Le projet de l’aéroport de Notre Dame des Landes oscille toujours entre l’euthanasie et la résurrection. Avec la chaîne humaine de vendredi dernier, l’euthanasie a un peu repris le dessus mais comme son premier défenseur est le premier ministre, il semble clair que le point marqué cette semaine n’est que temporaire.
Mais au-delà des actions plus ou moins spectaculaires, que révèle ce conflit ?
D’abord qu’en matière d’aménagement du territoire, les choix ne sont pas fondés que sur la rationalité. Si Nantes a effectivement un problème de développement aéroportuaire, la création d’une infrastructure de cette ampleur a nécessairement des implications régionales. Et en terme d’aménagement régional justement, de priorité de développement, ce projet ne prend guère en compte la présence de l’aéroport de Rennes (sinon sous forme de rivalité en terme de leadership) ou l’isolement péninsulaire de Quimper & Brest. Au moins, si le projet de Notre Dame des Landes devait être abandonné, pourrait-on formuler le souhait que les 550 millions d’euro de budget soit réaffectés à la construction des lignes TGV Brest-Morlaix & Quimper-Lorient.
Mais plus profondément, il me semble que ce mouvement de contestation porte en lui une dimension conservatrice dans un monde qui change vite, très vite, sans doute trop vite. Après tout, pourquoi dans une période économiquement catastrophique une partie non négligeable de la population se mobilise-t-elle ou a minima trouve-t-elle sympathique ce mouvement contre la construction d’un aéroport au milieu de nulle part ? La construction générerait forcément de l’activité économique & de l’emploi, son exploitation ultérieure également. Rationnellement (à nouveau), les champs et les marais de la campagne nantaise devraient peser peut de choses dans une telle situation. Or on voit se rejouer la lutte du Larzac près de 40 ans plus tard et peut-être comme à l’époque, sans en comprendre la nature émotionnelle profonde.
Nous ne sommes pas au début du XXème siècle dans un monde dirigé par une bourgeoisie qui pense que demain sera à l’identique d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans un monde de progrès lent, régulier et maîtrisé. Nous ne sommes pas dans un monde où chacun identifie sa place avec clarté.
Et ceci ne se limite au seul symptôme de l’aéroport nantais. Pourquoi le mariage pour tous, qui après tout est une réforme qui n’a aucun impact pour tous ceux qui se déclarent contre, a-t-il tellement agité les foules ? Parce que lui aussi détruisait une certitude culturelle tenue pour vérité immuable : un mariage c’est un homme et une femme. Et bien non.
Et que se passera-t-il lorsque les gens comprendront que du point de vue médical et biologique, un enfant n’est plus le fruit d’un seul homme et d’une seul femme justement, mais en l’état des connaissances actuelles, potentiellement d’un homme et de deux femmes (trois lorsque la greffe d’utérus aura complètement réussi). Nous ne savons plus dire clairement ce que donner la vie signifie. Et il existe tant d’autres changements radicaux en marchent !
Nos certitudes culturelles, philosophiques, identitaires sont battues en brèche par cette époque. Mon propos n’est pas ici de dire si c’est bien ou pas, s’il faut y aller ou le refuser. Non, mon propos et plutôt d’essayer d’aider chacune et chacun à mettre un nom sur ces peurs du changement, d’inciter à la réflexion, et politiquement permettre de tracer sereinement un chemin éclairé vers un avenir construit en commun.