Havard pour tous

Mi-octobre, je publiais sur mon blog une analyse de l’impact du numérique sur l’éducation et je signalais l’existence de cours universitaires gratuits de haut niveau sur internet.

Un de mes lecteurs attentifs vient de me faire parvenir la photo d’un article de courrier international paru fin octobre sur le même thème. Comme quoi…

Question d’éducation (seconde partie)

Et pour l’école de mon village aujourd’hui ?

Contrairement à l’époque de Jules Ferry, la situation actuelle peut parfaitement être prise en charge au niveau local, puisque les ressources sont déjà universelles et largement gratuites.

Qui sait que l’on peut dores et déjà bénéficier gratuitement des cours des plus prestigieuses universités mondiales via Coursera ? Plus près de nous, Télécom Bretagne met en ligne un certain nombre de cours sous forme numérique.

Certes la majorité de ces cours sont en anglais, ne sont que des transpositions numériques encore basiques, mais ce n’est qu’une question de temps pour que la puissance du numérique fasse dépasser en qualité les cours originaux, pour que plus de cours soient en français. Sans oublier que nous verrons un jour arriver le traducteur universel.

Coursera et Télécom Bretagne nous montrent un chemin possible : la mise à disposition d’un enseignement de très haute qualité n’est pas très compliquée et bien moins chère qu’une université « en dur ». En matière d’éducation numérique, la priorité numéro une des collectivités et d’aller chercher la connaissance locale, toute la connaissance, et de la mettre en forme pour la rendre accessible à tous. Cette mise en forme pourra ensuite être agrégée au niveau national, ou plus exactement, au niveau de la communauté linguistique la plus large (francophonie en l’occurrence).

Si l’accès à la connaissance numérique s’offre à nous, nous ne pourrons en bénéficier pleinement qu’à une seule condition : que nous maîtrisions les principes de base du numérique, que nous en comprenions la logique. Pour faire un parallèle, lorsque nous apprenons à lire nous devons nous approprier l’écrit (les lettres et leur agencement en syllabes puis l’orthographe). Nous devons également nous approprier la grammaire.

Le numérique a son orthographe et sa grammaire. L’enjeu de la bataille est là : qui ne sait lire et écrire, ne peut prendre pleinement sa place dans le monde numérique. Qui ne maîtrise pas les outils et les modèles numériques ne peut accéder pleinement au monde qui se construit. Ceci est vrai pour toutes les générations, toutes les catégories socio-professionnelles, y compris les classes dirigeantes.

La République a su mettre en place des lois, un tissu dense d’enseignement et des « hussards » pour gagner la bataille de l’alphabétisation et de la connaissance pour tous.

La République doit mettre en place des structures similaires pour gagner la bataille de l’alphabétisation numérique. Qui ne sait pas correctement lire ne peut pas accéder à la connaissance d’une bibliothèque.

Question d’éducation (1ère partie)

L’éducation est peut-être l’une des plus belles victoires de la République. Nous avons élevé au rang des grandes valeurs la connaissance. Nous avons imposé l’école pour tous comme un bienfait universel.

Si la profonde révolution numérique amplifie l’élan vers la connaissance, elle va pourtant très probablement remplacer le modèle de l’école de Jules Ferry tel que nous le connaissons par quelque chose qui n’est pas encore clairement défini. Il faut s’attendre à un choc immense, un choc comparable à celui de l’invention de l’écriture par les Sumériens, puis à son « industrialisation » par l’imprimerie. Le numérique est l’équivalent de cette double révolution, mais en un laps de temps incroyablement court, rien de moins.

Dans un premier temps, la numérisation a permis la diffusion universelle de l’information (internet à la fin du XXème siècle).

Dans un deuxième temps, des outils ont permis de structurer ces informations pour permettre cette fois-ci la diffusion universelle de la connaissance (moteur de recherches évolués, wiki, …). À ce stade, la technologie numérique permet « l’externalisation » de notre mémoire et donne à chaque homme un niveau de connaissance (brute) sans équivalent.

Le numérique nous rend plus « savants ».

Nous abordons très probablement actuellement une phase où de nouveaux outils vont abattre les barrières des langues et des handicaps (traducteurs universels des langues, traducteurs son/écrit, …) et nous commençons à entrevoir les outils qui vont « augmenter » nos intelligences (vous demandez le temps qu’il fait à votre ordinateur et il vous conseille de prendre votre parapluie parce votre agenda lui a dit où vous alliez). Cette nouvelle étape permettra une « externalisation » d’une partie complémentaire de nos capacités cognitives.

Le numérique nous rend plus « comprenants ».

Cette série de changements s’accompagne d’un autre élément majeur, à savoir la gratuité in fine de la connaissance, ce qui est en soit à la fois un succès philosophique et un cataclysme économique puisque la connaissance est un élément fondamental de la valeur (s’il n’est pas l’élément fondamental d’une société qui ne serait fondée ni sur la religion, ni la puissance militaire, ni le capitalisme de marché !).

Du point de vue de l’éducation, les conséquences sont majeures. Tout d’abord, la connaissance que l’on met tant de temps à assimiler est maintenant disponible, accessible, gratuite et globalement plus riche et plus fiable et actualisée que ce dont peuvent se souvenir tous les Pic de la Mirandole réunis.

Comment justifier alors des années d’études si le savoir est accessible en quelques secondes ?

L’enseignement devra très probablement s’orienter vers l’enseignement de savoir-faire, l’enseignement de compétences, l’enseignement de la capacité à raisonner, le développement du sens critique, de la compréhension profonde des choses, et ceci dès le plus jeune âge. Mais même ces enseignements là seront en concurrence avec les capacités des outils numériques à venir : comme nous l’avons écrit, le numérique va également externaliser de façon incroyablement efficace certaines de nos capacités cognitives. L’enseignement ne serait dans ce cas nécessaire que pour permettre l’émancipation de l’homme par rapport à sa « greffe numérique ». Mais qui sera prêt à assumer des années d’efforts pour s’émanciper d’une connaissance universelle ?

Une telle évolution peut paraît effrayante et elle l’est. Pourtant elle ne fait que réaliser nos idéaux sur la connaissance universelle apportée à chacune et chacun. Il va falloir s’affranchir de ce paradoxe.

Education : un petit film remarquablement iconoclaste

Voici un film américain (traduit en français) qui donne un éclairage du formatage de nos modes d’éducation scolaire. L’expérience du trombone est particulièrement instructive et rejoint nombre de tests d’économie comportementale.

A visionner, à méditer…