Brève du monde

DSK FMI Dar Es SalaamPendant que certains se cachent la face pour ne pas voir l’ampleur des problèmes, pendant que d’autres agitent la mousse des paradis fiscaux en oubliant d’expliquer comment ils avaient accepté et alimenté la machine infernale, pendant que d’autres encore ne sont toujours pas convaincus de la nécessité d’une réelle coopération internationale entre États, le FMI et son directeur en tête, participe à une réunion internationale à Dar es Salaam avec les dirigeants africains sur le sujet d’un renforcement de l’action du FMI sur le continent.

Quelques unes des orientations de ce sommet :

  • Amélioration de la surveillance du FMI sur la politique de tous ses membres, dans un esprit d’équité ;
  • Extension des moyens de financement du FMI et de leur accessibilité aux pays à bas revenus;
  • Consolidation du processus d’allègement des dettes en ajustant la structure de financement des dettes du FMI pour s’adapter aux besoins de nouveaux financements de l’Afrique et aux opportunités ;
  • Accélération des réformes de gouvernance de FMI pour augmenter le poids des voix de l’Afrique et la représentation à tous les niveaux de l’institution
  • Amélioration des règles de dialogue entre le FMI et ses membres africains, y compris pour l’aide technique, pour assurer que la politique des pays africains profite de l’expérience du FMI et de son expertise ;
  • Renforcement du rôle catalytique du FMI pour démultiplier le financement public et privé pour les besoins d’infrastructure critiques de l’Afrique.

Il serait sans doute bon que cette réunion inspire celle à venir du G20, avec en exergue une phrase de Dominique Strauss-Kahn : “Le monde entre dans une grande récession bien au-delà d’une croissance 0“.

Alors, il est toujours ultra-libéral le FMI ?

Si le réalisme pouvait venir d’Afrique

L’Europe, ici et maintenant

Elections européennes

Les élections européennes approchent et je me dis que ce devrait être un moment, non de joie vue la situation économique, mais au moins de mobilisation couteau entre les dents pour sauter à la tribune, mobiliser les Français, affirmer haut et fort que nous sommes là pour nous battre pour notre avenir, face à l’ouragan.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’en sommes pas encore là.

Certes, ces élections partent avec un certain handicap. D’abord celui d’un scrutin qui réussit à n’avoir ni caractère européen (chaque pays vote chez lui même si certains candidats ont un accent), ni national (huit zones géographiques), ni régional et encore moins local. Comme si cela ne suffisait pas, les listes ont été constituées par des punis (voir le cas Dati), des parachutés et des tours de bonneteau pour caser les copains, les minorités à rendre visible, les prix à payer la paix dans les ménages et pas mal d’autres choses, dont parfois, l’intérêt affiché de bons candidats pour le poste (je me limiterai à citer Catherine Trautmann puisque c’est une régionale de l’étape strasbourgeoise). Et pour colorer encore un peu ce tableau, les listes socialistes sont le résultat de la recette du quatre quarts qui a pourtant montré combien il était lourd à digérer.
Dans cette élection il y a les citoyens et le parlement, et entre les deux un abîme.

Autre handicap, cette fois socialo-socialiste, la dernière fois que le PS a eu à s’exprimer sur l’Europe, ce fut un gadin magistral. Pas d’excuse à chercher, nous nous sommes plantés et avons planté l’Europe : dont acte inutile de pleurer sur le passé mais souvenons-nous pour que cela ne se reproduise plus jamais !

Ce préambule étant posé, j’aimerais quand même savoir pourquoi les socialistes partent au combat la queue entre les jambes. Si mes souvenirs sont bons, depuis la défaite présidentielle, nous avons largement redressé la barre électorale. Si j’en crois les dernières manifestations et journées d’action, le PS a retrouvé le chemin qui mène aux français et ces derniers ont été heureux d’enfin nous revoir à leurs côtés. Si j’en crois l’évolution économique, l’analyse social-démocrate est largement plébiscitée par les faits contre les erreurs historiques tant du marxisme que de l’ultra-libéralisme. Parallèlement, la politique catastrophique du gouvernement Sarkozy est clairement maintenant un échec total qui ne peut décemment pas prendre la crise pour alibis.

Alors, de qui sommes-nous censés avoir peur ? D’une alliance mélucho-pététesque qui n’aurait aucun moyen de peser à Strasbourg si ce n’est, comme pour la taxe Tobin, voter contre leurs propres objectifs puisqu’ils sont d’abord le parti de l’anti-tout. D’une droite en situation d’échec économique sans précédent ? D’un Bayrou certes européen mais toujours à la recherche d’une place politique ? D’un Cohn-Bendit dont on ne sait s’il est à la recherche des verts ou d’un amphi lui rappelant sa jeunesse perdue ? A part de lui-même, je ne vois pas bien de quoi aurait peur le PS.

Elections européennes PSE

Serions-nous alors en panne d’idéal, de symbole, de programme ? Non, car jamais les socialistes européens n’ont été aussi cohérents, aussi clairs : il suffit de faire connaître le manifeste du parti socialiste européen pour le démontrer. Un texte européen unique pour un programme européen : qui dit mieux ?

Serions-nous en panne d’arguments ? Alors, regardons les moments que nous vivons et comparons-les à notre histoire. 1929-2009 : 80 années d’écart pour les deux crises les plus terribles de l’histoire contemporaine. 1929 a conduit au repli nationaliste, au rejet des autres, aux gouvernements fascistes, puis à la guerre mondiale. En 2009 nous avons l’occasion d’affirmer notre volonté de coopération internationale, d’intégration des autres, de renforcement démocratique, de régulation pacifique du monde. Nos valeurs ont un poids particulier pour cette élection parce que la période est plus que particulière. Ne rejouons pas 1929, osons défendre nos valeurs humanistes, internationalistes, progressistes. Refusons la vision européenne de la droite, l’Europe des nations, l’Europe individualiste, libérale et égoïste, repliée sur chacun de ses États : à partir de 1929 cette vision a lentement conduit au pire !

Elections européennes

Alors, sautons couteau entre les dents à la tribune, mobilisons les Français, affirmons haut et fort que nous sommes là pour nous battre pour notre avenir, face à l’ouragan.

DSK ou l’histoire du prince et du mendiant

Dominique Strauss-Kahn

Comme les français sont versatiles et facétieux ! Un jour ils vous mettent à bas et versent sur vous leur ire et leurs frustrations, et le lendemain vous taillent un costard de prince des mille et une nuits.

Si vous ne me croyez pas, il suffit de lire l’actualité de la semaine dernière. Mardi, c’est haro sur celui qui n’a pas d’humour, le mardi de l’homme qui ose dire qu’il n’aime pas une blague : honte à lui qui renie Rabelais et les guerres picrocholines, sus à ce censeur ! La France bloggueuse s’émeut et, telle une autruche, se cache la tête sous la toile pour ne pas voir que l’essentiel du message strauss-kahnien n’était pas à chercher dans le bruit blanc des rieurs mais dans les noirceurs de la finance mondiale.

S’en suit bien sûr quelques saillies sur de vieilles lunes réchauffées, puis l’improbable revirement, le looping cosmique du jeudi : et si DSK devenait premier ministre ? Sans doute est-ce là une autre tentative humoristique de type comique de répétition. Il faut se souvenir en effet que Dominique Strauss-Kahn est sans doute le champion des hommes politiques au poste de premier ministre virtuel. Déjà lors de la dernière campagne présidentielle, il était assuré d’accéder à cette fonction si la gauche ou le modem gagnait. Ici, la boucle serait bouclée puisque le voilà à nouveau premier ministre virtuel (s’entend : débauché par la droite, ah le traître qui tel le sucre dans le lait est partout, mais finalement dans aucun gouvernement…).

Qu’en penser ? Factuellement, et à moins d’aimer le flan, rien du tout. Tout cela n’est que mousse de circonstance. Mais comme il est bon d’explorer et de sonder l’avenir, examinons cette histoire de 1er ministre sous un autre angle : quels éléments seraient déclencheurs d’un gouvernement d’union nationale où la gauche participerait pleinement, y compris en assumant le poste de 1er ministre ?

La machine économique infernale actuelle n’aboutit-elle à une telle nécessité d’union nationale ? Il y a quelques temps, Fillon avait appelé à une telle union à ceci près qu’il s’agissait surtout à l’époque d’un effet de manche ou mieux encore, de demander au parlement de signer un chèque en blanc à un gouvernement qui depuis près de deux ans n’a pu montrer que des échecs, un grand sens de l’irresponsabilité et une inquiétante incapacité dans la compréhension de ce qui se passe, en particulier dans la vie de tous les jours des français.

Pour en revenir à la mécanique financière, après réflexion et quelques renseignements pris à droite et à gauche (et même indirectement à Washington auprès du mari d’une célèbre journaliste), la mécanique d’un crash des monnaies, dollar en tête, s’avère très peu probable si l’on écarte l’hypothèse d’une “guerre monétaire” en bonne est due forme d’un ennemi hypothétique des E.U. Le spectre d’un effondrement monétaire comme l’Europe en a connu dans les années 20 est donc très peu probable.
Reste que la valse des cessations de paiement, non pour les États mais pour les sociétés, a commencé : si le sort de GM et Chrysler n’est pas encore (?) fixé, les gouvernements européens ont déjà dû voler au secours de leurs filiales, SAAB ou Opel. Si j’ai bien suivi, l’État pourrait aussi venir au secours de Peugeot (on notera au passage que si la crise automobile a été accentuée par les problèmes financiers mondiaux, fondamentalement il s’agit d’un problème industriel de rupture technologique : les clients se demandent quel sera l’énergie de demain et retardent leurs achats de voiture neuve, encouragés en cela par la peur du lendemain). Voilà des sauvetages qui évitent le désastre total, mais jusqu’à quand peut nationaliser peu ou prou des sociétés devenues insolvables sur un marché en rupture ? Devra-t-on émettre de la monnaie de singe lorsque l’on n’aura plus de cash ?
Toutes ces cessations de paiement ont 2 origines : la baisse extrêmement brutale des commandes (inadéquation entre offre et demande), ce qui ne permet pas aux entreprises de s’adapter assez vite, et d’autre part le trop faible support des banques (ce qui est la cible numéro un du FMI).

Voila pour une analyse très imparfaite de la situation du jour. Mais tout cela nous amène directement à l’action politique. Pour l’instant, ce gouvernement se voile la face et refuse depuis le début de prendre la mesure de la crise. La gauche doit-elle l’attaquer frontalement au risque de provoquer une crise politique majeure ou devons-nous accepter les choses parce que c’est démocratique d’une part et que nous avons peur d’aggraver les choses dans le cas d’une attaque frontale ? Cette dernière solution serait déjà une forme de gouvernement d’union nationale qui ne dit pas son nom, une forme assez lâche, irresponsable.

Ensuite, pour revenir sur l’argument démocratique, ce gouvernement n’a bien sûr pas reçu de mandat pour une politique liée à cette crise : la situation de 2009 n’a rien à voir avec celle de 2007 et la promesse électorale de 3% de croissance risque fort de se transformer en 3% de récession bien réelle. Si la situation ne se redresse pas très vite, il est clair qu’il va falloir redemander aux français un mandat politique : il va falloir statuer sur les orientations (nationalisation, protection, partage des efforts, coupes budgétaires, niveau réel de déficit, …). L’autre option étant de faire comme dans les années 30 et de passer à des gouvernements dictatoriaux. Si nous privilégions l’option démocratique, les bases d’un gouvernement d’union nationale doivent être soumises aux français. Et quelles sont ces bases ? Le marxisme a échoué, l’ultra-libéralisme échoue en ce moment sous nos yeux et ce qui est plébiscité par les faits, c’est la social-démocratie même s’il est entendu qu’elle aussi doit être revisitée.

Il nous incombe de définir la politique de sauvetage puis de sortie de crise, de conduire le rassemblement et de conduire la politique qui sera acceptée par nos concitoyens.

Ce qui me semble évident, c’est qu’un futur gouvernement d’union national sera un gouvernement mené par une personne ayant fait preuve de ses capacités de compréhension, de ses compétences, de ses talents de manager et de négociateur, une personne ayant une vraie stature internationale.

Il est aussi impératif d’en finir avec le bonarpartisme ringard actuel, de revenir à une conception humble de l’exercice du pouvoir, respectueuse des parlementaires et de l’exécutif. Un gouvernement d’union nationale peut parfaitement plancher sur une nouvelle République, mais en attendant, cela doit se faire dans l’esprit et la lettre de la Vème République.

Une autre chose me paraît évidente : plus nous attendons, et plus ce sera difficile. Au tout début, le problème était de trouver quelques centaines de milliards aux Etats-Unis, aujourd’hui nous en sommes à quelques dizaines de milliers de milliards sur toute la planète, avec une économie déjà partiellement détruite.

Ôte mes chaînes esclave mon libérateur

“La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on peut saisir l’impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité.”

Cette phrase n’est pas un extrait d’un texte de Dominique Strauss-Kahn à l’époque où il écrivait “365 jours” et que son leitmotiv était “lutter contre le renoncement”,  il ne s’agit pas non plus d’un romantique texte sur la quête de l’impossible, non, il s’agit d’un appel à la révolte de neuf de nos concitoyens antillais.

Et pour quoi se révoltent-ils ? La gloire et la richesse ? Non, juste pour le nécessaire : avoir les moyens de subvenir à leurs besoins de base autant qu’avoir les moyens de s’émanciper de sa condition d’individu et prendre toute sa place, sociale, intellectuelle, spirituelle dans le concert des citoyens.

Que de fois j’ai défendu une telle position ici ! Comme cette phrase “Il est donc urgent d’escorter les « produits de premières nécessités », d’une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d’une « haute nécessité »” fait écho à celles sur les services publics garantissant gratuitement un niveau minimum des besoins vitaux des citoyens (”protectionnisme et agitationnisme“, “vive le protectionnisme“, ou même le déjà ancien “O.U.I à la social-démocratie française : outils, utopie, idéologie“).

Voici ce premier panier que nous apportons à toutes les tables de négociations et à leurs prolongements : que le principe de gratuité soit posé pour tout ce qui permet un dégagement des chaînes, une amplification de l’imaginaire, une stimulation des facultés cognitives, une mise en créativité de tous, un déboulé sans manman de l’esprit. (…). Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du « Marché », mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l’instrumentalisant de la manière la plus étroite.

Comme j’aimerais entendre ces mêmes paroles venant d’un cadre de Solférino. Nous avons oublié que le verbe du poète a une portée autrement plus grande et profonde que celle du spécialiste. Nous devons retrouver la formule de l’alliage de ce verbe poétique et de l’équation de l’ingénieur.
Cet appel n’est pas qu’un exotique épiphénomène se limitant à la situation des îles d’outre-mer. Certes les auteurs de ce texte l’ont conçu dans un contexte mélant créolité, société post-esclavagiste, isolement économique. Mais au-delà de ce contexte, comme ils ont tord de ne pas s’élever au-dessus des certitudes de la pensée métropolitaine ! Leur combat pour les besoins vitaux des citoyens est aussi le notre ! Leur combat pour une société économiquement responsable et équitable, écologiquement refondée est aussi le notre !

Descendants des esclaves des îles lointaines, les métropolitains ont besoin de vous pour se libérer de leurs propres chaînes faites de conformisme, de peur, de paresse, de lassitude et oui, de renoncements. Vos békés ont un visage, les nôtres n’ont qu’une ombre que nous refusons d’éclairer.

Alors voici notre vision : Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d’être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s’inscrit dans l’horizontale plénitude du vivant“.

Cette vision, je la veux mienne. Amis de France, les fils des esclaves montrent le chemin aux fils des lumières.

Petite brève légère du soir : Qui trouve-t-on dans le top 12 des blogs politiques ?

Non, pas moi qui ne suit qu’un citoyen lambda usant des moyens du militant de base pour faire entendre une musique de raison à qui veut bien me lire. Non, plus les têtes d’affiches et les habitués des premières pages peoples : aucune campagne présidentielle n’étant en cours (enfin je crois), aucun million d’euros n’a été utilisé pour aider le consommateur à librement exercer sa citoyenneté.

Pierre MoscoviciDeux personnalités que l’on retrouve avec surprise dans ce classement  : la sémillante Anne Sinclair et le nom moins sémillant Pierre Moscovici. Étonnant de voir que le blog d’un socialiste, certes éminent, mais qui n’a pour l’heure d’autres honneurs que ceux de ses mandats, et d’une journaliste qui n’a d’autre projet politique que celui de nous faire part de ses cartes postales d’expatriée, confidente amie desAnne Sinclair grands jours comme des petits tracas, étonnant donc de les voir tous deux figurer pour leurs seules qualités dans ce palmarès.

Mais, je veux y voir une sorte de juste hommage à une intégrité intellectuelle, un combat honnête de tous les jours récompensé par les internautes, restant anonymes ou s’exprimant à l’occasion chez eux pour parler à l’agora mondiale toute entière.

Voilà un bel hommage à aux honnêtes hommes (parmi lesquels on compte les femmes, la preuve est faite !), à l’humilité citoyenne et militante, à la pensée et la façon d’être socdem au quotidien aussi.

Protectionnisme et agitationnisme

Coupé PeugeotIl y a quelques semaines, j’écrivais un article qui défendait l’idée du protectionnisme dans un cadre bien précis qui est celui des besoins vitaux des citoyens satisfaits par des services publics (ou des délégations privées du service public), le tout dans un cadre européen pour ce qui nous concerne.

Ce type de protectionnisme ne s’opposant pas fondamentalement à une logique de marché puisqu’une négociation peut parfaitement être mise en place pour prendre en compte les acteurs privés de possibilité de vendre leurs bien sur un secteur protégé. Dit autrement, si l’on décide que les besoins alimentaires de base doivent être satisfaits par un service public “verrouillant” ce marché, il faudra négocier avec les exportateurs qui intervenaient sur ce marché une compensation de type service public local (a priori, consommer du riz en France correspond au même besoin vital partout dans le monde et si ce marché doit être protégé en France, il en est sans doute de même partout dans le monde. Notre pays retrouverait alors une partie de ce qui fait sa grandeur : une vision humaniste et internationaliste de son modèle de société).

L’idée du “bon modèle protectionniste” étant (rapidement) exposé, y en a-t-il un mauvais ? (mal)Heureusement, en terme de contre-exemple, nous n’avons pas à chercher longtemps, il suffit de se tourner vers notre gouvernement et de son cacophoneur en chef. Suite à son plan d’aide à l’industrie automobile, la majorité des dirigeants européens ont levé leur bouclier pour parer une orientation qui leur apparait à tous comme étant protectionniste. Nicolas Sarkozy se défend cependant après coup d’avoir décidé de mettre en place du protectionnisme.

Est-ce effectivement une mesure protectionniste, et si oui en cas est-ce du mauvais protectionnisme ?

L’aide Sarkozy est en fait un prêt, l’argument est donc de dire qu’il est remboursable et qu’il se substitue seulement aux banques dont le moindre défaut et d’être peu prêteuses en ce moment. Un prêt, c’est donc bien remboursable et ne constitue pas une aide déloyale en cash, sauf que les intérêts viendront en diminution des futurs bénéfices que que si cet argent vient servir aux investissements, l’amortissement de ces investissements viendra encore diminuer la note. L’État banquier fait une opération rentable mais le trésor public perdra plus que les revenus des intérêts de l’État banquier. On retrouve ici un mécanisme de défiscalisation, il faut juste être français pour bien en saisir l’intérêt. Il s’agit effectivement d’un mécanisme de protectionnisme, mais du même type que celui du dumping fiscal de certains pays européens (ici plutôt dé-fiscal). Il serait vraiment plus qu’utile de mettre en place un serpent fiscal européen pour éviter les mécanismes fiscaux qui effectivement faussent la concurrence.

Mais au-delà, une aide protectionniste à l’industrie automobile, même si elle était concurrentiellement loyale, serait-elle adaptée et acceptable ?

Aider Peugeot, Renault, Volvo (ou Ford, Toyota, …) ne servira absolument à rien si leurs sous-traitants venaient à faire faillite : aujourd’hui, les grandes marques automobiles ont un métier de motoriste, de R&D et d’assembleur, mais il y a très longtemps qu’une grande partie des éléments automobiles ne sont plus construits par eux. Or aujourd’hui, ce sont les sous-traitants qui sont les plus fragiles car ils font partie des variables d’ajustement des constructeurs.

Une aide en trésorerie pour les acteurs de l’automobile est-elle aujourd’hui suffisante ? Sans doute pas : si cette mesure avait été prise il y a un an, ces entreprises auraient eu le temps de s’adapter ; aujourd’hui, nous sommes en train de passer d’un problème de trésorerie à un problème de dimensionnement de l’appareil de production. Le marché est là, mais il a singulièrement rétréci (inadéquation de l’offre et de la demande) et il va sans doute devoir technologiquement muter (nous sommes en plein dans la rupture énergétique). Dit autrement, ces entreprises ont un savoir-faire, un marché, des perspectives d’avenir, mais elles sont en grande difficulté à cause des mutations nécessaires. Nous sommes en plein dans un des cas où les nationalisations temporaires ont un sens.

L’argument “vital” est-il ici recevable ? Cette industrie représente de l’ordre de 10% des emplois (de mémoire), mais ne correspond à aucun service public. De mon point de vue, l’activation de cette clause n’est pas recevable : clairement, toute aide directe doit se faire dans le cadre d’un programme européen concerté et défendable à l’OMC (aide en contre-partie d’une limitation d’exportations par exemple). Par ailleurs, il était vraiment inacceptable, voire puéril, d’annoncer un plan d’aide en désignant un de ses partenaires européens comme cause de ses maux : certes Nicolas Sarkozy se rêve encore à la présidence européenne en lieu et place des tchèques, mais ce n’est pas en affichant un mépris agressif envers nos amis européens que l’on arrivera à quelque chose de positif. Qu’ils reçoivent ici les humbles excuses personnelles d’un anonyme citoyen français pour cette grossièreté.

En résumé, le plan Sarkozy pour l’automobile est effectivement de nature protectionniste à travers des mécanismes fiscaux. Il ne correspond pas à la préservation de besoins vitaux pour les citoyens mais a une grande importance vis à vis d’un secteur qui emploie beaucoup de salariés. Il est probablement inadapté (prêt) en regard des vrais enjeux (restructuration industrielle, rupture technologique à faire). Il est agressif et inéquitable vis à vis de nos partenaires européens et risque d’entrainer en retour d’autres mesures protectionnistes car il n’a pas été négocié et accompagné de contre-partie.

Rappelons-nous, qu’au delà du point de vue idéologique, le protectionnisme a une face sombre qui est le repli nationaliste et agressif sur soi. En diminuant unilatéralement les échanges, ils diminue d’autant la création de valeur et donc amplifie la crise.

Le protectionnisme doit être réservé aux services vitaux pour les citoyens d’un pays.

La fixette qui nous perdra

Hoover DamLe bon sens semble être une chose aussi rare que les prêts bancaires en ce moment.

Le gouvernement vient de nous annoncer son plan aux mille projets telles mille fleurs plantées dans le jardin de France. Qu’en dire ? Si l’époque le permettait, je dirai avec humour qu’il s’agit là d’une vieille recette parmi les vieilles recettes si facilement méprisées lorsqu’elles viennent d’en face. Oui, bien sûr, travailler sur les infrastructures est un investissement intelligent, s’il est cohérent.

L’est-il ? A court terme, cela va maintenir des emplois et peut-être en créer quelques uns. Mais cela va-t-il à moyen terme nous permettre d’être plus compétitif grâce à de meilleures infrastructures ? Cela va-t-il nous permettre de résoudre le problème de la rupture énergétique ? Cela va-t-il nous permettre de prendre le virage de la rupture climatique ? Lorsque l’on voit que ce sont les infrastructures routières qui se taillent la part du lion, on peut en douter. Où sont les investissements dans les technologies pour demain (matin !) ? Où sont les synergies qui consolideront le tissu industriel ? Où sont les sources de développement des nouveaux services ? Où sont les amortisseurs qui empêcheront les faillites par effet de dominos ?
Cela résoudra-t-il la crise profonde du logement (trop mauvaise adéquation entre offre et demande, trop peu de nouvelles constructions, en particulier HLM) ? Là, c’est plus que douteux : le plan aide les promoteurs sans s’attaquer au fond de la crise immobilière.
Cela est-il suffisant en nombre ? Bien sûr que non, 1000 projets sont totalement insuffisants par rapport aux besoins. On peut espérer que tout cela ait un effet positif, mais nous avons des raisons de craindre une profonde erreur sur l’estimation des besoins. Ce gouvernement a compris trop tard la réalité et les implications de la crise financière (alors que les signes étaient déjà là au printemps 2007, il a fallu attendre l’hiver 2007 pour avoir une prise en compte claire et 2008 fut une course avec systématiquement plusieurs temps de retard sur la crise devenue économique). Le gouvernement n’est toujours pas en phase avec la réalité : Patrick Devedjian n’annonce-t-il pas une croissance positive alors que le FMI envisage une tendance vers -2% et que l’Allemagne donne des estimations entre -3% et -5% ? Sur ces dernières années, ce gouvernement a eu systématiquement tord par rapport aux prévisions du FMI. Aveuglement et imprévoyance inacceptables !
Est-ce suffisant en terme de champ d’application ? Sur ce point, le gouvernement Sarkozy tient un cap erroné de façon totalement psychorigide. Il est évident pour tout le monde, sauf eux, que la crise financière a déclenché un profond déséquilibre économique entre offre et demande. La capacité de production des différentes économies est maintenant largement au-dessus de la demande, et ceci va en s’accentuant au fur et à mesure où les gens perdent leur emploi ou ont peur de le perdre. Par ailleurs l’argument des echecs passés ne tient pas plus : nous ne sommes plus à l’époque où les importations menacaient les filatures Boussac et que le franc était attaqué ! Par ailleurs, aujourd’hui la faible demande est motivée à la fois par la peur de la crise et par un pouvoir d’achat qui ne permet pas d’être optimiste. Cette crise de la demande résulte au minimum de la conjonction d’éléments objectifs de crainte et du sentiment d’avoir été trahi (”travailler plus pour gagner plus” nous promettait-on). L’activisme affiché de Nicolas Sarkozy s’est transformé en mouvement brownien anxiogène.

En plus de la relance de la consommation, que pourrait-on faire ? Revenir aux fondamentaux du contrat républicain et le moderniser. Les services publiques doivent avoir pour but de subvenir aux besoins élémentaires des citoyens. Aujourd’hui, à force de casse et de raccommodage, leur objectif est devenu nébuleux, leur efficacité en baisse, leur coût en hausse. Par ailleurs, la nature profondément redistributive et palliative des aides est complètement obsolète à une époque où la diversité de situation est la règle, où le salarié et souvent aussi un micro-capitaliste ou un micro-entrepreneur, où le retraité ne l’est plus forcément totalement, où le travailleur même régulier n’a plus forcément un salaire suffisant pour vivre. J’aimerais me tromper, mais le RSA actuellement mis en avant ne résoudra pas le problème de fond de l’inefficacité de la redistribution.

Il faut passer à autre chose, passer à la gratuité partielle ou totale de la satisfaction des besoins fondamentaux fournis par les services publics ou leurs délégations (eau, énergie, nourriture, logement, soin, transport, information). Des ambryons mis en place par la gauche (CMU par exemple) ou les régions (gratuité partielle des transports) ont ouvert la voie et montré la faisabilité : allons au bout de la démarche. Là est le vrai investissement pérenne, là est l’investissement d’infrastructure et de services qui fournit un avantage concurrentiel, là est l’amortisseur de la crise pour tout un chacun, là est l’avenir des citoyens et de notre République.

Pour qui sonne le glas ?

Jeudi social, jeudi de grève, jeudi de manifestation, jeudi de fracture, mais surtout jeudi de réveil.

Pour la première fois depuis longtemps, la France des salariés descend unie dans laPrise de la bastille rue. Le gouvernement a bien essayé de matraquer l’idée qu’il ne s’agissait que de la France des fonctionnaires et des privilégiés, mais les indications à la mi-journée faisaient état d’une tout autre réalité : oui les salariés du privé sont aussi dans la rue, qu’ils soient du secteur automobile en plein dans la tourmente, du secteur bancaire, ou encore de la grande distribution. La lecture de la droite est déphasée. À côté des fonctionnaires si facilement dénoncés, on voit des intérimaires qui ne trouvent plus d’emploi, des salariés au chômage technique, de nouveaux licenciés économiques, des retraités qui commencent à devoir faire les “après-marchés” pour se nourrir et qui y croisent les travailleurs pauvres, les exclus et tout un monde que nous ne voudrions pas voir.

Cette manifestation n’est pas, comme on veut nous le faire croire, une gesticulation de plus de la gauche, mais bien le premier symptôme visible de la crise sociale qui découle à la fois de la dégradation mondiale et aussi, surtout, de la façon dont le gouvernement français gère cette tempête qui fut d’abord financière avant d’être économique, et maintenant sociale.
Après plus de six ans de gouvernements UMP, dont deux sous la domination totale de Nicolas Sarkozy, nous allons très mal et ce n’est qu’un début. Mais le problème principal est d’abord que ce gouvernement est incapable de prendre la mesure du problème économique et social, incapable de se remettre en cause, incapable de comprendre pourquoi il a battu tant de records économiques dans le mauvais sens, incapable d’incarner la respectabilité et la compétence, incapable d’inspirer la confiance.
Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy restera terré à l’Elysée. Peut-être mettra-t-il un CD de Carlitta et regardera ses photos de vacances. Il est au chaud et bien nourri. Cela ne peut pas durer.

Le locataire de l’Élysée envoie en ce moment ses messagers nous expliquer combien il faut être solidaire en ces temps de crise. Quel cynisme pour le chantre du démerde-yoursel, pour celui qui ne manque pas d’ironiser sur les salariés qui contestent (les grèves dont plus personne ne s’aperçoit), pour celui qui ne supporte pas les “lèse-majesté” (casse toi pauvre con), pour celui qui fait des remontrances aux banquiers devant les caméras mais leur donnera quand même les milliards nécessaires pour verser un dividende aux actionnaires et surtout ne fera rien pour ses propres excès de salaire, qu’il a presque doublé en arrivant.

Cet homme n’est pas exemplaire, il ne comprend ni l’économie, ni les Français, il est à de nombreux égards, indécent.

Quelle est l’urgence aujourd’hui ? Mettre en place un gouvernement compétent, se remettre en phase avec nos partenaires internationaux (oui il est maintenant certain qu’il faut faire aussi une politique de la relance de la consommation), retrouver une légitimité démocratique. Alors il pourra y avoir une union nationale face à la crise, alors les Français pourront se mettre en ordre de bataille pour vaincre la crise. Mais en l’état, on ne peut que constater la gravissime défiance du pouvoir politique national, on ne peut qu’être abasourdi par les chances gâchées (le chômage qui n’a pas été réduit au taux du plein emploi malgré la chance démographique historique), les virages manqués (les mesures fiscales et sociales à contre-courant), l’imprévoyance passée (j’irai chercher les 3% de croissance avec les dents), actuelle (la croissance sera de 0% en 2009 selon Devedjian), et hélas à venir. Non la crise ne se résoudra pas toute seule d’ici la fin de l’année ! Ce qui va arriver à court terme, c’est une explosion des dépôts de bilan et un écroulement d’une partie de l’économie sous forme de chaîne de dominos.

Cela peut être évité, nous pouvons sortir vainqueur de cette tempête, mais nous devons avoir les bonnes personnes aux bons postes, avec des moyens adéquats.

Comme nous avons des raisons de regretter d’avoir raté la présidentielle de 2007 ! Comme nous avons des raisons de regretter que Dominique Strauss-Kahn soit à Washington et pas à Paris !

Vive le protectionnisme

Emmanuel ToddJ’ai assisté cette semaine à une conférence d’Emmanuel Todd pour la présentation de son dernier livre “Après la démocratie“. L’homme est un intellectuel pétillant, direct, un rien gamin riant de ses blagues, non sans une certaine (auto)dérision.

La conférence m’a été d’autant plus agréable que je me trouvais face à un homme exprimant sans ambages la condamnation de tant de choses que j’ai pu combattre ici et ailleurs, au premier rang desquelles une vacuité totale du message politique de la dernière présidentielle (et de la suite), si ce n’est la capacité de dire ce que les gens veulent entendre sans y ajouter une once de contenu, de projet politique.

Mais au-delà de la critique des personnes, Todd nous interpelle sur un nécessaire protectionnisme économique s’insérant certes au sein des lois du marché, mais s’opposant au libre-échangisme, l’argument étant que si le libre-échange mondialisé génère des richesses, il permet surtout une montée des inégalités à un niveau inconnu dans l’époque contemporaine occidentale. Le libre-échange est “égalitaire” dans le sens d’une diffusion mondiale d’une hyper-richesse pour très peu, de la généralisation d’une classe d’ultra-pauvreté et d’une baisse moyenne de la richesse pour la plupart ; une sorte d’égalité internationale des hyper-inégalités planétaires. De fait, c’est bien ce que disent les études démographiques, et en particulier, les jeunes générations européennes bien que mieux formées que leurs aînés, bien que disposant de moyens technologiques supérieurs, bien que bénéficiant d’un plus haut niveau de productivité, sont condamnés en l’état à avoir une vie financièrement inférieure à leurs parents. C’est une hérésie de l’histoire.

Le protectionnisme est-il fondamentalement en opposition avec la social-démocratie ? Je crois, et c’est un avis très personnel, que cela va dépendre des critères idéologiques que l’on y applique, et donc des bornes et des objectifs que l’on se fixe. Si l’on décrète que certains éléments fondamentaux comme l’auto-suffisance alimentaire, énergétique, médicale, intellectuelle, financière ne peuvent être livrés au libre-échange puisqu’ils représentent des éléments vitaux pour notre société alors nous pouvons entrer dans une logique de service public non-concurrentiel avec des arguments recevables (peut-on confier un élément vital à une mécanique aveugle sans but identifiable, ou à la mystique de la main invisible du marché ?). Je crois que dans le cadre du critère “vital pour notre société”, le protectionnisme a un sens et qu’il est acceptable pour les sociaux-démocrates.

Doit-on aller plus loin et faire comme Obama qui a promis d’appliquer une politique protectionniste pour par exemple aider Boeing dans son combat contre Airbus ? Discutable, mais je crois que non : dans ce genre de cas, l’aide de l’État est une chose défendable, mais elle ne doit pas verrouiller les échanges. Boeing n’est pas vital pour le citoyen américain même s’il est clair que cette société est une source de richesse.
Le débat libre-échange vs protectionnisme doit être arbitré par l’idéologie. Nous, socdems, nous donnons pour objectif de donner un sens à notre action en regard des objectifs de notre société (notre identité individuelle s’inscrit dans un destin collectif, pas dans une concurrence d’individus isolés agissant selon la loi du démerde-yoursel). Cela est applicable sur ce problème économique et je crois que nous pouvons nous construire un discours et une politique cohérente sur ce sujet, en acceptant sans problème les lois du marché mais sans tomber dans le piège tendu par les ultra-libéraux : nous voulons des lois et des principes pour réguler le marché, ce qui veut dire que dans certains cas l’État n’a pas à intervenir, mais dans d’autres, jugés vitaux pour la société, il doit le faire et peut aller sans se renier jusqu’au protectionnisme.

Un petit regret a l’issue de cette conférence : lorsque je lui ai demandé son pronostic sur la manière dont allait finir notre République (remise en cause institutionnelle par les parlementaires bafoués, sursaut idéologique des partis ou révolution des chômeurs jetés dans la rue), il m’a fait une réponse sur ce qu’il jugeait souhaitable (modification au sein du système institutionnel) et non sur ce qu’il jugeait probable. Mais peut-être faut-il interpréter cela comme le fait que le probable n’est pas souhaitable…