Passeur de monde

bebeJe ne fais pas partie de ceux qui croient ou feignent de croire que depuis que François Hollande a été rélu rien n’a été fait, qu’aucune promesse n’a été tenue. C’est faux et il suffit de suivre ce baromètre des engagements pour s’en assurer : à ce jour 47 des 60 engagements électoraux ont bien été tenus.

Formellement, si quelque chose doit être reprochée au Président, ce n’est pas un dédit post-élection. À vrai dire, il me semble que le désamour vis-à-vis de l’exécutif vient surtout du fait que notre système électoral est en lui-même un vaste mensonge : les raisons pour lesquelles une personne est élue n’ont que rarement un rapport avec l’objet de son mandat. François Hollande a été élu parce que les Français ne supportaient plus Nicolas Sarkozy et qu’il ne portait aucun stigmate rédhibitoire aux yeux des électeurs qui se sont déplacés. C’est suffisant pour gagner une élection mais cela ne dit rien des éléments favorables ou pas qui permettront de mener à bien un mandat. Et si faute il y a, elle incombe autant à l’élu qu’aux électeurs, et elles pèsent encore plus sur ceux qui sont restés chez eux dans un confort protestataire de révolutionnaire de comptoir.

Et quelle part pèse sur moi qui vous écrit et sur vous qui me lisez ?

Je suis prêt à plaider coupable d’avoir globalement vu les changements à venir et les voies possibles mais de n’avoir pas réussi à les faire comprendre et partager. Je plaide également coupable d’avoir cru (ou de m’être convaincu) que le système administratif et politique pourrait accoucher d’un groupe de personnes qui comprendrait ces changements et pourrait mettre en œuvre les profondes réformes nécessaires. Je sais pourtant qu’aucun système n’est en mesure de se réformer lui-même. Les perturbateurs capables de générer une restructuration sont toujours exogènes. Aucun esprit aussi brillant soit-il n’est en mesure de réformer l’État s’il a été formé pour servir l’État et aucun personnage politique n’est de lui-même en mesure de changer un système qui est à la fois sa maison et son horizon.

La parité, le non-cumul des mandats et la réforme territoriale auraient pu être des perturbateurs assez puissants mais ils ressemblent de fait plus à un long chemin de croix qui n’arrivera qu’à produire une machine à eau de boudin.

Sommes-nous condamnés à l’impuissance et aux regrets voire aux larmes ?

Je n’en crois rien. Nous avons beau pleurer sur notre sort et goûter avec délectation l’auto-dénigrement, nous sommes un peuple riche, éduqué et en bonne santé physique et démographique. On a vu pire comme base pour affronter le destin.

Pour nous relever de notre apathie, il nous faut d’abord nous débarrasser des scories qui nous paralysent et redonner un sens et un corps aux valeurs qui nous structurent. Les idéaux de liberté et d’égalité de 1789 ont-ils vraiment gardé le même sens dans notre monde ? Dans une société numérique philosophiquement libertaire, économiquement intrinsèquement libérale mais marxiste par nécessité, comment pouvons-nous espérer conserver des lois et une organisation d’un temps révolu ? Et comment pouvons-nous projeter le destin d’un peuple a travers la tempête du changement climatique ?

Je suis plus que jamais convaincu que la réponse émergera de la pensée et de l’initiative des citoyens. La force vitale de la démocratie vient de ses citoyens, pas de ses institutions. Le citoyen a la légitimité du nécessaire changement perturbateur. Mais cela ne peut se faire qu’en renouant le lien entre nous, en nous donnant les moyens de la cohésion, en remettant au clair nos idéaux, et surtout, surtout, en allant chercher tous ceux qui ne sont pas à même de passer seul le Rubicon. Les changements fondamentaux ne sont jamais souhaités, ils font beaucoup trop peur. Ceux qui ont la lucidité et en ont la force doivent aller chercher tous les autres pour les faire passer sur l’autre rive. Le changement ne peut pas être le fait d’une minorité qui abandonne les autres.

La démocratie offre bien des moyens d’expression à ses citoyens. Nous devons retrouver et réaffirmer des idéaux communs. Nous devons retisser le lien et alors nous pourrons redonner à la République une forme en phase avec l’urgence de l’époque et une vision commune et sereine de l’avenir.

Un thème (central ?) pour la future campagne municipale

imageVoici une vidéo du site Acteur Public sur une table ronde « Le numérique, un challenge démocratique pour les territoires ».

Ceux qui pensent encore que le numérique est un élément mineur du débat démocratique ont sans doute intérêt à envisager de faire autre chose que de la politique…

Rêverie d’été

Il m’est arrivé un truc pas banal. Je somnolais dernièrement dans mon jardin, bercé par la brise d’été et, peut-être suite à une conséquence inattendue du changement climatique ou alors simplement à cause d’une perturbation cosmo-tellurique dont les terres bretonnes ont le secret, j’ai eu l’impression de soudainement me retrouver en un tout autre lieu, en un tout autre temps.

sum_adorantImaginez mon étonnement : revêtu d’une sorte de toge de lin, je me retrouvais à participer à une docte assemblée où siégeaient des hommes à la capillarité très frisotante. Je compris bien vite qu’il s’agissait d’une réunion du PS (Parti Sumérien) qui se penchait sur un sujet fort déconcertant.

Un orateur qui semblait passablement agité s’adressait à l’assemblée et à son radieux président Gilgamesh (on parlait alors plutôt de roi de la cité, mi-homme mi-dieu…). Il tentait de défendre une idée totalement nouvelle, à savoir l’utilisation de symboles en forme de bâtonnet pour stocker de l’information dans l’argile.

C’est merveilleux disait-il, la connaissance ne sera plus tributaire de la fiabilité de la mémoire des hommes, on pourra la graver dans l’argile, la dupliquer et ainsi propager le savoir au plus grand nombre. Jamais l’homme n’aura été aussi savant dans toute son histoire ! On pourrait même oser imaginer des lieux où serait déposé cette fantastique somme de savoir. Et je rêve du jour où en plus d’accéder à la connaissance, un outil nous aidera à mieux réfléchir !

Mieux encore, on pourra stocker tellement d’informations, que nous serons en mesure d’élargir notre vision du temps, de développer de façon merveilleuse notre production de poteries et conclure par écrit des accords avec d’autres cités distantes de plusieurs collines !

Nos lois pourront être écrites pour être mieux appliquées en tout lieu, elles seront en détail connues de tous.

Et combien d’autres merveilles seront-elles permises par une telle invention !

J’observais cependant du coin de l’œil une partie de l’assemblée qui ne semblait guère goûter cet enthousiasme.

Fariboles & rêveries de gamin ! répondit un chevelu échevelé. Le savoir ne peut et ne doit être conservé que dans l’esprit des érudits de la cité.

L’outil ne peut supplanter l’homme, il en est ainsi depuis l’origine des temps.

Et qu’arriverait-il si chacun devenait savant et était libéré des saines contraintes du labeur ? Car nulle doute que votre invention en changeant la façon d’échanger et de travailler aurait de graves répercutions sur notre économie et notre société.

Lorsqu’ils sont libérés des contraintes de leurs besoins fondamentaux, lorsqu’ils ont acquis la connaissance, lorsqu’ils peuvent échanger autant qu’ils le veulent, les peuples rejettent l’ordre établi pour en demander un meilleur.

Hérésie, blasphème, qu’on lui coupe la tête !

C’est alors qu’une prune trop mure m’est tombée sur le nez et m’a sorti de mon rêve. Après m’être débarbouillé, je me suis précipité sur mon ordinateur pour vous narrer mon aventure.

Ah, n’est-il pas merveilleux de disposer de toutes ces ressources numériques (dont beaucoup sont gratuites ce qui les rend accessibles à tous ?

N’est-il pas extraordinaire d’avoir un moyen de produire et de partager si facilement la connaissance ? Sans compter qu’aujourd’hui, la résolution de nombres de problèmes est devenu facile avec l’aide de l’espace numérique alors qu’ils auraient pu rester insolubles sans !

Quelle chance ont nos enfants de pouvoir se dire que tout le savoir qu’ils n’auront pu acquérir à l’école est à portée de main. Quelles merveilleuses opportunités ont nos entrepreneurs de voir s’ouvrir un espace économique au-delà de l’horizon.

Et en plus, contrairement à ma rêvasserie sumérienne, notre élite est maintenant prête à accompagner le changement. Enfin je crois.

Pourquoi les ordinateurs de Bercy donnent probablement une mauvaise estimation de la richesse

smithwon011frontispiece J’ai dernièrement publié un article sur Le Cercle des Échos traitant d’un aspect très particulier de l’économie numérique, à savoir un probable début de décorrélation entre la valeur monétaire des services numériques et leur valeur intrinsèque, à savoir la richesse qu’ils apportent à ceux qui l’utilisent.

Nous, comme les entreprises, utilisons tous les jours de tels services, et de façon de plus en plus  importante : du simple service de mail qui nous permet de communiquer chaque jour sans payer quoi que ce soit pour nos envois (même pas l’équivalent d’un timbre), aux bases de données planétaires qui nous apportent un niveau de connaissance incroyable sans avoir à débourser ne serait-ce que l’équivalent d’un abonnement à la bibliothèque municipale, jusqu’à des services comme la publicité numérique par exemple qui nous permettent de récupérer de l’argent sonnant et trébuchant. Et il ne s’agit là que de services peu évolués.

La baisse drastique des coûts et la (vraie) gratuité sont deux des caractéristiques remarquables de l’économie numérique. On constate donc d’un côté une augmentation forte et continue de services numériques qui d’une façon ou d’une autre nous apportent de vrais éléments de richesse, et de l’autre une absence de valeur monétaire. Dans le milieu professionnel ceci est encore accentué par le fait que ces services numériques remplacent la vieille et coûteuse informatique.

euroOr si l’on a d’un côté une augmentation de la richesse et de l’autre aucune valorisation financière, il n’y a qu’un pas pour arriver à la conclusion que les calculs de PIB (entre autres) ne reflètent plus la réalité.

La question est ensuite de savoir si cette richesse monétairement invisible est marginale ou pas. L’économie des services numérique en ligne en France pèse environ 1 milliard d’euros et les mécanismes de cette économie utilisent presque systématiquement une entrée de gamme gratuite. On peut en conclure que non, la richesse invisible n’est pas marginale, et qu’en plus elle croît très rapidement.

Une autre question est de savoir si cette richesse invisible est de l’ordre du nécessaire ou du superflu, c’est à dire si cela nous aide à satisfaire tout ou partie de nos besoins « fondamentaux » ou si c’est une richesse dont nous pourrions facilement nous passer même si elle satisfait nos égos ou nos caprices. Il me semble que c’est les deux à la fois. Si on pourrait aisément remplacer tous les services du type loisir par exemple, les services apportés par les services de partage, ceux qui évitent des dépenses de transport ou qui nous apportent une information utile, sont eux de l’ordre du nécessaire. Pour ne prendre qu’un exemple, ne pas être obligé d’avoir sa propre voiture car on peut aisément s’en sortir avec les services de co-voiturage représente clairement une richesse invisible de plusieurs milliers d’euros par an.

220px-René_ThomSans doute comprenez-nous mieux maintenant ma question sur la probable mauvaise estimation de la richesse française. Combien de points de croissance représente cette richesse invisible ? N’est-t-on pas entré dans une période d’inflexion où pour reprendre la théorie des catastrophe de René Thom, les modèles d’évaluation de la richesse d’avant sont incapables d’estimer la richesse réelle du monde d’après puisque les modèles ont changé ?

En tout état de cause, la création d’une richesse invisible du point de vue monétaire est un constat. Cette richesse croît et n’entre pas dans les statistiques. Ce qui a une première conséquence heureuse : notre situation économique est probablement meilleure que ce qu’indiquent les statistiques ! Mais cela doit aussi inciter nos élus a accélérer l’incorporation des mécanismes de l’économie numérique dans leur façon de comprendre les problèmes. Il faut que l’action publique promeuve l’alphabétisation numérique pour que tous les citoyens accèdent à cette richesse invisible. Au-delà, il faut commencer à penser les services publiques de façon à incorporer les mécanismes de gratuité du numérique en lieu et place des coûts de l’ancienne économie. Dans le monde de la connaissance et de la connectivité qui se construit actuellement, un service public est probablement une richesse, plus un coût.

La République 2.0 et l’acte III de la décentralisation

Marylise-LebranchuLa réforme sur la décentralisation portée par Marylise Lebranchu continue à avancer à petits pas, mais à avancer. L’idée générale (qu’on me pardonne le raccourci trop synthétique) et de rééquilibrer les pouvoirs et compétences entre les différentes collectivités et institutions de la République, conseils régionaux, conseils généraux (désormais appelé conseils départementaux),  EPCI, communes, communautés de communes, métropoles, …

Il me semble que sur le fond, c’est une excellente chose et que cette orientation est en phase avec les attentes de l’époque et des évolutions de la société. Je ne suis pour ma part ni jacobin ni indépendantiste et je suis convaincu que la République se porte bien lorsque ses citoyens ont le sentiments que les décisions et leur application sont faites au bon niveau de connaissance et d’écoute de leur vie. Il faut trouver le meilleur équilibre entre la vision et les grandes orientations politiques sans lesquelles rien n’est possible et la vie quotidienne de chacun sans quoi rien n’a de sens.

Je dois pourtant confesser un certain malaise avec les discussions en court. Le fond des travaux n’est pas en cause mais ces travaux prennent à mon sens beaucoup trop la forme d’une discussion, d’un échange, d’une négociation entre élus, ou plus exactement entre techniciens de l’action publique. Si cela devait effectivement être le cas, je craints fort que non seulement les citoyens ne nous donneront pas un satisfecit pour cette réforme pourtant majeure, mais qu’en plus ils nous reprocheront d’avoir élargi le fossé entre l’élu et le citoyen.

La réponse qui est généralement donnée lorsqu’on dit que le citoyen n’est pas suffisamment impliqué dans l’action politique, est que ce citoyen ne prend que rarement ses responsabilités lorsqu’on lui demande de se manifester. Il est  exact que très peu d’entre nous ont, ne serait-ce qu’une fois, assisté à un conseil municipal par exemple et que nous ne nous précipitons pas aux réunions d’information sur l’action publique. A contrario, les primaires socialistes ou encore plus récemment les ateliers du changements PS ont montré l’appétence et l’intérêt des gens pour la politique.

Ce paradoxe me semble pouvoir être expliqué de la façon suivante : les Français s’intéressent à la politique, ils veulent tisser un lien fort avec leurs élus, ils veulent pouvoir exprimer leurs attentes, leurs espoirs ou leur déception, mais ils ne se sentent pas, avec raison, compétents pour prendre et assumer des décisions dont beaucoup d’éléments leur échappent. Alors à quoi bon ? Et c’est pourquoi les expériences de démocratie participative ont généralement des succès d’estime mais ne débouchent pas sur des actions de fond. Mais cela ne veut pas dire que les citoyens sont hors jeux ! Ce qui marche très bien, c’est lorsque ces personnes ont l’occasion d’agir, de s’impliquer. Faites une réunion locale sur la prise en charge de la misère et vous n’aurez sans doute pas un grand succès. Pourtant, si vous cherchez des gens impliqués dans des associations comme les restos du cœur, vous n’aurez pas de mal à en trouver (surtout en Finistère). Si la démocratie participative est une idée qui fonctionne mal, la démocratie coopérative est elle une réalité de tous les jours !

Et c’est sur cette démocratie coopérative que nous pouvons avoir l’espoir de réconcilier la réforme de l’acte III de la décentralisation avec les citoyens. Ouvrons dans la loi la possibilité d’expérimenter la délégation d’un certain nombre réflexions et de mise en œuvre de l’action publique. Que les élus fassent leur travail de contrôle, accompagnent la réflexion, mais qu’ils donnent la possibilité aux associations de citoyens de s’impliquer dans la mise en œuvre. Pour réaliser cette jonction entre les élus et les citoyens, il ne manque qu’un instrument puissant de coordination. Or un tel instrument existe : aujourd’hui, on sait mettre en œuvre des plateformes numériques qui permettent de co-construire des choses et de les mettre en œuvre en commun. Dans le domaine privé, des sociétés comme Local Motors (États-Unis) ou encore My Major Company (France) ont révolutionné les modèles économiques en impliquant le consommateur dans la conception & la vente de produits. L’acte III de la décentralisation doit permettre de changer le modèle politique en impliquant le citoyen dans la discussion et la mise en œuvre de l’action publique.

Il faut ouvrir ce champ expérimental, ce sera le premier pas vers la République 2.0, une République où la démocratie ne s’exprime pas qu’une ou deux fois par ans, où le citoyen n’est pas que le spectateur de notre destin collectif. L’action publique doit pouvoir être assumée par tout citoyen qui le souhaite, dans le cadre normal de l’action politique locale. Osons !

Le développement économique en Iroise III/III

Le numérique, le plus grand perturbateur du début du XXIème siècle

De nouveaux modèles économiques

Le premier bienfait de la révolution numérique est l’accès gratuit et universel à la connaissance, ce qui correspond à un progrès historique considérable. Qui contestera ici les bienfaits de la gratuité et de l’abondance, deux éléments caractéristiques de l’économie numérique ?

Mais il faut mettre cette révolution numérique au service des éléments « physiques » qui ont été jusqu’ici le support de l’économie classique et qui ne fonctionnent pas avec ce modèle. Ce problème peut être résolu par l’union de services numériques avec un élément physique traditionnel, les boitiers ADSL en étant sans doute l’exemple le plus largement répandu (nous payons pour les services internet, pas pour l’électronique du boitier). Cette nouvelle économie a déjà fait l’objet de travaux. Elle a été nommée « économie du quaternaire » par Michèle Debonneuil par exemple. Nous devons favoriser cette voie.

Cette économie semble devoir aussi se caractériser par une relocalisation de micro-productions au plus proche des consommateurs grâce à des machines outils alliant une haute technicité et une connexion directe au consommateur devenant un acteur direct de la chaîne de production des produits qu’il consomme. L’exemple de l’imprimante 3D qui sculpte du chocolat est peut-être le plus parlant. Il n’est pas très compliqué d’imaginer un système où le client envoie automatiquement une modélisation de son visage, paie pour lancer la fabrication puis va chercher sa tête en chocolat au coin de sa rue pour le repas familial.

On peut dégager divers éléments caractérisant la nouvelle industrie du quaternaire :

  • des machines-outils très paramétrables, de taille réduite et à faible coût
  • une implantation au plus près des consommateurs et/ou producteurs de matière première, parfois mobile,
  • des machines-outils connectées à un écosystème numérique performant (producteurs de matière première, partenaires, consommateurs)
  • un modèle d’affaires permettant la production de micro-séries voire de modèles uniques
  • une organisation du travail où les producteurs de matière première et les clients assument une partie de la R&D, du design, du marketing, de la commercialisation et de la logistique.

Le rôle des acteurs publics

Les outils numériques seront indispensables pour développer le livret carbone et permettre à chacun d’être responsabilisé face à son empreinte carbone.

Les outils numériques seront les compléments indispensables pour que les bienfaits de l’abondance énergique ne soient pas détruits par le gaspillage : les technologies de distribution intelligente de l’énergie électrique (smart grid) sont un exemple de ce que l’on sait faire pour répondre en partie à l’objection du gaspillage.

Mais de façon encore plus concrète et proche de nous, le numérique peut très rapidement changer le paysage économique de nos villes et villages du pays de Brest.

Le niveau de développement numérique des entreprises, particulièrement des TPE, PME, artisans et commerçants est à un niveau très en dessous de ce qui est optimal, et de façon générale, inférieur à ce qui se fait ailleurs en Europe. L’analphabétisme numérique est hélas un constat qui est doublement préjudiciable :

  1. les entreprises ne tirent pas les bénéfices d’une révolution qu’ils appréhendent mal
  2. ces entreprises se font concurrencer sur leur territoire par des entreprises géographiquement très éloignées qui elles ont compris les bénéfices de l’économie numérique

C’est aux politiques de remédier à cette situation, c’est à eux de tracer la voie de la solution et de faire ce qu’il faut avant que le désastre ne soit consommé. Une partie des actions à mener est relativement simple et peu coûteuse.

L’échelon politique local en charge du commerce et de l’industrie doit prendre à sa charge les infrastructures de développement numérique. En Bretagne cela a commencé à être fait à travers le plan de câblage haut débit, mais les tuyaux ne sont rien sans les contenus et les usages.

Il faut donc créer une plateforme numérique locale (au niveau des communautés de communes?) qui soit le point d’entrée du commerce numérique local et offre une vitrine à chaque entreprise. Cet espace doit être ouvert, largement paramétrable, évolutif. Si l’on prend une image par rapport à ce que font traditionnellement les communes, cet espace à créer doit être le pendant numérique des marchés traditionnels sur la place du village. Dans l’histoire, les communes qui ont su efficacement organiser leurs marchés ont été des communes riches.

Il faut de la même façon mettre en place des ateliers permettant aux acteurs économiques de tester les nouveaux outils tels que les imprimantes 3D, et de les aider à imaginer de nouveaux modèles d’affaire et à les rendre viables.

Nous sommes ici dans la sphère de compétence habituelle des collectivités, mais dans un nouvel espace à conquérir.

Il faut également organiser l’enseignement de l’économie numérique. La compréhension des nouvelles règles n’est pas en soi complexe, mais comment expliquer les bienfaits d’une bibliothèque à quelqu’un qui ne saurait pas que l’écriture existe ? La République a su gagner la bataille de l’alphabétisation avec des décisions fortes et ses « hussards », nous devons mettre en place un plan similaire.

L’Iroise a tous les atouts nécessaires pour relever avec succès ce défi. Nous avons les écoles de haute technologie, nous avons de jeunes entrepreneurs qui ne demandent qu’à déployer leur créativité, nous avons un tissu dense de TPE / PME. Il ne manque plus qu’une volonté politique éclairée.

Le développement économique en Iroise

J’entame ici le premier post d’une série de réflexions consacrées à l’économie en Iroise.

La pointe nord du Finistère est une zone économique tout à la fois caractérisée par un secteur primaire très présent, un pôle d’excellence technologique et scientifique avec des écoles et organismes de recherches visibles sur le territoire du Technopôle Brest Iroise, un tissu dynamique de TPE, PME, artisans et commerçants, sans oublier une attractivité touristique et résidentielle qui ne demande qu’à se développer.

L’Iroise est cependant desservie par son caractère péninsulaire à pointe de la Bretagne, ce qui a des conséquences tout à la fois économiques et démographiques : les habitants et les entreprises y naissent, y passent leur jeunesse, mais les grandes ambitions touchent rapidement les limites du territoire ce qui provoque trop souvent un départ des forces économiques vers des régions où la progression est plus facile. Peu de ces acteurs « oublient » leur terre d’origine, beaucoup auront à cœur d’y revenir ou d’y maintenir de l’emploi, mais il n’en demeure pas moins que le potentiel de richesse est souvent réalisé « ailleurs ». Ceci n’est d’ailleurs pas propre à l’Iroise, c’est vrai d’une grande partie de la Bretagne, mais le phénomène est clairement moins marqué au fur et à mesure où l’on se rapproche du centre de la France.

Les pouvoirs publics locaux et les entrepreneurs ont développé un certain nombre de stratégies pour amoindrir ce handicap en misant sur le militantisme économique local, en développant une expertise forte en matière de logistique, en développant des infrastructures de communication de qualité, etc… Tous ces efforts sont remarquables, ils sont très certainement un des éléments qui contribuent à avoir un tissu dense de TPE et PME, ils ont évité la désertification économique et démographique, mais ils ne sont pas arrivés à exploiter jusqu’au bout les atouts locaux.

Or, parmi les quatre défis qui se posent à nous (climat, énergie, démographie, numérique), il se trouve que trois d’entre eux au moins sont à même de bouleverser la donne économique :

  • le climat nous oblige à repenser la chaîne logistique de nos productions, de prendre en compte l’impact carbone de notre économie,

  • l’énergie qui pose problème à la fois parce qu’une trop grande proportion de ce que nous utilisons aggrave le bilan carbone, parce que le marché du pétrole (côté demande) risque fort de devenir de plus en plus imprédictible et soumis à de fortes tensions,

  • enfin le numérique qui change certaines règles économiques « classiques » en modifiant la géographie de chalandise et de production (territoire physique), en introduisant des mécanismes de gratuité des services, en modifiant les modèles économiques et sociaux des entreprises (on ne sait plus clairement définir où commence et où finit l’entreprise, qui est un acteur interne ou externe), en accélérant de façon incroyable les cycles de vie économique, en perturbant notre vision de la rareté et de l’abondance.

En économie, tout défi est à la fois un risque et une opportunité, l’Iroise peut éviter l’écueil des risques et tirer les bénéfices des opportunités. Les prochains articles explorerons quelques pistes pour cela.

Havard pour tous

Mi-octobre, je publiais sur mon blog une analyse de l’impact du numérique sur l’éducation et je signalais l’existence de cours universitaires gratuits de haut niveau sur internet.

Un de mes lecteurs attentifs vient de me faire parvenir la photo d’un article de courrier international paru fin octobre sur le même thème. Comme quoi…

Réindustrialisation ou numérisation de l’industrie ?

Pour alimenter la réflexion sur les grandes orientations de la politique industrielle, je vous relaie un dossier d’Ernst & Young sur « La révolution des Services ».

On pourra retenir en synthèse :

  • que l’industrie traditionnelle évolue vers une adjonction de services aux produits (et vice-versa)
  • les technologies de l’information sont au cœur de cette évolution, elles la rendent possible
  • qu’à travers ces nouvelles offres, le consommateur devient acteur du cycle de vie du produit (inventeur, concepteur, promoteur, …)
  • cette évolution radicale est toute à la fois source de croissance et une nécessité absolue si l’on souhaite sortir vainqueur de la bataille des défis économiques & sociaux.

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