Ôte mes chaînes esclave mon libérateur

“La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on peut saisir l’impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité.”

Cette phrase n’est pas un extrait d’un texte de Dominique Strauss-Kahn à l’époque où il écrivait “365 jours” et que son leitmotiv était “lutter contre le renoncement”,  il ne s’agit pas non plus d’un romantique texte sur la quête de l’impossible, non, il s’agit d’un appel à la révolte de neuf de nos concitoyens antillais.

Et pour quoi se révoltent-ils ? La gloire et la richesse ? Non, juste pour le nécessaire : avoir les moyens de subvenir à leurs besoins de base autant qu’avoir les moyens de s’émanciper de sa condition d’individu et prendre toute sa place, sociale, intellectuelle, spirituelle dans le concert des citoyens.

Que de fois j’ai défendu une telle position ici ! Comme cette phrase “Il est donc urgent d’escorter les « produits de premières nécessités », d’une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d’une « haute nécessité »” fait écho à celles sur les services publics garantissant gratuitement un niveau minimum des besoins vitaux des citoyens (”protectionnisme et agitationnisme“, “vive le protectionnisme“, ou même le déjà ancien “O.U.I à la social-démocratie française : outils, utopie, idéologie“).

Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l’imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l’esprit. (…). Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « Marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l’instrumentalisant de la manière la plus étroite.

Comme j’aimerais entendre ces mêmes paroles venant d’un cadre de Solférino. Nous avons oublié que le verbe du poète a une portée autrement plus grande et profonde que celle du spécialiste. Nous devons retrouver la formule de l’alliage de ce verbe poétique et de l’équation de l’ingénieur.
Cet appel n’est pas qu’un exotique épiphénomène se limitant à la situation des îles d’outre-mer. Certes les auteurs de ce texte l’ont conçu dans un contexte mélant créolité, société post-esclavagiste, isolement économique. Mais au-delà de ce contexte, comme ils ont tord de ne pas s’élever au-dessus des certitudes de la pensée métropolitaine ! Leur combat pour les besoins vitaux des citoyens est aussi le notre ! Leur combat pour une société économiquement responsable et équitable, écologiquement refondée est aussi le notre !

Descendants des esclaves des îles lointaines, les métropolitains ont besoin de vous pour se libérer de leurs propres chaînes faites de conformisme, de peur, de paresse, de lassitude et oui, de renoncements. Vos békés ont un visage, les nôtres n’ont qu’une ombre que nous refusons d’éclairer.

Alors voici notre vision : Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d’être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s’inscrit dans l’horizontale plénitude du vivant“.

Cette vision, je la veux mienne. Amis de France, les fils des esclaves montrent le chemin aux fils des lumières.

Petite brève légère du soir : Qui trouve-t-on dans le top 12 des blogs politiques ?

Non, pas moi qui ne suit qu’un citoyen lambda usant des moyens du militant de base pour faire entendre une musique de raison à qui veut bien me lire. Non, plus les têtes d’affiches et les habitués des premières pages peoples : aucune campagne présidentielle n’étant en cours (enfin je crois), aucun million d’euros n’a été utilisé pour aider le consommateur à librement exercer sa citoyenneté.

Pierre MoscoviciDeux personnalités que l’on retrouve avec surprise dans ce classement  : la sémillante Anne Sinclair et le nom moins sémillant Pierre Moscovici. Étonnant de voir que le blog d’un socialiste, certes éminent, mais qui n’a pour l’heure d’autres honneurs que ceux de ses mandats, et d’une journaliste qui n’a d’autre projet politique que celui de nous faire part de ses cartes postales d’expatriée, confidente amie desAnne Sinclair grands jours comme des petits tracas, étonnant donc de les voir tous deux figurer pour leurs seules qualités dans ce palmarès.

Mais, je veux y voir une sorte de juste hommage à une intégrité intellectuelle, un combat honnête de tous les jours récompensé par les internautes, restant anonymes ou s’exprimant à l’occasion chez eux pour parler à l’agora mondiale toute entière.

Voilà un bel hommage à aux honnêtes hommes (parmi lesquels on compte les femmes, la preuve est faite !), à l’humilité citoyenne et militante, à la pensée et la façon d’être socdem au quotidien aussi.

Protectionnisme et agitationnisme

Coupé PeugeotIl y a quelques semaines, j’écrivais un article qui défendait l’idée du protectionnisme dans un cadre bien précis qui est celui des besoins vitaux des citoyens satisfaits par des services publics (ou des délégations privées du service public), le tout dans un cadre européen pour ce qui nous concerne.

Ce type de protectionnisme ne s’opposant pas fondamentalement à une logique de marché puisqu’une négociation peut parfaitement être mise en place pour prendre en compte les acteurs privés de possibilité de vendre leurs bien sur un secteur protégé. Dit autrement, si l’on décide que les besoins alimentaires de base doivent être satisfaits par un service public “verrouillant” ce marché, il faudra négocier avec les exportateurs qui intervenaient sur ce marché une compensation de type service public local (a priori, consommer du riz en France correspond au même besoin vital partout dans le monde et si ce marché doit être protégé en France, il en est sans doute de même partout dans le monde. Notre pays retrouverait alors une partie de ce qui fait sa grandeur : une vision humaniste et internationaliste de son modèle de société).

L’idée du “bon modèle protectionniste” étant (rapidement) exposé, y en a-t-il un mauvais ? (mal)Heureusement, en terme de contre-exemple, nous n’avons pas à chercher longtemps, il suffit de se tourner vers notre gouvernement et de son cacophoneur en chef. Suite à son plan d’aide à l’industrie automobile, la majorité des dirigeants européens ont levé leur bouclier pour parer une orientation qui leur apparait à tous comme étant protectionniste. Nicolas Sarkozy se défend cependant après coup d’avoir décidé de mettre en place du protectionnisme.

Est-ce effectivement une mesure protectionniste, et si oui en cas est-ce du mauvais protectionnisme ?

L’aide Sarkozy est en fait un prêt, l’argument est donc de dire qu’il est remboursable et qu’il se substitue seulement aux banques dont le moindre défaut et d’être peu prêteuses en ce moment. Un prêt, c’est donc bien remboursable et ne constitue pas une aide déloyale en cash, sauf que les intérêts viendront en diminution des futurs bénéfices que que si cet argent vient servir aux investissements, l’amortissement de ces investissements viendra encore diminuer la note. L’État banquier fait une opération rentable mais le trésor public perdra plus que les revenus des intérêts de l’État banquier. On retrouve ici un mécanisme de défiscalisation, il faut juste être français pour bien en saisir l’intérêt. Il s’agit effectivement d’un mécanisme de protectionnisme, mais du même type que celui du dumping fiscal de certains pays européens (ici plutôt dé-fiscal). Il serait vraiment plus qu’utile de mettre en place un serpent fiscal européen pour éviter les mécanismes fiscaux qui effectivement faussent la concurrence.

Mais au-delà, une aide protectionniste à l’industrie automobile, même si elle était concurrentiellement loyale, serait-elle adaptée et acceptable ?

Aider Peugeot, Renault, Volvo (ou Ford, Toyota, …) ne servira absolument à rien si leurs sous-traitants venaient à faire faillite : aujourd’hui, les grandes marques automobiles ont un métier de motoriste, de R&D et d’assembleur, mais il y a très longtemps qu’une grande partie des éléments automobiles ne sont plus construits par eux. Or aujourd’hui, ce sont les sous-traitants qui sont les plus fragiles car ils font partie des variables d’ajustement des constructeurs.

Une aide en trésorerie pour les acteurs de l’automobile est-elle aujourd’hui suffisante ? Sans doute pas : si cette mesure avait été prise il y a un an, ces entreprises auraient eu le temps de s’adapter ; aujourd’hui, nous sommes en train de passer d’un problème de trésorerie à un problème de dimensionnement de l’appareil de production. Le marché est là, mais il a singulièrement rétréci (inadéquation de l’offre et de la demande) et il va sans doute devoir technologiquement muter (nous sommes en plein dans la rupture énergétique). Dit autrement, ces entreprises ont un savoir-faire, un marché, des perspectives d’avenir, mais elles sont en grande difficulté à cause des mutations nécessaires. Nous sommes en plein dans un des cas où les nationalisations temporaires ont un sens.

L’argument “vital” est-il ici recevable ? Cette industrie représente de l’ordre de 10% des emplois (de mémoire), mais ne correspond à aucun service public. De mon point de vue, l’activation de cette clause n’est pas recevable : clairement, toute aide directe doit se faire dans le cadre d’un programme européen concerté et défendable à l’OMC (aide en contre-partie d’une limitation d’exportations par exemple). Par ailleurs, il était vraiment inacceptable, voire puéril, d’annoncer un plan d’aide en désignant un de ses partenaires européens comme cause de ses maux : certes Nicolas Sarkozy se rêve encore à la présidence européenne en lieu et place des tchèques, mais ce n’est pas en affichant un mépris agressif envers nos amis européens que l’on arrivera à quelque chose de positif. Qu’ils reçoivent ici les humbles excuses personnelles d’un anonyme citoyen français pour cette grossièreté.

En résumé, le plan Sarkozy pour l’automobile est effectivement de nature protectionniste à travers des mécanismes fiscaux. Il ne correspond pas à la préservation de besoins vitaux pour les citoyens mais a une grande importance vis à vis d’un secteur qui emploie beaucoup de salariés. Il est probablement inadapté (prêt) en regard des vrais enjeux (restructuration industrielle, rupture technologique à faire). Il est agressif et inéquitable vis à vis de nos partenaires européens et risque d’entrainer en retour d’autres mesures protectionnistes car il n’a pas été négocié et accompagné de contre-partie.

Rappelons-nous, qu’au delà du point de vue idéologique, le protectionnisme a une face sombre qui est le repli nationaliste et agressif sur soi. En diminuant unilatéralement les échanges, ils diminue d’autant la création de valeur et donc amplifie la crise.

Le protectionnisme doit être réservé aux services vitaux pour les citoyens d’un pays.

Semaine médiatique : les plumes des jours

Trois choses m’ont inspiré cette semaine, trois “évènements” qui ont en commun d’avoir capté beaucoup d’attention médiatique mais de ne pas avoir généré beaucoup de fond utile aux citoyens de France.

SarkozyTout d’abord, bien sûr l’intervention de Nicolas Sarkozy à la télévision. Longue intervention attendue après un mandat qui accumule les échecs, qu’ils soient dus aussi bien à des problèmes mondiaux qu’à des erreurs et des errements de gouvernement. Qu’en dire ? Après un départ très brouillon, nous avons eu droit à une suite de déclarations qui pour une fois n’étaient ni péremptoires, ni définitives, mais qui se voulaient point de départ de discutions. Cette humilité et cette retenue auraient été les bienvenues en 2007, mais je craints fort aujourd’hui qu’elles ne soient que la conséquence d’une trouille insurrectionnelle. Est-ce de ma part un procès pour manque de sincérité supposée ? Je crois que pour se fixer une opinion, il suffit de se pencher sur le cas de Gandrange qui est le plus flagrant : oui, Nicolas Sarkozy a menti cyniquement devant toute la France ce soir là. Alors, pour ce qui est du reste, chacun pourra au choix lui laisser encore une fois le bénéfice du doute ou se préparer à réparer une erreur de bulletin de vote.

kouchnerDeuxième “évènement”, “Le monde selon K“, le livre de Claude Péan sur Bernard Kouchner. Un livre fait par un homme qui ne semble décidément pas aimer les écarts entre l’apparence et la réalité, un livre sur les ambigüités politiques, un livre qui écorne l’une des rares images de noblesse qui reste à la France. Rien d’illégal reproché à Bernard Kouchner, rien d’immoral, juste peut-être l’impardonnable faute de ne pas être l’incarnation du french docteur, le sauveur des indigents et du monde, risquant sa vie par simple générosité humaniste. Les humains sont faillibles, certes, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’à gauche il y a décidément deux façons de finir sa carrière : soit comme Pierre Mauroy ou Michel Rocard, dignement, de façon préparée, discrètement, ou soit comme Bernard Kouchner ou encore Jack Lang, en voguant d’écueils en échouages au fil de l’interminable naufrage d’une vie politique que l’on se refuse à quitter à temps.

kouchnerEnfin, dernière écume plumitive, un autre livre, sur Rachida Dati cette fois “Belle-amie“. Là, le moins que l’on puisse dire c’est que l’histoire est compliquée. Mais ce qui m’intéresse c’est moins l’histoire d’une transposition vraie ou exagérée d’un belle-ami version Maupassant à une belle-amie fin du XXème siècle, que l’évolution des mœurs politiques et sociales sous-jacentes. Jusqu’ici, le pouvoir, la politique et le sexe étaient des histoires bien codifiées sous la Vème République : un mâle dominant et prédateur qui une fois arrivée au pouvoir picorait dans une cours les femelles qui l’intéressaient par soumission, acceptation ou sollicitation selon les cas. Ce livre nous laisse entendre que ce schéma serait à revoir et que d’une part la féminisation des postes de pouvoir dérive aussi sur la prédation, mais que d’autre part, et c’est ce qui est sans doute le plus dangereux pour la démocratie et la République, cette prédation sexuelle a changé de nature dans le sens où elle ne serait plus la “confiserie du pouvoir” mais bien le pouvoir par la sexualité. Dit autrement, nous ne sommes plus dans un exercice “sain” et rationnel du pouvoir avec des à-côtés, mais un exercice du pouvoir qui serait basé sur une subordination sexuelle. Cela convient sans doute parfaitement aux bonobos, mais en ce qui concerne la République, il est inadmissible qu’elle puisse être dirigée sur autre chose que la raison et l’intérêt de ses citoyens. Alors je ne sais pas quelle est la part de vérité sur le cas Dati, ce qui a en soit peu d’importance, mais je crois qu’il serait urgent de remettre de l’ordre si ce livre reflète effectivement une dérive de la conduite de l’État.

La fixette qui nous perdra

Hoover DamLe bon sens semble être une chose aussi rare que les prêts bancaires en ce moment.

Le gouvernement vient de nous annoncer son plan aux mille projets telles mille fleurs plantées dans le jardin de France. Qu’en dire ? Si l’époque le permettait, je dirai avec humour qu’il s’agit là d’une vieille recette parmi les vieilles recettes si facilement méprisées lorsqu’elles viennent d’en face. Oui, bien sûr, travailler sur les infrastructures est un investissement intelligent, s’il est cohérent.

L’est-il ? A court terme, cela va maintenir des emplois et peut-être en créer quelques uns. Mais cela va-t-il à moyen terme nous permettre d’être plus compétitif grâce à de meilleures infrastructures ? Cela va-t-il nous permettre de résoudre le problème de la rupture énergétique ? Cela va-t-il nous permettre de prendre le virage de la rupture climatique ? Lorsque l’on voit que ce sont les infrastructures routières qui se taillent la part du lion, on peut en douter. Où sont les investissements dans les technologies pour demain (matin !) ? Où sont les synergies qui consolideront le tissu industriel ? Où sont les sources de développement des nouveaux services ? Où sont les amortisseurs qui empêcheront les faillites par effet de dominos ?
Cela résoudra-t-il la crise profonde du logement (trop mauvaise adéquation entre offre et demande, trop peu de nouvelles constructions, en particulier HLM) ? Là, c’est plus que douteux : le plan aide les promoteurs sans s’attaquer au fond de la crise immobilière.
Cela est-il suffisant en nombre ? Bien sûr que non, 1000 projets sont totalement insuffisants par rapport aux besoins. On peut espérer que tout cela ait un effet positif, mais nous avons des raisons de craindre une profonde erreur sur l’estimation des besoins. Ce gouvernement a compris trop tard la réalité et les implications de la crise financière (alors que les signes étaient déjà là au printemps 2007, il a fallu attendre l’hiver 2007 pour avoir une prise en compte claire et 2008 fut une course avec systématiquement plusieurs temps de retard sur la crise devenue économique). Le gouvernement n’est toujours pas en phase avec la réalité : Patrick Devedjian n’annonce-t-il pas une croissance positive alors que le FMI envisage une tendance vers -2% et que l’Allemagne donne des estimations entre -3% et -5% ? Sur ces dernières années, ce gouvernement a eu systématiquement tord par rapport aux prévisions du FMI. Aveuglement et imprévoyance inacceptables !
Est-ce suffisant en terme de champ d’application ? Sur ce point, le gouvernement Sarkozy tient un cap erroné de façon totalement psychorigide. Il est évident pour tout le monde, sauf eux, que la crise financière a déclenché un profond déséquilibre économique entre offre et demande. La capacité de production des différentes économies est maintenant largement au-dessus de la demande, et ceci va en s’accentuant au fur et à mesure où les gens perdent leur emploi ou ont peur de le perdre. Par ailleurs l’argument des echecs passés ne tient pas plus : nous ne sommes plus à l’époque où les importations menacaient les filatures Boussac et que le franc était attaqué ! Par ailleurs, aujourd’hui la faible demande est motivée à la fois par la peur de la crise et par un pouvoir d’achat qui ne permet pas d’être optimiste. Cette crise de la demande résulte au minimum de la conjonction d’éléments objectifs de crainte et du sentiment d’avoir été trahi (”travailler plus pour gagner plus” nous promettait-on). L’activisme affiché de Nicolas Sarkozy s’est transformé en mouvement brownien anxiogène.

En plus de la relance de la consommation, que pourrait-on faire ? Revenir aux fondamentaux du contrat républicain et le moderniser. Les services publiques doivent avoir pour but de subvenir aux besoins élémentaires des citoyens. Aujourd’hui, à force de casse et de raccommodage, leur objectif est devenu nébuleux, leur efficacité en baisse, leur coût en hausse. Par ailleurs, la nature profondément redistributive et palliative des aides est complètement obsolète à une époque où la diversité de situation est la règle, où le salarié et souvent aussi un micro-capitaliste ou un micro-entrepreneur, où le retraité ne l’est plus forcément totalement, où le travailleur même régulier n’a plus forcément un salaire suffisant pour vivre. J’aimerais me tromper, mais le RSA actuellement mis en avant ne résoudra pas le problème de fond de l’inefficacité de la redistribution.

Il faut passer à autre chose, passer à la gratuité partielle ou totale de la satisfaction des besoins fondamentaux fournis par les services publics ou leurs délégations (eau, énergie, nourriture, logement, soin, transport, information). Des ambryons mis en place par la gauche (CMU par exemple) ou les régions (gratuité partielle des transports) ont ouvert la voie et montré la faisabilité : allons au bout de la démarche. Là est le vrai investissement pérenne, là est l’investissement d’infrastructure et de services qui fournit un avantage concurrentiel, là est l’amortisseur de la crise pour tout un chacun, là est l’avenir des citoyens et de notre République.

Pour qui sonne le glas ?

Jeudi social, jeudi de grève, jeudi de manifestation, jeudi de fracture, mais surtout jeudi de réveil.

Pour la première fois depuis longtemps, la France des salariés descend unie dans laPrise de la bastille rue. Le gouvernement a bien essayé de matraquer l’idée qu’il ne s’agissait que de la France des fonctionnaires et des privilégiés, mais les indications à la mi-journée faisaient état d’une tout autre réalité : oui les salariés du privé sont aussi dans la rue, qu’ils soient du secteur automobile en plein dans la tourmente, du secteur bancaire, ou encore de la grande distribution. La lecture de la droite est déphasée. À côté des fonctionnaires si facilement dénoncés, on voit des intérimaires qui ne trouvent plus d’emploi, des salariés au chômage technique, de nouveaux licenciés économiques, des retraités qui commencent à devoir faire les “après-marchés” pour se nourrir et qui y croisent les travailleurs pauvres, les exclus et tout un monde que nous ne voudrions pas voir.

Cette manifestation n’est pas, comme on veut nous le faire croire, une gesticulation de plus de la gauche, mais bien le premier symptôme visible de la crise sociale qui découle à la fois de la dégradation mondiale et aussi, surtout, de la façon dont le gouvernement français gère cette tempête qui fut d’abord financière avant d’être économique, et maintenant sociale.
Après plus de six ans de gouvernements UMP, dont deux sous la domination totale de Nicolas Sarkozy, nous allons très mal et ce n’est qu’un début. Mais le problème principal est d’abord que ce gouvernement est incapable de prendre la mesure du problème économique et social, incapable de se remettre en cause, incapable de comprendre pourquoi il a battu tant de records économiques dans le mauvais sens, incapable d’incarner la respectabilité et la compétence, incapable d’inspirer la confiance.
Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy restera terré à l’Elysée. Peut-être mettra-t-il un CD de Carlitta et regardera ses photos de vacances. Il est au chaud et bien nourri. Cela ne peut pas durer.

Le locataire de l’Élysée envoie en ce moment ses messagers nous expliquer combien il faut être solidaire en ces temps de crise. Quel cynisme pour le chantre du démerde-yoursel, pour celui qui ne manque pas d’ironiser sur les salariés qui contestent (les grèves dont plus personne ne s’aperçoit), pour celui qui ne supporte pas les “lèse-majesté” (casse toi pauvre con), pour celui qui fait des remontrances aux banquiers devant les caméras mais leur donnera quand même les milliards nécessaires pour verser un dividende aux actionnaires et surtout ne fera rien pour ses propres excès de salaire, qu’il a presque doublé en arrivant.

Cet homme n’est pas exemplaire, il ne comprend ni l’économie, ni les Français, il est à de nombreux égards, indécent.

Quelle est l’urgence aujourd’hui ? Mettre en place un gouvernement compétent, se remettre en phase avec nos partenaires internationaux (oui il est maintenant certain qu’il faut faire aussi une politique de la relance de la consommation), retrouver une légitimité démocratique. Alors il pourra y avoir une union nationale face à la crise, alors les Français pourront se mettre en ordre de bataille pour vaincre la crise. Mais en l’état, on ne peut que constater la gravissime défiance du pouvoir politique national, on ne peut qu’être abasourdi par les chances gâchées (le chômage qui n’a pas été réduit au taux du plein emploi malgré la chance démographique historique), les virages manqués (les mesures fiscales et sociales à contre-courant), l’imprévoyance passée (j’irai chercher les 3% de croissance avec les dents), actuelle (la croissance sera de 0% en 2009 selon Devedjian), et hélas à venir. Non la crise ne se résoudra pas toute seule d’ici la fin de l’année ! Ce qui va arriver à court terme, c’est une explosion des dépôts de bilan et un écroulement d’une partie de l’économie sous forme de chaîne de dominos.

Cela peut être évité, nous pouvons sortir vainqueur de cette tempête, mais nous devons avoir les bonnes personnes aux bons postes, avec des moyens adéquats.

Comme nous avons des raisons de regretter d’avoir raté la présidentielle de 2007 ! Comme nous avons des raisons de regretter que Dominique Strauss-Kahn soit à Washington et pas à Paris !

Vive le protectionnisme

Emmanuel ToddJ’ai assisté cette semaine à une conférence d’Emmanuel Todd pour la présentation de son dernier livre “Après la démocratie“. L’homme est un intellectuel pétillant, direct, un rien gamin riant de ses blagues, non sans une certaine (auto)dérision.

La conférence m’a été d’autant plus agréable que je me trouvais face à un homme exprimant sans ambages la condamnation de tant de choses que j’ai pu combattre ici et ailleurs, au premier rang desquelles une vacuité totale du message politique de la dernière présidentielle (et de la suite), si ce n’est la capacité de dire ce que les gens veulent entendre sans y ajouter une once de contenu, de projet politique.

Mais au-delà de la critique des personnes, Todd nous interpelle sur un nécessaire protectionnisme économique s’insérant certes au sein des lois du marché, mais s’opposant au libre-échangisme, l’argument étant que si le libre-échange mondialisé génère des richesses, il permet surtout une montée des inégalités à un niveau inconnu dans l’époque contemporaine occidentale. Le libre-échange est “égalitaire” dans le sens d’une diffusion mondiale d’une hyper-richesse pour très peu, de la généralisation d’une classe d’ultra-pauvreté et d’une baisse moyenne de la richesse pour la plupart ; une sorte d’égalité internationale des hyper-inégalités planétaires. De fait, c’est bien ce que disent les études démographiques, et en particulier, les jeunes générations européennes bien que mieux formées que leurs aînés, bien que disposant de moyens technologiques supérieurs, bien que bénéficiant d’un plus haut niveau de productivité, sont condamnés en l’état à avoir une vie financièrement inférieure à leurs parents. C’est une hérésie de l’histoire.

Le protectionnisme est-il fondamentalement en opposition avec la social-démocratie ? Je crois, et c’est un avis très personnel, que cela va dépendre des critères idéologiques que l’on y applique, et donc des bornes et des objectifs que l’on se fixe. Si l’on décrète que certains éléments fondamentaux comme l’auto-suffisance alimentaire, énergétique, médicale, intellectuelle, financière ne peuvent être livrés au libre-échange puisqu’ils représentent des éléments vitaux pour notre société alors nous pouvons entrer dans une logique de service public non-concurrentiel avec des arguments recevables (peut-on confier un élément vital à une mécanique aveugle sans but identifiable, ou à la mystique de la main invisible du marché ?). Je crois que dans le cadre du critère “vital pour notre société”, le protectionnisme a un sens et qu’il est acceptable pour les sociaux-démocrates.

Doit-on aller plus loin et faire comme Obama qui a promis d’appliquer une politique protectionniste pour par exemple aider Boeing dans son combat contre Airbus ? Discutable, mais je crois que non : dans ce genre de cas, l’aide de l’État est une chose défendable, mais elle ne doit pas verrouiller les échanges. Boeing n’est pas vital pour le citoyen américain même s’il est clair que cette société est une source de richesse.
Le débat libre-échange vs protectionnisme doit être arbitré par l’idéologie. Nous, socdems, nous donnons pour objectif de donner un sens à notre action en regard des objectifs de notre société (notre identité individuelle s’inscrit dans un destin collectif, pas dans une concurrence d’individus isolés agissant selon la loi du démerde-yoursel). Cela est applicable sur ce problème économique et je crois que nous pouvons nous construire un discours et une politique cohérente sur ce sujet, en acceptant sans problème les lois du marché mais sans tomber dans le piège tendu par les ultra-libéraux : nous voulons des lois et des principes pour réguler le marché, ce qui veut dire que dans certains cas l’État n’a pas à intervenir, mais dans d’autres, jugés vitaux pour la société, il doit le faire et peut aller sans se renier jusqu’au protectionnisme.

Un petit regret a l’issue de cette conférence : lorsque je lui ai demandé son pronostic sur la manière dont allait finir notre République (remise en cause institutionnelle par les parlementaires bafoués, sursaut idéologique des partis ou révolution des chômeurs jetés dans la rue), il m’a fait une réponse sur ce qu’il jugeait souhaitable (modification au sein du système institutionnel) et non sur ce qu’il jugeait probable. Mais peut-être faut-il interpréter cela comme le fait que le probable n’est pas souhaitable…

Relancer la consommation ou pas ?

Faut-il faire de la relance économique en partie avec une relance de la consommation ?

France Sarkovision nous affirme que ce serait une erreur parce que cela en a été une dans un passé déjà lointain, en particulier avec tonton. A priori l’argument pourrait pour une fois tenir la route, sauf que comparaison n’étant pas raison, après examen il reste d’être jugé comme totalement idiot, ou pour le moins, à contre-courant de ce qu’il faut faire (mais c’est une spécialité de la politique économique sarkozyste).

Pourquoi la situation de la France des années 80 n’a-t-elle rien à voir avec ce que nous vivons ?

D’abord parce que les deux crises successives que nous vivons (financière puis économique) ne sont vraiment comparables qu’à la crise de 29 de part leurs rapidité et intensité.
Mais plus important, dans les années 80 la France était économiquement infiniment moins intégrée à l’espace européen qu’elle ne l’est maintenant et que la politique économique française est ultra-dépendante de la politique économique des leaders européens et que ceux-ci ont décidé de planifier une relance fondée en partie sur la consommation. Alors oui, une relance de la consommation favoriserait les importations, mais des importations en grande partie européennes et nos voisins faisant de même, l’action collective concertée serait bel et bien une vraie source de relance. Mais voilà, Sarko est d’abord un individualiste adepte du démerde-yourself.
L’entourage sarkozyste ignore-t-il ce diagnostic ?

Pas tant que cela si l’on en juge par les arguments qui prévallaient pour la fumeuse loi sur l’ouverture des magasins le dimanche, dont l’argument principal était que cela allait faire augmenter la consommation !

Alors pourquoi cette incohérence ?

Peut-être parce que sa seule qualité n’a jamais été rien d’autre que de savoir accéder au pouvoir, en aucun cas à l’exercer, et qu’il est incapable de nommer des gens compétents. Le prochain remaniement me fera-t-il mentir ?

Sarkoléon le (tout) petit

SarkozySarkozyLe début d’année est traditionnellement la période des vœux, mais je crois que pour cette année ce sera soit des vœux très pieux, soit des bouteilles à la mer remplies d’espoir… Puisque notre parait-il président est rentré de son agréable séjour au Brésil pour nous présenter ses vœux avec l’ambition d’être à la fois réaliste et optimiste, j’aimerais faire le point sur deux ou trois choses découlant de ses ambitions politiques affichées en 2007.

Comment ne pas commencer par se souvenir de son « travailler plus pour gagner plus » affiché à côté de son inébranlable capacité à générer à lui seul de la croissance, quitte à aller la chercher (dixit) « avec les dents ». Pathétique promesse d’édenté abandonnée début 2008 et comme la vie a beaucoup d’humour très noir, depuis atomisée par une double crise, financière d’abord et économique maintenant, crise que ses résultats économiques laissait présager sans ambigüité bien avant que la baudruche subprime n’explose, mais crise qui non seulement n’a pas été anticipée, mais a été démultipliée à la fois par l’incroyable aveuglement de Christine Lagarde qui promettait ½ point de PIB de plus que le consensus des économistes et aussi, puisque cela ne suffisait pas, par une série de mesures à contre-emploi comme une aide fiscale aux plus plus riches lorsqu’il fallait aider les PME, des mesures purement idéologiques visant à supprimer les 35h via les heures supplémentaires au moment où la production industrielle baissait (et les heures travaillées avec) enclenchant mécaniquement un effet de levier accélérateur du chômage (fin accélérée des CDD et intérim puisque les heures supplémentaires permettraient de faire l’appoint si nécessaire). A l’arrivée, alors que la France avait une chance historique de résoudre durablement le problème du chômage, la politique de Sarkozy a réussi a le relancer, et très fortement ! Et que l’on ne vienne pas nous raconter qu’il s’agit de la faute à pas de chance et que tout le monde est dans le même sac : l’Allemagne qui est le pays le plus comparable à nous, fait mieux que nous (production industrielle -4,1% contre -3,9%, solde commerciale -40,9Geuro contre +136,8, chômage sur 12 mois +2,4% contre -11,3%). Et la liste est longue. Échec total !

Doit-on alors se souvenir de ses promesses sécuritaires ? Michèle Alliot-Marie aura beau nous expliquer que rien de grave ne s’est passé en cette fin d’année, 30% de voitures en plus ont brulé par rapport à l’an dernier, les prisons débordent au point de nous faire honte, les épidémies de suicides de prisonniers perdurent telles une maladie nosocomiale et les établissements pénitentiaires flambants neufs doivent être fermés sans que l’on sache s’il s’agit d’un problème de gestion (déléguée au privée parce que paraît-il l’administration pénitentiaire ne sait pas le faire) ou un problème de mal-façon. Et pour clore ce chapitre, notre ministère de l’immigration qui se faisait fort de bouter hors de France tous ceux venus manger le bon pain des français, ne sait plus comment reconduire chez eux tous ces manants puisqu’après avoir humiliés l’identité africaine dans son discours de Dakar, ces mêmes africains ont certaines difficultés à reconnaître leur ressortissants… Échec encore.

Succès par contre pour la casse du service public. Certes la loi imbécile visant à obliger les maires à accueillir les enfants scolarisés en cas de grève est sans effet (les maires qui ont refusé de l’appliquer ne seront pas poursuivis), mais si l’on en juge par les deux décès dramatiques dans les hôpitaux de Paris, le manque de personnel est plus que critique (si vous avez un doute aller faire une visite dans un de ces établissements dimanche prochain) et ce ne sont pas les explications honteuses de Roselyne Bachelot qui y changeront quelque chose. Oui madame, pour cet homme mort d’une crise cardiaque alors que le SAMU cherchait désespérément une place en réanimation pour lui, il est vrai que son cœur n’était pas en parfait état, mais c’est justement pour cela qu’il avait besoin d’une assistance médicale, et à moins de considérer que les hôpitaux sont faits pour des bien-portants, il était la règle à prendre en compte, pas la malheureuse exception due à la malchance. Honte à vous qui en refusant à l’hôpital des moyens minimum sur des critères purement financiers avez violé votre serment de Galien (de ne faire rien témérairement sans avis de Médecin, ou sous espérance de lucre tant seulement) ! Échec toujours.

Je terminerai par notre politique étrangère puisque le service de com’ de l’Elysée nous a fait part du grand succès de la politique étrangère sarkozyste. Cohn-Bendit a eu (pour une fois) le grand mérite de dire clairement son fait à notre globe-trotteur : la Chine nous a à plusieurs reprises humiliés et à chaque fois nous avons accepté l’humiliation. Mais s’il n’y avait que cela. La France qui fut un jour patrie des droits de l’homme, pays des lumières, s’est semble-t-il fait une spécialité d’être l’amie des dictateurs, qu’ils s’appellent Kadhafi visitant Paris telle une terre conquise, Assad revenu en grâce sans avoir à se mouiller ou notre grand ami Vladimir Poutine qui a dû sabrer le champagne en voyant rappliquer Sarkozy au matin de son annexion de l’Ossétie, intervention quasi miraculeuse qui a empêché les américains et les européens de faire quoi que ce soit et lui a permis de figer les positions géorgiennes à son avantage. Échec dramatique.

Nous avions cru qu’avec Chirac digne de Deschanel nous avions touché le fond en matière d’incurie gouvernementale. Mais Sarkozy est arrivée ce qui nous a rappelé que si la Corse nous avait légué la famille Bonaparte, la Hongrie nous a envoyé la famille Sarkozy avec l’aide du communisme et que Sarkozy dispute sans rougir le titre de petit à Napoléon III.

Nous pouvons combattre et gagner contre la crise, nous pouvons combattre et gagner contre l’abaissement et la décadence de notre pays, mais il faut commencer par changer et ce gouvernement et son omniprésent chef. Nous pouvons le faire légalement et démocratiquement en promulguant la Vième République, ou alors continuer à contempler les échecs qui s’accumuleront jusqu’à un deuxième Sedan.