Les symboles d’une fin de campagne

Europe

Nous voici au bout de la semaine et de la campagne des européennes. Étrange campagne en vérité.

L’ump a surtout eu le soucis de ne faire qu’un service minimum. Vous souvenez-vous d’un message de leur part ? Tout au plus se souvient-on de Rachida Dati dans un état second devant les jeunes UMP ou ces derniers jours de Barnier achetant aux agriculteurs le droit de ne pas mettre le souk, ce qui serait préjudiciable à son élection à un siège qu’il n’occupera vraissemblablement que peu de temps puisque son ambition est d’avoir un poste de commissaire.

Le FN nous a fait du Le Pen vieillissant mais à regarder les résultats des pays bas, on a toutes les chances de les voir en très bonne place dimanche. Et oui, l’extrême droite ne pèse pas grand chose, mais ils savent se mobiliser et quand on pèse 5% dans une élection avec une abstention à plus de 60%, cela fait mal. Restez chez vous dimanche braves gens, Jean-Marie passera boire le café en fin d’après-midi…

Bayrou et le Modem : ni plus ni mois qu’égal à lui-même. Ils feront sans doute leur score habituel ce qui est plutôt bien pour un parti qui tient plus du concept que de la réalité. On regrettera tout de même que l’affable Bayrou soit tombé en cette fin de campagne dans les effets de manches de l’agitation médiatique stérile. Cela n’a-t-il déjà pas fait assez de mal en 2007 ?

Le front des antis, une fois encore, n’est en mesure que de plomber la gauche. Emietté, au message revendicatif mais dont on ne voit pas l’objectif constructif, son score ne servira qu’à faire passer la majorité relative de gauche qui se dessine en une minorité de sièges, au profit de Sarkozy en France, de Barroso en Europe.

Les écologistes version Cohn-Bendit nous proposent un retour à des scores non négligeables. Est-ce étonnant à l’heure du changement climatique ? Dommage que le PS ne se soit pas battu sur ce sujet en particulier, qu’il n’ait pas montré quel est le chemin parcouru depuis la présidentielle.

Oui, le PS enfin. Le parti n’a pas fait une mauvaise campagne en soit, mais il n’a tout simplement pas fait assez campagne, paralysé qu’il est par les scories de la présidentielle qui n’en finit pas de finir. L’agonie est encore plus pénible que le post-mitterrandisme ! J’ai parfois l’impression que le parti a peur de gagner dimanche, peur d’aller chercher les quelques points qui le séparent de l’ump. Dimanche, la gauche aura très probablement une majorité pour elle. Mais cette majorité étant morcellée et couplée à un mode de scrutin tellement particulier, que l’on risque bien d’entendre l’ump claironner sa satisfaction alors que les 3/4 des français auront exprimé un refus cinglant de leur politique.

La proximité de l’anniversaire du 6 juin m’inspire une réflexion amusée. C’est un peu comme si la France, sous le joug d’un libéralisme qui l’a menée à la catastrophe actuelle, savait que les libérateurs allaient débarquer mais qu’ils n’avaient plus assez d’instinct de survie ou de volonté de vaincre, pour en finir avec un système qu’ils condamnent. Obama a vaincu Bush, les Démocrates ont vaincu les ultra-libéraux républicains, ils ont réalisé une révolution intellectuelle incroyable (jugeons-en par exemple avec la nationalisation de GM), ils nous ont montré que cela pouvait être fait, et pourtant certains hésitent encore à faire juste un petit geste : mettre le bon bulletin dans l’urne.

Dimanche, les sondages annoncent que le vent de libération arrivera de Bretagne. Il ne tient qu’à vous que ce vent soit assez fort pour souffler sur toute la France.

L’union européenne terre d’avenir pour l’Islande

EuropePeut-être sommes-nous depuis trop longtemps au sein de l’Europe pour bien saisir combien l’Union représente un espoir d’avenir pour les peuples.

Peut-être avons-nous baissé trop longtemps les bras devant l’idéologie dominante du laissez-faire le marché, tapez dans la caisse et méprisez les lendemains et que nous avons perdu la volonté de renverser l’ordre établi, pour promouvoir ne serait-ce qu’une République social-démocrate en France sur le modèle classique des autres pays européens.

Et bien les Islandais viennent judicieusement de nous montrer le chemin à suivre pour le prochain vote. Après avoir viré avec pertes et fracas le gouvernement libéral qui avait mis leur État en faillite, leur nouveau gouvernement social-démocrate s’apprête à demander leur adhésion à l’Union dans les plus brefs délais.

Pensez-vous pouvoir agir plus vite que les Islandais en virant les dirigeants calamiteux avant le crash final ?

Du monde, d’Europe et d’ailleurs

Avril 2009.

G20

Tout d’accord, quelques excuses pour la baisse de fréquence de mes posts mais la création de mon entreprise me prend beaucoup de temps en ce moment. Il y avait pourtant pas mal de choses à dire. Je me limiterai ici à quelques réflexions sur la politique internationale.

Sur le G20 d’abord. Beaucoup a été dit, parfois peut-être un peu sous l’effet d’un enthousiasme qui était sans doute surtout un gros ouf de soulagement passager. Qui sont les gagnants ?

D’abord, la confiance, cette confiance que j’avais décrite comme impossible en octobre dernier tant ses animateurs manquaient de crédibilité est soudain revenue grâce à ce G20. Il est vrai que nous sommes passé d’une mousse médiatique à un Obama qui décide, un Strauss-Kahn qui est à la manœuvre pour le FMI et à un Gordon Brown qui a réussi l’organisation de ce sommet.

Il y a Obama bien sûr, l’homme qui a en quelques semaines effacé Bush, l’homme qui a rendu l’Amérique à nouveau un peu plus sympathique.

Le FMI incontestablement qui a obtenu un renforcement de ses moyens d’action et une reconnaissance certaine de sa nouvelle orientation plus équilibrée, plus régulatrice, plus pro-active, enterrant de facto l’ère ultra-libérale de l’institution.

L’Europe aussi, ou plutôt l’idée d’une union qui agit de façon concertée et, même si Merckel et Sarkozy n’ont pas individuellement “brillé”, le moteur franco-allemand de cette Europe.

Les perdants ? Les banquiers aventuriers de la finance et peut-être, les fameux paradis fiscaux, bien que l’on se soit contenté de les montrer du doigt en se préservant bien d’en dévoiler la réalité, c’est à dire d’expliquer aux bons citoyens quels rôles jouent ces paradis dans l’économie du monde visible, quelle est la part de l’argent criminel dans cette économie du monde sombre et quel rôle ont joué… les États dans ce monde sombre. Ceci explique pourquoi le Delaware ou encore les îles anglo-normandes ont mystérieusement disparu de la carte et pourquoi Monaco n’est signalé que comme un paradis gris.

G20 Obama Brown BerlusconiDernière chose sur ce sommet, la photo de Berlusconi copain comme cochon avec Obama et Brown m’a beaucoup amusée : de l’art d’être sur la photo… J’espère simplement que l’ère de tous ces politiques de peu d’intérêt qui font leur notoriété en volant au secours de la victoire pour avoir sa collec’ de photos et ainsi, tels des gamins, faire savoir “qu’ils y étaient”, fera rapidement partie du passé au profit de ceux qui, dans la lumière ou dans l’ombre, “font” la victoire par leur réflexion, leur compétence, leurs actions.

Autre sujet, la Turquie. Europe oblige, tous ceux qui ne veulent pas d’Europe vont nous expliquer doctement que la Turquie c’est du vilain pas bô (et donc qu’il ne faut pas voter pour ceux qui veulent construire l’Europe). Quel décalage entre ce G20 qui prône la coopération et l’action collective et ces faiseurs de peu qui n’ont d’autres atouts que quelques vieilles sauces recuites… Alors permettez-moi de défendre ma vision, ou plutôt les éléments qui constitue ma vision de l’Europe.

Je défends une vision historique de l’Europe, celle qui fit la gloire des terres du nord comme du sud (union Hanse-Méditerranée).

Je défends une vision civique et sociale de l’Europe faite de liberté, d’union et de solidarité, d’équité en attendant un jour un niveau certain d’égalité entre les citoyens européens, de coopération de et protection de ces citoyens.

Je défends une vision économique commune, volontaire, solidaire, protectrice : développement et protection des infrastructures et services publics européens, des solidarités économiques internes, une ouverture honnête mais régulée vers l’extérieur.

Je défends une vision de diversité culturelle : je ne veux pas d’européens “culturellement moyens”, mais bel et bien des identités régionales saines, amicales et ouvertes sur les échanges.

Dans une telle vision, on voit mal où être turc, islandais ou habitant du patelin d’à côté est une question en soit.

L’Europe est une énergie, une volonté, un espoir, une destinée commune, pas un je-ne-sais-quoi géographico-politico-religieux.

Brève du monde

DSK FMI Dar Es SalaamPendant que certains se cachent la face pour ne pas voir l’ampleur des problèmes, pendant que d’autres agitent la mousse des paradis fiscaux en oubliant d’expliquer comment ils avaient accepté et alimenté la machine infernale, pendant que d’autres encore ne sont toujours pas convaincus de la nécessité d’une réelle coopération internationale entre États, le FMI et son directeur en tête, participe à une réunion internationale à Dar es Salaam avec les dirigeants africains sur le sujet d’un renforcement de l’action du FMI sur le continent.

Quelques unes des orientations de ce sommet :

  • Amélioration de la surveillance du FMI sur la politique de tous ses membres, dans un esprit d’équité ;
  • Extension des moyens de financement du FMI et de leur accessibilité aux pays à bas revenus;
  • Consolidation du processus d’allègement des dettes en ajustant la structure de financement des dettes du FMI pour s’adapter aux besoins de nouveaux financements de l’Afrique et aux opportunités ;
  • Accélération des réformes de gouvernance de FMI pour augmenter le poids des voix de l’Afrique et la représentation à tous les niveaux de l’institution
  • Amélioration des règles de dialogue entre le FMI et ses membres africains, y compris pour l’aide technique, pour assurer que la politique des pays africains profite de l’expérience du FMI et de son expertise ;
  • Renforcement du rôle catalytique du FMI pour démultiplier le financement public et privé pour les besoins d’infrastructure critiques de l’Afrique.

Il serait sans doute bon que cette réunion inspire celle à venir du G20, avec en exergue une phrase de Dominique Strauss-Kahn : “Le monde entre dans une grande récession bien au-delà d’une croissance 0“.

Alors, il est toujours ultra-libéral le FMI ?

Si le réalisme pouvait venir d’Afrique

Un Tsar défiant nos renoncements

Le puzzle du monde est en train de se recomposer. Peut-être que pour nos yeux déconnectés de l’urgence de la survie et blasés par tant de bruits et et fureurs télégéniques, l’aventure russe en Ossétie n’est-elle qu’une distraction estivale pour militaires en mal de revanche, mais je crois pour ma part qu’il s’agit là d’un soubresaut très symptomatique du rééquilibrage géopolitique en cours.

Quand ce rééquilibrage a-t-il commencé ? En 1989 à la chute du mur de Berlin ? Symboliquement sans doute. Mais cette date correspond à la fin de l’erreur communiste, pas à celle du bloc qui lui faisait face depuis tant d’années. Ce fut la fin de l’affrontement du modèle collectiviste dictatorial contre un modèle jusqu’alors libre et globalement démocratique.

Non, la bascule est sans doute à trouver quelque part dans une des guerre d’Asie occidentale, entre Irak et Afghanistan, guerres étranges s’il en est, entre cynisme mercantile, fanatisme religieux partagés et plus ou moins avoués, ou peut-être simplement guerre de remplissage du vide laissé par la fin de la guerre froide. L’Amérique devenue en apparence omnipotente par manque d’un adversaire à sa taille, s’en est inventé un, Al Quaïda, chimère ou ectoplasme que l’on voit en chaque endroit mais dont la substance est aussi insaisissable que son icône barbue. Al Quaïda, le mister Hide de l’Amérique… Depuis elle s’épuise dans un combat qu’elle ne peut pas gagner, ni militairement ni idéologiquement. Depuis l’URSS redevenue Russie s’est adaptée au monde et forte de ressources qui manquent à ce dernier à l’heure de la rupture énergétique, a repris confiance et s’enhardit à reconquérir les confetti perdus de sa gloire passée

Qui sera à même d’arrêter la charge des cosaques russes ? L’Amérique militairement dispersée, économiquement au point d’équilibre entre déroute et rebond, ne fera rien pour sauver quelques vallées à la frontière de l’Europe.

L’Europe sans cap politique renouvelé, sans identité réaffirmée, sans leadership efficace, sans figure emblématique, ne pourra pas faire beaucoup plus que ce qu’elle a fait en se précipitant à Moscou pour signer un texte de cesser le feu qui donne quitus au vainqueur, qui ignore la conscience viscérale du danger ressenti par les pays de l’Europe de l’Est. Étrange parfum de Munich pour un Daladier réincarné et expéditif…
La Russie remplit le vide que nous n’arrivons pas à combler. Finalement, elle ne nous menace pas vraiment, elle révèle les menaces que nous avons nous-mêmes laissé prospérer en ne prenant pas politiquement la mesure de la chute du mur de Berlin, en laissant flotter l’Europe sur sa lancée technocratique, en nous berçant d’illusions sur un parfum de gloire passée, en ne forgeant pas un nouveau destin, un nouveau citoyen européen irrigué d’un passé certes conflictuel, mais politiquement et intellectuellement brillant, et surtout un citoyen demandeur d’avenir commun, d’un projet à la hauteur de l’ensemble de son histoire.

Le Tsar Poutine ne s’arrêtera que si nous sommes capables de l’éblouir à nouveau. Il n’a que faire des faibles.

Cracher sur le Lama

Le Dalaï-lama rend visite à la France cette semaine. Enfin, plutôt aux français parce que la présidence de la République (à l’exception des sénateurs) a décidé de le snober.

Cette soudaine affirmation de la laïcité élyséenne ne manquera pas de surprendre ceux qui ont pu suivre les aventures sms du chanoine de Latran, mais elle est surtout hypocrite et destinée à justifier une position acrobatique de la diplomatie élyséenne suite à des maladresses successives concernant le voyage express de Nicolas Sarkozy à Pékin.

Après tout, que ce dernier ait décidé de passer quelques heures en Chine pour assister à l’ouverture des JO est à l’origine anodin et sans grande impacte : sa présence aurait pu simplement être présentée comme un hommage à l’olympisme et à l’amitié entre les peuples et l’affaire aurait été pliée. Mais non, il a fallu qu’il se mette lui-même la pression en liant l’affaire à des gestes immédiats entre chinois et tibétains, ce qu’il ne pouvait obtenir et ce qui pour cet événement précis aurait dû  concerner en premier chef le CIO, le Tibet et la Chine. Et si la résolution immédiate du problème lui avait été à ce point primordiale pour l’Elysée, nous aurions pu également ne pas aller à Pékin et nous contenter de déléguer un ministre, sans tambour ni trompette.

Enfermé dans ce non sens, nous nous sommes donc retrouvé à Pékin en dépit du préalable que nous avions nous-mêmes fixé et en donnant l’impression de céder aux injonctions de l’ambassadeur de Chine à Paris.

Nous aurions pu nous contenter d’être ridicule et faible, mais avec la visite du Dalaï Lama, les conseillers de l’Elysée nous encouragent à boire le calice jusqu’à la lie. Cette fois, on nous explique qu’il n’y aura pas de rencontre entre Sarkozy est lui puisqu’il n’est pas un chef d’état, mais un chef religieux.

Excuse en forme de tautologie ! Le chef spirituel bouddhiste n’a jamais revendiqué un quelconque statut de chef d’Etat et s’il se bat pour le Tibet, c’est pour éviter la sinisation forcée des tibétains et la destruction de leur culture. Pourquoi sortir un tel argument si ce n’est pour cacher par une absurdité une autre absurdité ?

Même si cet argument devait être retenu, cela signifie-t-il qu’à partir de maintenant la France ne rencontrera plus aucun représentant de religions ou de groupes spirituels et philosophiques. Cela s’appelle de l’ostracisme pour le moins…

Sur le fond, ce qui m’attriste le plus c’est que la France, avec son passé et ses idéaux, n’est plus capable de respecter un prix Nobel de la paix qui au fond vient lui rendre hommage. Osera-t-on aussi prétexter une clause religieuse si Desmond Tutu nous honorait de sa présence ? Que trouvera-t-on à opposer à Nelson Mandela ? Shimon Peres ne serait-il pas par hasard représentant d’un état où la religion occupe trop de place ? Et en creusant un peu, ne devrait-on pas déclarer Al Gore persona non gratta pour ne pas fâcher l’administration républicaine américaine ? Ne risquerait-on pas de s’attirer les foudres de la finance internationale si on accueillait Muhammad Yunus ?

Que la liste est longue des hommes et femmes de bonnes volonté dont l’action a changé positivement le monde et qui risquent maintenant d’être traitées avec mépris par ce gouvernement, juste pour justifier son amateurisme ou sa lâcheté. Comme notre pays a changé, lui qui naguère se voulait être la lumière illuminant le monde, et qui n’est plus qu’un hôtel pour dictateurs en mal de shopping de luxe.

Bulles et boulettes

Février 2008. Papy Marx nous a légué une réflexion sur le capitalisme qui a chatouillé le XIXème siècle et mis le XXème sans dessus dessous, mais qui au final, s’est révélée inefficace pour corriger les excès de ce monde, et fort douloureuse pour les peuples.

Parmi les erreurs de conception qui ont mené à l’échec, j’en retiendrai ici deux : une pensée newtionienne totalement déterministe (action implique prédiction de réaction, de ce principe découla nombre de théories économiques et d’outils inadaptés telle que la planification et le collectivisme), et second élément, l’idée qu’une analyse est indépendante de son environnement, de la structure même des sociétés. Or les sociétés de la fin du XIXème siècle, jusqu’à la 1ère guerre mondiale, étaient des sociétés très figées, stables (même dans leurs conflits et le colonialisme en fut un des résultats), faite d’optimisme sur ce que sera demain. Toute la fin du XXème siècle fut l’illustration du décalage entre le monde selon Marx et le monde réel fait de mouvement, d’émergence et de renaissance. Le mouvement n’est probablement pas fini et la mondialisation n’en est que la plus flagrante illustration.

Du coup, papy Marx étant renvoyé aux erreurs de l’histoire, le capitalisme s’est libéré du frein marxiste pour n’avoir d’autres horizons que… lui-même. Il me vient cette image : nous sommes passé d’un monde d’intérêts (a priori) opposés entre le salarié de Germinal et le patron repus dont le capital s’exprimait en usines fumantes, à un monde où une partie du capitalisme s’est détaché pour devenir antagoniste et du salarié, et du patron.

Cette excroissance du capitalisme, c’est le capitalisme financier qui partant du mécanisme boursier destiné à construire les usines de notre patron du XIXème siècle, en est arrivé à s’abstraire totalement de la réalité et à s’auto-alimenter spéculativement en pariant sur la rapidité des échanges et sur ce que sera demain. Ce capitalisme là profite à plein de la mondialisation, mais en tant que parasite, pas en tant qu’acteur construisant une nouvelle réalité ; dans cette sphère, l’argent n’est plus lié à la valeur des choses (en l’occurrence des entreprises, de leur marché, de leur savoir et savoir-faire) et réussit à imposer une logique qui souvent implique de tuer une entreprise, simplement parce qu’elle ne génère pas assez de mouvement, de possibilités spéculatives. C’est la fuite en avant des invasions dévastatrices de criquets.
Dans nos sociétés devenues mouvantes et sans visibilité sur l’avenir, le capitalisme financier est devenu à la fois l’adversaire du salarié (à moins qu’il ne tire ses revenus de la finance) et de l’entrepreneur (dont le projet peut à la fois être viable et pas suffisamment rentable pour mériter d’être financé). Le cas des chausseurs de Roman ou du jouet français illustre très bien cet état de fait : une marque peut temporairement avoir plus de valeur que ce sur quoi elle s’appuie. Dans cette optique, vendre la marque et liquider l’entreprise a un sens. Dans le vrai monde, c’est simplement une tragique stupidité.

En bout de course, on peut quand même se demander si la sphère financière qui détruit notre présent, a un intérêt qui compenserait le désastre immédiat. Difficile d’être catégorique, mais c’est peu probable, d’une part parce que ce qui est détruit ne peut facilement se reconstruire et que si on veut le faire, ce sera extrêmement plus couteux que ce qu’a rapporté la destruction, et que d’autre part, le mouvement de fuite en avant de la sphère financiaire est régulièrement stoppé par l’éclatement de bulles spéculatives (la réalité est têtue, on ne crée pas de la richesse avec rien). Rien qu’au mois de janvier, on estime par exemple à 5000 milliards de dollar les dégâts causés par la crise des subprimes (qui sont de la spéculation sur le financement des habitations).

A l’arrivée, si notre monde n’est plus déterministe, causal, si la réflexion ne peut plus se concevoir une fois pour toute et détachée des sociétés humaines, mieux vaut envisager des politiques économiques qui s’ancrent dans la réalité et combattre sans relâche les mécanismes qui s’en détachent en gardant la possibilité de la détruire. La sphère financière doit être contrôlée par des mécanismes qui expriment l’intérêt des peuples.

Une bombe sous le sapin

Décembre 2007. Au Noël dernier, j’écrivais un post sur l’exécution de Hussein, post où j’exprimais à la fois une certaine satisfaction de voir un dictateur puni et mon regrêt de ne pas voir la démocratie suffisamment progresser pour dépasser ce niveau de barbarie que représente la condamnation à mort, fusse d’un tyran sanguinaire.

Hélas, comme un tragique raccourci d’une histoire qui se répète sans vraiment oser bégayer puisque cette fois c’est l’espoir démocratique que l’on a essayé d’abattre, c’est sans nuance aujourd’hui que je me retrouve à écrire un nouveau post sur l’assassinat tragique de Benazir Bhutto.

Benazir Bhutto

De son assassin, il ne restera que du sang sur le pavé. De ceux qui l’ont endoctriné au point de nier jusqu’à la raison même de son passage sur cette terre, il ne restera que le mépris de l’histoire attribue à la cohorte inutile des âmes à jamais perdues.

Mais de cette femme, il restera un exemple, un symbole, il restera le souvenir que l’impossible est réalisable, qu’un peu de liberté et de démocratie peuvent éclairer un pays rongé par l’obscurantisme de ceux dont la haine des autres a remplacé le sang dans leurs veines, qu’une femme peut tracer la voie dans les pays où celles-ci sont parfois à peine considérées comme faisant partie de la race des Hommes.

De la révolution française nous avons appris l’incroyable force des symboles alors je sais qu’après que Benazir Bhutto ait rejoint le Panthéon de ceux qui ont un jour un peu éclairé notre monde, d’autres prendront la relève, comme elle-même avait pris la relève de son père.

Merci Madame pour ce que vous avez eu le temps de faire sur cette Terre.

Quatrième rapport du GIEC sur le changement climatique

“Le réchauffement du système climatique est sans équivoque, comme le prouvent les observations des accroissements des températures moyennes mondiales de l’air et de l’océan, de la fonte largement répandue de la neige et de la glace et de la montée du niveau moyen mondial de la mer. (…)”

Vous pouvez lire la suite de la traduction (trouvée sur le web) du 4ème rapport du GIEC en cliquant ici.

Un nobel qui dérange

Octobre 2007. Le destin est décidément très facétieux en ce moment.

Il y a quelques semaines, je parlais de l’élection de DSK au FMI en relevant l’extraordinaire déphasage entre un DSK snobé par son camp au profit d’une candidature certes bien markettée mais au final totalement non crédible, puis plébiscité par les décideurs de ce monde. Aujourd’hui, par un prix Nobel de la paix décerné à Al Gore et aux membres du GIEC, nous assistons finalement à une retentissante rebelote dans cette partie de carte décidément peu rationnelle. Al Gore, c’est, comme il se présente lui-même, cet ex-futur président des Etats Unis qui s’est fait évincer de la présidence après un décompte de voix pour le moins “pittoresque”. Evincé par un personnage qui lui-aussi était fort bien marketté et lui aussi totalement vide, si ce n’est de fureur, de larmes et de sang inutilement versé.

Al Gore prix nobel

Ces retournements de situation personnelle augurent-ils d’un espoir de retournemet général de situation ? Pas si évident si l’on en juge aux réactions qui ont suivi l’annonce du Nobel. On a vu fleurir un tas d’articles expliquant l’imposture, avançant le doute, postulant l’existence d’une autre vérité qui forcément est ailleurs.

Mais quelqu’un a-t-il démonté l’élément majeur qui est le cœur du combat de Gore, à savoir le lien direct et causal entre le taux de CO2 dans l’atmosphère et la courbe de températures ? Non, absolument aucun article scientifique ne réfute ce lien. Par contre ces commentaires ne se privent pas d’utiliser des déclarations frisant parfois le grotesque pour instiller le doute. Un juge anglais n’a-t-il pas décidé qu’en l’absence d’un nombre suffisant de cadavres d’ours polaires, on ne pouvait conclure à un impact du réchauffement sur ceux-ci (ah si les ours avaient la bonne idée de mourir noyé sur la terre ferme !). Et si les neiges éternelles du Kilimandjaro ont fondu, c’est assurément à cause d’un phénomène extérieur au réchauffement climatique (sans doute les ours polaires qui sont venus faire du camping…). Et puis, chacun sait bien qu’il s’agit d’un phénomène cyclique (même si le taux de CO2 actuel n’a aucun équivalent dans aucun cycle connu).

Pourquoi tant d’aveuglement, de déni ? Parce que la psychologie humaine est fondamentalement réticente au changement, voire terrorisée par un changement radical. Alors oui, notre société est au bout du rouleau et il nous faudra forcément choisir celui ou celle qui demain aura les capacités et le courage de la changer en profondeur, et oui, notre climat est en passe de subir un changement radical et il nous faudra forcément choisir celui ou celle qui demain aura les capacités et le courage d’affronter un changement aussi extraordinaire que périlleux.