En recevant mon Cap Finistère ce matin, j’ai été ravi d’y trouver la thématique du numérique en première page (il faut parfois peu de choses pour se sentir moins seul !). Je me suis donc plongé avec gourmandise dans le long article de la couverture et du petit encart sur ACTA qui est une tentative réactionnaire et liberticide de contrôle des échanges d’informations.
L’article de Cap Finistère met en avant l’ambitieux plan de déploiement d’un réseau de communication haut débit, plan stratégique voulu et en bonne partie financé par la région Bretagne (avec l’aide de l’État et de l’Europe). Particulièrement exigeant sur le sujet, je me permets tout de même d’adresser quelques remarques sur la stratégie numérique de la région Bretagne.
Il faut bien comprendre que c’est un ici projet d’infrastructure, ce qui est très bien et en l’occurrence dans la mission qu’ont reçu les élus bretons. Mais l’outil, aussi puissant soit-il, ne suffira pas à relever les défis imposés par la société et l’économie numériques. Si je devais prendre un exemple pour illustrer le problème, c’est un peu comme si l’on décidait de construire des autoroutes alors que beaucoup de gens ne savaient pas que l’on peut se déplacer autrement qu’à pied.
Le défi majeur n’est pas celui de l’outil, mais bien dans un premier temps celui de l’usage et ensuite celui du modèle (de société ou économique). Un réseau haut-débit est fantastique pour effacer définitivement l’aspect péninsule géographique de la Bretagne car le numérique connecte chacun au monde avec une facilité et une rapidité déconcertante. Cela ouvre des perspectives culturelles, politiques, économiques fantastiques… à condition de savoir comment faire. Le taux d’informatisation des TPE/PME françaises (et la Bretagne ne fait pas exception, voir cette étude de l’INSEE) est très faible en comparaison des autres pays européens. Ce n’est pas en branchant de gros tuyaux aux entreprises qu’elles seront à même de faire évoluer leur modèles d’affaires.
Part des sociétés ayant un site web en janvier 2010 – sources INSEE
Il faudra aussi traiter les problèmes légaux avec plus d’acuité que ceux qui se sont égarés avec HADOPI ou ACTA.
Il est donc impératif de prolonger cet effort remarquable de déploiement d’un réseau à haut débit par une politique d’alphabétisation numérique. Les citoyens, les acteurs économiques ou politiques, maîtrisent généralement mal les outils NTIC, très peu les usages et encore plus rarement la culture numériques. Au défit de l’infrastructure il faut donc ajouter celui de l’instruction : la gauche en particulier, doit être en mesure de former et de déployer de nouveaux hussards de la République numérique, car nous n’avons pas affaire à une simple évolution technologique, mais bel et bien à la redéfinition complète de qui nous sommes, de nos relations au sein de la société, de nos modèles économiques et culturels. C’est un des quatre défis majeurs de ce début de millénaire.