Je suis contre le cumul des excuses bidons !

Ecoutez-nous !Il y a parfois des débats politiques qui chatouillent mon neurone de l’agacement.

L’histoire à rebondissement du non-cumul des mandats est en passe de devenir un de ces débat-là.

Les faits

Tout d’abord, cette loi est une bonne loi (jusqu’ici peu de gens osent se prononcer contre son principe) car elle permet tout à la fois le renouvellement du personnel politique, son rajeunissement, accélère le mouvement vers la parité, permet aux élus de se consacrer plus pleinement à leur mandat exécutif. Excusez du peu !

Si ce n’était pas suffisant, un sondage récent de LH2/nouvel obs confirmait que 71% des personnes interrogées approuvait le principe du non-cumul (ce qui est plus qu’une majorité qualifiée des 2/3).

De plus, les militants PS sont également largement pour, au point que le premier d’entre eux a inscrit cette proposition dans son programme électoral présidentiel :

Enfin, pour ce qui concerne les socialistes finistériens, cet engagement apparaît particulièrement fort dans notre fédération.

Les excuses bidons

Là où le militant que je suis commence à être sérieusement titillé, c’est lorsque certains de nos élus viennent nous distiller, épisode par épisode mais finalement avec constance, une série d’excuses pour nous expliquer que décidément, cette excellente réforme, cette promesse, ne peut pas être appliquée ma brave dame :

  • Parce que c’est trop tôt (en l’occurrence, dans un an ce serait trop tôt). Non, il n’y a rien de trop tôt pour appliquer une réforme voulue depuis des années et qui ne nécessite que la volonté d’y aller. Si par un concours de circonstance extraordinaire on venait à avoir localement un déficit de candidats, on pourrait accepter l’argument du trop tôt, mais en s’y prenant plus d’un an avant une élection je ne crois pas que cela se produira.
  • Parce que cela nécessite une réforme constitutionnelle et qu’on aura pas le temps (encore !). Oui, surtout si on retarde la convocation du congrès… Par ailleurs, ce qui ne serait pas décidé par la loi peut parfaitement être fait par la volonté d’un ou plusieurs partis. Que quelques partis s’engagent volontairement sur cette voie et tous les autres se retrouveraient sérieusement en porte-à-faux…
  • Parce qu’il faut être élu local pour être au Sénat (et dans une moindre mesure à l’assemblée). Cet argument est celui qui m’agace le plus car il touche aux principes de notre démocratie. Une élection dans la République ne se fait pas au sein d’un collège privilégié voire d’un cercle aristocratique. Au contraire ! Le citoyen il me semble demande à avoir des élus qui leur ressemblent plus, c’est à dire qui ont une connaissance effective de leur vie quotidienne, qui ont ou ont eu un métier hors de la politique.
  • La seule objection qui mérite à mon sens d’être traitée tient au statut de l’élu. Si le cumul est si farouchement défendu par certain, c’est qu’avec deux mandats on a moins de chance de se retrouver sans emploi et sans revenu, et que pour un élu, le passage de la vie ordinaire à la vie politique et vice-versa est compliqué. Il y a un vrai risque à quitter son emploi pour s’engager au service de tous, et ce risque aboutit parfois à des injustices. Mais on ne répare par une injustice par une compromission au détriment de la démocratie. Des progrès ont été faits vis-à-vis du statut de l’élu, ce travail doit aller à son terme.

Conclusion

Ces atermoiements sur le non-cumul des mandats deviennent insupportables. Je ne peux qu’appuyer avec force les propos d’Harlem Désir : «Je réaffirme la proposition du Parti socialiste d’adopter une loi sur le non-cumul des mandats applicable dès le prochain renouvellement électoral, en 2014» et je n’hésiterais pas à m’engager avec force sur cette mesure que nous avons validée collectivement et que les Français attendent avec de plus en plus d’impatience.

3 réflexions sur « Je suis contre le cumul des excuses bidons ! »

  1. Juste sur la question du Sénat, c’est en effet fait pour des élus des collectivités territoriales. Cela n’aurait pas de sens de faire une assemblée nationale bis. S’il y a deux chambres, c’est quelles ont des fonctions, des modes d’élections et des représentants d’un type différents.
    Ce n’est pas idiot de penser que des personnes qui ont servi dans des collectivités locales pendant de nombreuses années aient pu acquérir une vision de l’intérêt général et du fonctionnement des institutions plus fine que le commun des citoyens. La limite, c’est que c’est en effet une élection dans un club fermé si on peut dire, mais cela est encadré par le fait que cette chambre est plutôt consultative et n’a pas le dernier mot face à l’AN qui est, elle, ouverte directement à tous les citoyens.
    Je ne suis pas non plus pour le cumul, pour les raisons que tu évoques au début, mais il ne faut pas sombrer dans l’autre extrême non plus. Les raisons du cumul ne sont pas que liées à la volonté d’accaparation et de pouvoir de certains. En dehors de la question du statut de l’élu qui est une vraie question, c’est la nature du pouvoir et du fonctionnement de la décision publique qui est aussi à questionner pour comprendre la réalité du cumul … surtout pour des territoires éloignés de Paris comme le notre !
    C’est sûr que certains abusent sur cette question et qu’il y a matière à réguler cela, mais je ne crois pas non plus que le non cumul strict ait autant de vertus que l’on cherche à nous le faire entendre … Il risque de finir par dessiner un paysage politique encore plus parisien et encore plus technocratique !

  2. Je ne crois pas que la « volonté d’accaparation et de pouvoir » soit effectivement la motivation du cumul de mandats pour la majorité des élus. Par contre je diverge totalement avec toi sur l’argument du lien entre mandat dans une collectivité et sénat.

    Tout d’abord, on parle de mandat *exécutif*. Si un élu national a un siège consultatif dans une mairie par exemple, je n’y vois pas d’objection, au contraire, du moment qu’il peut régulièrement assister aux réunions c’est un plus. Mais s’il s’agit d’être opérationnel et actif dans deux mandats, là je n’y crois pas et je pense que ce n’est pas correct vis à vis des citoyens.
    Par ailleurs, même si l’argument « il faut être élu localement pour être élu au sénat » peut être séduisant a priori, il ne tient pas la route. Ou alors il faudrait l’appliquer dans tous les contextes, ce qui pourrait se transformer en « pour représenter les citoyens, il faut vivre une vie semblable à la leur et en particulier avec un métier classique en dehors de l’action publique », ce qui exclurait naturellement toute personne engagée de façon permanente dans la vie politique. C’est une position défendable mais ce n’est pas la mienne.

    Mais pire que cela, si on ne recrute que des gens « issus » du système (ce qui ferait un grand plaisir au FN), on se condamne à l’impossibilité le réformer, on fait perdurer les mêmes erreurs structurelles, on est incapable d’adopter les nouvelles attentes, les nouveaux usages. Que l’on regarde les débats sur l’acte III de la décentralisation pour s’en convaincre. Que l’on mette en face les attentes démocratiques et les possibilités offertes par le numérique par exemple. Si on continue comme cela, la République 2.0 sera imposée par les citoyens contre l’avis de leurs élus. Je m’y refuse car je n’aime pas les révolutions et je préfère largement les réformes réfléchies, profondes, cohérentes, radicales et adoptées après discussions dans le cadre normal du fonctionnement de la République.

    La vraie question non explicite derrière l’argument sur le « nécessaire » double mandat des sénateurs, et par extension des autres, c’est celle du critère de qualité et de compétence. Sauf que même si on voudrait bien le croire, le système électoral actuel n’est en rien un système qui privilégie les candidats sur leurs compétences à l’exception de celle de savoir se vendre dans une campagne électorale. Je serais ravi d’avoir tord et que quelqu’un me démontre le contraire, mais je pense prendre peu de risques sur ce point.

  3. Quelques précisions supplémentaires. Je ne suis pas contre le cumul juste pour être contre. Je suis contre ce cumul lorsque les deux mandats risquent d’entraîner des conflits d’intérêts (l’intérêt local contre l’intérêt national par exemple) ou lorsque matériellement il n’est pas raisonnablement possible de se consacrer pleinement aux deux.
    * Le double mandat me paraît possible pour les élus dans un conseil municipal et une communauté de communes ou toute autre structure d’intérêt publique qui traite des actions sur des territoires semblables.
    * Le double mandat me semble devoir être discuté pour les cas un peu plus « lointains » tel qu’être élu dans un conseil municipal et conseiller départemental. Je n’ai pas d’avis tranché dans ce cas.
    * Mais au-delà, région, France et Europe, cela ne me semble vraiment pas compatible avec un mandat exécutif local.

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