Saint Nicolas et la hotte de la relance

Après nous avoir expliqué pendant un an et demi que tout allait bien et que les réformes porteraient leurs fruits, le gouvernement Sarkozy qui vit sans doute ses dernières semaines a non seulement dû constater que les fameuses réformes n’avaient ni anticipé, ni amorti la crise économique en cours, crise déclenchée par l’effondrement de l’ultra-libéralisme financier certes, mais surtout crise qui serait de toute façon survenue puisque les éléments structurels (énergie, climat, démographie) tendaient tous à aboutir à un problème de modèle économique. Hélas, dans un monde d’apparence et de communication à la petite semaine, rien n’avait été anticipé, rien n’avait été préparé et il faut maintenant essayer de recoller les pots cassés.

Notre très agité président s’est donc fendu d’un plan de relance qui mérite que l’on s’y arrête et que l’on s’exerce à l’art difficile des prévisions.

D’abord, impossible d’y couper avec Sarkozy, la forme. Qu’est-ce qui est mis en avant : les 26 milliards d’euro. Typique d’une personne qui affiche manifestement l’argent comme valeur fondamentale, mais sans intérêt. Est-ce beaucoup, peu, assez ? Est-ce seulement réel, c’est à dire de l’argent collecté puis ajouté aux budgets existants, ou comme pour les banques une sorte de chèque de caution récupérable, est-ce issu de la planche à billet, est-ce issu de crédits déjà prévus mais pas versés, ou encore est-ce de l’argent-Kadhafi c’est à dire une enveloppe baudruche qui ne mène à pas grand chose de concrêt ? Bien malin et savant celui qui le sait et pourra nous l’expliquer de façon claire. Mais, même si c’est bien ce qui est mis en avant, l’important n’est pas tant le montant que les mesures qui seront mises en œuvre.

Sarkozy le néo-libéral-paternaliste-franchouillard, après avoir déjà plusieurs fois mangé son chapeau (et fait partager le festin aux députés de sa majorité), vient de se convertir à l’interventionnisme musclé de l’Etat, en premier lieu dans les services publics, y compris ceux qu’ils voulaient vendre il y a encore quelques mois comme la Poste. Le plan prévoit 4 milliards d’euros d’investissements publics pour les entreprises publiques (EDF, La Poste, etc.) et 2,5 milliards pour les collectivités locales. J’ai quelques doutes sur le sens d’allouer des crédit à la loi de programmation militaire (ce n’était donc pas financé), “l’entretien et la mise en valeur du patrimoine” (mais encore ?), les hôpitaux (bonne nouvelle), la rénovation des tribunaux (n’était-ce pas une des motivations de la nouvelle carte judiciaire ?), les moyens de la gendarmerie et de la police (un grand classique sarkozyste), et les infrastructures routières, ferroviaires et fluviales (seule vraie bonne annonce pour ce qui concerne les deux dernières).

Sur cette partie d’intervention très keynésienne de l’Etat français, il me semble que si le principe est défendable, pour qu’il soit bon il faut plus que la répétition de méthodes qui ont jadis permis d’améliorer les choses. Encore une fois, nous voyons bien le problème conjoncturel (crise financière qui déclenche et révèle une crise économique), mais fondamentalement, nous nous heurtons à trois problèmes structurels majeurs et inédits. Quant à investir massivement, investissons dans un sens qui donnera l’espoir de résoudre ces problèmes structurels, ne nous contentons pas de mettre un peu d’essence dans un 4×4 General Motors ! Alors oui il faut investir du côté d’EDF, mais avec un objectif à cours, moyen et long terme de produire une énergie encore moins cher et encore moins impactante pour les écosystèmes. Oui il faut investir dans les infrastructures de transport, mais avec un objectif qui est de reconstruire un nouveau modèle économique du secteur qui inverse les impacts négatifs sur l’énergie et l’écologie. Est-ce le cas ? On peut en douter et il faudra beaucoup d’intelligence aux hauts fonctionnaires chargés de ces crédits pour orienter les choses dans le bons sens.

Deuxième élément, l’exonération de charges pour les TPE. Après son erreur quasi historique du paquet fiscal à contre-emploi, quelqu’un a réussi à convaincre Sarkozy qu’une clé de la crise se trouvait du côté des très petites, petites et moyennes entreprises. Mieux vaut tard que jamais, mieux aurait vallu anticiper les problèmes de trésorie comme nous l’avions écrit ici (et ailleurs) il y a plusieurs mois. Alors oui il faut aider l’emploi en aidant les PME à embaucher, mais pour la peine, il serait bon de remettre à plat toutes les relations économiques et sociales entre l’Etat, les collectivités locales et les petites entreprises. Là aussi, sortons de la nécessaire action conjoncturelle pour prendre de la hauteur et reconstruire l’avenir. Je passerai sur le remboursement anticipé des dettes de l’Etat envers les entreprises : par quel raisonnement pervers a-t-on pu arriver à considérer qu’il était normal que l’Etat se fasse de la trésorerie sur le dos des français ?

Annonce de la construction de logements sociaux. Là, il y a un côté formidable : cela fait combien de fois que l’on nous fait une annonce de ce genre ? Je craints fort qu’il y ait des gens qui ont objectivement intérêt à entretenir la pénurie de logements dans un certain nombre de villes, dont Paris. Cet intérêt à entretenir la pénurie aboutit invariablement à des morts chaque hiver ; il s’agit d’un crime qui devra être puni comme tel. Parallèlement, même en évacuant pudiquement ce problème, là aussi j’aurais aimé que cet effort, pour tant est qu’il soit réel, se fasse en prenant en compte le problème de rupture climatique et énergétique (encore et toujours). Je me suis fait ici et ailleurs le défenseur d’une nouvelle vision volontaire d’un nouvel urbanisme, c’est l’occasion rêvée de transformer deux problèmes en solution. Je craints fort d’être déçu. On notera aussi l’intéressant “assouplissement des règles d’urbanisme”. Là, j’ai quelques doutes sur l’honnêteté du résultat.
Autre annonce, très dans le vent, une allocation aux “bénéficiaires” (les veinards !) du RSA. Oui à court terme, non à moyen et long terme. Les sociaux-démocrates cherchent à privilégier d’autres voies que la redistribution palliative. Alors oui toute somme versée en plus à ceux qui en ont besoin est une injection nécessaire de morphine, mais non, cela ne peut pas être la solution. Mettons en œuvre les garanties minimales pour qu’ils accèdent, sans condition, à un espace privée minimal de vie, à un niveau mimimal d’énergie (électricité), à un niveau minimal de transport en plus des niveaux minimaux de soins, d’éducation et d’assitance “humaine”. La dignité leur sera rendue d’abord en leur donnant la possibilité d’exister au jour le jour sans avoir l’impression de mendier le dose quotidienne d’aide sous perfusion. Le chantier est énorme, bien au-delà des capacités de ce gouvernement.

Enfin, dernier élément que je relèverai pour ce post, la prime à la casse. On en connaît l’effet limité, mais encore une fois, je craints fort que cet argent ne serve pas efficacessement à basculer vers un nouveau modèle énergétique pour les transports. D’ici quelques mois apparaîtront normalement la première grande évolution des moteurs et la France n’est pas trop mal placée dans ce domaine, mieux que les allemands et infiniment mieux que les américains. Ici, la fin du vieux modèle de l’industrie automobile et quasi consommé et il est finalement peu probable que les géants américains soient tous encore des acteurs majeurs de l’industrie dans quelques années. Il ne faudrait pas que cette prime amortisse le déclin d’un modèle périmé, mais au contraire qu’elle facilité le passage à un nouveau modèle. Sera-ce le cas ? Je l’espère, mais je craints qu’une fois encore la vision de ce gouvernement ne soit trop myope. J’espère que les citoyens seront plus sages et responsables.

Une réflexion sur « Saint Nicolas et la hotte de la relance »

  1. Bloogy,
    posteur fidel du blog de moscovici, il ne t’a pas échappée qu’il faisait une référence à une note de terra nova sur la relance.

    le lien : http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=537:les-vrais-chiffres-du-plan-de-relance&catid=4:notes

    en résumé :
    – on annonce 26 Md€ en réalité, c’est plutôt 10 Md€
    – des soutiens de trésorerie peu efficaces
    – des investissements publiques. Déjà avancés, voir budgétisés, avec un retour sur investissment dans très longtemps.
    – un faible soutien de la consommation (4Md€), pourtant avec le plus d’effet immédiat.

    Au total, un faible effet sur la croissance, de l’orde de 0,4 %, bien loin du 1 % annoncé, d’autant plus tenant compte de la marge d’erreur…

    Avec en plus les réticences suivantes :
    – soutenir l’investissement privé est-ce efficace quand il n’y a pas de perspectives sur les marchés ?
    – est-ce souhaitable de soutenir une industrie (l’automobile) dont les pertes sont autant d’origines de la crise que d’erreurs de stratégie de longues dates
    – pourquoi ne pas soutenir “l’economie verte” ?
    – et puis encore et toujours absence de plan europpéen (autour d’une fiscalité TVA par exemple). Mais ça, on ne peut uniquement le reprocher à sarkozy…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *