Actu : d’une annulation de procès à une pétition pour une motion

Beaucoup de bruit cette semaine qui a démarré sur les milles et une manières d’être ou ne pas être libéral et fini sur un jugement décalé.

Je ne reviendrai pas sur le libéralisme dont le débat a nourri plus le buzz (mais n’était-ce pas le but) que fait avancer la réflexion et surtout la refondation des idées et de la société.

Le jugement en annulation d’un mariage pour cause de “mensonge sur la qualité essentielle” d’un des deux époux est lui plus significatif, culturellement et légalement.

Culturellement parce qu’une fois encore, l’aspect religieux (ici musulman) a fait rapidement monter la mousse. Oui on “découvre” qu’une partie de notre société est décalée par rapport à la vision avouée que nous en avons. Mais sur le fond, que des citoyens pensent que la virginité ait une importance, soit une “qualité essentielle” du mariage, ne me choque pas en soit, c’est une affaire privée. Ce qui me contrarie c’est qu’une telle vision puisse être imposée à une jeune fille par son entourage au point d’engager sa vie sur un mensonge. Finalement, ce jugement condamne de fait l’ex-épouse, pénalise les deux ex-époux, mais ne dit rien sur les conditions iniques qui ont abouti à une telle absurdité.

Sur la loi maintenant. Oui il y a eu mensonge, reconnu de fait par l’épouse, donc oui si la virginité avait été acceptée comme un élément fondateur du couple, ce couple a des raisons de ne plus vouloir exister. Mais le problème n’est pas tant de savoir comment ces ex-mariés définissaient leur couple, que de savoir comment la République définit le mariage. Si une procédure de divorce avait été entamée, on ne se serait pas posé la question, mais c’est une demande de nullité qui a été jugée : ce mariage répondait-il oui ou non à la définition qu’en donne la République ?

La réponse n’étant pas claire, la notion de qualité essentielle a été interprétée et nous nous sommes retrouvé avec un mariage républicain lié à des conceptions religieuses et des pratiques sexuelles. C’est totalement inacceptable, mais la décision est en l’état hélas logique.

Il n’y a qu’un seul moyen satisfaisant de s’en sortir, c’est de redonner une définition actuelle de ce qu’est le mariage du point de vue de la République, et cette définition est distincte de la définition que tout un chacun donnera pour son propre mariage. Voila bien un sujet politique qui est au cœur de la société et qui a une toute autre portée que l’agitation sur le libéralisme. Or j’affirme que nous sommes politiquement loin d’être clairs, aussi bien à gauche qu’à droite sur cette définition qui implique intrinsèquement de considérer des aspects aussi divers que le nombre des époux, leur sexe, leur implication dans la vie de la société, leur projet d’enfants avec en corolaire les lois sur l’adoption, l’avortement ou la gestation par autrui.

Puisque j’y suis, je me risquerai à une définition : le mariage républicain est une union de deux citoyens ayant un projet, stable et à long terme, de vie commune, prenant part à la vie de la société et ayant un projet d’enfant(s).

Voila bien une chose que j’aimerais voir traitée dans la future motion qui sera retenue au congrès de l’automne. Mais quel congrès aurons-nous ? Un congrès visant à faire du PS une écurie présidentielle au service soit de Royal soit de Delanoé (en espérant que le(s) perdant(s) veuillent bien prendre leur retraite…), ou un congrès qui fera du PS un parti d’idées et de projet rapidement déclinable en actions pour sortir de la situation de plus en plus catastrophique où nous sommes ?

Je vote bien évidemment pour la seconde solution et c’est pourquoi j’ai signé la pétition suivante : http://www.ipetitions.com/petition/motionmoscovici/

Que vous soyez pétitionnaires ou pas, faites en sorte que nous sortions du buzz et que nous nous attachions à proposer des solutions à nos concitoyens.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XVIII

Le Parti socialiste est un parti européen qui agit dans l’Union européenne qu’il a non seulement voulue, mais en partie, conçue et fondée. Il revendique le choix historique de l’Union européenne et de la construction d’une Europe politique. Pour les socialistes, celle-ci doit avoir pour mission, par ses politiques communes, d’assurer la paix sur le continent et d’y contribuer dans le monde, de favoriser une croissance forte et durable et le progrès social, de promouvoir la créativité et la diversité culturelle, d’aider à relever les défis planétaires par l’exemple d’association qu’elle offre. Membre du Parti socialiste européen, le Parti socialiste entend tout mettre en oeuvre pour le renforcer afin que soit porté un message socialiste en Europe.

Ceci rejoint l’analyse des articles 14, 15 et 17 en mettant l’accent sur l’Europe en bouclant sur les aspects économiques, écologiques et sociétaux à un niveau supra-national. Cet article ne montre peut-être pas assez que l’élargissement vers l’Europe se fait de concert avec la décentralisation vers les régions. Il s’agit d’un tout cohérent qui lie les trois poupées région / etat central / Europe. Une Europe sans le contre-poids régional est une Europe bureaucratique. Une régionalisation sans l’élan européen, est un découpage mutilant de la France. Quant à l’état central, il doit avoir pour mission de maintenir la cohérence politique et démocratique de l’ensemble.

N’est-ce pas là l’essence de la future constitution ?

Déclaration de principes du PS : analyse critique des articles XV et XVII

Article 15

Le Parti socialiste est un parti décentralisateur. Il met le respect de la diversité, des territoires, au coeur de ses valeurs. Il veut allier la présence d’un Etat régulateur et garant de l’équilibre –y compris financier- entre les territoires, à une démocratie locale vivante et innovante.

Il est plus que temps de préciser les concours de cet équilibre institutionnel et de s’engager vers une constitution qui redéfinisse la répartition des compétences entre régions, état central et Europe, qui éclaircisse les frontières de la séparation des pouvoirs. De l’audace ! De la clarté !

Article 17

Le Parti socialiste met la culture au centre de ses valeurs. Celle-ci permet, à la fois, de rassembler et de libérer. Face au danger d’une civilisation par trop uniformisée et marchandisée, la culture, avec l’apport irremplaçable des artistes, contribue à construire un monde fondé sur la diversité, le dialogue, l’ouverture. L’accès à la culture pour tous et la démocratisation des pratiques culturelles sont notre objectif.

Oui, bien évidemment la culture est identitaire autant qu’émancipatrice et nous avons le devoir de la développer. Cependant, toutes les cultures n’entrent pas a priori dans ce cadre. Si l’on reprend l’image des poupes russes pour décrire les niveaux de groupes sociétaux, chaque poupée est liée à une culture particulière propre. Les cultures que nous devons défendre et favoriser sont celles qui sont inclusives (accueillantes à l’autre), solidaires et communicantes (celles qui vont chercher à se faire connaître des autres cultures, à créer des liens pour créer une « poupée russe de niveau supérieure ». Nous devons combattre sans réserve toute culture isolationniste, nationaliste, xénophobe ou destructrice.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XIV

Le Parti socialiste est féministe et agit en faveur de l’émancipation des femmes. Il oeuvre pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la mixité de la société. Il garantit aux femmes, l’accès aux droits fondamentaux (santé, éducation, contraception, IVG), et condamne la marchandisation du corps humain. Il combat les atteintes à l’intégrité et à la dignité humaines en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle.

Cet article 14 me gène terriblement tant il semble daté et porteur des contradictions du PS (et de la société française) en matière d’égalité hommes / femmes. Pourquoi en partant de l’article I « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète » a-t-on besoin d’en remettre une couche avec le féminisme ? Une femme n’est-elle pas une « personne humaine » comme une autre ? Si oui, alors cet article 14 est en contradiction avec l’article I, si non alors nous devons admettre l’échec d’années de combat pour l’émancipation des femmes, ce qui ne me semble pas le cas. Bien sûr qu’il y a en la matière encore bien des choses à faire, mais les femmes ne sont plus ces adultes sous tutelle masculine qu’elles ont longtemps été dans une société française verrouillée. Oui, comme à tout citoyen, nous devons garantir l’accès aux droits fondamentaux que sont la santé, l’éducation, mais aussi la nourriture, le logement, l’aide à la petite enfance et dans un horizon proche, j’ose espérer à l’énergie et aux télécommunication. Oui le droit de la vie (maîtrise de la fertilité, IVG, GPA, …) sont des droits fondamentaux qui touchent particulièrement les femmes, mais dont les hommes ne doivent pas être exclus, sous peine de faire perdurer un antagonisme inutile autant que regrettable. La lutte pour l’égalité homme / femme ne doit plus être une lutte des femmes contre les hommes, mais une lutte des hommes et des femmes pour un meilleur avenir commun guidé par l’objectif de nos finalités fondamentales.

Effectivement, le corps humain n’est pas une marchandise, mais cela rejoint le principe de non-brevabilité du vivant mentionné lors de l’analyse critique de l’article IV, avec un niveau supplémentaire concernant spécifiquement le corps humain.
Enfin, oui, le citoyen ne se définit pas en fonction de ses caractères génétiques ou de ses choix purement personnels et ne concernant pas la société. Pour reprendre une formule déjà utilisée ailleurs, les citoyens, comme les anges, n’ont pas de sexe.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article IV

Article 4

Le progrès, synonyme d’amélioration de la vie humaine, est une valeur fondamentale pour les socialistes. Ils pensent que l’exercice de la raison doit être accessible à tous, acceptable par tous, applicable à tout. Ils promeuvent la connaissance, l’éducation, la recherche, la culture. Ils veulent mettre les avancées scientifiques et technologiques au service des hommes et de la planète. L’expansion technologique, le développement des nano et biotechnologies, l’ingénierie génétique posent des questions essentielles pour l’avenir de l’humanité. Le mérite du principe de précaution est de permettre de faire des choix collectifs, à travers l’arbitrage des choix politiques, qui subordonnent l’acceptabilité des risques, inséparables du développement de la science, à l’utilité des innovations et à la légitimité de leur utilisation. Le progrès économique et social ne peut plus être apprécié à l’aune de la seule croissance de la production marchande, mais doit l’être à l’aide des indicateurs reflétant la qualité effective des conditions d’existence et de travail des individus.

Article délicat car faisant référence à des bases scientifiques non stabilisées. On notera d’abord la difficulté qui se cache derrière la distinction entre technologie et biotechnologie. C’est à la fois la même chose (de « l’ingénierie ») et c’est très différent (monde du vivant et du non-vivant). Posent-elles les mêmes problèmes ? Difficile de répondre formellement, mais on pourra noter que, par exemple, si les brevets technologiques ne posent pas de problèmes particuliers, il n’en va pas de même pour la brevabilité du vivant. A titre personnel, je suis opposé à la brevabilité du vivant (ADN, ARN en attendant de mieux pouvoir définir ce que sont les briques de base du vivant).
Je réaffirme par ailleurs mon opposition au « principe de précaution » qui est un non-sens autant qu’une lâcheté politique. Du moment où le « non-faire » n’existe pas dans un système tel que nos sociétés et les écosystèmes, se retrancher derrière un « je ne fait rien au non du principe de précaution » est absurde. Face à un choix aux conséquences incertaines, le politique a le devoir de « faire » et d’assumer d’éventuelles erreurs. Son choix sera justifié par les connaissances scientifiques autant que l’éthique et la morale. Plutôt que de principe de précaution, je parlerais de responsabilité devant l’avenir.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article II

Article 2

L’égalité est au cœur de notre idéal. Cette quête n’a de sens que par et pour les libertés. Egalité et liberté sont indissociables. Aux injustices et aux violences du monde, l’idée socialiste oppose un engagement pour une humanité libre, juste, solidaire et respectueuse
de la nature. Elle porte un message universel, dès lors qu’il s’agit de défendre les droits fondamentaux de chacun et de tous. Pour les socialistes, ces objectifs ne peuvent être atteints à partir du fonctionnement spontané de l’économie et de la société.
La redistribution permanente des ressources et des richesses est nécessaire pour donner une réalité à l’égalité des droits, offrir à chacun les chances de conduire sa vie, et réduire les écarts de conditions.

L’idéal égalitaire est un objectif qui n’a pas varié et qui est réaffirmé. L’article 2 rappelle également la dichotomie entre égalité (idéal pour toute la société) et liberté (idéal pour l’individu/citoyen). La difficulté de conciliation des deux objectifs peut être éclairée par l’échelle à laquelle chacun des deux objectifs s’applique : les objectifs et les lois de la société peuvent ponctuellement aller à l’encontre des objectifs particuliers. Une société est viable lorsque les deux sont conciliables sur le moyen ou long terme. Dans le cas contraire, les conflits entre individus/citoyens et société vont aller en augmentant au fil du temps et la société finira par subir une ou plusieurs crises majeures, voire mortelles. Il est donc nécessaire de bien prendre en compte cet aspect et, lorsque les lois de la société contraignent les personnes, faire qu’a minima, le traitement soit équitable (on notera par ailleurs qu’un traitement purement égalitaire peut s’avérer inéquitable ce qui a été l’un des vices des pays communistes).
A nouveau, le lien avec les écosystèmes est fait dans cet article, sous une forme à nouveau un peu trop « romantique » à mon goût. Ce lien est par ailleurs fait dans un sens (poids de la société sur les écosystèmes) ; en cas de crise écologique majeure, il faut s’attendre à ce que ce lien se fasse dans l’autre sens. En effet, un dérèglement climatique important pourrait nous amener par exemple à s’engager vers des décisions plus directives que nous le souhaiterions du point de vue démocratique, pour des raisons d’urgence ou de survie. C’est un point extrêmement délicat sur lequel nous devons réfléchir a priori pour ne pas tomber dans une dictature qui naîtrait d’une pression subite et forte du changement d’environnement. Les liens entre sociétés et écosystèmes ne se font pas dans un seul sens.
Cet article introduit également le volontarisme économique de l’état. En fait, en prenant un peu de recul sur les articles 1 et 2, le nouveau socialisme est une doctrine qui veut intervenir et sur les sociétés (les citoyens, les lois, les échanges économiques) et sur les écosystèmes, en fonction d’objectifs et dans le respect de principe. Nous réfutons le « laisser-faire (ultra)-libéral », aussi bien en matière sociale, économique, écologique. Cependant, intervenir ne veut pas dire contraindre, être dirigiste, être violent : une telle conception serait un retour à l’échec des sociétés communistes du XXème siècle. L’intervention se fait dans le respect de l’égalité et de la liberté introduit au début de cet article ; c’est un équilibre à trouver : agir où il faut, quand il faut, comme il faut, sur la base d’un contrat commun.
Enfin, la volonté affichée de réduire les écarts (de richesse, de traitement, de condition, …) va dans le sens de la recherche d’un état systémique stabilisé (autant que possible) : un système (une société) dont les éléments échangeraient des choses avec une très grande variabilité d’intensité, aurait beaucoup de mal à être durable. Le « court-circuit », la crise est plus que probable. Du point de vue des individus/citoyens, le rééquilibrage (la redistribution) se traduit par un gage de survie du système tout entier, il peut se faire par l’argent mais aussi (surtout) par l’apport de ce qu’il manque d’essentiel.

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article I

Cette série de posts continue une petite parenthèse personnelle à la réflexion collective qui est la marque de fabrique de la pensée social-démocrate. Ceci est dû à des impératifs de temps et de disponibilité ; cependant, cette parenthèse s’insère entre les travaux pour le manifeste social-démocrate, la déclaration de l’université d’été de La Rochelle, la déclaration de principes elle-même et donnera si l’analyse est un tant soit peu pertinente, une base de questionnement sur des points délicats ou à approfondir. Cette réflexion ne conteste bien sûr pas le travail remarquable qui a été jusqu’ici mené pour la refondation de l’idéologie socialiste, ni bien évidemment la qualité des hommes et femmes remarquables comme Alain Bergougnioux qui y ont participé.

Article 1

Être socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est. L’idée socialiste relève, à la fois, d’une révolte contre les injustices et de l’espérance pour une vie meilleure. Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète.

Voici en peu de mots tout à la fois l’affirmation d’une vision optimiste, positive et volontaire de la société, et mine de rien, une rupture intellectuelle majeure. Oui, nous sommes fondamentalement et radicalement réformateur, oui nous travaillons pour un idéal décliné, ici, en deux parties : émancipation de l’individu et sauvegarde de la planète.

Je comprends et adhère au sens cette phrase, mais pourtant, je conteste radicalement la formulation de « sauvegarde de la planète » qui relève d’une vision sentimentalisme qui n’est pas la réalité, qui est source de confusion, voire de détournement. Incidemment, cette phrase introduit sans le dire une rupture avec la pensée marxiste, ou plus exactement celle du XIXème siècle.

D’abord, pourquoi réfuter la notion de « sauvegarde de la planète ». Tout simplement parce qu’à ce jour, nous n’avons heureusement pas la capacité de détruire la vie sur terre (même s’il n’est pas exclus que cela arrive un jour !). En synthèse, l’action de nos sociétés modifie l’environnement, la chimie de l’atmosphère, des eaux et des sols. Ceci a un impact puissant sur les écosystèmes et sur leurs équilibres actuels. Mais si les écosystèmes sont globalement et temporairement « stables » (homéostatiques), sur la durée, ils sont en constante évolution. Notre action ne fait que les orienter vers une évolution qu’ils n’auraient peut-être pas suivi en notre absence. Et c’est cette évolution non voulue (par nous) et non maîtrisée qui est problématique, car si la planète s’en accommodera, l’histoire a montré qu’une telle évolution pouvait détruire des sociétés mais aussi des espèces, dont nous faisons partie. Aussi notre combat ne doit pas tant être de chercher à préserver un hypothétique état stable idéal des écosystèmes, mais bien de ne pas les modifier de façon irréfléchie, incontrôlée, non pérenne. Les écosystèmes, comme la société que nous voulons construire, sont des entités qui se « réforment » naturellement, constamment, pour s’améliorer c’est à dire trouver un état optimal de garantie de survie.
Le parallèle n’est pas ailleurs pas gratuit. Société et écosystèmes relèvent du même modèle comportemental, modèle qui induit la rupture avec la pensée newtonnienne qui eut son apogée au XIXème siècle ; nous ne pouvons plus comprendre le monde en ne portant notre attention que sur des éléments isolés sur le mode action / réaction. Une telle approche est impuissante à décrire l’avenir d’un système de plus de 2 entités, et encore à conditions de connaitre parfaitement toutes les données de départ avec une précision infinie. La compréhension d’un monde purement déterministe a échoué, nous devons nous tourner vers une approche systémique (beaucoup d’échanges rétroactifs entre beaucoup d’éléments), structurelle (un tout avec ses lois), probabiliste (pas de résultats isolés certains).
Pour la société, il y a au départ l’individu, « bon sauvage » libre de toute contrainte et libre de choisir son avenir (monde totalement « libéral », ceci est «une société sans société»). En liant des relations avec ses semblables, cet individu passe au stade de « citoyen », c’est à dire qu’il se met à avoir des liens de rétroaction avec les autres citoyens (droits et devoirs). Ces liens vont constituer un tissu, stable à court terme mais en évolution sur la durée, qui va donner une identité à la société de citoyens (en fonction de conventions, d’héritage de coutumes, d’éthique commune, etc…). On notera au passage, que ces liens s’exercent à des échelles différentes : famille, groupes amicaux, associations en tous genres (sportives, culturelles, travail, …), que des micro-sociétés se forment avec leur identité et se mettent à échanger entre sociétés de même niveau (cultures régionales, professionnelles, nationales, continentales). La citoyenneté est un système identitaire d’échanges (boucles de rétroactions multiples qui créent une identité culturelle) qui s’expriment à des échelles différentes ; la citoyenneté est à l’image d’une poupée russe. Une telle vision permet également d’éclairer les rapports entre individu et destin collectif, d’améliorer la compréhension des raisons du clivage entre une droite libérale individualiste et une gauche socialiste solidaire, d’éclairer les raisons des approches conservatrices ou réformistes.
Maintenant, quel est le lien avec les écosystèmes ? Il est double : analogie et interaction. Si l’individu n’a pas d’impact à long terme sur l’écosystème, une société en a, et c’est bien notre problème : toute société d’importance est en interaction avec son ou ses écosystèmes, elle consomme des éléments et en produit, elle échange avec ses écosystèmes. Par ailleurs, un écosystème est également un ensemble complexe d’entités qui trouve son équilibre par ces échanges (production primaire, prédation, maintient d’un équilibre chimique, …).

Si l’on se donne un modèle des écosystèmes et des sociétés, on pourra les décrire de façon analogue, avec un point de vue systémique, cybernétique, sociologique, d’automate mathématique ou toute autre variation du même genre.
Enfin, il faut également bien comprendre que la « non-action » n’existe pas dans un système où tous les éléments interagissent entre eux. Ne pas faire quelque chose (pour « sauvegarder la planète ») revient à faire laisser-faire, c’est à dire à ne pas chercher à empêcher ou amortir des changements que l’on évalue comme néfastes. Nous reviendrons sur ce point lors de l’analyse de l’article introduisant l’illusoire principe de précaution.
Au final, ce premier article déclare notre ferme et optimiste volonté de progrès vers un idéal de justice. Il introduit la question écologique au plus haut niveau de nos ambitions politiques, et incidemment, introduit une nouvelle façon de penser notre monde et notre société, non plus d’une façon simple, causale, mécanique et déterministe, mais d’une façon globale imbriquant profondément les choses, structurelle et probabiliste.

Ré-ouverture du blog

Avril 2008. Désolé pour les incidents de ces derniers jours, mais j’ai subi les désagréments de quelques malveillants. Comme free m’a effacé les tables qui contenaient les informations qui auraient pu m’aider à savoir d’où cela venait, je ne saurai donc jamais s’il s’agissait d’une crétissime série de spams ou de quelque chose de plus ciblé…

Viscitude du web, monde de liberté autant que d’abus de libertés. Ce n’est pas grave, le blog est donc rouvert, sans les commentaires toutefois. Je verrai comment les réouvrir dès que j’aurai un peu de temps.

De la myopie à l’aveuglement

Ces derniers temps, alors que je ramais pour faire progresser l’idée que les régions voire les collectivités locales en général pourraient elles aussi combattre efficacement la crise financière et de confiance des subprimes (par le biais de relais de trésorerie auprès des PME sur quelques semaines), je me suis vu opposer un certains nombres d’arguments, certains assez prévisibles, d’autres assez étonnants.

Dans les prévisibles on trouve l’objection sur la difficulté qu’il y aurait pour les régions à agir rapidement et de façon souple sur des finances privées, en relais des banques qui s’annoncent frileuses, sinon cloitrées dans leurs coffres forts. Il est exact que les fonctionnaires régionaux n’ont, pour la plupart, jamais eu à décider rapidement en fonction d’éléments financiers ne relevant que du secteur privé, et que la prise de risque nécessaire à la gestion d’une telle crise leur est très étrangère. Pourtant, à crise exceptionnelle, réponse exceptionnelle, et je pense qu’en l’absence prévisible d’actions pertinentes et préventives du pouvoir central, une telle implication des régions représenterait une ligne défensive efficace car au plus près des difficultés des PME, qui plus est, dans la droite ligne des actions faites à un autre niveau par le FMI et les banques centrales. On verra bien.

Côté étonnement, il y tout simplement un argument de déni : notre économie est déconnectée de l’économie américaine, nos fondamentaux sont solides, rien ne se passera ! En sommes, après la ligne bleue des vosges qui avait arrêté les radiations, nous devrions nous reposer sur la crête flamboyante des monts d’Arets bretons pour stopper le tsunami venant d’Amérique. Une telle volonté de nier la réalité (en l’occurrence la difficulté croissante qu’il y a à obtenir des prêts pour les PME autant que pour les particuliers) me parait tout simplement surréaliste. Elle n’est hélas pas sans rappeler le déni qui freine la mise en place de mesures efficaces contre le réchauffement climatique, pas sans rappeler l’immobilisme médusés de ceux qui ne voient pas arriver la fin de l’ère du pétrole en tant qu’énergie abondante et souple.

Qu’en conclure ? Finalement, le plus grave n’est pas le problème lui-même, mais l’incapacité qui semble avoir été développée de comprendre un risque, de l’assimiler et d’agir. Il est normal de rencontrer des crises, comme il est normal de les affronter. Or nous sortons d’une époque où il fallait choisir entre le credo “l’état peut tout pour vous” et le credo “ne faites rien, le marché s’occupe de tout”. Non, la solution réside dans notre capacité à entreprendre collectivement les actions nécessaires pour résoudre un problème réel et potentiellement mortel. Le danger ne doit pas nous paralyser, le péril ne doit pas nous conduire à nier et la réalité, et nos capacités à nous surpasser dans une période exceptionnelle.