En 2006 le courant social-démocrate était en avance d’une élection sur la vieille idéologie PS, il l’est toujours

Martine Aubry s’est déclarée ouverte à l’idée d’une politique qui tracerait une voie de sortie du nucléaire. Grande nouveauté au PS ? Retournement spectaculaire ? En fait non. Si en 2006, François Hollande alors 1er secrétaire avait bien voulu ouvrir les portes et fenêtres des idées, sans doute ce débat aurait-il eu lieu à l’époque sous l’impulsion des sociaux démocrates.

Voici quelques textes publiés à l’époque.

DANS LE LIVRE « 365 JOURS » (éditions Grasset & Fasquelle, 2006)

PAGES 218-219 (propositions lors des vœux à la presse en janvier 2006)

Axe n° 3 : Le développement durable

« Proposition 8 : Réussir le pari du postnucléaire.

Nous assistons actuellement à un accroissement de la dépendance énergétique. On l’a vu récemment avec la crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine ou l’augmentation du prix du pétrole. Nous connaissons les difficultés du nucléaire dans un pays comme le nôtre. Pour y répondre, il faut consacrer un effort de recherche massif aux questions de l’énergie propre. La France a fait dans les années 1950 le pari du nucléaire et elle l’a réussi. Elle doit aujourd’hui faire le pari du postnucléaire et le réussir. »

PAGES 270-272 Mardi 13 septembre

« En Haute-Marne et dans la Meuse, référendum local sur la question des déchets nucléaires. Situé aux confins de la Haute-Marne et de la Meuse, le site de Bure doit accueillir un centre d’enfouissement des déchets nucléaires.

La presse nous apprend aujourd’hui que les riverains demandent un référendum local à ce sujet. Nous sommes là au croisement de plusieurs sujets de société très actuels, au premier rang desquels la demande croissante de « participation ». Avec l’élévation du niveau d’éducation et d’information et les possibilités de débat offertes par l’Internet, les citoyens se forgent de plus en plus leur propre avis sur les sujets qui les préoccupent ou qui touchent leur cadre de vie. Ils veulent prendre une part directe aux décisions. Notre système démocratique ne peut manifestement plus fonctionner sur le seul principe de la délégation.

La pratique du référendum local n’est pas forcément la bonne manière de répondre à cette attente légitime, car la question est trop souvent biaisée. Dans l’exemple de Bure, il me paraît clair que personne – même parmi ceux qui approuvent globalement le choix nucléaire de la France – ne dira qu’il veut accueillir des déchets radioactifs près de chez lui, si on lui pose la question sous cette forme ! Le conflit national entre intérêt individuel et intérêt général ne peut néanmoins plus être tranché par les seuls élus. Les Français ne l’entendent plus ainsi : nous devons introduire de nouveaux instruments de consultation pour permettre la nécessaire « appropriation citoyenne » des grands sujets de société.

Le nucléaire fait typiquement partie de ces domaines où les choix semblent parfois imposés par des instances scientifiques et industrielles situées hors d’un contrôle démocratique visible par les citoyens. En ce qui concerne par exemple les déchets radioactifs le Parlement a voté en 1991 une loi – la « loi Bataille », du nom d’un de mes collègues socialistes qui en était le rapporteur. Cette loi prévoyait une longue phase d’étude permettant à la fois d’analyser les conséquences de leur enfouissement en couches profondes et d’explorer d’autres techniques de traitement des déchets. Il n’est pas sûr que ce protocole ait été parfaitement respecté. Le Parlement doit en principe se prononcer l’an prochain : il faut s’attendre à un joli débat.

L’autre question soulevée par cette affaire est bien évidemment celle de notre politique énergétique. Je suis convaincu que le choix du nucléaire a été bénéfique pour la France. Il a permis de réduire notre dépendance énergétique. Il serait parfaitement absurde de le remettre en cause du jour au lendemain. Mais je suis conscient de ce que le nucléaire ne résout pas à long terme le problème de l’accès aux ressources. Et, surtout, qu’il pose le problème épineux des déchets. Le projet Iter, qui démarre à Cadarache, permettra d’expérimenter l’utilisation d’un composé plus abondant et beaucoup moins nocif : l’hydrogène.

Mais je crois que nous devrons concentrer nos efforts des prochaines décennies sur l’ensemble des énergies propres et renouvelables. La France a réussi dans le domaine du nucléaire dès les années 1950. Elle devra réussir de la même manière dans les énergies nouvelles. Or nous sommes très en retard dans ce domaine. Je ne prendrai qu’un exemple : celui des piles à combustible qui, demain, alimenteront les moteurs électriques de nos voitures et de nos camions. C’est un enjeu décisif puisque les transports terrestres sont une des principales sources de pollution.

Que constate-t-on ? Que Toyota a pris une avance considérable avec ses voitures hybrides. Que les autres constructeurs japonais suivent. Que Peugeot continue à produire des voitures diesel. Que Renault a renvoyé le problème à Nissan ! C’est là que la détermination publique fait défaut. En France, dans ces domaines, il faut une incitation de l’Etat. »

PAGES 274-275 Vendredi 7 octobre

« Je participe à Dunkerque à un colloque sur la politique industrielle organisé en commun par Dominique Voynet et Michel Delebarre. Je veux convaincre, notamment les Verts, que l’on peut mener une politique industrielle respectueuse de l’environnement. Je veux aussi saisir l’occasion de montrer que je ne suis pas, comme certains l’imaginent parfois, un affreux « nucléocrate ».

Je ne suis évidemment pas devenu un croisé de l’antinucléaire. Je persiste à penser que la France a fait un bon choix dans les années 1950 et qu’elle continue d’en percevoir les dividendes. Je suis aussi convaincu que l’électricité d’origine nucléaire nous sera nécessaire longtemps encore. Pour beaucoup de militants Verts, cela suffirait à justifier mon excommunication. Je crois pourtant avec la même force que nous devons tout faire pour raccourcir la période pendant laquelle les réacteurs nucléaires que nous possédons nous seront encore indispensables en investissant massivement dans la recherche et le développement des énergies propres comme dans les économies d’énergie.

Dominique Voynet sait tout cela. Et c’est même pour cela qu’elle m’a invité à venir aujourd’hui. […] »

DANS UNE INTERVIEW A LIBERATION (2006)

« Le monopole privé est la pire des situations », itw au journal Libération du 7 septembre 2006 sur le projet de fusion GDF-Suez.

http://www.liberation.fr/evenement/010159722-le-monopole-prive-est-la-pire-des-situations

Et le nucléaire ?

« Il n’y a aucune raison pour que le sujet soit tabou. Nous avons un avantage en matière nucléaire que nous avons intérêt à maintenir. Sur ce sujet, je ne suis pas pour la politique de l’autruche, consistant à jouer à cache-cache avec les Verts. Il faut aller beaucoup plus loin dans la transparence, notamment sur la question lancinante des déchets et de la sécurité. »

Pourquoi la politique énergétique ne constitue-t-elle pas un sujet majeur du projet socialiste ?

« Je veux présenter aux socialistes d’abord, au pays ensuite, les grands problèmes que le président sera amené à traiter. Il y a des problèmes malheureusement traditionnels : l’emploi, le pouvoir d’achat, la solidarité. Mais il y a aussi de grands problèmes internationaux, parmi lesquels, les questions liées à l’après pétrole : l’épuisement de la ressource, son prix, ses conséquences environnementales, ainsi que ses conséquences géopolitiques notamment l’instabilité que crée la dépendance en hydrocarbures, et aussi le débat sur le nucléaire et les énergies renouvelables. La préparation de l’après pétrole me parait absolument décisive. Et cela relève du président de la République. »

Enfin, plus modestement vous trouverez d’autres références et un texte sur la place de l’écologie dans le renouveau social-démocrate créé écrit après notre échec de 2006.
En 2006, nous aurions pu être prêts, nous avions ce qu’il fallait pour gagner 2007. Souvenons-nous en pour préparer les mois qui viennent et l’élection de 2007.

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