Passeur de monde

bebeJe ne fais pas partie de ceux qui croient ou feignent de croire que depuis que François Hollande a été rélu rien n’a été fait, qu’aucune promesse n’a été tenue. C’est faux et il suffit de suivre ce baromètre des engagements pour s’en assurer : à ce jour 47 des 60 engagements électoraux ont bien été tenus.

Formellement, si quelque chose doit être reprochée au Président, ce n’est pas un dédit post-élection. À vrai dire, il me semble que le désamour vis-à-vis de l’exécutif vient surtout du fait que notre système électoral est en lui-même un vaste mensonge : les raisons pour lesquelles une personne est élue n’ont que rarement un rapport avec l’objet de son mandat. François Hollande a été élu parce que les Français ne supportaient plus Nicolas Sarkozy et qu’il ne portait aucun stigmate rédhibitoire aux yeux des électeurs qui se sont déplacés. C’est suffisant pour gagner une élection mais cela ne dit rien des éléments favorables ou pas qui permettront de mener à bien un mandat. Et si faute il y a, elle incombe autant à l’élu qu’aux électeurs, et elles pèsent encore plus sur ceux qui sont restés chez eux dans un confort protestataire de révolutionnaire de comptoir.

Et quelle part pèse sur moi qui vous écrit et sur vous qui me lisez ?

Je suis prêt à plaider coupable d’avoir globalement vu les changements à venir et les voies possibles mais de n’avoir pas réussi à les faire comprendre et partager. Je plaide également coupable d’avoir cru (ou de m’être convaincu) que le système administratif et politique pourrait accoucher d’un groupe de personnes qui comprendrait ces changements et pourrait mettre en œuvre les profondes réformes nécessaires. Je sais pourtant qu’aucun système n’est en mesure de se réformer lui-même. Les perturbateurs capables de générer une restructuration sont toujours exogènes. Aucun esprit aussi brillant soit-il n’est en mesure de réformer l’État s’il a été formé pour servir l’État et aucun personnage politique n’est de lui-même en mesure de changer un système qui est à la fois sa maison et son horizon.

La parité, le non-cumul des mandats et la réforme territoriale auraient pu être des perturbateurs assez puissants mais ils ressemblent de fait plus à un long chemin de croix qui n’arrivera qu’à produire une machine à eau de boudin.

Sommes-nous condamnés à l’impuissance et aux regrets voire aux larmes ?

Je n’en crois rien. Nous avons beau pleurer sur notre sort et goûter avec délectation l’auto-dénigrement, nous sommes un peuple riche, éduqué et en bonne santé physique et démographique. On a vu pire comme base pour affronter le destin.

Pour nous relever de notre apathie, il nous faut d’abord nous débarrasser des scories qui nous paralysent et redonner un sens et un corps aux valeurs qui nous structurent. Les idéaux de liberté et d’égalité de 1789 ont-ils vraiment gardé le même sens dans notre monde ? Dans une société numérique philosophiquement libertaire, économiquement intrinsèquement libérale mais marxiste par nécessité, comment pouvons-nous espérer conserver des lois et une organisation d’un temps révolu ? Et comment pouvons-nous projeter le destin d’un peuple a travers la tempête du changement climatique ?

Je suis plus que jamais convaincu que la réponse émergera de la pensée et de l’initiative des citoyens. La force vitale de la démocratie vient de ses citoyens, pas de ses institutions. Le citoyen a la légitimité du nécessaire changement perturbateur. Mais cela ne peut se faire qu’en renouant le lien entre nous, en nous donnant les moyens de la cohésion, en remettant au clair nos idéaux, et surtout, surtout, en allant chercher tous ceux qui ne sont pas à même de passer seul le Rubicon. Les changements fondamentaux ne sont jamais souhaités, ils font beaucoup trop peur. Ceux qui ont la lucidité et en ont la force doivent aller chercher tous les autres pour les faire passer sur l’autre rive. Le changement ne peut pas être le fait d’une minorité qui abandonne les autres.

La démocratie offre bien des moyens d’expression à ses citoyens. Nous devons retrouver et réaffirmer des idéaux communs. Nous devons retisser le lien et alors nous pourrons redonner à la République une forme en phase avec l’urgence de l’époque et une vision commune et sereine de l’avenir.

Jusqu’ici tout va mal…

noaa-avril-2014Pas le temps de s’apitoyer sur la défaite des européennes (c’est quand la dernière fois où les électeurs nous ont fait confiance sur cette élection ?) ni de  s’étendre sur la dislocation de l’UMP (quand l’argent est une valeur, on finit toujours par périr par l’argent). Quant au FN, même avec un marketing efficace et un relookage « sois propre sur toi et souris sur la photo« , il reste un parti dont la valeur principale est la détestation partagée de l’autre ce qui mène là aussi inévitablement à la dislocation (de la société en l’occurrence).

Non, ce qui me préoccupe aujourd’hui ce sont les dernières statistiques sur la bascule climatique. S’il ne reste plus grand monde pour nous expliquer que l’homme n’y est pour rien et que c’est un phénomène cyclique, cette bonne blague est maintenant à ranger au rang de l’anecdote au regard de ce que l’on constate.

Aux États-Unis, ce printemps a été le plus chaud depuis le début des prises de mesures, les records s’enchaînent et en France avril a été au 5ème rang des mois d’avril les plus chauds depuis 1900.

Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont pour la 1ère fois de notre histoire dépassé 400 parties par million (ppm) contre 278 ppm au début de l’ère industrielle.

Dit autrement, il est plus que probable que l’on reverra des hivers avec des tempêtes qui ressemblent de plus en plus à des ouragans (drôle de mot sur nos côtes), que toutes les villes côtières vont devoir prendre des mesures soit pour protéger les constructions en front de mer, soit pour les évacuer, que l’on attend de voir si cet été va tourner au climat tropical ou désertique et s’il faudra renommer les pluies d’automne « mousson ».

Cette fois on y est. Si l’État continue à être paralysé il faudra s’en passer. L’époque a au moins cela de positif que c’est possible, les citoyens ont les moyens d’agir et de faire lorsqu’il y a carence. C’est peut-être cela la VIème République.

201404

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Pour approfondir :

 

Changement climatique : confirmation et alarme

IPCC_Working_Group_II_2014-03-31_18-55-43Le GIEC vient de publier son nouveau rapport sur le changement climatique en cours.

 

Ce nouveau rapport fait le point sur les impacts prévisibles et donnent des recommandations urgentes.

Il confirme l’impact de nos comportements sur le climat, appuie sur les effets catastrophiques prévisibles (sécheresses, érosion, submersion, sécurité alimentaire, extinctions massives d’espèces, …).

 

La bataille de l’augmentation de 2°C semble perdue et si nous perdons celle des 4°C, notre situation serait au-delà du préoccupant. Changement climatique : Publication du Rapport… par developpement-durable

Il est temps de dépasser le stade des blablas simplistes et d’aborder les questions qui fâchent :

  • ingénierie climatique,
  • fusion thermonucléaire comme source d’énergie,
  • déplacement préventif de population,
  • accélération du changement de mode de consommation énergétique.

_______ Pour aller plus loin : rapport de préconisation du GIEC.

Conférence de Michel Rocard sur l’Arctique

1380729767687Michel Rocard était cette semaine à Brest pour une conférence sur l’Arctique.

J’en ai retenu l’idée principale que cette région était devenu un imbroglio juridique international suite au changement climatique en cours.

Le changement climatique d’abord contesté sur sa réalité, puis sur ses causes, provoque de façon spectaculaire une diminution de la surface de la banquise en Arctique et à moyen terme une dislocation prévisible de cette même banquise (vers 2050).

Pour la faune, l’adaptation semble devoir être celle de la migration. Les ours polaires pourraient avoir une chance de survivre en migrant vers les terres et en s’adaptant à un nouvel environnement (par eux-même ou par croisement de l’espèce avec des ours bruns), les poissons remontent vers le nord au fur et à mesure du réchauffement de l’eau.

Pour l’homme aussi, ou plutôt son commerce, ce réchauffement sonne l’heure des grands mouvements. L’ouverture des routes maritimes du pôle sont un enjeu majeur car c’est beaucoup plus court pour une large part des échanges de passer par le pôle plutôt que par Panama ou Suez. Là où cela se complique, c’est que ces routes maritimes seront sous responsabilité des pays frontaliers alors qu’il y a très peu de ports permettant d’assurer la sécurité imposées par les traités internationaux. Au premier accident, ce sera la catastrophe à tout point de vue.

Ce problème de route maritime se couple avec celui de revendications territoriales liées en grande partie à la richesse du sous-sol du plateau continental. Jusqu’ici, on ne s’était guère préoccupé de savoir qui avait des droits sur quoi. Or avec la libération des glaces, les ressources halieutiques ainsi que celles du sous-sol deviennent accessibles et très tentantes…

On regrettera hélas, que contrairement à ce qui s’est passé pour l’Antarctique qui est devenu un havre de paix et de sagesse mondiale, l’Arctique est déjà lui une source majeure de frictions. Et comme les revendications territoriales et l’exploitation de la zone ont déjà largement précédé les accords et le droit, il n’y a presque aucune chance que cette région soit gérée avec sagesse. L’histoire risque fort de retenir que les premières conséquences du changement climatique furent géopolitiques.

Climat : la grenouille commence à cuire…

Je relaie régulièrement les rapports du GIEC sur le changement climatique et ce dernier vient de livrer un nouveau rapport.

Dans cette saga qui dure maintenant depuis de longues années, je me souviens de l’époque « mais non le climat ne change pas, c’est juste un cycle » et de celle du « oui cela change, un peu, mais l’homme n’y est pour rien, c’est un cycle« . Et bien ce rapport met clairement les points sur les i, oui le climat change, oui il change même plus fort qu’anticipé, non cela n’a rien d’un cycle, oui il y a un lien entre CO2 et changement, et oui l’homme est très largement responsable.

Pour se donner un repère simple sur la situation, il suffit de se souvenir que 2 degrés Celcius en plus c’est le début des problèmes, 4 degrés en plus c’est le début de l’inconnu et 6 degrés en plus c’est la fin. La « fin » cela veut dire la disparition possible de toute vie sur la planète.

La modélisation actuelle du GIEC table selon les scénarios sur une élévation de température entre 0,3 °C et 4,8 °C pour la période 2081-2100. Parallèlement, le niveau des océans augmenterait entre 26cm et 98cm.

Je n’essayerai pas de convaincre les « incrédules par conviction« , l’augmentation du nombre et de l’intensité des événements climatiques extrêmes devraient s’en charger.

Pour les autres, ceux qui veulent agir, je les engage à faire pression autant qu’ils le peuvent sur les pouvoirs publics et les forces politiques, autant que sur eux-même. Et pas à la façon bisounours. Nous n’en sommes clairement plus à une situation où un changement de comportement suffirait à arrêter à coup sûr l’augmentation de température : nous allons devoir ouvrir le très périlleux chantier de l’ingénierie bio-climatique (je ne sais pas s’il faut l’appeler la géo-ingenierie, mais le mot importe peu). Plus nous le faisons tôt, et plus nous aurons de chances de le faire correctement et en douceur. Plus nous retardons l’échéance, et plus nous devrons jouer aux apprentis sorciers.

Le changement climatique est là, et il est plus intense qu’on ne l’envisageait il y a 10 ans. Changer de comportement ne suffira pas, il faut parier sur la volonté et la raison.

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Sources complémentaires :

Eau amère… une fois encore

innondationLes terribles images diffusées ces derniers jours après les inondations cataclysmiques du sud-ouest m’ont tristement renvoyé à trois posts que j’avais faits sur le changement climatique il y a déjà plusieurs années :

Aux inondations, on peut ajouter la même semaine les violents greleépisodes orageux accompagnés de grêle, conséquence d’une différence de 20°C entre Brest où il pleuvait et Strasbourg sous la canicule.

J’avoue être très triste en tant que citoyen et las en tant que militant. Si les scientifiques se doivent d’être prudents en matière de prédiction de l’évolution du climat, leurs modèles se sont bien améliorés depuis les premiers travaux du GIEC. Si on ne peut pas décrire avec certitude comment sera notre monde avec ce changement climatique, prévoir des épisodes météorologiques plus extrêmes dans leur fréquence et leur intensité ne relève pas de la divination mystique mais bien de la responsabilité politique.

hollande-inondation_scalewidth_961Nous en voyons l’illustration directe dans les Pyrénées : la fonte des neiges, les inondations ne sont pas nouvelles ou même rares, mais elles sont ici hors norme. Il en était de même des tempêtes Klaus ou Xynthia et il en sera de même à l’avenir, et ceci de façon certaine. On ne peut pas empêcher ces catastrophes, mais on peut en prévenir les conséquences. Il faut à la fois apprendre à redevenir humble face à la puissance des tempêtes mais aussi courageux pour se prémunir des conséquences humaines.

Même si cela n’a aucune chance d’être populaire, il faut évacuer les zones inondables et submersibles à risque, et détruire les habitations de ces secteurs. À défaut, il est nécessaire de mettre en place des plans d’évacuation en redoutant le jour où le climat viendra à bout de notre résistance au changement et de notre lâcheté à le mener.

Il est également nécessaire de progresser rapidement sur l’ingénierie climatique et ouvrir un débat sur le fait de savoir si oui ou non nous devons agir directement sur notre atmosphère : captage de CO2, augmentation artificielle de la nébulosité, dissémination de fer dans les océans, … beaucoup de pistes sont possibles, on ignore si elles sont souhaitables mais il est temps de regarder nos problèmes en face.

Je vous renvoie enfin sur deux de mes textes où cette question de la rupture climatique est traitée :

Dans quelques mois nous allons entrer en campagne, nous allons choisir nos nouvelles équipes municipales, intercommunales et dans la foulée nos députés européens, une partie de nos conseillers départementaux et nos sénateurs. À chacun de nous de poser aux candidats les questions importantes, à chacun de nous de choisir nos élus sur ce qui compte vraiment pour notre avenir et celui de nos enfants.

Hautes-Pyrénées : au cœur des vallées dévastées par lasemainedespy

 

Le développement économique en Iroise II

Le bilan carbone comme outil de gestion du défi climatique.

La première tentative de taxe carbone a avorté, en grande partie parce qu’elle mettait des territoires comme le pays de Brest dans des difficultés largement liées au surcoût des transports : espace majoritairement rural, éloignement géographique des centres de productions, réseau de transport ne permettant pas de se substituer à la voiture… Or tôt ou tard, il faudra utiliser l’arme fiscale pour gérer nos rejets de CO2.

Le choix qui se pose à nous est simple :

  • soit d’entrer en résistance pour sauver notre porte-monnaie à court terme, ce qui nous conduirait alors de façon certaine vers la catastrophe climatique
  • soit d’anticiper les mesures qui seront prises pour adopter très rapidement les bons comportements qui diminuent notre empreinte carbone.

Je défends pour ma part la seconde solution mais il faut rapidement mettre en œuvre un certain nombre d’actions :

  • promouvoir au plus près des citoyens une communication rationnelle et percutante sur nos rejets de CO2 et leur impact
  • se doter d’outils capables de donner un coût individuel en euros de nos rejets de CO2
  • favoriser les technologies et services qui permettent de faire des économies sur ces rejets

La bataille pour éviter à notre climat de ne pas avoir une température qui augmente de plus de 2°C est trop abstraite et improbable pour nos esprits : nous n’y croyons en fait tout simplement pas ou cela évoque au mieux une journée d’été ensoleillée. Or non seulement cette bataille est en passe d’être perdue mais en plus l’augmentation de température n’a rien d’idyllique et d’agréable. Il faut mettre en place des outils simples qui « parlent » à chacun, qui permettent de mettre en regard le CO2 que nous produisons ou que nous économisons avec quelque chose de simple et clair : un « livret carbone » valorisé en euros peut répondre à cet objectif. Ce livret serait crédité ou débité en fonction de notre comportement.

L’énergie, brique de base de l’économie

Même si son coût a nettement augmenté ces dernières années, nous sommes toujours dans une économie où l’énergie est abondante et bon marché. Et cela est excellent, je refuse le discours malthusien appelant au renchérissement de l’énergie pour gérer le problème du CO2.
Non seulement nous ne devons pas renchérir ce prix, mais nous devons au contraire faire tout ce qui est nécessaire pour diminuer ce prix pour idéalement l’amener à la gratuité pour la part qui est nécessaire à la satisfaction des « besoins vitaux » de chacun. Ceci est un idéal indispensable lorsque l’on prétend vouloir faire progresser notre société : l’action publique, à gauche au moins, doit viser à affranchir chaque citoyen des contraintes qui empêchent son émancipation et sa marche vers son développement personnel et citoyen.
En ce qui concerne les entreprises, l’objectif est différent mais l’impératif d’énergie à bas prix et abondante est le même. Chaque acte économique que nous faisons consomme de l’énergie. Chaque étape de fabrication ou de commercialisation cumule donc des surcoûts. On comprend alors que l’augmentation de l’énergie est un frein radical au développement économique, et que la pénurie « organisée » aboutit à l’impossibilité de croissance lorsque l’on a atteint le plafond énergétique autorisé. A contrario, une énergie abondante et peu chère est un argument concurrentiel majeur.
L’objectif est donc de développer les structures nécessaires pour disposer d’une énergie abondante et peu chère. Il n’en demeure pas moins que nous devons gérer différents les problèmes connexes déjà évoqués :

  • diminuer notre empreinte carbone (ce qui est vrai pour l’individu l’est bien sûr pour l’entreprise ou les collectivités)
  • ne pas mettre en péril nos écosystèmes en consommant plus de ressources qu’ils ne sont capables de produire.

Là aussi, l’Iroise dispose d’atouts non négligeables. Le pays est venté ce qui a permis de développer un réseau d’éoliennes terrestres. Il faut largement développer ce réseau énergétique offshore (éoliennes & hydroliennes, fermes cultivant les algues marines pour produire du bio-carburant, …). Mais il faut aussi trouver le moyen pour que la population tire un bénéfice direct de ce réseau, par des redevances payées par les exploitants par exemple. La population et les entreprises locales doivent bénéficier de la richesse climatique, ici la force des vents et des courants, c’est un bien commun dont on concède l’exploitation.
L’Iroise dispose également d’autres sources énergétiques pouvant être tirées du bois , de l’agriculture et de l’aquaculture. Ces secteurs ont l’avantage de capter du CO2. Il faut mieux organiser ces marchés.
Nous sommes clairement dans une zone géographique dont les atouts permettent d’arriver aux objectifs fixés, tant en matière de production, de coût, de réduction de l’empreinte carbone, d’abondance et de progrès pour toute la société.

Le développement économique en Iroise

J’entame ici le premier post d’une série de réflexions consacrées à l’économie en Iroise.

La pointe nord du Finistère est une zone économique tout à la fois caractérisée par un secteur primaire très présent, un pôle d’excellence technologique et scientifique avec des écoles et organismes de recherches visibles sur le territoire du Technopôle Brest Iroise, un tissu dynamique de TPE, PME, artisans et commerçants, sans oublier une attractivité touristique et résidentielle qui ne demande qu’à se développer.

L’Iroise est cependant desservie par son caractère péninsulaire à pointe de la Bretagne, ce qui a des conséquences tout à la fois économiques et démographiques : les habitants et les entreprises y naissent, y passent leur jeunesse, mais les grandes ambitions touchent rapidement les limites du territoire ce qui provoque trop souvent un départ des forces économiques vers des régions où la progression est plus facile. Peu de ces acteurs « oublient » leur terre d’origine, beaucoup auront à cœur d’y revenir ou d’y maintenir de l’emploi, mais il n’en demeure pas moins que le potentiel de richesse est souvent réalisé « ailleurs ». Ceci n’est d’ailleurs pas propre à l’Iroise, c’est vrai d’une grande partie de la Bretagne, mais le phénomène est clairement moins marqué au fur et à mesure où l’on se rapproche du centre de la France.

Les pouvoirs publics locaux et les entrepreneurs ont développé un certain nombre de stratégies pour amoindrir ce handicap en misant sur le militantisme économique local, en développant une expertise forte en matière de logistique, en développant des infrastructures de communication de qualité, etc… Tous ces efforts sont remarquables, ils sont très certainement un des éléments qui contribuent à avoir un tissu dense de TPE et PME, ils ont évité la désertification économique et démographique, mais ils ne sont pas arrivés à exploiter jusqu’au bout les atouts locaux.

Or, parmi les quatre défis qui se posent à nous (climat, énergie, démographie, numérique), il se trouve que trois d’entre eux au moins sont à même de bouleverser la donne économique :

  • le climat nous oblige à repenser la chaîne logistique de nos productions, de prendre en compte l’impact carbone de notre économie,

  • l’énergie qui pose problème à la fois parce qu’une trop grande proportion de ce que nous utilisons aggrave le bilan carbone, parce que le marché du pétrole (côté demande) risque fort de devenir de plus en plus imprédictible et soumis à de fortes tensions,

  • enfin le numérique qui change certaines règles économiques « classiques » en modifiant la géographie de chalandise et de production (territoire physique), en introduisant des mécanismes de gratuité des services, en modifiant les modèles économiques et sociaux des entreprises (on ne sait plus clairement définir où commence et où finit l’entreprise, qui est un acteur interne ou externe), en accélérant de façon incroyable les cycles de vie économique, en perturbant notre vision de la rareté et de l’abondance.

En économie, tout défi est à la fois un risque et une opportunité, l’Iroise peut éviter l’écueil des risques et tirer les bénéfices des opportunités. Les prochains articles explorerons quelques pistes pour cela.

Peplum contre Fin du monde

J’ai relevé deux évènements marquants cette semaine. L’un est d’importance planétaire, l’autre ressemble fort à un montage de mauvais film.

Le fait qui me semble le plus important, c’est le nouveau rapport du GIEC dont le niveau de constat alarmiste s’est élevé d’un cran. Jusqu’ici, nous pouvions espérer limiter la casse climatique par une gestion rigoureuse de nos émissions de gaz à effet de sert. Il n’en sera rien et la limite d’une élévation moyenne de température de 2°C ne tient plus, nous nous dirigeons droit vers 4°C. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Voici quelques vidéos extraits d’une émission de ARTE en août 2008 :

Vu son importance, cette nouvelle aura dû faire la une de tous les médias et devenir rapidement le sujet dont les politiques devaient débattre. Le PS a sur le sujet une position qui n’est pas celle de la droite mais qui n’est pas non plus celle des écologistes. Nous pouvons et nous devons agir directement sur le climat et pas seulement nous contenter de « moins polluer » et de laisser faire mère nature. Mais qui l’a entendu ?

Au lieu de cela, nous avons eu droit à un mauvais show qui aurait pu être issu d’un péplum de Cinnecita. Nicolas Sarkozy à Toulon voulait que revienne à nos mémoires ce qu’il considère comme un grand discours, celui de 2008 où il dénonçait urbi et orbi l’inanité de la finance mondiale. Depuis, infiniment plus d’eau que de décisions utiles ont coulé sous les ponts et le mauvais remake sur fond de campagne électorale qui s’annonce aura au mieux convaincu les lecteurs du Figaro, et encore ce n’est pas sûr.

Pendant du discours sakozyste, Angela Merkel est elle aussi montée à la tribune. Le message n’est pas exactement le même mais essaie globalement d’aller dans le même sens. Ce qui diffère le plus, c’est la position relative des deux dirigeants. D’un côte le président de la « bonne et de la mauvaise dette » qui a échoué sur absolument tout ce qu’il a entrepris au point de se renier et de devoir annuler des lois qu’il avait présentées comme irréversibles, de l’autre une dirigeante qui ne recueille pas forcément un soutien sans faille dans son pays, mais qui a au moins à son actif un pays dont la solidité économique lui permet d’avoir le verbe haut et d’imposer ses vues. Dire qu’en 2000 avec le gouvernement socialiste la situation était exactement inverse ! Le procès en impérialisme version néo-bismarkisme est cependant tout à fait excessif à mon sens. Contrairement à la situation de Napoléon III avec qui Nicolas Sarkozy fait écho aujourd’hui, il n’y a pas de piège de l’Allemagne pour assoir sa domination. Nous sommes faibles et l’Allemagne forte parce que depuis 10 ans ils ont fait de bons choix (merci d’ailleurs aux sociaux démocrates de Schröder) et nous de mauvais (aucun merci à donner aux libéraux de l’UMP). Sur ce point, je trouve le discours de Merkel  particulièrement respectueux de notre souveraineté.

Ces deux discours ont leur importance, mais ils ne peuvent nous satisfaire. D’abord parce que les choix avancés sont très techniques, liés à un monde qui a montré tout le mépris qu’il portait aux peuples, ce que nous voyons d’ailleurs en filigrane lorsqu’on nous explique que nous allons converger vers une intégration budgétaire. Sans doute est-ce censé, et on peut donner quitus aux Allemands de savoir ce qu’il faut faire en matière de rigueur (contrairement à l’UMP qui n’a en 10 ans juré que par la dette), le problème étant que l’on refuse aux peuples un autre choix que l’accord définit par l’Allemagne. Pas sûr que cela se passe bien…

La question de la dette européenne est une question de banqueroute ou de non banqueroute. C’est une question de technicien qui ne doit pas occulter le libre choix des peuples, c’est surtout une question qui mériterait qu’elle ne soit pas dévoyée par le candidat Sarkozy au profit d’une mauvaise dramatisation.

La question du climat est une question de survie des peuples. Il est urgent de s’en emparer, avec gravité et responsabilité. L’objectif n’est pas de provoquer la panique, mais de se choisir en connaissance de cause des hommes et des femmes politiques qui comprennent profondément cette question et ses enjeux et qui sont prêts à se battre pour l’intérêt collectif. Manifestement la droite ne nous propose pas cela, alors que je sais que la gauche a en son sein des hommes et des femmes de cette qualité.