mais elle n’a pas encore de tête pour gagner la guerre. Si la tendance électorale est confirmée au second tour dimanche prochain, le PS aura cependant reçu des français à la fois un soutien marqué, et une exigence pour en finir enfin avec une idée de la politique qui se limite aux effets de manche et au marketing de la politique yaourt. Ces derniers mois ont montré que les militants socialistes pouvaient ouvrir de nouvelles voies d’avenir (voir les travaux du manifeste social-démocrate) autant qu’ils étaient porteurs d’une force combative intacte (voir le redressement opéré juste après la présidentielle avec la législative, et tous les mini-combats qui ont contré plusieurs fois les dérives sarkozystes comme avec la bataille contre l’identification aux meurtres nazis par les enfants). Le PS est mûr pour son congrès et seules les ambitions personnelles peuvent maintenant le faire capoter, ce qui signifierait probablement son explosion. Enfin, que dire des alliés traditionnels du PS. Les verts confirment leur effacement du paysage politique, ce qui devrait être effectif lorsque la refondation aura inclus clairement et puissamment les rapports entre les sociétés et les écosystèmes dans son corpus idéologique. Quant au PC, il résiste finalement assez bien, confirmant qu’il existe bien une demande électorale pour une gauche radicale de gouvernement.

Une bonne victoire d’étape, continuons…

Des nuages sur la République

J’ai comme le sentiment d’être en apesanteur ce matin : aurais-je halluciné ? En quelques jours, nous avons eu des dérapages non contrôlés sur la laïcité, la shoah et les sectes, pour passer samedi à un merde au conseil constitutionnel et finir en apothéose dimanche par un “casse toi pauvre con” envoyé à un citoyen qui fait partie des 2/3 des français qui ne font pas à Sarkozy l’honneur de l’apprécier.

Pierre Moscovici avait parlé de vulgarité, je crois qu’il faut y ajouter un étage supplémentaire, totalement politique : le non-respect de l’esprit de la constitution et la contestation de la lettre. D’où ma crainte, en prolongeant un peu la tendance : on peut imaginer sans trop de difficultés que Sarkozy s’engage dans une logique de coup d’état.

Si on garde cette hypothèse, que peut-il se passer ?

1) L’UMP prend ses responsabilités et s’appuie sur la popularité de Fillon pour mettre Sarkozy en quarantaine. En respectant à la lettre la constitution, le 1er ministre a les pouvoirs nécessaires pour reprendre en main la conduite de la politique du pays et ne laisser à Sarkozy que les “honneurs” de la présidence. Ce serait la sortie de crise la moins cataclysmique mais cela demande un minimum de courage à droite et une conduite exemplaire à gauche. La seule riposte possible pour Sarkozy serait de dissoudre l’assemblée. Dans un tel scénario, il faut remarquer qu’en l’absence de congrès et de choix clair, le PS est toujours out…

2) La fronde des élus de gauche et du centre. Je ne sais pas trop quelle forme cela pourrait prendre mais la crise liée à un individu s’essuyant les pieds sur une constitution moribonde aboutirait ici à une crise dont la solution passerait par une nouvelle République accouchée par une insurrection constitutionnelle des élus locaux et régionaux contre le pouvoir central. Possible, cela dépendrait cette fois du courage de la gauche, du centre et d’une partie de la droite.

3) L’acceptation du coup d’état de Sarkozy devant des élus médusés. Possible que l’improbable réussisse parce que personne n’y croit. Mais je ne pense pas que cela tiendrait longtemps à cause de l’impopularité de Sarkozy autant que la conjoncture économique.

4) Autre scénario sombre, une épidémie de suicides à l’Elysée. Solution qui trahirait une noirceur insupportable de la République, mais qui a des précédents.

5) Enfin dernier scénario que je vois, même si je le tiens pour peu probable, un putsch militaro-industriel mettant fin à la République.

Voila, ce n’est qu’un sentiment, une projection sans valeur de prédiction, mais le seul fait que de tels scénarios soient un tant soi peu plausibles est inquiétant.

On sait que la République va mal, mais à quel point ?

Cruauté mentale

Je suis absolument révolté contre les propos de Nicolas Sarkozy voulant faire porter aux enfants du CM2 le poids du souvenir de crimes commis il y a plus de cinquante ans.

Jamais je ne pourrai accepter que mes filles aient à assumer la charge psychologique destructrice que serait une identification à une petite victime des crimes nazis.

Un tel cours ne serait ni enseigner l’histoire, ses faits, son contexte, ses conséquences, ni répondre dignement au devoir de mémoire. Il ne ferait que revenir sur un deuil douloureux et long et le prolonger ad vitam eternam à travers des enfants dont la plupart risquent d’être profondément bouleversés voire perturbés par le récit d’enfants arrachés à leur petit monde, entassés dans des camps, rationnés en nourriture et en soin, enfournés dans des bétaillères, glacés par le froid, séparés de leur famille, assistant parfois aux exécutions des fuyards, terrorisés par les chiens et les gardes, écœurés par l’odeur des camps, agonisant dans les vapeurs de ziclon B.

Propos excessifs ? Non, propos d’un père qui a compris la charge émotionnelle d’une simple chanson comme celle de Goldman (Comme toi) ou d’un film comme le Choix de Sophie. En tant qu’adulte et citoyen, je peux faire façe à cette charge émotionnelle et la prendre à mon compte pour me souvenir de ne jamais faillir devant la barbarie et le fascisme, en tant que père, je sais les dégâts que pourrait faire cette même charge émotionnelle sur de jeunes enfants ; et les propos que j’ai lu ou entendu aujourd’hui venant de pédopsychiatres me confortent dans mon devoir de protection de mes enfants, de tous les enfants.

Si cette décision devait être prise, elle ne serait purement et simplement qu’un acte de cruauté mentale envers ces enfants, acte perpétré au nom même de tous ceux dont on prétend honorer la mémoire. Ce serait une infamie, un crime.

Misère en tête de gondole

Le mardi, pour moi, c’est le jour des courses. Et ce mardi, alors que j’examinais les mérites comparés du quinoa et du riz thaï estampillé commerce équitable au rayon bonne conscience de mon hypermarché, j’ai été abordé par une jeune fille en noir.D’une voix mal assurée, elle m’a demandé si je voulais bien… lui payer ses courses. Je ne sais pas si c’est la fatigue de la journée, ou le fait que quelqu’un vienne faire la manche d’une façon si inattendue qui m’a quelque peu assommé et donc empêché de fuir à toute jambe, mais toujours est-il que je me suis retrouvé soudain face à l’expression de la misère dans sa nudité la plus crue.Jusqu’ici, je savais que des bidons-villes s’étaient reconstituées en France et je manque peu d’occasions de dénoncer la politique de logement de notre riche pays, mais là, la misère venait taper à mon porte-monnaie avec un degré supplémentaire : il ne s’agissait plus de ne plus dormir dans des taudis, mais de manger. Tout simplement. Quel décalage entre les envolées pseudo-lyriques sur la politique de civilisation, les milliards budgétisés pour des réformes qui n’aboutissent pas, la mise en scène de carrières politiques qui ne valent même pas un classement en série B et cette jeune fille (20 ans peut-être) aux dents gâtées et qui ne demandait que de pouvoir manger des nouilles, quelques saucisses, et luxe suprême, avoir un peu de lessive.J’ai lu dans ses yeux l’abattement de ceux qui ont moins que rien, le courage qu’il faut pour surmonter la honte de n’être que moins que rien, mais aussi la peur d’être prise par les vigiles. Vu son accent, elle était probablement en situation peu régulière et en filigrane j’ai ressenti comme un étrange sentiment de traque venue d’un autre âge.Je crois que si nous réussissons à en sortir, nous aurons honte de l’époque que nous vivons actuellement.