Une vie, mille vies, une histoire de France

C’est l’histoire d’une vie, ou de plusieurs mêlées qui en bien des points est aussi un bout d’histoire de la France, à moins que ce n’en soit son essence tout entière.

Ces souvenirs qui ne sont pas entièrement les miens mais qui sont un bout collectif de mon héritage, se réveillent au matin d’une date anniversaire le temps d’une commémoration, le temps d’un oubli de l’oubli que la bienséance croit devoir obliger.

De Gaulle

Ce matin le grand Charles est mort. Mais a-t-il jamais vécu celui qui pour beaucoup n’est qu’une statue au rond point d’une trop large avenue, une image sépia, une voix de gramophone ? De cet homme a survécu le temps qu’il avait décidé d’achever, le temps où le poète s’appelait Camus, où le vent s’appelait Harmatan et apportait des parfums de silice mêlés d’épices oubliées, apportait aussi l’écho de la révolte des peuples soumis à la botte salvatrice du colonisateur, demi-dieu usurpateur trop sûr de sa supériorité pour voir dans les yeux des presque-esclaves la possibilité d’un avenir rédempteur.

En ce temps-là, l’homme blanc, qu’il soit né sur la terre coloniale ou que son enfance ait été happée au hasard des voyages d’un père envoyé construire une route à Tunis, un port à Agadir, ou militaire à Alger, cet homme blanc semblait être invariablement contaminé par un je-ne-sais-quoi intemporel local que le citoyen d’après l’histoire ne peut que pressentir, ou ressentir au hasard d’un instant que ceux qui vécurent la-bas laissent filtrer comme un effluve de leur passé. Mon père n’a passé là-bas que le temps d’une guerre qu’il n’avait pas souhaitée, mais lui aussi avait ramené dans sa mémoire des ciels gorgés de lumières, des terres vastes et sèches, des senteurs hélas mêlée d’odeur de poudre, de sueur et de sang. L’empire était trop grand pour l’homme blanc qui, trop sûr de lui, avait oublié de rester humble devant l’histoire des peuples. Pour l’avoir oublié, il s’est cru ensuite devoir pêcher par excès d’humilité en ne partageant pas assez les souvenirs de ce qu’il y avait de beau et de bon là-bas. La terre a tremblé, la fureur nous a chassé.

alger

En ce temps-là, l’homme blanc était chrétien et triomphant, il donnait au juif le droit d’être un citoyen besogneux de l’empire mais refusait à l’indigène la citoyenneté, parce que l’indigène d’Afrique du nord avait adopté la religion des descendants de la servante et non celle de la femme du maître. Oh République, mère-enfant, que de maux t’aurais-tu épargnés si tu avais eu foi en la laïcité ! L’empire fut déchiré, le citoyen a presque été réhabilité, mais le mal est resté telle une infection chronique et honteuse : le chrétien myope de plus en plus matérialiste regarde avec méfiance le supposé sioniste séditieux et le musulman potentiel paria terroriste. Peu importe que le juif apprenne à parler l’arabe, que le musulman porte fièrement les couleurs de la France, ou que le chrétien se laisse prendre par la langueur de Marrakech le temps de quelques vacances, ceux-là ne s’aiment pas même s’ils ne savent pas pourquoi.

Est-ce vraiment mon histoire, moi qui suis de ce temps-ci ? Qu’ai-je à voir avec ceux qui hier se sont haïs et aujourd’hui s’évitent ? Rien, si ce n’est que ce matin le grand Charles est mort, que des bribes d’histoire me sont revenues à ma mémoire, que ce chrétien égaré, ce juif errant ou ce musulman caché, je les ai croisé dans mon présent, qu’il y a parmi eux des hommes qui sont mes amis et des femmes que j’ai aimées, qu’ils sont d’aujourd’hui avec des liens qui mènent à un passé que nous avons tort de vouloir oublier. Les colonies sont évanouies, mais n’oublions pas la part noble que nous y avons laissé. Elle est toujours là, elle n’attend qu’une ondée de l’histoire pour faire refleurir ces prairies pas si lointaines.

NewsWeek rend un hommage appuyé à DSK : et le PS ?

Dominique Strauss-KahnDSK est au sommet du monde, mais pas forcément là où il aimerait vraiment être“.

Ainsi commence cet article pour le moins élogieux de NewsWeek (The top Guy) retraçant avec autant d’étonnement que de respect le parcourt de Dominique à la tête du FMI.

Louant à la fois le courage et la vision de celui qui a osé bousculer les dogmes du FMI et de la finance mondiale, NewsWeek note que finalement seul l’état du PS pourrait l’empêcher de battre Nicolas Sarkozy en 2012.
Ce en quoi il me semble qu’ils se trompent : le PS a largement entamé sa mue et je doute fort qu’il rate une troisième élection présidentielle.
Si vous avez des doutes, écoutez le reste du monde.

«Une nouvelle mondialisation pour un monde nouveau»

DSK, dominique strauss-kahn FMI

Le 8 octobre dernier, Dominique Strauss-Kahn a prononcé un discours devant une assemblée réunissant des gouverneurs de la Banque Mondiale et du FMI. Et comme il s’agit de son discours et de ses paroles (pas des supputations sur ce qu’il pense à partir de ce que d’autres écrivent), il est intéressant de prendre connaissance des idées forces de cette intervention.

Tout d’abord, DSK affirme que la crise est arrivée à un point d’inflexion avec un redémarrage de la croissance, mais de façon incertaine et fragile parce qu’inégale. Il relève quatre risques majeurs menaçant l’avenir.

D’abord le problème de la dette publique qui a augmenté de 35 points pendant la crise. DSK rappel au passage que cette dette n’est que marginalement liée aux mesures de relance (10%) et dit clairement que la réduction des déficits est une urgence à court terme. La priorité doit être donnée à la viabilité des finances publiques et les marges de manœuvres restantes doivent servir à soutenir la croissance.

Dominique Strauss-Kahn insiste ensuite encore une fois sur le fait que la croissance qui revient ne crée pas assez d’emplois et rappelle s’il en est besoin que “pour l’homme de la rue, une reprise sans emplois n’a guère de sens. Il faut miser sur une croissance durable mais aussi sur l’emploi.”

Concernant le secteur financier, DSK se félicite des avancée règlementaires comme Bale III mais répète que les règles ne sont rien sans les contrôles et que des mécanismes doivent être mis en place pour prévenir et résoudre les futures crises.

Enfin, il s’alarme de la disparition de la volonté de coopération des Etats, coopération qui a pourtant pu éviter jusqu’ici le scénario de la grande dépression. Il s’insurge contre la tentation d’une guerre monétaire et le nationalisme qui va avec. Il rappelle que le FMI a mis en place de nouveaux outils et évoque le G20 en matière de coopération. Réussir à gagner 2,5% de croissance, c’est éviter de perdre 30 millions d’emplois.

Ce discours se termine sur la perspective de la fin de la révolution industrielle, à un rééquilibrage du monde en fonction de la taille des pays, à la mise en place de nouvelles sources de croissances (durables, vertes, …), par un plus grand besoin de coopération et de gouvernance, ce qu’a commencé à faire le FMI sous l’impulsion de son directeur.

Si vous voulez rétablir la confiance dans un monde incertain — vous devez agir ensemble.
Si vous voulez créer des emplois — vous devez agir ensemble.
Si vous voulez construire un monde meilleur et plus sûr pour vos enfants et petits-enfants — vous devez agir ensemble.

Retraites : le gouvernement Sarkofillon joue de la vuvuzela aux Français

Vuvuzela umpLe gouvernement Sarkofillion a annoncé ce matin par la bouche d’Eric Woerth ses décisions en matière de retraite. Pas grand chose de fondamentalement neuf par rapport à ce qui était pressenti, en synthèse un volet pour augmenter les prélèvements et un volet administratif pour ajuster le moment où l’on entre dans la case retraite.

Une chose m’agace suprêmement : si le volet des prélèvements sera applicable dès l’an prochain, la majorité du dispositif prendra effet en… 2018.

Huit ans, soit une décision UMP qui ne sera ni appliquée pendant le mandat Sarkozyste, ni pendant le mandat suivant.

Huit ans d’attente pour résoudre un problème calamiteux aujourd’hui.

Une décision prise sur la situation connue d’aujourd’hui pour une situation que l’on ne connaît pas dans huit ans (car le problème est initialement démographique mais ne se résume pas à cela !).

Sarkofillon prétend décider de la politique d’un gouvernement en place dans huit ans alors qu’il n’arrive pas à donner le début d’une décision efficace pour aujourd’hui. Cela tient de la fuite en avant à la vitesse de la lumière !

Je trouve cela d’une irresponsabilité sans nom ! Depuis 2002 et jusqu’à il y a peu, l’UMP nous expliquait que tout allait bien et que les déficits avaient du bon. Mais à force d’irresponsabilités et surtout suite à une sanction-avertissement des marchés qui se sont acharnés sur la Grèce parce que c’était l’élément faible du troupeau européen, Sarkozy semble avoir été saisi d’un doute, donc il décide de prendre des mesures pour… 2018.

En l’état, la seule question à se poser est donc : qui l’UMP va-t-elle ruiner par cette inepte non-décision ?

Pour mémoire, voici deux petits films qui expliquent la position du PS : http://bloggy-bag.fr/presse/video.html

DSK à “A vous de juger” : revue de presse

DSK / Chabot :

Sentiment général :

  • “Sondage Sud-Ouest Dimanche : les Français ont trouvé DSK “convaincant” jeudi soir ” : Journal Sud Ouest.
  • “A vous de juger réalise son meilleur score depuis plus d’un an” : toutelatele.com
  • Sur les retraites :

  • “Le PS, les retraites et la différence DSK” : France Info
  • “Gérard Collomb persiste et signe” : LyonMag.com
  • “DSK-Aubry : première discorde
    Analyse : En prenant le contre-pied de la numéro 1 du PS sur le dossier des retraites, le directeur du FMI tente de se poser en réformateur responsable.” : Libération
  • “Strauss-Kahn joue sa partition face à Aubry” : Le Figaro
  • Le PS défend la retraite à 60 ans, “Strauss-Kahn ou pas” : LePoint.fr
  • “Retraites: DSK se démarque du PS et creuse son sillon pour 2012″ : AFP
  • Sur 2012 :

  • “DSK, ou l’art de se faire désirer, par Franck Nouchi” : lemonde.fr
  • “Dominique Strauss-Kahn veut qu’on le “laisse travailler” ” : Metro
  • Crise Grecque :

  • [REVUE DE PRESSE] La crise de l’euro et DSK : Nouvel Obs
  • En synthèse, l’émission a eu son petit succès mais la presse a retenu plus la singularité affichée de DSK vis à vis du problème des retraites ainsi que la sempiternelle question des présidentielles, que les propos de DSK sur la crise.

    Sur le problème des retraites, je me permettrai de citer deux passage de mon texte “Refondations : PS, Socialisme et Social-Démocratie – Les Défis” :

    “Le défi générationel est à la fois celui qui nous préoccupe le plus facilement à travers la problématique des retraites et celui que nous avons le plus de mal à appréhender.

    Quel est au fond le problème : notre société a été, pour sa plus grande partie, définie structurellement après-guerre, et même si la société de cette époque n’a plus grand-chose à voir avec celle d’aujourd’hui, des choix ont été faits et s’appliquent toujours alors que les fondamentaux structurant la société ont changé.”
    (…)
    “Le «cylindre démographique » de 2010 est psychologiquement et financièrement déséquilibré au regard du modèle de 1945 : c’est le découpage même de la société en trois groupe définis par rapport à la production de richesse (le travail) qui est à remettre en cause !

    Nous sommes donc en face d’un formidable défi générationnel : comment remettre les responsabilités et les circuits économiques dans le bon sens, comment redéfinir les rôles ? ”

    Lettre secrète à Anne Sinclair (curieux et malveillants s’abstenir)

    Anne Sinclair contre la rumeurChère Anne,

    Je suspends en cette fin de semaine mes réflexions sur la refondation du PS pour vous dire ma déception.

    Figurez-vous que depuis quelques jours une nouvelle campagne bobardesque concernant Dominique agite le web et les médias. Tout émoustillé à l’idée d’avoir LA révélation du plus secret des secrets (Lefebvre nous l’a promis naguère) je me lance donc à l’assaut de ce raz-de-marée de révélations devant ébranler le monde.

    L’affaire s’annonce bien si j’en crois google qui me renvoie 21200 résultats sur « cassandre dsk ». Je me mets donc à analyser l’histoire, et là, patatras je trouve une mauvaise soupe mal liée, même pas épicée. Certes Le Monde ou encore l’Express par je ne sais quel égarement n’y ont vu que du feu, mais des journalistes comme Apathie ou encore Roger-Petit nous expliquent en substance que du simple point de vue journalistique cela vaudrait à un étudiant d’être recalé. Même le canard enchaîné d’habitude à l’affut de ce qui dépasse du tapis a trouvé le bobard miteux.

    Imaginez ma déception chère Anne : la dernière fois, au moins, nous avions eu droit au complot planétaire, aux missiles et aux extra-terrestres…

    Alors voilà, j’ai eu une idée pour la prochaine fois (qui aura lieu n’en doutons pas) : après une longue réflexion dont je ne puis tout révéler tant c’est sulfureux, il m’est apparu que quand à faire, nous pourrions nous-même faire des révélations secrètes que personne ne connaît. Mais il nous faut un truc bien monté et là je me suis dit que comme vous connaissiez du monde, vous pourriez nous trouver un réalisateur américain pour le scénario. Je ne pense pas qu’il faille trop faire dans le zim boum, et je me disais qu’il faudrait plutôt un truc décalé et c’est là que j’ai eu la révélation : est-ce que vous pourriez demander à Woody (Allen pas le cowboy de Toy’s Story) de nous concocter cela ? Il a le profil parfait : le roi de l’embrouille cérébrale, le côté juif qui met en agitation certains (mais le bon côté, celui de l’humour de l’auto-dérision un brin grinçant, pas l’antisémitisme crapoteux habituel), l’as du portrait de l’anti-héros.

    Voilà chère Anne, qu’en pensez-vous ?

    Revue de presse : DSK news

    DSK

    Actuellement attelé à la rédaction de quelques réflexions sur notre refondation, j’ai trouvé quelques instants pour une petite revue de presse internationale concernant Dominique Strauss-Kahn, histoire de prendre un peu de recul par rapport aux polémiques franco-franchouillardes.

    Commençons par la France tout de même, avec cet article du nouvel obs sur “DSK vu de Washington”.

    Le Fonds monétaire international tient son assemblée de printemps les 24 et 25 avril à Washington. Nommé à la tête d’une institution controversée, Dominique Strauss-Kahn a profité de la crise pour lui redonner son rôle stratégique.

    Dominique Strauss-Kahn est prêt. S’il faut voler au secours de la Grèce, le Fonds monétaire international (FMI) qu’il dirige répondra présent. Encore une fois ! . La suite ici.

    Sur La Tribune, une analyse d’Erik Izraelewicz : DSK, la « rupture » au FMI
    DSK candidat à l’Élysée ? À Washington, le chouchou des Français a révolutionné le FMI. Il en a refait un pouvoir qui compte. Et il y a pris goût. Alors, présider la France ou influer sur le monde ?
    La suite ici.

    Un article de Libé : Varsovie-Bucarest-Paris, dans les pas de DSK
    Des ors de la capitale polonaise aux questions des étudiants roumains, «Libération» a suivi de près le socialiste préféré des Français. La suite ici.

    IMF Survey Magazine : IMF Chief Emphasizes Support for Haiti
    Rebuilding the Haitian economy will require immediate financing for Haiti’s budget, said Dominique Strauss-Kahn, the global lender’s managing director, during a donors’ conference at the United Nations. La suite ici.

    Business Week : Strauss-Kahn Emergent With Sarkozy Presidency Under Siege
    The International Monetary Fund’s role in a rescue package for Greece may put Dominique Strauss- Kahn back in the thick of French politics as Nicolas Sarkozy’s presidency runs into trouble. La suite ici.

    Washington Post : For Europe, IMF aid may be hard to swallow
    The evolving economic problems in Greece have pushed the International Monetary Fund and European leaders into sometimes tense talks over how deeply an agency associated with propping up developing countries should push into one of the developed world’s major economic zones — negotiations that could shape future European economic policy. La suite ici.

    Mensonges et vérités sur le FMI et l’Ukraine

    Novembre 2009.

    Pour rétablir un brin de vérité face à la propagande gauchiste à propos de l’ukraine.

    Voici l’histoire en résumé.
    L’Ukraine est un des pays les plus malades de l’Europe, plus personne ne veut l’aider sauf le FMI.
    Le pays est en campagne et son président actuel est tellement à la ramasse qu’il cherche par tous les moyens à remonter la pente, y compris par cette augmentation du smic qu’il ne peut pas financer et il a eu l’idée d’aller pomper 10 milliard parmi les 16 alloués par le FMI pour le sauvetage du pays, ceci contre l’avis de son gouvernement et de toute personne responsable.
    En clair, ces 10 milliards qu’il n’a pas et n’aura pas l’année prochaine et les suivantes, il va les prendre sur les fonds de sauvetage de son pays. Derrière cette situation économique catastrophique se profile l’implosion du pays et un risque non négligeable de voir les Russes s’en meler directement.
    Deux attitudes possibles :

    • celle d’une gauche cynique qui profite de l’occasion pour essayer de scier la branche sur laquelle est assis un socialiste trop en vue à leurs yeux,.
    • ou celle de DSK pour le FMI, pour le moins courageuse.

    A vous de choisir votre camp.

    Quelques sources pour vous forger une opinion circonstanciée :
    http://www.marianne2.fr/Ukraine-pourquoi-DSK-s-est-fache_a182646.html?com

    http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRLU68803020091030

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/11/04/le-president-ukrainien-multiplie-les-frictions-avec-le-fmi-et-moscou_1262636_3234.html

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/10/30/strauss-kahn-inquiet-de-l-augmentation-du-rmi-en-ukraine_1260919_3234.html

    La politique européenne en action : le Président

    Une fois n’est pas coutume, je me repose cette semaine sur un article publié par mon camarade Arthur Colin sur agoravox. Nous n’avons pas été bon aux élections européennes mais notre combat de tous les jours continue. Bonne lecture et merci à Arthur.

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    Le feuilleton le plus exaltant de l’été : la reconduction de Barroso dans son fauteuil. Indécision, trahisons, calculs, incompréhension, et l’Histoire qui se fait à petits pas en toile de fond. Bien entendu, ceci ne se fait pas aux heures de grande écoute dans les grands médias : le public a eu sa ration d’Europe pendant les élections sans doute.

    Une des questions chaudes de la précampagne fut la candidature Rasmussen à la tête de la Commission, en cas de victoire de la gauche. Daniel Cohn-Bendit pour Europe-Ecologie avait soutenu cette perspective, et François Bayrou pour le PDE également in fine. Faute d’accord en son sein (le Portugal, l’Espagne et les Anglais manquant à l’appel), le PSE avait fait silence sur la question, silence auquel le PS français avait fait un écho profond. Puis sont tombés les résultats des élections, et Sauvons l’Europe qui avait préparé une tribune en ce sens l’a rangée dans ses cartons. De même, les nombreux sites appelant à son remplacement ne connaissent plus guère d’activité depuis le scrutin (sauf…).

    Barroso, prédésigné par les chefs de gouvernement, avait donc le champ libre. Restait une question angoissante : devait-il être désigné tout de suite dans le cadre du Traité de Nice, avec un simple vote du Parlement le 15 juillet, ou devait-on laisser la Commission actuelle perdurer le temps que rentre en force le Traité de Lisbonne, et faire sanctionner dans un débat par le Parlement le renouvellement du maoiste portugais en octobre ? Barroso lui-même faisait campagne activement pour la première option, allant jusqu’à théoriser en essence de l’Union européenne la méthode du compromis, ce qui signifiait que les affrontements politiques devaient être cantonnés au Parlement mais ne pas déborder au sein de la Commission. La clarté du résultat électoral a pourtant semblé déblayer cette question, restreignant l’effet pratique attaché à la possibilité de choix du Parlement, et Barroso a pu se permettre de réitérer sa position lors de sa désignation, excluant l’affrontement politique de la Commission – c’est-à-dire de la conception de la politique européenne.

    Une candidature Rasmussen demanderait en effet l’union de tous les socialistes et des forces de gauche, le soutien de tout l’ALDE et une neutralité des souverainistes. Autant dire que Barroso disposait d’une base très favorable pour constituer sa majorité. Il lui suffisait, comme dans tout dispositif parlementaire classique, de s’attacher les éléments les plus faibles de toute autre coalition potentielle. Les socialistes Espagnols, Portugais et Grands Bretons, après leur première prise de position en sa faveur, pouvaient difficilement se rétracter sans mettre en péril les relations de leurs pays avec la future commission. Rasmussen s’est donc de fait retiré de la course en publiant une tribune reconnaissant – et déplorant – la victoire de la droite.

    Une candidature centriste devenait alors plus dangereuse. On se remettait à parler de Guy Verhofstadt, mais surtout le PDE avait sorti le nom de Mario Monti du chapeau. Celui-ci s’était alors fendu d’une longue interview dans le Monde, pour expliquer que bien sur il n’était candidat à rien, mais que son opinion détachée des choses de ce monde était que l’Europe devait rééquilibrer sa politique vers le social et que si le Président de la Commission doit refléter l’équilibre du Parlement (un centriste, par exemple ?), il n’en va pas de même des autres membres. Pour conjurer le danger, Barroso proposa informellement de nommer Graham Watson à la tête du Parlement européen, ce qui était de nature à enlever les hésitations de l’ALDE.

    L’affaire étant pliée, Barroso s’est offert le luxe de s’essuyer les pieds sur le Parlement, de se faire prédésigner par les chefs d’Etat et d’oublier Graham Watson pour laisser le PPE et l’APSD(PE) conclure un accord technique sur une présidence tournante du Parlement (Jerzy Buzek pour les premiers, Martin Schulz pour les seconds).

    Cependant, la nomination de Guy Verhofstadt à la tête du groupe ALDE, et à l’unanimité, a changé quelque peu la donne. Barroso lui avait été préféré en 2004 après un veto de Tony Blair, qui le jugeait trop fédéraliste. Le titre de son dernier livre est : « Sortir de la crise : comment l’Europe peut sauver le monde », tout un programme ! S’ensuit un fort débat au sein de l’ALDE, pour savoir si la nomination de Barroso doit être validée le 15 juillet, ou plutôt en octobre (les français poussent beaucoup pour la seconde solution). Faute d’accord, Guy Verhofstadt a obtenu l’unanimité sur le compromis suivant, pour sauver l’influence politique du Parlement : les gouvernements doivent désigner officiellement leur candidat, et plus seulement le prédésigner, un mémorandum de l’ALDE lui sera adressé sur une feuille de route pour sortir de la crise (on peut appeler ça un programme de gouvernement) et Barroso devra produire son propre mémorandum pour discussion au Parlement. A défaut, l’ALDE refusera une nomination le 15 juillet. Or répondre à ces conditions dans les quinze jours est bien évidemment impossible et la question se trouve ainsi tranchée en fait, et une majorité négative ALDE / EE / APSD / GUE est apparue pour empêcher la désignation de Barroso en juillet.

    Peu commenté en tant que tel, cet évènement a eu en pratique un impact considérable sur l’équilibre des institutions, et le modèle politique de l’Union a irrémédiablement changé. La question de la désignation du Président de la Commission a irrigué toute la campagne au niveau des responsables politiques (mais pas pour le bon peuple), et Barroso a été contraint de prendre avec les députés des contacts qui ressemblent à s’y méprendre à ceux d’un premier ministre potentiel cherchant à se constituer une majorité dans un parlement incertain. Lisbonne n’est pas encore entré en vigueur, mais dans l’esprit des politiques européens il est sans doute déjà dépassé par une réelle conscience de majorité parlementaire et de responsabilité ministérielle, même si celle-ci n’est pas encore explicitement énoncée. La prédésignation officieuse de Barroso n’est pas un diktat des gouvernements, c’est simplement la conséquence tirée de la situation sortie des urnes.

    Barroso a donc préparé pendant l’été un programme de gouvernement à présenter début septembre aux groupes politiques, dans lequel il renie en grande partie ses positions de campagne, notamment sur le rôle du Parlement européen et surtout sur l’accroissement de la régulation financière qu’il répudiait encore il y’a trois mois à peine. Passant sur son bilan et cherchant le consensus le plus large possible, il propose ainsi une Europe plus libérale, plus sociale (et plus individuelle) et plus verte, régulant mieux les secteurs clés mais diminuant la contrainte bureaucratique, accroissant l’intervention européenne pour sortir de la crise, mais sans augmenter ses pouvoirs, ses compétences ni son budget. La qualité de ce document a produit le consensus inverse, au point que le nom de François Fillon a commencé à se répandre sérieusement au sein du PPE.

    Il s’est lancé dans une série de grands oraux devant chaque groupe politique, l’accueil le plus chaleureux lui ayant été réservé par les eurosceptiques britanniques. Jean Luc Mélenchon en fait un compte rendu détaillé pour la GUE. Cet épuisant marathon nous amène au vote d’hier.

    Souvenons-nous que l’ALDE avait empêché un vote sur la reconduction de Barroso en juillet, mais qu’en était-il de la suite ? Attendrait-on l’entrée en vigueur éventuelle du traité “simplifié” ? Ou pas ? Ici, un superbe pataquès à compter dans les annales du parlementarisme. En effet, la conférence des présidents de groupe s’est réunie le 10 septembre, afin de fixer l’ordre du jour à venir ; chaque président disposant d’un nombre de voix proportionnel aux membres de son groupe. Or le “front” anti-Barroso n’a tout simplement pas existé ! Non pas que certains se soient rendus à sa reconduction, mais simplement que faute de s’être simplement parlés, leurs initiatives ont été contradictoires.

    Les socialistes, tout d’abord, ont demandé un report du vote. Pas de majorité. Les verts ensuite, plus fins, ont proposé la prolongation de la commission actuelle jusqu’à octobre. Pas de majorité. L’ALDE, plus fin encore, a proposé deux votes successifs, sous le droit actuel puis le cas échéant sous le traité de Lisbonne. Pas de majorité. Quant à la GUE (Front de gauche), elle s’est… abstenue !!! Dans la meilleure tradition de l’antiréformisme, la GUE étant opposée au Traité de Lisbonne a refusé de sembler l’entériner en demandant qu’il régisse la désignation du nouveau président de la Commission.

    Prévu mercredi 15 septembre, ce vote à la majorité simple ne promet guère de suspense…

    Et voilà comment on reprend le même et qu’on recommence.