Il y a des semaines comme cela…

Menu de la semaine

imgresPrenez une dose de Guéant à la sauce enquête préliminaire pour une histoire de rémunération en liquide (240 000€ tout de même !) qu’il avait lui-même interdite il y a quelques années, un soupçon de Cahuzac pour rallonger la sauce avec une nouvelle histoire de liste d’exilés fiscaux, pimentez d’un Tapie me revoila avec un air de « je porte la poisse » qui vient d’embarquer Stéphane Richard, et liez le tout par un reportage intéressant de France 2 sur « l’optimisation fiscale » (poétique euphémisme…), vous aurez alors le menu (un tantinet écœurant) de la semaine.

Certains en tireront peut-être la définitive conclusion que décidément il n’y a pas de salut autour de l’homo politicus ou que seule l’ignorance et l’aveuglement peuvent vous apporter sérénité et béatitude.

Pour ma part, cela me conforte dans l’idée que pour lutter contre les faiblesses humaines en générale et la corruption en particulier, il faut être du genre marathonien et s’appuyer sur les maigres progrès qui se présentent et ne pas s’arrêter sur les désillusions qui s’accumulent.

Les progrès ici sont de deux ordres : d’abord la justice avance, cahin-caha certes, mais finalement à un rythme presque supersonique par rapport aux dernières années. L’autre élément de satisfaction est que la corruption du système et des hommes n’est pas celle de tous les systèmes et de tous les hommes. Nombre d’acteurs forcés de ce système commencent à se rebeller et c’est bien pourquoi ces listes apparaissent. Il faut beaucoup de courage et de force morale pour oser dénoncer puis se battre alors qu’il serait plus simple et confortable de passivement y contribuer. À chacun de nous de se demander si autour de lui il ne voit pas aussi des choses inacceptables, et si c’est le cas s’il n’est pas temps de ne plus les accepter. La corruption, lorsqu’elle est à ce point généralisée, ne perdure que grâce à la complicité passive de ceux qui renoncent à la combattre lorsqu’ils en ont l’occasion. Facile à dire certes, oui, mais certains le font et ils n’avaient pas a priori le profil de vengeur ou de sauveteur de l’humanité.

Du point de vue politique cette fois, comment avancer ?

D’abord pour ce qui est du cas Richard, il est nécessaire d’étendre la jurisprudence politique qui veut que l’on démissionne lorsqu’on est mis en examen. Stéphane Richard n’a certes pas un mandat politique mais en qualité d’ex directeur de cabinet de Christine Lagarde il ne peut s’exonérer de ce passé. Sa nomination à France Télécom-Orange a nécessairement une composante politique et par ailleurs l’État n’est pas un actionnaire comme les autres dans l’histoire. Si on mélange affaires et politiques alors la règle la plus contraignante doit s’appliquer, Stéphane Richard doit se mettre en retrait de FT.

Au-delà, puisqu’à l’évidence les très mauvaises habitudes et le passif sont des freins douloureux pour retrouver une République et un système politique où la vertu et l’intérêt général sont la règle, il faut accélérer le renouvellement du personnel politique et la mise en place de règles de transparence d’abord, de contrôle ensuite. Le renouvellement peut être accéléré par une loi de non-cumul des mandats : cette loi est un engagement pris avec les Français en 2012, il doit être mis en place. Quant à la transparence, elle commence par la publication des revenus et dans une certaine mesure du patrimoine des candidats & élus.

Le temps des choix et des actes est venu.

Jean Jaurès On peut discuter du périmètre et des modalités, mais en aucun cas du principe et du fait que cela doit s’appliquer systématiquement pour toutes les futures élections.

Ne pas le faire reviendrait à se déclarer ouvertement corrompu.

Ne pas le dénoncer reviendrait à accepter ouvertement la corruption.

L’extrémisme de droite tue à nouveau en France

la-cagouleStupeur et consternation ce matin en entendant la nouvelle de l’agression  d’un militant de gauche en état de mort cérébrale après été avoir été attaqué semble-t-il par un groupe d’extrémistes de droite.

Le refus des règles démocratiques semble radicaliser des groupuscules qui, n’ayant pas gain de cause par les urnes, semblent vouloir remettre à l’ordre du jour les vieilles méthodes violentes. Cela n’est pas sans rappeler le triste épisode des cagoulards.

Mais aujourd’hui comme hier, ces extrémistes n’arriveront pas à leurs fins !

Pas content

Ecoutez-nous !Le ciel d’Iroise a beau être bleu en cette fin de semaine, je suis d’humeur ronchonneuse.

Et ce ne sont pas les condamnations de justice de la semaine qui me chagrinent. La justice passe sans entrave et je tiens à rassurer nos concitoyens. Avoir un gouvernement de gauche n’induit pas de protection et de traitement de faveur pour la droite : leurs élus qui auront fauté d’une façon ou d’une autre auront eux aussi droit à leur procès en bonne et due forme. Même si en face on semble avoir plus de mal à avouer ses fautes, il est de l’intérêt de tous les Français que la probité soit garantie à gauche, mais aussi à droite. Aidons donc l’opposition dans cette tâche difficile…

Non ce qui m’énerve c’est la reculade sur l’encadrement des salaires du privé. Et comprenons-nous bien là aussi. Il ne s’agit pas d’un réflexe paléo-gauchiste mais bien d’une position réfléchie dans l’intérêt général. Les dérives constatées sur les plus hauts salaires sont tout à la fois indécentes, injustifiables et scandaleuses.

Tout d’abord, en matière de rémunération (ce qui inclut plus que le salaire), je suis contre l’idée de plafonner le montant lui-même. Dans une audace libérale débridée, je défends l’idée de salaires les plus hauts possibles. Gagner un million d’euro par an ? Merveilleux ! Oui mais à une petite condition : puisque l’on parle de rémunération en entreprise et que les rémunérations distribuées sont le fruit du travail de tous, ce fruit doit être équitablement réparti. Si celui ou celle qui gagne le plus a 1 million alors cela doit vouloir dire que tous les salariés à temps plein touchent au moins 100 000 € (et comme je suis socdem, je suis prêt à discuter de l’échelle pour trouver un compromis).

Ne pas avoir d’encadrement des rémunérations et permettre le versement de sommes exorbitantes ressemble de plus en plus à du détournement de fonds légalisé. Et si cela ne peut pas être géré rationnellement par un encadrement réfléchi alors cela finira forcément au tribunal un jour ou l’autre. Dans un système de conseils d’administration incestueux, dans un système qui couillonne les actionnaires minoritaires (souvent avec leur bénédiction), dans un système qui a démontré une aliénation dramatique du sens moral et de l’intérêt général, il est inacceptable de s’en remettre à de vagues engagements. Voilà pour l’indécence et le scandale.

Mais en plus, cela est injustifiable. Il est faux et largement démontré comme tel par l’économie comportementale, de prétendre qu’une forte rémunération est nécessaire pour récompenser la performance des hauts dirigeants. C’est même très exactement le contraire : l’incitation financière rend idiot (cf. la vidéo ci-dessous).

Lorsque le cerveau humain doit prendre une décision, contrairement à ce que nous aimerions croire (ou que le libéralisme voudrait le faire croire), une décision est rarement rationnelle, logique, objective. Il en est de même pour la fixation du montant des rémunérations. Dans ce cas, notre cerveau va naturellement chercher un « ancrage » et va s’ancrer vers ce qui le séduit, ici les plus hauts salaires existants. C’est ce mécanisme qu’il faut casser avec l’encadrement salarial, car au lieu de creuser l’écart de rémunération au détriment des plus bas salaires, l’encadrement par rapport aux plus basses rémunérations permettra de tirer tout le monde vers le haut. Si le patron progresse, alors il entraîne tout le monde avec lui et du coup il sera vu positivement comme une locomotive au lieu d’apparaître comme celui qui fait main basse sur les fruits du travail de tous !

Le système actuel est celui du divorce cupide au sein de l’entreprise. Le système de l’encadrement des revenus sera celui de l’équipe qui partage équitablement les fruits du travail. Aussi bien du point de vue moral qu’économique ou managérial, il faut faire passer la loi sur l’encadrement des rémunérations.

Il faut en finir avec le discours schizophrène sur l’entreprise et cela commence par ce qui est le plus scandaleusement visible : la rémunérations des (quelques) patrons de grandes entreprises. À l’égal des traders qui ont construit le naufrage de 2008 par pure cupidité, l’image de ces patrons salit tous les dirigeants d’entreprise (dont certains ne se paient même plus en ce moment pour essayer de sauver leur entreprise et leurs salariés !) et humilie les salariés.

Une loi qui arrimerait les bas salaires au plus haut revenu d’une société est une loi qui construirait une solidarité de destin au sein des entreprises. Nous avons tous besoin d’une telle loi.

Les faucheurs de marguerites

OLYMPUS DIGITAL CAMERALe projet de l’aéroport de Notre Dame des Landes oscille toujours entre l’euthanasie et la résurrection. Avec la chaîne humaine de vendredi dernier, l’euthanasie a un peu repris le dessus mais comme son premier défenseur est le premier ministre, il semble clair que le point marqué cette semaine n’est que temporaire.

Mais au-delà des actions plus ou moins spectaculaires, que révèle ce conflit ?

P2779373D2180231G_px_512_D’abord qu’en matière d’aménagement du territoire, les choix ne sont pas fondés que sur la rationalité. Si Nantes a effectivement un problème de développement aéroportuaire, la création d’une infrastructure de cette ampleur a nécessairement des implications régionales. Et en terme d’aménagement régional justement, de priorité de développement, ce projet ne prend guère en compte la présence de l’aéroport de Rennes (sinon sous forme de rivalité en terme de leadership) ou l’isolement péninsulaire de Quimper & Brest. Au moins, si le projet de Notre Dame des Landes devait être abandonné, pourrait-on formuler le souhait que les 550 millions d’euro de budget soit réaffectés à la construction des lignes TGV Brest-Morlaix & Quimper-Lorient.

Mais plus profondément, il me semble que ce mouvement de contestation  porte en lui une dimension conservatrice dans un monde qui change vite, très vite, sans doute trop vite. Après tout, pourquoi dans une période économiquement catastrophique une partie non négligeable de la population se mobilise-t-elle ou a minima trouve-t-elle sympathique ce mouvement contre la construction d’un aéroport au milieu de nulle part ? La construction générerait forcément de l’activité économique & de l’emploi, son exploitation ultérieure également. Rationnellement (à nouveau), les champs et les marais de la campagne nantaise devraient peser peut de choses dans une telle situation. Or on voit se rejouer la lutte du Larzac près de 40 ans plus tard et peut-être comme à l’époque, sans en comprendre la nature émotionnelle profonde.

Nous ne sommes pas au début du XXème siècle dans un monde dirigé par une bourgeoisie qui pense que demain sera à l’identique d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans un monde de progrès lent, régulier et maîtrisé. Nous ne sommes pas dans un monde où chacun identifie sa place avec clarté.

Et ceci ne se limite au seul symptôme de l’aéroport nantais. Pourquoi le mariage pour tous, qui après tout est une réforme qui n’a aucun impact pour tous ceux qui se déclarent contre, a-t-il tellement agité les foules ? Parce que lui aussi détruisait une certitude culturelle tenue pour vérité immuable : un mariage c’est un homme et une femme. Et bien non.

bebeEt que se passera-t-il lorsque les gens comprendront que du point de vue médical et biologique, un enfant n’est plus le fruit d’un seul homme et d’une seul femme justement, mais en l’état des connaissances actuelles, potentiellement d’un homme et de deux femmes (trois lorsque la greffe d’utérus aura complètement réussi). Nous ne savons plus dire clairement ce que donner la vie signifie. Et il existe tant d’autres changements radicaux en marchent !

Nos certitudes culturelles, philosophiques, identitaires sont battues en brèche par cette époque. Mon propos n’est pas ici de dire si c’est bien ou pas, s’il faut y aller ou le refuser. Non, mon propos et plutôt d’essayer d’aider chacune et chacun à mettre un nom sur ces peurs du changement, d’inciter à la réflexion, et politiquement permettre de tracer sereinement un chemin éclairé vers un avenir construit en commun.

Content d’être au frais !

Arctic_expedition_v2

Les membres de l’expédition polaire ont atteint Dimanche le Pôle Nord géographique après une semaine de randonnée à skis.

Un trou a été percé dans la glace afin de faire descendre sur le plancher océanique “le drapeau pour l’avenir” et la capsule contenant les 2,7 millions signatures des défenseurs de l’Arctique. La capsule sphérique en verre cerclée de titane, a été descendue à proximité de l’endroit où un mini sous-marin russe avait planté en 2007 un drapeau, Moscou réclamant ce territoire.

Symboliquement, l’équipe a donc dénoncé cette réclamation, et déclaré l’Arctique zone protégée, par et pour toute l’humanité.

Cliquez ici pour voir le diaporama de l’événement.

 

 

Presque un an

Francois-HollandeIl y a un an, nous étions dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle. Beaucoup de choses ont été faites en un an. Cette semaine a d’ailleurs vu l’aboutissement d’une des grandes réformes sociétales avec le mariage pour tous, et pourtant mon sentiment est que l’essentiel n’a pas encore été atteint.

Les dégâts cumulés de 10 ans de gouvernement de droite et de presque quatre ans de crise financière puis économique n’ont pas été réparés. À peine la dégradation a-t-elle été endiguée. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que les Français ne se satisfassent pas de l’action gouvernementale.

Que faire alors pour les mois à venir ? Au-delà des incantions plus ou moins intéressées, il semble clair qu’un nouveau train de mesures s’impose, à la fois pour redonner un peu de souffle à des Français dont certains sont à la limite de l’apoplexie mais aussi pour adapter notre pays, enfin, aux bouleversements extraordinairement profonds qui nous touchent. Si nos politiques ont un peu de mal à en comprendre la nature, les difficultés fiscales pourraient bien les amener à sortir des modèles de sciences-po et de l’ENA pour ouvrir les yeux sur le nouveau monde qui se construit sous nos yeux.

Comme je le disais il y a quelques temps, dans une économie de la connaissance, il est inefficace de taxer des biens matériels dont la valeur monétaire chute. Dans une économie dématérialisée, il est inefficace de taxer les flux matériels. Dans une économie basée sur des mécanismes de gratuité, il est inefficace de taxer la valeur ajoutée. Dans une économie où l’on rompt avec le modèle énergétique, il est inefficace à terme de taxer le modèle que l’on abandonne. Dans une économie où l’homme cherche à maîtriser son empreinte sur les écosystèmes il est inefficace de taxer des éléments qui ne prennent pas en compte cette empreinte (si le carbone est un élément de cette empreinte, alors le carbone doit être un coût pour ceux qui le gaspillent et un revenu pour ceux qui en font le meilleur usage). Dans une économie où l’individu acquiert des capacités jusque-là réservées aux producteurs de la vieille économie, il est inefficace de continuer à baser la majorité de ses revenus fiscaux sur un modèle qui s’étiole.

Société et économie de la connaissance, société et économie numérique, société et économie en équilibre avec les écosystèmes, société et économie post-pétrole, société et économie des nouveaux individus et acteurs économiques, rien ne ressemble à ce qu’un gouvernement a pu connaître. Il est temps d’être aussi audacieux en ce domaine que nous l’avons été pour le mariage pour tous.