FMI

Septembre 2007. Etranges aléas de la vie : après avoir été rejeté pas les siens, Dominique Strauss-Kahn est nommé président du FMI et tout d’un coup le monde médiatique n’a pas de mots assez élogieux pour vanter les mérites de celui qui, un an auparavant, était présenté comme un archaïque éléphant défendant une idéologie désuète, l’incarnation du passé.

Dominique Strauss-Kahn

Il est vrai qu’aujourd’hui la voie du “renouveau”, le bouleversement des “lignes”, l’approche différente de la politique ont fait long feu par un fiasco consommé à gauche et un fiasco qui nous consume au gouvernement. Je crois que nous sommes un peuple aussi orgueilleux que masochiste. Nous aimons tellement les gens brillants que nous nous donnons beaucoup de mal pour les rejeter, voire les humilier avant de nous confondre en admiration et regrets une fois que d’autres ont profité de l’aubaine en récupérant nos talents, nos idées, nos énergies.

En tout cas, je suis heureux d’avoir porté et défendu les idées d’un tel homme il y a un an, et je continuerai, autant que faire se peut, à lutter contre la fascination du suicide français et la pussillanimité, à porter et développer cette pensée. Après les 365 jours contre le renoncement, je veux qu’il ait cinq ans pour la refondation et la naissance d’un nouvel espoir politique, d’une nouvelle société. C’est je crois le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Dominique Strauss-Kahn.

350 riches, 53000 pauvres

Même en vacances, les réalités sociales vous rattrapent toujours.
Cet été, je suis parti à Madère avec ma petite famille. Douceur de vivre sous les Alysées, du calme et enfin du temps à accorder aux enfants et à mon épouse, loin, très loin de l’agitation stérile et du stress permanent de la vie parisienne.

Un jour, alors que nous nous baladions sans autre but que de se laisser surprendre par l’atmosphère de l’un des villages de la côte nord, je tombe sur une des petites maisons triangulaires typiques de Madère. La maison ayant un charme un peu différent de ce que j’avais pu voir jusque là (ce genre de petite maison a souvent été transformée en petit musée familial à faire visiter par les touristes), je me fais discret pour la prendre en photo (j’avais aperçu un couple qui discutait devant l’entrée).
Discrétion inutile : la femme m’aperçoit et envoie en vitesse son mari à ma rencontre. Un grand gaillard usé s’avance vers moi et m’invite à rentrer. Pas de fuite possible… Fort gêné de ne pas avoir réussi à passer inaperçu, je me décide à le suivre en devinant que j’en serais quitte pour une pièce…
En arrivant à l’entrée, je me sens soudain très mal à l’aise car à l’évidence je me retrouve avec des gens qui vivent dans la misère : la femme est pieds nus et a les jambes couvertes de poussière, quant à l’homme, les dents qui lui manquent en disent long sur son état de santé. Je m’aperçoit d’ailleurs bien vite qu’il n’est pas loin d’être aveugle. La minuscule maison si jolie que je venais de photographier était bel et bien leur habitation, refuge de leur extrême pauvreté. Le couple m’invite à visiter leur intérieur qu’un simple coup d’œil suffit à découvrir.
Deux minuscules lits, une petite étagère et une sorte d’autel religieux. La propreté, trop souvent le seul orgueil des pauvres, est frappante et contraste avec la saleté dont la femme est couverte.

Madere, pauvreté

Ils m’invitent à les photographier et alors que je dois m’y reprendre à deux fois pour faire cette photo, j’ai l’impression pendant quelques secondes d’avoir été transporté dans les terres du milieu, dans la maison d’une Hobbit qui aurait épousé un géant. Je fais un sourire et je balbutie des remerciements à l’homme qui me montre fièrement le bouton électrique qui allume ce qui semble être la seule ampoule de la maison (j’en déduis à sa fierté qu’il a dû faire l’installation lui-même).

Quittant ce couple après m’être acquitté d’une obole trop symbolique, une autre image me vient soudain à l’esprit : celle de ce SDF que je croise parfois endormi dans un coin des sous-sols de ce temple de la finance qu’est La Défense. D’un côté ces Hobbits qui dans leur misère ont au moins un toit, et de l’autre ce spectre, sous un sac de couchage, qui est obligé de dormir dans un escalier de sortie du temple de la finance française.
Les situations n’ont rien de comparables et pourtant, ce sont les mêmes. A quoi ont donc servi nos efforts de redistribution, de correction des inégalités, de lutte contre la pauvreté ?
Si la misère est sans doute moins pénible au soleil, l’injustice n’est que plus criante au pied de la richesse.

Une affiche d’un parti de gauche de Madère annonçait quelque chose comme : “Madère, 350 riches, 53000 pauvres”.

Et en France, la proportion est-elle différente ?

L’homme sur le char

Ce n’était pas le plus grand penseur de l’époque, pas le plus percutant des stratèges, homme non conformiste en regard du protocole, macho grivoix en regard des bienséances, l’histoire retriendra cependant son nom car il est un jour monté sur un char pour défendre la démocratie dans ce pays qui allait redevenir la Russie. Boris Nikolaïevitch Eltsine fait partie de ces hommes improbables qui rencontrent l’histoire parce que l’époque a désespérément besoin d’eux.

Difficile de faire de lui le plus grand démocrate qui soit, et la guerre de Tchétchénie en est la meilleure preuve, mais impossible de ne pas voir que sans des tels hommes, la liberté et la démocratie ne sont que des concepts. Quand certains “inventent” les idées nobles de notre liberté, d’autres les hissent sur les chars qui veulent opprimer les peuples.

Combien notre époque manque de ces hommes improbables et décallés, peu enclins à céder au marécage des conventions mais prêt à tout risquer pour barrer la route à ce qui paraît pourtant invincible ! Lorsque je repense à Elstin, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec l’homme de Tien an Men qui lui aussi avait arrêté un char, mais en se plaçant devant. Même héroïsme et pourtant résultat si différent.

Sans courage, même la démocratie la plus solide est menacée, mais il faut être nombreux à montrer un tel courage pour être sûr de faire triompher cette démocratie et la liberté.

La première bonne nouvelle du XXIème siècle

L’une des plus anciennes guerre de religion du XXème siècle semble être en passe de se terminer : l’Irlande du nord semble enfin avoir trouvé le chemin d’une paix durable.

Quel chemin parcouru par tous les peuples d’Europe pendant le siècle dernier : deux guerres mondiales, plusieurs guerres civiles (de Franco à Milosevic), des dictatures communistes… pour aboutir à une Europe qui semble enfin décidée à rompre avec son passé belliqueux. Pourtant, cela se fait dans une relative indifférence. Ainsi, la plus belle utopie du siècle passé, l’Union Européenne, a fêté ses 50 ans dans la discrétion, voire un certain pessimisme.

Etrange situation que la notre, et qui consiste à ne jamais se réjouir de nos succès, à se plaindre de tout et de tous en accusant l’autre de n’avoir pas fait dans le passé les choix qui nous préserveraient des maux à venir, ou pire, en choisissant à l’heure de l’élection les candidats les plus à même de faire perdurer la douce langueur monotone de notre masochisme aigri.
Une preuve ? Quels sont les grands débats de notre élection présidentielle ? Un nouvel élan pour l’harmonisation sociale du continent ? La reconquête européenne de son glorieux passé méditerranéen ? L’affirmation de nos ambitions universaliste et la régénération des grandes institutions mondiales telles le tribunal pénal ou l’ONU ? Non, juste l’utilité comparée d’un ministère dédié à la bonne définition de la nationalité avec l’intérêt d’avoir un drapeau à exposer à ses fenêtres…
S’occupe-t-on d’inventer une citoyenneté qui harmoniserait celles exercées au sein des régions, des pays et de l’Europe, qui fluidifierait l’exercice des pouvoirs régionaux, étatiques, supranationaux ? Non, on pérore sur les méthodes musclées de coercition des ” déviants ” et l’on cherche à segmenter la société en autant de corporations et de communautés qu’il y a d’intérêts myopes et mesquins.

L’utopie universelle et volontaire accouchée par les traumatismes d’un siècle de sang et de fureur est aujourd’hui étouffée par notre paresse satisfaite et notre pusillanimité non assumée.
Mais sortons de ces chamailleries de cours de récréation ! Nous avons la possibilité de nettoyer nos rues de la misère. Nous avons la chance d’avoir les moyens de préparer notre société au changement climatique. Nous avons les moyens de moderniser nos rapports sociaux et nos institutions. Nous avons l’opportunité de réconcilier toutes les générations de notre société. Il faut juste décider et accepter le changement, un changement volontaire et pacifié, une grande et belle nouvelle utopie pour ce siècle.

Bonnes fêtes de fin d’année

Toutes mes excuses pour la rareté de mes posts en ce moment, mais ce contre-temps est dû aux mauvaises relations entre Free et France Télécom : ma ligne ADSL est en rade depuis début novembre et bien que le diagnostic soit clair (qualité de connexion très dégradée et boîtier FT qui pendouille sur la façade), l’opérateur historique ne se trouve aucune obligation d’un quelconque service à rendre…

En tout cas, j’espère que nous aurons tous collectivement assez d’énergie pour améliorer notre société en 2007. Il y a temps à faire !