L’envers de la vision future du passé

Connaissez-vous les aymara ? Ce peuple d’Amérique du Sud, outre son goût particulier pour les chapeaux, possède une particularité psycho-linguistique unique :
il rattache le passé à ce qui est vu et le place donc naturellement devant eux, alors que le futur est pour eux situé derrière eux car demeurant invisible.

Evidemment, avec une telle spatialisation du temps, difficile de leur faire croire qu’aller de l’avant est source de progrès et qu’il faille tourner le dos à ses erreurs pour ne plus les commettre.

Et connaissez-vous les français ? Ce peuple d’Europe de l’ouest, outre son goût particulier pour la linguistique,
semble également affecté d’un problème de spatialisation de son destin.
En effet, depuis quelques dizaines d’années, il semble avoir une vision circulaire du passé et de l’avenir.
Analysant leurs problèmes, chacun des français se déclare prêt à aller de l’avant, décidé à quitter leur état, mais, devant passer à l’action, ils en viennent invariablement à réutiliser les mêmes rhétoriques, à voter dans le sens d’un faux changement qui reconduit les mêmes modèles, à voter pour une alternance mais en choisissant ceux qui ne changent rien, ceux qui reconduisent le système et la stagnation qui va avec.

Entre la peur de changer et l’impérative urgence du changement, ce peuple semble pris d’une frénésie d’oscillations qui annule toute possibilité d’avancement.

Changer c’est certes pas aisé, mais une fois reconnue l’impossibilité de ne pas le faire, le mieux est de se décider pour quelqu’un donnant le maximum de garanties pour conduire ce changement. Lorsque l’on ne prend pas le chemin du changement maîtrisé, on se dirige à coup sur vers la rupture subie.

Mais est-ce une question de mauvais choix ou d’absence de choix ?

Si l’on s’en tient à l’offre politique en tant que partis, on peut se dire qu’il s’agit d’une absence de choix puisque cette offre est figée depuis l’alternance miterrandienne, avec un bloc à droite (allié ou pas en fonction des rapports de force) et un bloc à gauche (qui se présente plus systématiquement comme allié mais avec une cohérence peu évidente en général).

Si l’on regarde l’offre en tant que candidats, là on constate que, bien que souvent peut différenciée, nous avons vu passer des candidats “plausibles” avec un bagage intellectuel “différent”. Un choix raisonnable différent nous a été présenté presque à chaque présidentielle. Hélas, ces choix différents n’ont jamais été plébiscités par les français, qu’ils se soient appelés Barre, Rocard ou maintenant Strauss-Kahn. Etrange ce phénomène qui fait que des hommes
indiscutablement reconnus comme compétents et rigoureux n’arrivent pas à briser notre vision circulaire du destin. Etrange cette façon que nous avons d’apprécier le yaourt politique à la place d’une vision constructive de demain. Etrange cette paralysie de l’intelligence et de l’instinct de survie dès que nous nous retrouvons dans un isoloir…

Média, réaction en chaîne et syndrome chinois.

Connaissez-vous cette théorie qui prédit qu’en cas d’emballement, un réacteur nucléaire pourrait arriver à détruire le terrain sous lui et traverser la planète ?
Et bien il semble qu’il en existe une équivalence sur un domaine très peu scientifique et qui s’appelle politique. Le principe en est le suivant :
– un réacteur, appelé homme ou femme politique, est l’élément de base
– ce réacteur génère habituellement une forme d’énergie qui s’appelle idée, avec des variantes isotopiques appelées projet, vision, discours, meeting
– ce réacteur, moyennement actif en phase normale, peut être catalysé par une famille d’éléments appelés media, dont le plus redoutable s’appelle micro.

Ceci étant posé, il existe des cas particuliers où réacteur et catalyseur se lient par une force irrépressible, devenant “addicts” l’un de l’autre, s’auto-alimentant en amplifiant progressivement et irrésistiblement leur interaction.
Hélas, les isotopes produits par le réacteur (projet, idée, vision, discours, meeting) deviennent alors très souvent de plus en plus anormaux et finissent par quitter l’univers rationnel pour basculer dans une sorte d’univers quantique où toute valeur de départ perd son sens et où tout devient possible, en apparence.
Tout, et surtout le n’importe quoi.

Nous avions eu déjà un tel exemple en fin d’année dernière, lorsque le ministre de l’intérieur, dans sa course contre lui-même, s’était lancé dans une escalade médiatique qui l’avait obligé à hypertrophier son discours par une suite de déclarations à la presse à chaque fois plus retentissantes que la précédente.
Réacteur et catalyseur s’étaient tellement auto-intoxités qu’ils n’avaient pas vu venir les émeutes qu’ils avaient fini par préparer, le monde réel ne supportant plus d’entendre ce qu’il considérait comme des provocations à répétition qui s’ajoutaient à une situation déjà bien trop compliquée.
Ce réacteur là n’est pas arrivé au syndrome chinois, mais a généré pas mal de dégâts collatéraux lors de son explosion.

Or, une autre réaction en chaîne semble être en train de se développer. Le catalyseur n’a pas changé, mais le réacteur appartient au camp d’en face cette fois.
La réaction en chaîne semble être partie d’une anodine phase d’apathie politico-médiatique, suite justement aux émeutes, le monde politique étant sérieusement sonné par cet épisode lui apparaissant incompréhensible.
Puis, passé l’effet de remplissage stérile pendant quelques mois, ce réacteur a dû commencer à trouver des arguments originaux, différents, pour continuer à intéresser le catalyseur média.
L’originalité ne s’est pas faite sur la nouveauté, mais sur le décalage entre le positionnement politique attendu et celui présenté. Le réacteur a donc commencé à générer des isotopes appartenant au camp d’en face, ce qui ne suffit qu’un temps, et, le temps passant, l’union infernale réacteur / catalyseur est obligée de générer de plus en plus de particules appartenant de moins en moins au monde de la raison.

Ce réacteur là finira-t-il en syndrome chinois ? Ira-t-il au delà de tout contrôle, de toute raison? J’espère que non, mais une chose me navre : le spectacle plaît. Nous semblons avoir en ce moment une fascination passive pour l’autodestruction, un besoin morbide de trouver ce qui réussira à tout faire exploser.
En tout cas, en ce qui me concerne, je continuerai à défendre la raison, le débat raisonné et guidé par les principes et le respect de tous.

Democratie PS

ClearStream : flux opaque dans une micro-galaxie agonisante

Que dire qui n’ait pas été déjà dit sur cette affaire consternante ?
Chaque jour voit apparaître une nouvelle page à ce feuilleton, mais finalement, on ne sait pas grand chose de plus que ce que nous savions au tout début ; il existe une formidable machine de blanchiment d’argent qui ne semble pas devoir être inquiétée par quiconque et, les élections présidentielles approchant, cela est devenu une merveilleuse opportunité de générer une affaire de manipulation politique contre les prétendants gênants.
Difficile de savoir qui manipule qui d’ailleurs, et je me contenterai de constater que certains en tirent ou pensent en tirer profit, alors que d’autres ne peuvent que se demander ce qu’il font dans cette galère. Mon mépris ira aux premiers et, au nom d’une certaine idée de la probité, mon soutiens aux seconds car je refuse l’idée détestable du “de toute façon ils sont tous pourris et il n’y a pas de fumée sans feu”.
Je ne suis pas naïf, mais je veux croire à la justice et à la probité en politique aussi.

Mais au-delà de l’actualité plus ou moins immédiate, j’y vois, une fois de plus, le symptôme d’un dysfonctionnement structurel de la république et du système d’équilibrage des pouvoirs. Encore une fois, nous pataugeons dans la mélasse de l’énarquie (au gouvernent certes, mais aussi du côté industriel et très probablement des réseaux d’influence).
L’ENA, en tant qu’école de pensée, était censée alimenter le personnel chargé de l’entretien et du fonctionnement des rouages de l’état, ce qui est logique et bon. Par un péché originel (M-F Garaud situe cela en 1974 avec l’arrivée de V. Giscard d’Estaing), ces personnes sont sorties de leur condition “d’honnêtes et médiocres serviteurs de l’état” pour accéder au monde grisant du pouvoir et des projecteurs. Et ceci s’est fait de façon hégémonique, sans contre-pouvoir ou garde-fou. Aujourd’hui, formant l’aristocratie républicaine, cette école de pensée contrôle l’état, le pouvoir exécutif (qui lui-même a phagocyté le judiciaire et “godillotisé” le législatif), les médias (par son antichambre qu’est sciences-po), et s’est étendue au gouvernement des grandes sociétés françaises.
Ceci aurait pu être bénéfique si les hommes et les femmes de cette castes étaient restés d’humbles serviteurs de la nation et si nous n’avions eu besoin que de gérer ou d’optimiser l’existant, mais cette lamentable affaire ClearStream illustre avec fracas l’impossibilité de ne pas péter les plombs lorsque l’on dispose de tous les pouvoirs et qu’aucun censeur n’est là pour vous rappeler à l’ordre, voire vous mettre sur la touche. Qui plus est, la situation générale du pays exige la mise en œuvre de mutations structurelles très importantes : gérer l’existant et totalement insuffisant.

On sortira sans doute de l’opacité politique autour de ClearStream, mais j’ai peu d’espoir pour le volet financier. Quant au fonctionnement de l’état et des grandes sociétés françaises, j’ai beaucoup de mal à croire à la possibilité de réformes structurelles et encore plus à leur efficacité. Louis XVI était très probablement un type honnête et instruit, mais il a été indispensable de le raccourcir pour faire comprendre à l’aristocratie de l’époque que les choses ne pouvaient pas continuer en l’état.
Si quelqu’un connaît une façon moins radicale de procéder, il serait bon qu’il s’exprime avant que le bon peuple ne s’amuse plus de la situation.

Masochisme politique

Chers concitoyens, j’ai du mal à comprendre comment vous fonctionnez quand il s’agit de voter.

Lorsque je vais au café du commerce entre deux élections, tout le monde semble d’accord sur le fait que le niveau de nos politiques n’est pas à la hauteur de la tâche à accomplir, qu’ils n’en font qu’à leur tête sans jamais écouter le bon peuple, et la lamentable histoire du CPE qui vient de s’achever est un excellent exemple d’autisme entre petits marquis. Que n’a-t-on pas entendu sur la pensée unique, sur l’isolement de ceux qui décident, sur ces aristocrates qui nous gouvernent ? Dont acte.

Le problème est que, lorsque je retourne à ce même café du commerce à l’approche des élections, non seulement le débat se résume à une guerre de positions sur des poncifs aussi vieux que la république, mais les débateurs acharnés se précipitent pour choisir un candidat, naguère médiocre et redevenu flamboyant par la magie d’une aliénation du jugement critique, et deviennent à leur tour autistes, incapables de disséquer rationnellement les propos et qualités des uns et des autres.

Il n’est plus question d’idées (aux moins celles compréhensibles par un cerveau normalement constitué), plus question de projets à construire (des routes, des centrales, des hôpitaux ou des vaisseaux intergalactiques), plus question de compétences (aura-t-on besoin d’un gestionnaire, d’un économiste, d’un sociologue, d’un capitaine affrontant la tempête), plus question de vertu (tous pourris paraît-il donc pourquoi en chercher un de vertueux ?), plus question de l’avenir de nos enfants, non, rien de tout cela. Tout un chacun se prépare à reconduire le même raisonnement que la fois précédente, à reconduire le même système de pensée qui fabrique les clones de la Vème république.
Les spots, les paillettes et les couvertures des magazines people prennent largement le dessus sur tout autre aspect, quitte à dégénérer en échanges d’invectives comme on a pu le voir avec nos cousins italiens ; se présente à l’agora médiatique, un défilé de bonimenteurs dont certains seront adoubés par le vote du public à condition d’avoir l’air sympa, l’air conquérant, l’air rassurant, l’air proche de vous… ou tous les airs à la fois. Profil type de l’escroc : séduire en flattant le gogo avant de partir avec ses économies et ses illusions.

Gogo, mon frère du café du commerce, il est plus que temps d’être pour une fois rationnel et raisonnable, de se choisir un président qui a une chance de savoir gérer les catastrophes économiques à venir, de comprendre à temps l’impact des bouleversements climatiques et écologiques, d’avoir l’attention indispensable pour construire le monde des générations les plus jeunes et à venir.
Imaginez-vous dans un navire en perdition alors que se présente un canot de sauveteurs : un seul pourra monter sur votre bateau, les autres devront repartir. C’est à vous de choisir qui montera ; il serait bon de se souvenir que si les réussites ne sont jamais obtenues a priori, les incompétents ne font jamais illusion dans la tempête. Dommage, nous sommes sur le bateau en perdition…

CPE : La rupture du contrat intergénérationnel

Depuis le début du mouvement anti CPE, je me dis qu’il y a un parfum de continuité, un événement de plus à mettre à l’actif du “front du refus” (élections, référendums, émeutes, …) sans arriver à en préciser la nature.
Le cas du CPE apparaît à première vue sans rapport avec des élections ou la révolte des laissés pour compte ; il s’agit au départ d’une loi de plus créée par quelques petits marquis à l’esprit aussi supérieur que profondément marqué par l’autisme, et prétendant apporter de la flexibilité au marché de l’emploi en ajoutant un texte supplémentaire à la bonne trentaine de contrats déjà existants.
L’affaire aurait pu en rester là et tomber dans l’anonymat de la bureaucratie, mais cela n’a pas été le cas pour deux raisons au moins :
– d’abord, en voulant traiter le problème, réel, de la difficulté qu’ont les plus jeunes à trouver un emploi (stable ou pas), cette loi a rendu encore plus visible, voir institutionnalisé, l’absence de perspectives professionnelles pour un jeune (diplômé ou pas). Qu’il soit bon, motivé, dynamique ou pas, le CPE permettait de dénier la plus élémentaire considération au nouvel embauché (pas d’explications à donner en cas de licenciement, allongement injustifiable de la période “ d’essai ”).
– ensuite parce que, comme je l’ai indiqué, nous sommes dans la continuité d’une contestation qui dure depuis plusieurs années. Mais contestation contre quoi au juste ?
Je me suis laissé aller à croire que nos contestataires valaient l’image renvoyée d’eux : petits jeunes frileux, voire pusillanimes, aspirant à entrer dans une case douillette, sans énergie, sans rêve. Survivre et ne rien changer. Et je me suis dit, qu’avec un peu moins de 20 ans de décalage, ce jugement aurait pu m’être aussi appliqué, lorsque moi aussi je manifestait contre des gouvernements qui voulaient m’appliquer des lois tout aussi idiotes. Pourtant, j’avais des rêves et de l’énergie que je ne crois pas encore avoir perdus ; il n’y a donc aucune raison qu’il en soit différemment pour cette génération.
Et puis, en écoutant un représentant syndical d’une confédération patronale, cela a fait tilt : “ embaucher un jeune pour une entreprise est un risque ”. Economiquement exact, mais ce problème économique est un prétexte car il a existé de tous temps. Le vrai problème me semble intergénérationnel. La génération des baby boomers a brisé la solidarité entre générations, elle n’a en fait jamais assumé comme normal de préparer sa propre relève, au bénéfice de ses enfants d’abord, puis maintenant pour ses petits enfants. De manière général, le père a perdu le réflexe de préparer la place professionnelle de son fils avant de s’effacer, phénomène encore plus brouillé par la progression de la place des filles dans la vie professionnelle. L’exemple du personnel politique est flagrant, mais à l’heure où la démographie aurait déjà dû commencer à créer un appel d’air partout, on constate que la partie “ bénie ” de cette génération prolonge volontairement ses activités professionnelles, en sachant pertinemment que c’est au détriment des générations plus jeunes. Le risque n’est pas tant pour l’entreprise que pour celui qui ne veut pas laisser la place à ses descendants, peut-être parce qu’il a peur d’un avenir qu’il ne pourrait plus verrouiller.
L’argument alibi avancé est que du moment que ces jeunes générations ont eu droit à un diplôme et que la société leur a laissé la liberté de vivre sans contraintes sociales (négation du modèle des décennies avant la rupture de 68), l’obligation intergénérationnelle devait être remplie. D’où la croyance naïve que le diplôme assure une place dans la société, et le même droit à la sécurité que se sont bâtis les grand-parents. Ce qui s’avèrent totalement faux, à l’évidence du point de vue économique, mais aussi du point de vue social : la construction de l’avenir de la nation n’est pas dans les mains de ses forces vives qui restent sur le quai.

J’en arrive à cette conclusion : le refus systématique exprimé envers la classe politique est d’abord une sanction contre un modèle de pouvoir verrouillé par la pensée d’une seule génération (refus, paradigme de ce que l’on rejette), les émeutes de décembre et les manifestations d’aujourd’hui sont l’expression du désarroi de classes d’âge qui n’ont finalement pas été acceptées dans le cycle normal de la vie de notre société.
En tant que père, je cherche comment je pourrai aider mes enfants d’ici vingt ans, mais la seule solution qui s’offre à moi, c’est le refus aujourd’hui. Or je veux construire, non détruire. Je veux leur donner la possibilité de bâtir leur vie, non leur imposer mon choix d’héritage. Et je suis même prêt à garantir à mes prédécesseurs la sécurité qu’ils ont refusé à leur descendance.
Cette génération vieillie s’est trompée et elle se trompe encore si elle continue de croire que l’héritage qu’elle lèguera sous forme d’un placement en assurance vie et une maison à la campagne remplacera les rêves et l’énergie perdus d’une jeunesse.
Il n’est pas trop tard pour recoller le fil générationnel, mais pas loin.

A lire sur le même sujet : http://www.liberation.fr/page.php?Article=368966

Maintenant que je suis président : conclusion

Ce “blogramme présidentiel” a été abordé (trop rapidement) sous les trois angles : choix de société, mouvement et verrou,menaces et ruptures. Ceci est en apparence loin des habituelles et interminables discussions sur le chômage, l’insécurité, le modèle français, l’école, etc… Pourquoi ce choix ?
D’abord pour éviter les positions de principe définitives ; a force de rabâchages, tout un chacun s’est gravé sa solution dans le marbre et rejette tout ce qui n’y ressemble pas de près ou de loin. Attitude au final stérile.
Ensuite parce que si ces questions récurrentes n’ont pas encore trouvées de réponses satisfaisantes, cela peut être pour trois raisons :
1) tous ceux qui se sont attelés à la tâche sont des idiots
2) ces problèmes n’ont pas de réponses
3) ces questions n’étant pas les bonnes, elles ne peuvent trouver de solution.
Croyant philosophiquement à l’intelligence de mes semblables et étant d’une nature relativement optimiste, j’opte pour la dernière proposition et c’est pourquoi j’ai cherché un éclairage d’une autre nature.
Chômage, insécurité, modèle, école, sont tout à fait liés aux éléments proposés ici, mais comme éléments intermédiaires, le but à atteindre étant au-delà des contingences immédiates. Le présent et l’immédiat doivent être délégués au gouvernement, le capitaine président lui ayant la charge de l’objectif du voyage et de la solidité de la structure du navire.
Il faut en finir avec ces pathétiques scènes de Hamlet entre petits marquis, reprendre de la hauteur, regagner le prestige d’une nation qui fut grande et doit le redevenir par ses qualités et son énergie.

Quand je serai président : une ébauche de programme, partie III

Choix énergétiques en réponse aux menaces de rupture La question des choix énergétiques à court terme n’est plus une simple question d’équilibre géopolitique ou un exercice de projection sur l’avenir. Le risque de rupture énergétique liée à la fin annoncée de l’ère du pétrole menace directement notre place de grand de ce monde, quant au risque de rupture climatique, il fait peser une menace directe sur notre existence en tant que nation. Que l’histoire de Rapa Nui (île de Paques) nous serve d’avertissement d’autant plus nécessaire que notre mémoire ne gardant pas la trace d’événements similaires, nous les considérons comme impossible. Des choix énergétiques rapides peuvent annuler complètement la menace liée à la fin de l’ère pétrolière, diminuer (trop faiblement cependant) les effets d’un basculement climatique et surtout, augmenter considérablement nos possibilités de survie.

Comment ? D’abord, et à l’évidence, en accélérant largement la substitution du pétrole par des huiles ou alcool agricoles. L’aide à la réorientation des cultures vers le colza, le tournesol, la canne à sucre, la betterave, le palmier à huile, … permettrait, sur l’intégralité du territoire, de passer d’aides à la surproduction subventionnée à des aides à des cultures en sous-production (et qui le resteront longtemps), pour le plus grand bien de notre commerce extérieur et celui des agriculteurs du tiers monde. Ces bio-carburants sont utilisables pour les transports et le chauffage domestique avec un faible coût d’adaptation.

Libérons immédiatement ce marché des contraintes légales actuelles et engageons les moyens de l’état dans la création de nouvelles entreprises là où le marché seul ne résout pas le problème. La gestion volontariste de la bascule énergétique gère en même temps des problèmes écologiques, économiques et sociaux. Ceci ne règle cependant que le problème de bascule énergétique.

La menace climatique est une hypothèque, entre autres, sur nos moyens de production d’énergie, fortement centralisés et en nombre relativement faible. Des inondations massives, par exemple, pourraient parfaitement mettre durablement hors service nombre de centrales, et sans électricité, un pays moderne n’est rien. La solution ici est de s’engager à marche forcée dans une réduction de la consommation électrique d’une part, et de promouvoir massivement les mini installations domestiques indépendantes.

L’objectif à court terme, doit être que chaque habitation ou immeuble soit en mesure d’assurer son autonomie vitale (éclairage, réfrigérateur, 15° de chauffage, mini appareils domestiques pour les particuliers par exemple). La technologie actuelle (éoliennes, panneaux photovoltaïques, capteurs solaires, pompe à chaleur, moyens d’isolation, …) permet d’ores et déjà de s’approcher de cet objectif. Une accélération de la recherche et une forte volonté politique doivent permettre de faire le reste. Les industries ne pouvant adopter la même voie doivent être protégées par des travaux préventifs partout où cela est possible (une évaluation des dommages doit être préventivement établie en fonction de scénarios climatologiques). Des infrastructures de communication résistant à ces dommages climatiques doivent impérativement être déployées. En assurant l’autonomie énergétique plus les communications en cas de désastre, nous préservons notre capacité de réaction et de rebond. Un système robuste et réparti de production d’énergie abondante aurait d’autres vertus : avantage concurrentiel très important sur le territoire national, indépendance accrue, bénéfices sociaux distribuables aux plus faibles. C’est enfin un objectif visible pour fédérer et motiver les équipes de chercheurs.

Les menaces sont identifiées, les solutions existent, mais le plus grand risque demeure notre difficulté à croire que ce qui n’est jamais arrivé puisse arriver. Mais des événements visibles comme Katrina ou moins visibles comme le déplacement des éco-systèmes montrent que cela est déjà en train d’arriver. Ici aussi, le ciel peut nous tomber sur la tête et il nous faudra plus que le spectacle politique habituel pour résoudre les problèmes.

Quand je serai président : une ébauche de programme, partie II

Mouvement et Verrous : l’expérience du recuit simulé

La mise en mouvement d’une société verrouillée est un vrai défi : elle ne peux se faire que par l’adhésion des citoyens qui sont a priori contre toute évolution. Contrainte supplémentaire, ce conflit entre nécessité et volonté ne doit pas se régler à travers les soubresauts violents dont nous sommes coutumiers. Puisque nous ne pouvons ni réformer suffisamment l’existant, ni le brûler, il me semble préférable de construire en parallèle de l’existant une société redynamisée, en prenant garde toutefois de le faire de façon positive pour tous, et à travers l’adhésion libre des citoyens qui en ont la volonté et l’énergie. Si l’expérience réussi, elle entraînera l’adhésion de tous, si elle échoue, l’acquis n’aura pas été détruit.

Le message à passer est le suivant : soyons solidaires des efforts de ceux qui veulent progresser, mais ne détruisons pas l’existant avant d’avoir la certitude du mieux.

En pratique et si l’on prend l’exemple d’un des blocages les plus visibles de notre nation, la mission des services publiques doit systématiquement être redéfinie en fonction des besoins des citoyens : quels services rendent l’éducation nationale, l’armée, la culture, les collectivités territoriales, …, les entreprises publiques, la poste etc ? Clarifier le besoins et les objectifs est un préalable absolu. Pour une entité donnée, soit la redéfinition du besoin constitue une évolution mineure et un accompagnement collectif résoudra simplement le problème, soit il s’agit d’une refonte et dans ce cas, une nouvelle entité doit être bâtie en transférant progressivement les moyens, les compétences et les hommes volontaires.
Le pari étant qu’une fois la volonté collective actée contractuellement et le mouvement amorcée, les dénis définitifs de changement seront l’exception car ils n’auront plus de fondement.
Cette co-évolution n’est pas en elle-même nouvelle et c’est un mécanisme similaire qui a, par exemple, permis de passer “naturellement” les systèmes bancaires nationaux vers des banques aujourd’hui privées. Le but ici est d’ailleurs moins radical que ce passage public / privé : il s’agit de faire évoluer nos services publics avec des moyens adaptés : déverrouiller sans tout brûler.

En dehors de l’administration, la société elle-même doit être mise en mouvement pour recréer un brassage sociologique mais aussi économique. Ceci peut se faire via la création ex nihilo de villages (l’expérience des villes nouvelles a largement montré l’hérésie des grands projets flamboyants et la renaissance actuelle des villages désertés montre bien l’attachement de tous à cette richesse de nos campagnes). La cible prioritaire seraient les citoyens des actuelles banlieues et les objectifs affichés sont :
– rééquilibrer les banlieues en les allégeant d’une partie de leur population (diminution de la pression interne)
– redonner la possibilité d’un choix de vie et d’un nouveau départ à chaque citoyen volontaire
– créer un mouvement migratoire national interne vers des villages sociologiquement et économiquement viables
– recréer des encrages économiques locaux face à une sphère financière incontrôlable (la micro-économie d’un village n’est pas délocalisable)
– redonner accès à l’économie à des personnes aujourd’hui éjectées durablement d’un système qui rejette définitivement tous ceux qui n’ont pas un niveau de connaissance suffisant et accès à la monnaie électronique (transactions boursières en ligne, mais aussi commerce mondiale via e-bay par exemple, ou revenus via AdSens, etc…).
Ce mouvement d’émigration interne suppose un management très fort car il n’existe pas à ma connaissance d’essai de rééquilibrage de la société sur la base de critères de liberté de choix de vie individuel (les populations sont en général poussées à la migration par des contraintes extérieures fortes).

L’espoir est donc de proposer à chacun un avenir collectif meilleur, construit par les plus dynamiques dans le respect de l’existant.
Chacun pourra participer à cet avenir au moment où il se sentira prêt. Les citoyens ne doivent plus être placés dans une situation de verrou et l’évolution de la société ne doit plus être un cassus belli permanent.

Quand je serai président : une ébauche de programme, partie I

Choisir sa société.

Je propose de partir de la pyramide de Maslow pour définir ce choix. Cette pyramide, bien que discutable sur certains points, a le mérite d’être simple et compréhensible pour le commun des mortels et elle fournit une grille de lecture suffisante pour notre propos.

1) Quels sont les besoins fondamentaux sur lesquels chaque citoyen est en droit d’attendre satisfaction de la part de son pays ? A ce jour, notre constitution ne garantit pas un droit minimal ni à la nourriture, ni à l’hébergement, elle donne quelques garanties de soins, au mineurs en particuliers, et est très vague quant à ce qui touche à la vie et à la mort. Elle ignore le droit d’accès à l’énergie.
Tous ces éléments ne sont pas complètement écartés mais ils sont généralement traités par le biais de prestations financières. On répond par l’argent à des besoins très humainement primaires, ce qui au final déshumanise et rend vide de sens ces prestations dont la justification finit invariablement en arguties de gestionnaires.
Je propose donc de garantir constitutionnellement le droit à une ration alimentaire minimale,
le droit à quelques mètres carrés chauffés et entretenus, le droit à un ensemble de soins préventifs définis ainsi qu’aux soins d’urgence, et le droit à un accès minimal à l’énergie (sous forme de quotas d’électricité ou de titre de transport par exemple). Suivant sa sensibilité politique, chacun pourra placer le curseur de ce qu’il définit comme absolument nécessaire, mais je ne conçois pas que notre société puisque continuer à ne pas définir un seuil minimal.
La définition et les droits à la vie et à la mort sont plus complexes à statuer constitutionnellement, mais rien n’empêche que cette même constitution ouvre ce débat et demande que la société progresse pour pouvoir y donner une réponse. Si nous ne sommes pas assez mûrs pour répondre à une question aussi fondamentale, une nation digne de se nom doit au moins avoir le courage d’affronter son ignorance.

2) Quels sont les besoins de sécurité sur lesquels chaque citoyen est en droit d’attendre satisfaction ?
Là doivent être définis les équilibres entre prévention, action policière, justice pour la partie
crimes et délits, mais également formation tout au long de la vie, protection sociale de l’individu permettant de garantir que chaque citoyen conserve une place au sein de notre société. L’insécurité me semble être le ressenti douloureux d’un écart entre un individu qui s’isole et un univers qui lui échappe et lui apparaît hostile.
Nos lois doivent garantir l’arrimage de chaque citoyen à la nation. Là également, chacun pourra fixer les mécanismes d’arrivage en fonction de sa sensibilité politique.

3) Quels sont les éléments qui identifient l’appartenance au groupe France ? En clair, qu’est-ce qui fait de chacun un citoyen, qu’est-ce que la majorité, qu’est-ce que le mariage, en quoi les relations avec les autres citoyens européens sont particulières ? Ces éléments sont classiquement mieux définis que les éléments précédents mais ils sont largement remis en cause. Une évolution ne peut être le seul fait des spécialistes comme l’a montré le rejet de constitution européenne.

4) Quels sont les éléments qui permettent à chaque citoyen de s’accomplir au sein de notre société, en particulier sur le plan politique ? Nous devons restaurer des mécanismes d’ascenseur social et sortir l’élite politique de sa stricte enclave aristocratique adoubée par notre système de grandes écoles à vocation politique. La république doit à la fois restaurer la diversité et choisir son personnel politique non pas à travers les hasards carriéristes mais sur des critères de compétences choisies par la nation.

De la réponse à ces questions doit décliner un choix assumé de société puis gravé dans la constitution et la loi.
La constitution ne doit plus être une simple définition organique de l’administration du pouvoir politique.
Au fil du temps, la Vème république a perdu son âme et son élan ; les citoyens doivent lui redonner cette âme et cet élan.

Quand je serai président : analyse

M’étant réuni avec moi-même, j’ai décidé d’être candidat à la candidature. Mais n’étant pas acoquiné avec des journalistes, j’en suis réduit aux analyses et à la proposition d’idées. Donc, concitoyen mon futur électeur, commençons par quelques analyses.

Choisir sa société.

Il est faux de dire que la France est un pays d’hyper protection (chaque hiver, elle laisse mourir des gens qu’elle peut facilement sauver) aussi bien que c’est un pays d’archaïsme économique (nos entreprises sont de grands prédateurs sur la scène économique mondiale). Par contre, la France manque d’une vision claire et volontaire de ce qu’elle met en œuvre pour ses protections sociales en particulier et ses grands choix stratégiques en général, et a surtout perdu la dynamique offerte par une vision, un objectif commun. Les choix de société ont été effectués par empilement de strates, souvent par la force du combat (reconstruction après guerre autant que luttes syndicales). Or par conservatisme, aucune de ces strates ne peut être remise en cause, ce qui complique de plus en plus chaque avancée.

Toutes nos avancées sociales n’ont pas permis à l’état de garantir a minima des éléments de survie aussi basiques qu’une ration alimentaire minimale, un abris ou l’accès à un niveau minimal d’énergie. Toutes ces avancées ne réussissent pas à annihiler le fatalisme générationnels des familles condamnées à vivre en marge d’une société opulente. L’espoir d’une croissance économique permettant de gommer tous les problèmes est un leurre autant qu’un aveu d’impuissance : certains meurent en France à cause de nos choix tacites et non assumés, aucunement parce que l’économie va plus ou moins mal. L’économie est un outil permettant de dégager des moyens, rien d’autre.

Parce que, crispés sur nos verrous, nous refusons de négocier des renoncements contre des avancées, parce que nous nous focalisons sur l’outils et non le but, nous les condamnons à mort.

Mouvement et Verrous

Le mouvement : la réforme se fait difficilement à petits pas et par demi-mesures, et encore moins en France qui ne connaît par grand chose entre le conservatisme (avec sa variante “l’évolution oui mais pas ça et pour les autres”) et les évolutions par rupture violente. Or quoi qu’il arrive, moins on change et plus il est nécessaire de changer à cause de l’écart croissant avec un point de stabilité (nos sociétés ne sont pas des isolats adiabatiques). Mais rien ne changera si les français ne participent pas à un fort mouvement collectif ou si un accident externe ne détruit pas de facto les verrous.

Les verrous structurels

En plus d’une classique résistance psychologique au changement, la France s’est dotée d’institutions qui verrouillent intellectuellement les possibilités de changement (contrairement à d’autres sociétés qui ont des institutions laissant la place à l’interprétation, donc à l’évolution de la pensée institutionnelle). Nos administrations ont été conçues pour être stables (ce qui est raisonnable) et les élites formées pour les conduire ont été éduquées et sont mises dans des situations personnelles qui les obligent à toujours orienter leurs choix vers la stabilité, ou au mieux une évolution cosmétique (ce qui ne permet pas une analyse objective et détachée, mais génère une aristocratie adhérent à la fameuse “pensée unique”). Cette déformation de l’esprit a également été étendue au secteur privé pour ce qui est des grandes entreprises ou des média, Sciences Po plus encore que l’ENA semble en être la source. A un niveau moindre, l’école de la république a rendu “évidente” la nécessité de stabilité en toute circonstance. Intellectuellement, le français est formaté pour être stable, alors qu’émotionnellement il est plutôt “soupe au lait”. Enfin, dernière composante, le monde universitaire normalement vivier de l’hétérodoxie potentielle est lui aussi verrouillé soit par les grandes administrations de recherche, soit par le schéma de carrière proposé aux éléments prometteurs.

Au final, la stabilité souhaitable pour un état, aboutit à un questionnement quasi permanent (le français conteste “par nature”), rejeté jusqu’à l’instant de la prochaine rupture. La France ne connaît ni mouvement long et soutenu d’évolution structurelle, ni stabilité, juste des crises de rupture.

La menace des ruptures subies

Beaucoup plus que les guerres ouvertes ou larvées (terrorisme), ce qui nous menace aujourd’hui (dans le sens : ce qui peut nous faire basculer définitivement et de façon non voulue vers “autre chose”) ce sont

1) la rupture énergétique (fin de l’ère du pétrole) et

2) une rupture climatique.

1) La rupture énergétique est la plus facile à négocier car anticipable et pouvant être progressivement résolue à moyen terme (moins de 10 ans probablement) par des sources palliatives et une baisse des besoins énergétiques. Le plus grand danger est de ne pas anticiper à temps à cause d’une trop grande confiance en soi ou pire, dans les données fournies par les états ou les sociétés pétrolières. En la matière, il faut adopter un raisonnement probabiliste : tous les acteurs pétroliers ont intérêt à gonfler les chiffres de leur stock et tous les consommateurs ont psychologiquement intérêt à se rassurer. Il est prudent et logique de croire dans ce contexte à la fin rapide de l’ère pétrolière. En l’absence d’une solution de remplacement, notre société changerait fortement d’aspect, principalement par “l’allongement” considérable des distances de transport des biens et des personnes.

2) La rupture climatique (modification profonde des saisons, disparition des écosystèmes, augmentation du nombre et de l’intensité des événements météorologiques catastrophiques, …) elle, ne peut être qu’atténuée dans ses effets sur notre société (nous ne pourrions lutter contre des “moussons cévenoles” qui transformeraient le Languedoc Roussillon en marais ni contre un plongeons précoce du Gulf Stream, ni contre une hausse forte et rapide du niveau des océans) mais nous pouvons apporter des mesures de protection préalables aux populations et industries concernées. Une rupture climatique non anticipée aboutirait probablement à des mouvements migratoires et des désordres sociaux catastrophiques. Cette fois, c’est l’identité même de la société française qui serait impactée.

Je promets de publier quelques pistes de solutions avant mon deuxième mandat…